Actu-tendance n° 669
Jurisprudence – Relations individuelles
Rappel : La prescription de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur est de 2 ans.
Il est de jurisprudence constante que cette prescription est soumise aux règles du droit commun en matière de report, de suspension et d’interruption (Cass. 2e civ., 25 juin 2009, n° 08-17.546).
La prescription de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable est interrompue lorsqu’une action pénale est engagée contre l’employeur sur les faits susceptibles d’entraîner la reconnaissance d’une faute inexcusable.
Une action en reconnaissance de la faute inexcusable dirigée contre un autre employeur peut-elle avoir un effet interruptif sur la prescription d’une autre action résultant des mêmes faits ?
Cass. 2e civ., 16 février 2023, n° 21-16.168
Dans cette affaire, un salarié employé de 1959 à 1966 par une société, puis de 1978 à 1998 par un syndicat professionnel a été reconnu atteint d’une maladie professionnelle en aout 2012.
Il engage une action judiciaire en 2 temps :
- En avril 2013, il saisit la juridiction de sécurité sociale d’une demande en reconnaissance de la faute inexcusable du syndicat professionnel.
- En octobre 2015, il met en cause la société qui l’employait avant le syndicat, devant la même juridiction.
Pour se défendre, la société invoquait la prescription de l’action du salarié.
La Cour d’appel a accueilli les demandes du salarié entrainant le pourvoi en cassation de la société en invoquant que l’action en reconnaissance de la faute inexcusable n’avait pour effet d’interrompre la prescription qu’à l’égard des actions procédant du même fait dommageable. Ainsi, selon la société, l’action introduite le 15 avril 2013 contre le syndicat professionnel ne pouvait pas avoir interrompu le cours de la prescription contre la société qui était le premier employeur : les deux actions introduites par le salarié relevaient, selon la société, de périodes d’exposition distinctes à plusieurs années d’intervalle et dans des circonstances différentes.
La Cour de cassation ne lui donne pas raison et statue en faveur du salarié.
Elle retient que « l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur interrompt la prescription à l’égard de toute autre action procédant du même fait dommageable ».
Elle conclut que la Cour d’appel a statué à bon droit après avoir constaté que l’action en reconnaissance de la faute inexcusable engagée contre le syndicat professionnel avait été introduite dans le délai de prescription de deux ans interrompant ainsi la prescription à l’égard de la société. L’action était donc recevable.
Note : Cette solution retenue par la Cour de cassation n’est pas nouvelle. Elle avait déjà statué en ce sens dans un arrêt du 19 décembre 2019 qui concernait toutefois deux sociétés du même groupe au sein desquelles le contrat de travail du salarié avait été transféré (Cass. 2e civ., 19 décembre 2019, n°18-25.333).
Rappel : La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise (Cass. soc., 27 septembre 2007, n° 06-43.867).
La Cour de cassation peut dans certaines hypothèses, tenir compte de l’ancienneté du salarié et de l’absence d’antécédent pour écarter la qualification de la faute grave (Cass. soc., 20 octobre 2016, n° 15-14.530).
Un salarié ayant 22 ans d’ancienneté et ayant fait preuve de négligence peut-il être licencié pour faute grave ?
Cass. soc., 15 février 2023, n° 22-10.398
Les faits concernaient un salarié chef de chantier, ayant 22 ans d’ancienneté. Il avait à sa charge un chantier sur lequel des salariés effectuaient des branchements électriques. En sa qualité de chef de chantier, il n’avait pas vérifié la conformité des branchements du chantier.
L’employeur après avoir constaté la non-conformité des branchements électriques, a licencié le salarié pour faute grave au vu du risque mortel que représente un branchement électrique défaillant pour la sécurité des personnes.
Le salarié a saisi la juridiction prud’homale en contestation de son licenciement.
La Cour d’appel a validé le licenciement pour faute grave en retenant qu’il entrait dans les missions du salarié de s’assurer que les opérations étaient réalisées en conformité des règles de sécurité en vigueur dont il avait parfaitement connaissance.
Elle a ajouté que si le salarié n’avait pas volontairement manqué avec les règles de conformité, c’est l’absence de vérification de la conformité des branchements qui était fautive et constituait une violation de ses obligations professionnelles d’une importance telle qu’elle rendait impossible son maintien au sein de l’entreprise.
Le salarié s’est pourvu en cassation, estimant que son licenciement relevait plutôt d’une insuffisance professionnelle et non d’une faute grave. Il soutenait que l’insuffisance professionnelle, dès lors qu’elle ne procède pas d’une abstention volontaire ou d’une mauvaise volonté délibérée, n’est pas constitutive d’une faute grave.
