Désignation d’un Délégué Syndical au niveau d’une personne morale dans le cadre d’une UES : la Cour de cassation précise le périmètre d’appréciation des conditions de représentativité Désignation d’un Délégué Syndical au niveau d’une personne morale dans le cadre d’une UES : la Cour de cassation précise le périmètre d’appréciation des conditions de représentativité
A l’occasion d’un arrêt remarqué, rendu le 14 décembre 2022, la Cour de cassation est venue préciser la manière dont la représentativité syndicale devait être appréciée pour la désignation d’un délégué syndical (« DS ») au niveau de la société, lorsque dans le cadre d’une Unité Economique et Sociale (« UES »), plusieurs sociétés sont regroupées en établissements distincts pour la désignation des CSE.
Chloé Bouchez, avocat associé et Pauline Dupont, avocat, reviennent sur cet arrêt publié au Bulletin de la Cour de cassation (Cass. soc., 14 décembre 2022, n°21-15.585).
Dans cette affaire, la société mère d’un groupe de sociétés et ses filiales constituaient une UES.
Dans ce cadre, un accord relatif au dialogue social conclu au niveau de l’UES prévoyait, notamment, que parmi les filiales, deux d’entre elles étaient regroupées en trois établissements distincts pour la mise en place des CSE d’établissement.
Selon ce même accord, la désignation des DS devait s’effectuer sur le périmètre de chacune des deux sociétés, entité juridique, et non pas au niveau de chaque établissement distinct.
A la suite des élections professionnelles qui se sont tenues dans les trois établissements distincts, un syndicat ayant obtenu plus de 10% des suffrages exprimés au premier tour des élections au sein de l’un de ces établissements, a désigné un salarié d’une des deux sociétés en qualité de DS de ladite société. La société a alors contesté cette désignation devant le tribunal judiciaire, estimant que la représentativité syndicale pour la désignation des DS devait être appréciée non pas au niveau d’un des établissements distincts mais au niveau de la société.
La question posée aux juges était notamment de savoir si les conditions de représentativité syndicale pour désigner les DS devaient s’apprécier au niveau d’un des établissements distincts sur lequel a été élu un CSE ou au niveau du périmètre de désignation du DS, en l’occurrence, la filiale.
De manière sous-jacente se pose également la question des modalités pratiques du calcul de la représentativité dès lors que le périmètre de l’établissement distinct et celui de la désignation du DS sont différents et que l’accord sur le dialogue social n’apportait pas, semble-t-il, de précision sur le sujet.
En première instance, le tribunal judiciaire avait considéré que dès lors que les conditions de représentativité syndicale étaient remplies au niveau seulement d’un des établissements distincts, la désignation du DS au niveau de la société était valable.
Or, dans son arrêt du 14 décembre 2022, la haute juridiction prend le contre-pied de la position des premiers juges en affirmant que lorsque la désignation d’un délégué syndical s’effectue sur le périmètre d’une société, laquelle est constituée, avec une autre société de trois établissements distincts, la représentativité syndicale doit s’apprécier « en additionnant la totalité des suffrages obtenus lors des élections au sein de ces différents établissements ».
A travers cette décision, la Cour de cassation semble instituer le respect d’un parallélisme entre le périmètre de désignation des DS et le niveau d’appréciation de la représentativité syndicale pour cette désignation.
Ce parallélisme implique ainsi la prise en compte des résultats aux élections professionnelles au sein des différents établissements.
Cependant, en retenant que les conditions de représentativité s’apprécient « en additionnant la totalité des suffrages obtenus lors des élections au sein de ces différents établissements », la Cour de cassation ne précise pas expressément si ces résultats doivent s’apprécier au niveau de la société ou des deux filiales confondues.
Si le fait de prendre en compte les résultats, tout établissement confondu, mais en se limitant aux résultats obtenus sur la filiale nous parait l’hypothèse la plus cohérente juridiquement, cette solution pose néanmoins des difficultés pratiques dès lors qu’il apparait peu aisé « d’isoler » les résultats au niveau de chaque filiale.
A l’inverse, l’addition des résultats obtenus dans les différents établissements ne permet pas d’apprécier précisément la représentativité syndicale au niveau de chaque société personne morale.
L’arrêt de la Cour de cassation reste assez imprécis sur ce point, mais en l’absence de précisions, celle-ci semble suivre l’argumentaire présenté par la société demanderesse et retenir ainsi que les résultats s’apprécient en additionnant les suffrages de tous les établissements distincts, sans distinguer les sociétés. Cette solution devrait limiter les difficultés pratiques de mise en œuvre du calcul de la représentativité.
Ce point devrait néanmoins être confirmé par la Cour de cassation.
Afin d’éviter les difficultés d’interprétation, les modalités de calcul de la représentativité devraient être établies précisément dans l’accord de Dialogue social, fixant le périmètre de désignation des DS.
Chloé Bouchez
Chloé BOUCHEZ a exercé 1 an au sein du cabinet Barthélémy & Associés et a participé à la création du cabinet Actance. Elle est titulaire du Master II en Droit social de l’Université Panthéon-Assas et du Certificat de spécialisation en droit du travail. Elle accompagne les groupes et entreprises de dimension nationale et internationale sur toutes les problématiques liées aux relations collectives et individuelles du travail, et anime régulièrement des formations. Elle est amenée à travailler en Français et en Anglais. Elle dispose également d’une forte expérience dans la gestion des pré-contentieux et des contentieux à risque.