Actu-tendance n° 654

Jurisprudence – Relations individuelles

Rappel : Les conditions et délais d’information de l’employeur par le salarié sur sa demande de congé sabbatique (ou congé sans solde), sur la date de son départ et sur la durée envisagée de ce congé sont déterminés par une convention ou un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, une convention ou un accord de branche (art. L. 3142-32 du code du travail).
A défaut de dispositions conventionnelles, le salarié informe l’employeur, par tout moyen conférant date certaine, au moins 3 mois à l’avance, de la date de départ en congé choisie et de la durée de ce congé (art. L. 3142-34 et D. 3142-19 du même code).
L’employeur informe le salarié soit de son accord sur la date de départ choisie par l’intéressé, soit du report de cette date, soit de son refus (art. L. 3142-30 du même code).
L’employeur informe le salarié de sa réponse, par tout moyen conférant date certaine, dans un délai de 30 jours à compter de la présentation de la lettre de demande du salarié (art. D. 3142-18 du code du travail).
Il est recommandé à l’employeur de transmettre sa réponse au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) ou par lettre remise en main propre contre décharge.
En cas d’absence de réponse de l’employeur dans le délai de 30 jours, son accord est réputé acquis (art. L. 3142-30 du même code).
Le salarié peut-il, malgré le refus de son employeur, s’absenter pour congé sabbatique au motif qu’il a respecté les dispositions conventionnelles applicables ?

Cass. soc., 28 septembre 2022, n° 21-11.820

Dans cette affaire, un salarié a été licencié pour faute grave pour avoir pris un congé sabbatique, malgré le refus de son employeur et la mise en demeure de reprendre ses fonctions.

Contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud’homale. Il soutenait que son licenciement était injustifié dans la mesure où il avait respecté les dispositions conventionnelles applicables en matière de congé sans solde.

En l’espèce, les dispositions de la CCN prévoyaient qu’ « un congé sans solde de 1 an  maximum non renouvelable sera accordé à un salarié pour convenances personnelles sous réserve d’un préavis de 2 mois ».

En l’espèce, le salarié avait notifié, le 4 avril 2016, une première demande de congé sans solde pour la période du 26 août au 8 octobre 2016 puis, le 13 juin 2016, une seconde demande pour un congé du 17 août au 10 novembre 2016. Il avait dès lors respecté le délai de préavis de 2 mois.

La Cour d’appel a rejeté la demande du salarié et a confirmé le licenciement pour faute grave au motif que le salarié ne pouvait pas s’absenter pour congé sans solde alors qu’il avait eu connaissance, le 2 août 2016, de la réponse défavorable de son employeur.

La Cour a jugé que la réponse de l’employeur était intervenue « en temps utile ».

La Cour de cassation confirme la décision d’appel considérant que « le congé sans solde, qui est un congé exceptionnel pour convenances personnelles demandé par le salarié sous réserve du respect d’un délai de préavis, est subordonné à l’autorisation de l’employeur ».

Autrement dit, l’autorisation de l’employeur, pour la prise d’un congé sans solde, est nécessaire même si les dispositions conventionnelles ne la prévoient pas expressément et si le salarié a respecté la procédure conventionnelle prévue.

Note : Dans les entreprises de moins de 300 salariés, l’employeur peut refuser le congé sabbatique s’il estime après avis du CSE  que ce congé aura des conséquences préjudiciables à la bonne marche de l’entreprise (art. L. 3142-29 du Code du travail).

Le refus de l’employeur d’accorder un congé sabbatique est notifié au salarié par tout moyen conférant date certain (art. D. 3142-15 du même code).

Dans les entreprises de plus de 300 salariés, l’employeur ne peut refuser la demande de congé sabbatique que si le salarié ne remplit pas les conditions pour en bénéficier (ancienneté insuffisante, demande de départ en congé dans un délai trop court).

Le salarié peut contester le refus de l’employeur dans les 15 jours suivant la notification de la réponse de ce dernier (art. D. 3142-16 du code du travail). Il agit devant le Conseil de prud’hommes qui statue en dernier ressort (art. R. 3142-17 du code du travail).