La Cour de cassation approuve la Cour d’appel et retient qu’il résultait des faits une négligence fautive de la part du salarié, justifiant son licenciement pour faute grave.
Note : La Cour de cassation apprécie au cas par cas la gravité des faits lorsque le licenciement est motivé par une négligence. Dans cette affaire, la Cour de cassation tient compte de l’ancienneté du salarié pour considérer que cela aggravait le degré de faute.
Rappel : Il est constant que la requalification de CDD en CDI a pour effet de replacer le salarié dans la situation qui aurait été la sienne s’il avait directement été recruté en CDI (Cass. soc., 19 mars 2014, n° 12-29.080).
Les indemnités versées au salarié à la suite de la requalification de ses CDD en CDI doivent-elles tenir compte des sommes perçues en raison de la qualité « d’intermittent » en CDD ?
Cass. soc., 8 février 2023, n° 21-17.971
Un salarié est engagé par une société en qualité de réalisateur, suivant plusieurs CDD, à compter du 28 mai 2006.
En mars 2016, il saisit la juridiction prud’homale d’une demande en requalification de ses CDD en CDI. Il sollicitait notamment un rappel de primes de sujétion, d’ancienneté et de fin d’année dont il n’avait pas bénéficié en raison de sa qualité d’intermittent.
La Cour d’appel requalifie les contrats en CDI et condamne l’employeur au paiement d’indemnités de requalification et d’arriéré de prime de sujétion.
L’employeur s’est pourvu en cassation estimant que le salarié avait été rempli de ses droits dans la mesure ou la requalification en CDI de CDD d’un travailleur intermittent lui confère rétroactivement le statut de travailleur permanent recruté dès l’origine en CDI. Or en l’espèce, en raison de sa qualité d’intermittent, le salarié avait perçu une rémunération supérieure à celle qu’il aurait perçue s’il avait été recruté depuis l’origine dans le cadre d’un CDI.
La Cour de cassation ne lui donne pas raison. Elle juge que les sommes versées au salarié « en sa qualité d’intermittent, destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée ».
Elle retient que la Cour d’appel a statué à bon droit en jugeant que le salarié pouvait prétendre à des rappels de primes d’ancienneté, de fin d’année et de sujétion que tout salarié en CDI dans l’entreprise peut percevoir, sans qu’il y ait lieu de tenir compte des sommes versées par l’employeur en exécution des divers CDD au titre du salaire de base.
Note : Cette décision de la Cour de cassation mérite d’être rapprochée avec une autre décision de la Cour de cassation rendue le même jour sur le sujet (Cass. soc., 8 février 2023, n° 21-10.270). Dans cette affaire, les juges retiennent la même solution : les sommes versées à un salarié pendant son CDD sont destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son CDD, et « lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en CDI ».
Rappel : En principe, lorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur doit rechercher un poste de reclassement en tenant compte des préconisations du médecin du travail. Cette obligation s’impose que l’inaptitude soit d’origine professionnelle, ou non.
L’article L. 1226-2-1 du Code du travail précise que « L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
Lorsqu’un employeur entame une procédure de licenciement disciplinaire à l’égard d’un salarié, la déclaration d’inaptitude du salarié par le médecin du travail empêche-t-elle ce licenciement disciplinaire ?
Cass. soc., 8 février 2023, n° 21-16.258
En l’espèce, un salarié a été convoqué, par un courrier du 24 janvier 2017, à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 7 février 2017.
La veille de l’entretien, soit le 6 février 2017, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte à son poste et précisant que son reclassement au sein de l’entreprise ou du groupe n’était pas envisageable.
Poursuivant la procédure initiée, l’employeur a tout de même procédé au licenciement disciplinaire du salarié le 16 février 2017.
Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes en contestation de son licenciement. Il soutenait qu’un salarié déclaré inapte par le médecin du travail à occuper tout poste dans l’entreprise, ne peut faire l’objet d’un licenciement disciplinaire postérieurement à l’avis d’inaptitude.
Les juges du fond ont débouté le salarié de ses demandes au motif que son licenciement, intervenu le 16 février 2017, était fondé sur une faute.
Le salarié s’est pourvu en cassation.
La Cour de cassation lui donne raison. Elle statue au visa des articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du Code du travail qui prévoient l’obligation de reclassement et la possibilité de licencier seulement en cas d’impossibilité de reclassement.
Elle précise que ces dispositions sont d’ordre public et font obstacle à ce que l’employeur prononce un licenciement pour un motif autre que l’inaptitude, peu important que la procédure de licenciement pour une autre cause ait été engagé antérieurement.
