Représentants de proximité : premières précisions sur les modalités de contestation de leur désignation Représentants de proximité : premières précisions sur les modalités de contestation de leur désignation

La Cour de cassation apporte pour la première fois des précisions sur les représentants de proximité, en rappelant les modalités de contestation de leur désignation (Cass. Soc., 1er février 2023, n°21-13.206).
Virginie Audet, avocat associé et Jean-Baptiste Gigon, avocat collaborateur au sein du cabinet Actance reviennent sur la portée de cette décision.

Rappel des règles applicables en la matière et éléments de contexte

Les représentants de proximité n’ont d’existence que si un accord collectif le prévoit. En effet, l’article L.2313-7 du Code du travail énonce qu’un accord d’entreprise peut prévoir la mise en place de représentants de proximité et que cet accord doit définir le nombre, les attributions, les modalités de désignation et les modalités de fonctionnement de ces derniers.

Pour rappel, cet accord doit être conclu dans les mêmes conditions que l’accord portant sur la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts. Dès lors, l’accord doit être majoritaire et ne saurait être validé par l’organisation d’un référendum.

Si les représentants de proximité ont trouvé un écho favorable auprès des entreprises dans le cadre de la mise en place de leur CSE, de nombreuses interrogations sont apparues en pratique, en lien avec l’absence de règles fixées par la loi et la liberté totale laissée aux négociateurs sur le sujet.

C’est dans ce contexte que la Cour de cassation est venue préciser pour la première fois les modalités de contestation de désignation des représentants de proximité.

En l’espèce, il était question de l’entreprise FNAC qui avait, notamment, mis en place 4 sièges de représentants de proximité par voie d’accord collectif sur le site de BERCY. L’ensemble des représentants avait été désigné sous l’étiquette CFTC. Suite à la démission d’un représentant de proximité, le Comité social et économique de la FNAC désignait un nouveau représentant, sans appartenance syndicale, dans le cadre d’une réunion en visioconférence.

La CFTC saisissait alors le Tribunal judiciaire de Paris par voie de requête, sans avocat, aux fins d’annulation de la désignation dudit représentant, invoquant le non-respect des règles prévues par l’accord collectif en vigueur.

En défense, le CSE ainsi que plusieurs salariés demandaient au Tribunal judiciaire de se déclarer incompétent au profit du Tribunal judiciaire de Créteil, et de dire irrecevable les demandes formées par le syndicat en lien avec son mode de saisine.

Aux termes de son arrêt en date du 1er février 2023, la Cour de cassation devait répondre à deux interrogations :

  • Le tribunal judiciaire doit-il être saisi d’une demande en annulation de la désignation d’un représentant de proximité par voie d’assignation ou par voie de requête ?
  • En cas de désignation d’un représentant de proximité par visioconférence, quel est le tribunal compétent pour statuer sur la demande en annulation de ce représentant ?

La contestation de la désignation des représentants de proximité se fait par voie de requête, sans représentation obligatoire

Pour dire que la contestation de la désignation des représentants de proximité doit être faite par voie de requête devant le Tribunal judiciaire, la Cour de cassation raisonne par analogie.

La Cour de cassation rappelle en effet que le Tribunal judiciaire est saisi par requête des contestations portant sur l’électorat et la régularité des opérations électorales ainsi que sur la désignation des représentants syndicaux (Article R. 2314-24 du Code du travail). De même, sur le fondement des textes du Code de l’organisation judiciaire, elle précise que le Tribunal judiciaire connait notamment des contestations relatives à la désignation des membres du comité social et économique et des délégués syndicaux.

Enfin, la Cour de cassation fait référence à l’article 761 2° du Code de procédure civile, lequel prévoit que les parties sont dispensées de constituer avocat en cas de litige devant le Tribunal judiciaire lorsque celui-ci a à connaitre des contestations relatives à l’élection des membres de la délégation du personnel au CSE notamment.

Selon la Cour de cassation, il résulte de l’application combinée de ces différents textes que la contestation de la désignation des représentants de proximité doit être formée devant le Tribunal judiciaire, statuant sur requête, et sans que la représentation soit obligatoire.

La Haute juridiction justifie sa décision en avançant que les représentants de proximité sont membres du comité social et économique « ou désignés par lui ».

Ainsi, il apparaît clairement que la Cour assimile les représentants de proximité, s’agissant des modalités de contestation de leur désignation, aux autres acteurs du dialogue social de l’entreprise.

Cette harmonisation des règles présente un vrai intérêt opérationnel.

Est compétent pour statuer sur la contestation de la désignation des représentants de proximité le Tribunal judiciaire du lieu où la désignation est destinée à prendre effet

Dans un deuxième moyen, le CSE ainsi que les salariés défendeurs estimaient que le recours à la visioconférence pour la désignation du représentant de proximité ne pouvait faire échec à la compétence du Tribunal judiciaire qui aurait été territorialement compétent si la réunion avait eu lieu en présentiel, soit celui du lieu des élections, en l’occurrence le Tribunal judiciaire de Créteil.

Pour dire que le tribunal compétent territorialement est le Tribunal judiciaire du lieu où la désignation est destinée à prendre effet, peu important les modalités de cette désignation, la Cour de cassation fait appel à l’esprit de la loi.

En effet, les représentants de proximité ont vocation à exercer leur mandat au niveau du périmètre du site sur lequel ils sont désignés par le CSE.

C’est donc fort logiquement que la Cour de cassation considère que le Tribunal judiciaire de ce ressort était compétent, en l’occurrence celui de Paris.

Enfin, à toutes fins utiles, notons que vraisemblablement, à la lecture de l’arrêt, la CFTC saisissait le Tribunal judiciaire le 29 décembre 2020 alors que les représentants étaient désignés depuis le 10 décembre 2020.

On peut s’étonner de ce délai dans la mesure où pour rappel, la contestation de la désignation d’un délégué syndical, voire même de l’élection d’un membre du CSE doit être initiée dans les quinze jours suivants ladite désignation ou ladite élection (Articles L.2143-8 et R.2314-24 du Code du travail).

Nous restons à votre disposition pour vous accompagner dans le cadre de vos processus de renouvellement de vos instances représentatives du personnel.

Virginie Audet
Avocate associée | +33 (0)144 94 96 00 | societe@actanceavocats.com | + posts

Virginie Audet est avocat depuis 2007 et a rejoint le Cabinet Actance en 2013 après avoir exercé au sein du Département Droit social du Cabinet Fidal. Elle est diplômée du DESS Droit et Pratique des Relations de Travail de l’Université de Toulon. Elle apporte aujourd’hui son expertise en conseil à nos clients en les accompagnant dans leur prise de décision et dans la définition de leur stratégie en matière de relations sociales et de gestion des ressources humaines. Elle dispose d’une solide expérience dans l’animation de formations auprès des DRH, services juridiques et managers, et assure également la gestion des contentieux.

Jean-Baptiste Gigon
Avocat | Website | + posts