Rappel : Une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise.
La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.
La période d’astreinte fait l’objet d’une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos (art. L. 3121-9 du Code du travail).
A contrario, si le salarié se tient à la disposition de l’employeur, sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, il n’est pas en astreinte, mais en situation de travail effectif (Cass. soc., 2 juillet 2014, n° 13-11.940).
La durée de travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles (art. L. 3121-1 du Code du travail).
Un délai très court pour permettre l’intervention d’un salarié placé en astreinte justifie-t-il la requalification de cette période en temps de travail effectif ?

Cass. soc., 26 octobre 2022, n° 21-14.178

Un salarié, occupant les fonctions de dépanneur de véhicules, assurait notamment une permanence pour intervenir sur une portion délimitée de l’autoroute. Il était alors placé en astreinte.

Le salarié a saisi le Conseil de prud’hommes pour solliciter notamment le paiement d’un rappel d’heures supplémentaires. A ce titre, il demandait la requalification de certaines périodes d’astreinte en temps de travail effectif.

En effet, selon lui, les périodes d’astreinte correspondaient, en réalité, à du temps de travail effectif. La CCN applicable prévoyait que le salarié « était tenu de se tenir en permanence ou à proximité immédiate des ou dans les locaux de l’entreprise, en dehors des heures et jours d’ouverture, afin de répondre sans délai à toute demande d’intervention ». Le salarié était muni d’un téléphone et intervenait à la demande d’un dispatcheur affecté à la réception continue des appels d’urgence.

La Cour d’appel l’a débouté de sa demande estimant que les périodes litigieuses étaient des astreintes et non pas du temps de travail effectif.

Dans le cadre de son pourvoi en cassation, le salarié soutenait qu’en raison du court délai d’intervention qui lui était imparti pour se rendre sur place après l’appel, il se trouvait « en permanence à la disposition de son employeur » et ne pouvait donc vaquer à ses occupations personnelles.

La Cour de cassation casse la décision des juges du fond sur le fondement :

  • des articles L. 3121-1 et L. 3121-5 du code du travail (devenu L. 3121-9 du même code) ;
  • de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE 9 mars 2021, C-344/19 et C-580/19).

En effet, la CJUE juge que relèvent :

  • de la notion de « temps de travail effectif », les périodes de garde, y compris celles sous le régime d’astreinte, au cours desquelles les contraintes imposées au salarié sont d’une nature telle qu’elles affectent objectivement et très significativement la faculté, pour ce dernier, de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts.
  • de la notion d’astreinte, les périodes pendant lesquelles les contraintes imposées au travailleur au cours d’une période de garde déterminée n’atteignent pas un tel degré d’intensité et lui permettent de gérer son temps et de se consacrer à ses propres intérêts sans contraintes majeures.

La Cour de cassation applique en l’espèce le raisonnement de la CJUE.

En effet, au regard du court délai imparti au salarié pour intervenir après l’appel, la Cour d’appel aurait dû vérifier si « le salarié avait été soumis, au cours de cette période, à des contraintes d’une intensité telle qu’elles avaient affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement au cours de cette période, le temps pendant lequel ses services professionnels n’étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles ».

Cette affaire est renvoyée devant une autre Cour d’appel qui appréciera si le niveau de contrainte imposé au salarié était de nature à entrainer la requalification de l’astreinte en temps de travail effectif.

Note : Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle la distinction entre la notion de temps de travail effectif et celle d’astreinte.

Il convient à l’employeur de porter une attention particulière aux modalités de mise en place de l’astreinte des salariés concernés et notamment aux délais d’intervention qui leurs sont imposés en veillant à ce qu’ils ne soient pas en permanence à la disposition de l’employeur pendant les périodes d’astreinte, afin d’éviter que celles-ci ne soient considérées comme du temps de travail effectif et rémunérées comme tel.

Plus généralement, si les contraintes liées à l’astreinte sont trop importantes pour le salarié, l’empêchant de vaquer à ses occupations personnelles, les périodes d’astreinte deviennent du temps de travail effectif.