Note : Il résulte de cet arrêt que si un salarié est déclaré inapte, l’employeur qui veut le licencier doit respecter le régime du licenciement pour inaptitude, et ce même si la procédure de licenciement est engagée par ailleurs.
Il convient donc d’être particulièrement vigilant lorsque deux procédures se « télescopent » et qu’une visite chez le médecin du travail est concomitante à l’engagement d’une mesure de licenciement.
Rappel : L’obligation de loyauté découle du principe de bonne foi prévu à l’article L. 1222-1 du Code du travail selon lequel « le contrat de travail est exécuté de bonne foi ».
Cette obligation de loyauté subsiste pendant les périodes de suspension du contrat de travail, notamment en cas d’arrêt de travail causé par la maladie du salarié.
Ainsi, la Cour de cassation a pu juger que le salarié en arrêt-maladie qui exerce pendant cette période, une activité concurrente de celle de son employeur pour son propre compte manque à son obligation de loyauté (Cass. soc., 21 octobre 2003, n° 01-43.943).
En revanche, l’exercice par le salarié d’une activité non concurrente pendant un arrêt de travail ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté (Cass. soc. 26 février 2020, n° 18-10.017).
Un salarié en arrêt-maladie, et qui participe à des compétitions sportives pendant cette période, manque-t-il à son obligation de loyauté ?
Cass. soc., 1er février 2023, n° 21-20.526
Un salarié de la RATP a été révoqué pour manquement à son obligation de loyauté.
L’employeur lui reprochait d’avoir participé à des compétitions de badminton au cours de plusieurs périodes d’arrêts de travail.
Le salarié avait en effet été arrêté plusieurs fois entre août 2015 et septembre 2017 pour des blessures au coude, au poignet ou au cou. Au cours de ces arrêts, le salarié a néanmoins participé à quatorze compétitions de badminton, ce qui a entraîné la non-validation de ses périodes d’arrêts par la Caisse d’assurance maladie de la RATP.
Le salarié a saisi la juridiction prud’homale afin de contester sa révocation.
Les juges du fond ont considéré que la révocation était sans cause réelle et sérieuse car la participation du salarié à des compétitions pendant ses arrêts de travail ne constituait pas, à elle seule, un manquement à son obligation de loyauté.
La RATP a formé un pourvoi en cassation soutenant que cette participation du salarié à des activités non autorisées et manifestement incompatibles avec l’incapacité de travail à l’origine de ses arrêts de travail cause un préjudice économique et financier à l’employeur qui doit non seulement pallier l’absence du salarié mais qui en plus maintenait intégralement le salaire sur cette période.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis et approuve la Cour d’appel. Elle rappelle que l’exercice d’une activité, pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie, ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt.
Elle ajoute que dans cette hypothèse, pour fonder un licenciement, l’acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l’employeur.
Or, selon les juges, l’employeur ne démontre pas que cette participation aux compétitions sportives (badminton) aurait aggravé l’état de santé du salarié ou prolongé ses arrêts de travail (blessures au coude, au poignet et au cou).
Les juges ajoutent que le « préjudice ne saurait résulter du seul maintien intégral du salaire, en conséquence de l’arrêt de travail, assumé par l’employeur qui assure lui-même le risque maladie de ses salariés ».
Note : Dans un précédent arrêt, la Cour de cassation avait déjà considéré que le « préjudice [de l’employeur] ne saurait résulter du seul paiement par l’employeur, en conséquence de l’arrêt de travail, des indemnités complémentaires aux allocations journalières » (Cass. soc., 26 février 2020, n° 18-10.017).
Si une telle position peut paraître difficile à comprendre à première vue, il est probable qu’elle repose sur le fait que le complément aux IJSS versé par l’employeur résulte de l’arrêt de travail lui-même et non de l’activité (professionnelle ou sportive) exercée par le salarié pendant son arrêt de travail. L’autre explication pourrait être que l’employeur dispose d’une possibilité d’agir, en organisant une contre-visite médicale pour faire constater le caractère injustifié de l’arrêt de travail (voir JSL n°496-497, 05.05.2020, obs. J.-Phil. Lhernould, « A propos d’une salariée qui profite d’un arrêt de travail pour tenir boutique »).
Sauf à ce que l’activité exercée par un salarié pendant un arrêt de travail concurrence l’activité de son employeur, le licenciement du salarié est à proscrire dans l’immédiat.
Rappel : Par application de l’article L. 1233-4 du Code du travail, le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent, ne peut être réalisé dans l’entreprise ou le groupe auquel l’entreprise appartient , sur le territoire national.
Les offres de reclassement proposées au salarié doivent êtres écrites et précises.
Le reclassement doit en outre être recherché avant la décision de licenciement, au sein de la société comme au sein des sociétés du groupe entre lesquelles la permutabilité du personnel est possible.
Lorsque l’obligation de reclassement n’a pas été respectée, le licenciement économique peut être jugé sans cause réelle et sérieuse.
Un salarié peut-il prétendre au paiement de dommages-intérêts en réparation d’un préjudice moral distinct des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, lorsque le licenciement a été prononcé sans respect par l’employeur de son obligation de reclassement ?
Cass. soc., 15 février 2023, n° 21-19.711
Dans cette affaire, une salariée engagée en qualité de responsable juridique a été licenciée pour motif économique en septembre 2015.
Elle saisit la juridiction prud’homale en contestation du bien-fondé de son licenciement et en paiement de diverses sommes notamment des dommages et intérêts pour préjudice moral.
S’agissant du bien-fondé du licenciement
La salariée reprochait à son employeur de ne pas avoir recherché de manière loyale et sérieuse un poste de reclassement.
La Cour d’appel a considéré que l’employeur n’avait pas respecté son obligation de reclassement après avoir notamment constaté que la société ne justifiait pas des réponses adressées par les sociétés sollicitées à ses lettres de recherche de reclassement, mais se bornait à soutenir l’absence de poste disponible compatible avec les compétences de la salariée au sein du groupe.
L’employeur s’est pourvu en cassation. Il estimait que la preuve étant libre en matière prud’homale, il pouvait établir l’impossibilité de reclasser un salarié en produisant un extrait papier du registre unique du personnel tenu sur support informatique, dès lors que ce document comporte la date d’entrée et de sortie des salariés et fait état des embauches intervenues à une époque contemporaine du licenciement.
L’employeur n’obtient pas gain de cause et le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse.
S’agissant de la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral
La salariée sollicitait une indemnité en réparation d’un préjudice moral distinct, au motif que la rupture intervenue sans que l’employeur ait rempli son obligation de reclassement après 21 ans d’ancienneté et un investissement professionnel particulier, lui causait un préjudice.
La Cour d’appel a fait droit à cette demande en retenant que la rupture était d’autant plus déloyale que la salariée n’avait pu bénéficier, comme les comptables, d’un repositionnement mis en œuvre discrétionnairement par l’employeur.
Devant la Cour de cassation, l’employeur soutenait que « le juge ne peut accorder au salarié des dommages-intérêts au titre de la rupture du contrat, en plus de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu’à la condition de caractériser les conditions vexatoires ou brutales de la rupture et un préjudice distinct de la perte de son emploi » ; ce qui n’était pas le cas en l’espèce selon lui.
La Cour de cassation lui donne raison et juge que la Cour d’appel n’a pas caractérisé de faute de l’employeur, ce qui n’était pas de nature à justifier l’allocation d’une indemnité distincte des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En d’autres termes, la salariée ne pouvait prétendre au paiement de dommages-intérêts en réparation d’un préjudice moral distinct, faute de justifier d’un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi, et d’une faute de l’employeur dans les circonstances entourant le licenciement.
Jurisprudence – Relations collectives
Rappel : Lorsque tous les salariés d’un atelier, d’un service ou d’une équipe travaillent selon le même horaire collectif, un horaire établi selon l’heure légale indique les heures auxquelles commence et finit chaque période de travail (C. trav. art. D. 3171-1).
L’employeur affiche les heures auxquelles commence et finit le travail ainsi que les heures et la durée des repos (C. trav. art. L. 3171-1).
L’article L. 3171-2 du Code du travail dispose que « Lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Le comité social et économique peut consulter ces documents. »
L’employeur qui ne respecte pas cette obligation s’expose à des sanctions pénales. De même, l’article L. 8115-1 du Code du travail prévoit la possibilité pour l’autorité administrative, en l’absence de poursuite pénale, de prononcer une amende à l’encontre de l’employeur en cas de manquement.
L’employeur a-t-il l’obligation d’établir un décompte individuel de la durée de travail de chaque salarié, alors que ceux-ci travaillent en horaire collectif ?
CE, 1er février 2023, n° 457116
À la suite de contrôles effectués en 2017 par l’inspection du travail, la Direccte avait infligé à une société une amende d’un montant total de 47 500 euros pour avoir méconnu, concernant 95 salariés, l’obligation, applicable pour les travailleurs ne travaillant pas selon le même horaire collectif, de tenir, pour chacun d’entre eux, un décompte de la durée de travail.