Rappel : En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures supplémentaires, l’article L. 3171-4 du Code du travail précise que la charge de la preuve est partagée entre l’employeur et le salarié.
Le salarié doit présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié (Cass. soc., 18 mars 2020, n° 18-10.919).
La Cour de cassation a considéré comme suffisamment précis les éléments suivants fournis par le salarié à l’appui de sa demande:
  • les décomptes d’heures supplémentaires produits sur plusieurs années, assortis d’aucun autre document (Cass. soc., 26 janvier 2022, n° 19-25.781) ;
  • un listing informatique reconstituant ses horaires de travail sur plusieurs semaines et un planning informatique portant sur un mois type (Cass. soc., 25 novembre 2020, n° 19-10.884).
Au vu de l’ensemble des éléments fournis par le salarié et l’employeur, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Quels éléments « suffisamment précis » le salarié peut-il produire à l’appui de sa demande ?  Les heures supplémentaires réalisées par le salarié, sans l’autorisation expresse de l’employeur, doivent-elles être rémunérées ?

Cass. Soc., 28 septembre 2022, n° 21-13.496

En l’espèce, la Cour d’appel a rejeté la demande formé par le salarié de paiement de 31 heures supplémentaires qu’il aurait réalisées chaque semaine pendant 3 ans.

Elle a considéré que les éléments présentés par le salarié étaient insuffisamment précis. En effet, selon elle, :

  • les mails envoyés au salarié tôt le matin ou tard le soir n’avaient pas pour objectif d’obtenir un travail immédiat, mais uniquement de le prévenir des rendez-vous convenus pour les jours à venir ;
  • les attestations affirmant que les clients pouvaient prendre rendez-vous de 9h à 21h du lundi au samedi, voire le dimanche si besoin étaient imprécises ;
  • le tableau récapitulatif d’heures supplémentaires indiquant qu’il réalisait 31 heures supplémentaires toutes les semaines pendant 3 ans n’apparaissait pas crédible en raison de la nature fluctuante de l’activité du salarié.

Pour les juges, ces éléments ne permettaient pas de connaître le détail des heures que le salarié aurait effectivement réalisées.

A tort selon la Cour de cassation, qui a considéré qu’il résultait des constatations de la Cour d’appel que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre.

La Haute juridiction reproche à la Cour d’appel d’avoir fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié.

Par ailleurs, la Cour d’appel rejette également le paiement des heures supplémentaires au motif que le salarié n’avait :

  • jamais sollicité auprès de son supérieur hiérarchique une autorisation d’exécuter ces heures ;
  • pas évoqué auprès de son employeur la nécessité dans laquelle il se serait trouvé de réaliser un nombre conséquent d’heures supplémentaires pour atteindre ses objectifs.

La Cour de cassation casse également l’arrêt sur ce point considérant que « l’absence d’autorisation préalable n’excluait pas en soi un accord tacite de l’employeur à la réalisation d’heures supplémentaires ».

Note : Il s’agit d’une confirmation de jurisprudence de la Cour de cassation. Les juges considèrent en effet que constituent des heures supplémentaires, les heures de travail :

  • effectuées à la demande de l’employeur;
  • effectuées avec l’accord implicite de l’employeur. A titre d’exemple, un employeur informé du surcroît d’activité auquel doit répondre une salariée et qui ne revoit pas l’organisation de l’entreprise pour la soulager est considéré comme ayant donné son accord implicite à l’accomplissement d’heures supplémentaires (Cass. soc., 23 janv. 2008, n° 06-43.919) ;
  • rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié (Cass. soc., 14 novembre 2018, n° 17-20.659).

Pour refuser de payer les heures supplémentaires, l’employeur doit démontrer que le salarié les a effectuées contre son avis (Cass. soc., 17 février 2010, 08-42.712)

Il est recommandé à l’employeur de mettre en place une procédure de validation en amont de la réalisation des heures supplémentaires. Néanmoins, si l’employeur en a connaissance et ne s’y oppose pas, le salarié a droit au paiement de ces heures, peu importe le non-respect de la procédure d’autorisation préalable mise en place dans l’entreprise (Cass. soc., 2 juin 2010, n° 08-40.628).

Jurisprudence – Relations collectives

Rappel : Des élections partielles sont organisées à l’initiative de l’employeur si un collège électoral n’est plus représenté ou si le nombre des membres titulaires de la délégation du personnel du CSE est réduit de moitié ou plus, sauf si ces événements interviennent moins de 6 mois avant le terme du mandat des membres de la délégation du personnel du CSE.​
Les élections partielles se déroulent dans les conditions fixées à l’article L. 2314-29 pour pourvoir tous les sièges vacants dans les collèges intéressés, sur la base des dispositions en vigueur lors de l’élection précédente (art. L. 2314-10 du Code du travail).
Dans le cadre des élections partielles, la représentation équilibrée entre les femmes et les hommes sur les listes électorales s’apprécie-t-elle au regard des dispositions du PAP négocié lors des élections initiales ? Le respect de la parité pour la liste du syndicat s’apprécie-t-elle à chaque dépôt de la liste, lors de l’élection initiale et de l’élection partielle ?