L’inspection du travail a constaté lors du contrôle, que l’horaire collectif était fréquemment anticipé ou dépassé, avec des amplitudes importantes. Elle a estimé au vu de ces constats que les salariés n’exerçaient pas réellement dans le cadre d’horaires collectifs mais plutôt dans le cadre d’horaires individuels.
La société a saisi le tribunal administratif d’un recours en annulation de cette amende. Elle soutenait qu’elle n’avait pas d’obligation d’établir un décompte individuel de la durée de travail de chaque salarié dès lors que tous les salariés des sites concernés travaillaient selon le même horaire collectif de travail.
Statuant en faveur de la société, le tribunal administratif a annulé l’amende. Cette décision a été confirmée par la Cour administrative d’appel. Le ministère du travail s’est ensuite pourvu devant le Conseil d’Etat.
Le Conseil d’Etat a confirmé l’annulation de l’amende. Il a considéré que l’administration ne peut sanctionner un employeur à raison d’un manquement à l’obligation d’établir un décompte individuel du temps de travail s’agissant de salariés dont le travail est organisé selon un horaire collectif.
Le Conseil d’Etat confirme ainsi que l’obligation d’établir un décompte individuel du temps de travail ne concerne que les salariés qui ne travaillent pas selon un même horaire collectif. Il confirme également que lorsque l’horaire collectif est fréquemment anticipé ou dépassé, avec des amplitudes importantes, le caractère collectif de l’horaire n’est pas nécessairement remis en cause.
Législation et réglementation
Pour mémoire, le CDD multi-remplacement permet à un seul CDD ou un seul contrat de mission de remplacer plusieurs salariés absents, que ce soit de manière simultanée ou l’un après l’autre.
Cette mesure avait été mise en place par la loi du 5 septembre 2018 dans 11 secteurs définis par le décret n°2018-771 du 18 décembre 2019, parmi lesquels le secteur sanitaire, social et médico-social, les services à la personne ou encore les industries alimentaires.
Toutefois, selon l’exposé de l’amendement, il n’a pas été possible à l’issue de cette expérimentation d’analyser pleinement ses effets. Il est donc proposé de réactiver cette expérimentation.
La loi marché du travail a prévu de relancer ce dispositif à titre expérimental.
Ainsi, un projet de décret transmis aux partenaires sociaux définit les secteurs d’activité autorisés à mettre en œuvre cette expérimentation. Le projet de décret prévoit que 58 conventions collectives seront concernées par le dispositif au nombre desquelles figurent la CCN relative au secteur sanitaire et social, la CCN des entreprises des secteurs concernés initialement par le dispositif, ainsi que 9 nouvelles branches professionnelles ayant manifesté leur intérêt à la suite d’un appel à candidature lancé par le ministère du Travail (industries de fabrication mécanique du verre, mutualité, commerces de gros de l’habillement, de la mercerie, de la chaussure et du jouet, commerce de détail alimentaire non spécialisé, commerces de détail non alimentaires etc.).
Pour rappel, les actions de revitalisation de bassins d’emploi ont pour objet d’imposer aux entreprises qui mettent en œuvre une restructuration, sous la forme d’un PSE ou d’une rupture conventionnelle collective entrainant des suppressions d’emplois, de contribuer à la création d’activités et au développement des emplois et d’atténuer les effets du licenciement envisagé par les autres entreprises du bassin d’emploi.
Le préfet a ainsi compétence pour conclure la convention de revitalisation (C. trav., art. L. 1233-57-21).
Un projet de décret transmis aux partenaires sociaux le 7 février 2023 vise à adapter, clarifier et sécuriser les modalités de mise en œuvre des conventions locales et des conventions cadres-nationales de revitalisation.
Ainsi, le projet de décret prévoit notamment de :
- prolonger d’un mois le délai dont dispose l’autorité administrative pour assujettir l’entreprise à l’obligation de revitalisation ; le délai passera ainsi de un à deux mois.
- compléter « la définition de la notion de déséquilibre du bassin d’emploi afin de permettre aux services de l’Etat de mieux le caractériser» ;
- mettre à jour la composition des instances participant au suivi et à l’évaluation de la mise en œuvre de la revitalisation.
En outre, le projet précise qu’en cas de cession de biens par l’entreprise assujettie, la valorisation de cette cession ne pourra dépasser 30% du montant total de la contribution.
Le texte précise également que l’annulation de la décision d’homologation ou de validation du PSE ou de la RCC n’entrainera pas la nullité de la décision d’assujettissement si les ruptures de contrats sont déjà intervenues.
Enfin, le texte prévoit également la possibilité pour l’autorité administrative d’émettre un titre de perception national en cas d’échec des discussions avec l’entreprise.