Cass. soc., 9 novembre 2022, n° 21-60.183

Un protocole d’accord préélectoral (PAP) a été signé, par une société et 3 organisations syndicales, en vue de la mise en place du CSE, prévoyant un collège unique, dont les proportions de femmes et d’hommes étaient respectivement de 28,1 % et de 71,9 %.

Les élections ont eu lieu en 2019 et 12 sièges étaient à pourvoir.

Le nombre de membres titulaires ayant été réduit de moitié, la société a organisé en 2021 des élections partielles afin de pourvoir 6 postes de titulaires et 12 de suppléants.

Un syndicat a alors déposé une liste de 4 candidats, tant pour les titulaires que pour les suppléants, composée uniquement d’hommes. A l’issue du 2nd tour, ont été élus un titulaire et 3 suppléants.

La société a saisi le Tribunal judiciaire en annulation de ces élections, au motif que les listes ne respectaient pas les règles de la représentation proportionnée entre les femmes et les hommes.

Le Tribunal a fait droit à sa demande après avoir retenu que l’appréciation du respect de la règle de parité devait s’apprécier lors des élections partielles.

La Cour de cassation valide cette décision en application de l’article L. 2314-10 du Code du travail précité.

Elle rappelle également que « lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir, les organisations syndicales sont tenues de présenter une liste conforme à l’article L. 2314-30 du code du travail, c’est-à-dire respectant la proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré et devant comporter au moins un candidat au titre du sexe sous-représenté. Lorsque l’application des règles de proportionnalité et de l’arrondi à l’entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5 conduit, au regard du nombre de sièges à pourvoir, à exclure totalement la représentation de l’un ou l’autre sexe il résulte de l’article précité que les listes de candidats peuvent comporter un candidat du sexe sous-représenté, sans que les organisations syndicales y soient tenues. Les dispositions de l’article L. 2314-30 du code du travail étant d’ordre public absolu, le protocole préélectoral ne peut y déroger ».

En l’espèce, le juge a relevé que le syndicat avait présenté, lors des élections partielles, des listes incomplètes composées de 4 hommes. Ces listes comportaient un homme en surnombre au regard de la proportion de femmes et d’hommes figurant dans le PAP établi pour les élections initiales.

En conséquence, le tribunal judiciaire en a déduit, à bon droit, qu’il convenait d’annuler l’élection du dernier élu du sexe surreprésenté sur la liste des titulaires et sur la liste des suppléants.

Ainsi, les règles de représentation équilibrée des femmes et des hommes doivent être respectées en cas d’élections partielles des membres du CSE et s’apprécient au regard du PAP établi pour les élections initiales.

Note : Le respect de la règle de parité femmes/hommes dans l’établissement de la liste électorale par les syndicats s’apprécie donc à chaque dépôt de liste, lors des élections initiales et des élections partielles.

Pour mémoire, le principe de parité ne s’applique qu’aux listes de candidats présentées par une OS. ​Les candidats libres peuvent présenter, au 2nd tour, des listes ne respectant pas ce principe (Cass. soc., 25 novembre 2020, n° 19-60.222).

Rappel : En vertu de l’article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.
Pour les salariés protégés, le transfert ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail (art. L. 2414-1 du Code du travail).
Quels éléments sont contrôlés par l’Administration en cas de transfert du contrat de travail d’un salarié protégé en application de l’article L. 1224-1 du code du travail, lorsque l’entité économique autonome résulte de deux parties d’entreprises distinctes d’un même groupe ?

CE., 28 octobre 2022, n° 454355

Dans cette affaire, la société A, appartenant au groupe X, a sollicité le transfert du contrat de travail de plusieurs salariés protégés dans le cadre de la cession à la société B de l’activité de recherche et développement des logiciels embarqués.

Ces transferts ont été autorisés par le Ministre du travail.

Plusieurs salariés protégés ont saisi le juge administratif pour contester cette décision, estimant que le groupe X ne pouvait appliquer l’article L. 1224-1 du code du travail dans la mesure où le transfert des moyens d’exploitation matériels et humains résultait de 2 entités distinctes (société C et société A).

La Cour administrative d’appel, approuvée par le Conseil d’Etat, rejette leurs arguments et valide les transferts.

Le Conseil d’Etat rappelle que l’Administration doit vérifier, lorsqu’elle est saisie d’une demande d’autorisation du transfert du contrat de travail d’un salarié protégé dans le cadre d’un transfert d’entreprise, que « les dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail sont applicables au transfert partiel d’entreprise ou d’établissement en cause, ce qui suppose qu’il concerne une entité économique autonome ».

Ainsi, la Cour rappelle que constitue une entité économique autonome « un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels et incorporels permettant l’exercice d’une activité qui poursuit un objectif propre, conservant son identité, et dont l’activité est poursuivie par le nouvel employeur ».

Elle ajoute qu’une entité économique autonome au sens de l’article L. 1224-1 du code du travail peut être issue de « plusieurs parties d’entreprises distinctes d’un même groupe ».

Lorsque les dispositions de l’article L. 1224-1 sont applicables, l’autorité administrative doit contrôler que le salarié protégé susceptible d’être transféré ne fait pas l’objet à cette occasion d’une mesure discriminatoire. A ce titre, elle doit s’assurer :

  • d’une part, que le contrat de travail du salarié protégé est en cours au jour de la modification intervenue dans la situation juridique de l’employeur,
  • d’autre part, que ce salarié exerce ses fonctions dans l’entité transférée.

Pour les juges, l’activité de recherche et développement des logiciels embarqués, développée par les sociétés A et C, sur les 2 sites différents, constitue une activité autonome, distincte des autres activités exercées par le groupe X dans la mesure où :

  • elle est dotée d’équipes dédiées dont l’expertise est spécifique,
  • elle poursuit un objectif propre,
  • les fonctions support nécessaires à l’exercice de cette activité ont été transférées, ainsi que les moyens corporels et incorporels spécifiquement affectés à l’activité de recherche et développement des logiciels embarqués, tels les équipements et les licences informatiques, le matériel de laboratoire audio encore utilisé, les baux et les contrats de maintenance, de sous-traitance ainsi que les contrats conclus avec les fournisseurs.

Les juges en ont déduit que cette activité de recherche et développement des logiciels embarqués devait être regardée comme un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels et incorporels permettant l’exercice d’une activité économique poursuivant un objectif propre.

Ainsi, dès lors que l’existence d’une entité économique autonome, susceptible de faire l’objet d’un transfert au sens de l’article L. 1224-1 du code du travail, a été caractérisée, le juge n’est pas tenu de rechercher « si l’intégralité des salariés affectés à cette entité avaient été transférés ».

Pour le Conseil d’Etat, la Cour administrative d’appel a jugé à bon droit que « quand bien même l’activité de certains salariés avait été temporairement interrompue et l’organisation des équipes quelque peu modifiée », l’activité transférée avait « conservé son identité et avait été effectivement poursuivie ».

Il en résulte en l’espèce que le transfert des contrats de travail des salariés protégés était valable.

Note : Dans une seconde affaire datée du même jour et portant sur la même opération de cession, l’inspecteur du travail, suivi par la Cour administrative d’appel, avait refusé le transfert du contrat d’un élu du personnel au motif que son contrat de travail était suspendu d’un commun accord avec son employeur, dans le cadre d’une mesure de « reclassement externe anticipé ».

Le Conseil d’État censure cette analyse et rappelle le rôle de l’administration dans le cadre d’une demande d’autorisation de transfert du contrat d’un salarié protégé.

Il ajoute que le fait que le contrat de travail du salarié protégé soit suspendu ne fait pas obstacle au transfert (CE, 28 octobre 2022, n° 454338).

Législation et réglementation

La commission mixte paritaire (CMP) a trouvé un compromis sur le projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein-emploi dite loi « Marché du travail », le 9 novembre 2022.

Le projet de loi a été adopté par l’Assemblée nationale le 15 novembre et par le Sénat le 17 novembre 2022.

Au moment de la diffusion de cette actu-tendance, nous ne disposons pas encore du texte définitif de la loi. Nous ne manquerons pas de faire un point sur son contenu dans une prochaine actu-tendance.

Dans le texte tel qu’adopté par la CMP, la plupart des dispositions sont restées inchangées, à savoir :

  • la présomption de démission en cas d’abandon de poste,
  • l’intégration dans la loi de la possibilité de moduler l’indemnisation du chômage en fonction de la conjoncture;
  • l’extension de la qualité d’électeur aux salariés assimilés à l’employeur;
  • la réactivation de l’expérimentation des CDD multi-remplacement ;
  • le déplafonnement de la durée des missions en CDI intérimaire ;
  • les nouvelles dispositions relatives à la VAE.

En revanche, les mesures suivantes ont été modifiées :

  • Suppression de l’assurance chômage en cas de refus de 2 CDI

Lorsqu’un demandeur d’emploi a reçu au cours des 12 mois précédents au moins 2 propositions de CDI à l’issue d’un CDD ou d’un contrat d’intérim, le bénéfice de l’assurance chômage ne pourrait lui être ouvert que s’il a été employé dans le cadre d’un CDI au cours de la même période.

Cette proposition de CDI devrait concerner le même emploi, ou un emploi similaire, assorti d’une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail.

Ces dispositions ne s’appliqueraient pas lorsque la dernière proposition adressée au demandeur d’emploi n’est pas conforme aux critères prévus par le projet personnalisé d’accès à l’emploi, si celui-ci a été élaboré antérieurement à la date du dernier refus pris en compte.

L’employeur serait tenu de notifier par écrit la proposition de CDI au salarié en CDD ou à l’intérimaire. En cas de refus, il devrait informer Pôle emploi en justifiant du caractère similaire de l’emploi proposé.

Un décret devrait fixer les modalités d’application de ces nouvelles dispositions.

  • Fixation des règles de l’assurance chômage par décret

Selon le texte issu de la CMP, les mesures d’application des dispositions législatives relatives à l’assurance chômage sont déterminées par décret en Conseil d’État. Ces mesures seraient applicables jusqu’à une date fixée par décret, et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2023 (et non plus jusqu’au 31 août 2023) pour l’ensemble des mesures et jusqu’au 31 août 2024 pour celles relatives au bonus-malus.

La CMP a conservé l’apport du Sénat prévoyant qu’à compter de la publication de la loi, le Gouvernement engage une concertation avec les partenaires sociaux sur la gouvernance de l’assurance chômage, suivie le cas échéant d’une négociation.

  • Rétablissement du bonus-malus sur la contribution d’assurance chômage

Les modifications apportées par les sénateurs au dispositif de bonus-malus sur la contribution d’assurance chômage n’ont pas été conservées par la CMP.

Le dispositif de bonus-malus sur les contrats courts est prolongé.

Les partenaires sociaux se sont réunis le 8 novembre 2022 pour la 1ère réunion de négociation interprofessionnelle sur le partage de la valeur.

Pour mémoire, le ministre avait sollicité les partenaires sociaux sur le sujet au mois de septembre en leur adressant un document d’orientation portant 3 objectifs :

  • Généraliser le bénéfice de dispositifs de partage de la valeur pour les salariés, notamment dans les plus petites entreprises ;
  • Renforcer, simplifier et veiller à l’articulation des différents dispositifs de partage de la valeur ;
  • Orienter l’épargne salariale vers les grandes priorités d’intérêt commun.

Cette 1ère réunion a permis aux partenaires sociaux de fixer un calendrier.

Au cours de cette réunion, les partenaires sociaux ont tenté d’établir un cadre de la négociation. Les organisations syndicales ont demandé que la question des salaires soit intégrée dans le périmètre de la négociation. Cette question reste à trancher.

Dans la documentation d’orientation accompagnant l’invitation à négocier, le ministère du Travail n’avait pas évoqué la question des salaires. Il avait invité les partenaires sociaux à réfléchir autour des dispositifs existants : la participation, l’intéressement, la prime de partage de la valeur ou l’épargne salariale.

Les partenaires sociaux sont censés clôturer la négociation le 31 janvier 2023. Faute d’accord, le Gouvernement devrait reprendre la main. D’ici là, une dizaine de réunions est programmée.

Les premières devraient être consacrées à l’établissement d’un diagnostic sur ce qu’est le partage de la valeur. La deuxième réunion est prévue le 21 novembre.