Actu-tendance n° 648

Jurisprudence – Relations individuelles

Rappel : L’instauration d’une nouvelle répartition du travail sur la journée relève en principe du pouvoir de direction de l’employeur. Elle ne nécessite donc pas l’accord du salarié (Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-14.702).
En revanche, le changement des horaires constitue une modification du contrat :
  • Si les horaires de travail sont contractualisés (Cass. soc., 11 juillet 2001, n° 99-42.710) ;
  • lorsque ce changement implique un bouleversement important des conditions de travail. Tel est le cas notamment lors d’un passage d’un horaire de nuit à un horaire de jour (Cass. soc., 5 février 2001, n° 98-44.782).
Le passage progressif d’un horaire de nuit en majorité à un horaire de jour en majorité constitue-t-il une modification du contrat de travail  ?

Cass. soc., 14 septembre 2022, n° 21-13.015

Dans cette affaire, un agent de sécurité d’une agence de protection a été embauché en février 2016. Il a été élu délégué du personnel (devenu CSE) en janvier 2017.

Le 1er juin 2017, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail et a saisi le CPH afin de lui faire produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié reprochait à son employeur de lui avoir imposé un changement d’horaires, l’obligeant à travailler en majorité la journée plutôt que la nuit.

Les juges ont relevé que de février à septembre 2016, le salarié avait travaillé selon des horaires de nuit, tandis qu’à compter du mois de novembre 2016, les plannings de travail comportaient en majorité des horaires de jour, de sorte que « la proportion entre les horaires de nuit et les horaires de jour a été radicalement inversée par l’employer ».

Pour sa défense, la société faisait valoir qu’il n’y avait pas de modification du contrat de travail puisque :

  • d’une part, les horaires de travail du salarié n’étaient pas contractualisés ;
  • d’autre part, le salarié qui exerçait son activité sur des horaires diversifiés, pour partie de jour et pour partie de nuit, conservait cette diversification.

La Cour de cassation n’a pas suivi les arguments de l’employeur et a considéré que l’inversion de la proportion d’horaires de jour et d’horaires de nuit caractérisait le passage d’un horaire de travail de nuit à un horaire de travail de jour, ce qui « constituait une modification du contrat de travail nécessitant l’accord du salarié ».

Il en résulte que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié aux torts de l’employeur était justifiée.

Note : Cette décision n’est pas surprenante dans la mesure où la Cour de cassation a déjà jugé que constitue une modification du contrat de travail :

  • le passage d’un horaire partiellement de nuit en un horaire entièrement de nuit (Cass. soc., 1er juillet 2009, n° 08-43.650) ;
  • le passage, même partiel, d’un horaire de jour à un horaire de nuit (Cass. soc., 7 avril 2004, n° 02-41.486).
Rappel : Les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année ne sont pas soumis aux dispositions relatives :
1° A la durée quotidienne maximale de travail effectif prévue à l’article L. 3121-18 ;
2° Aux durées hebdomadaires maximales de travail prévues aux articles L. 3121-20 et L. 3121-22 ;
3° A la durée légale hebdomadaire prévue à l’article L. 3121-27 (art. L. 3121-62 du Code du travail).
Ces salariés bénéficient en revanche des dispositions relatives au repos quotidien et hebdomadaire, ainsi qu’aux jours fériés chômés dans l’entreprise et aux congés payés.
Un salarié en forfait annuel en jours qui a travaillé le dimanche, jours de repos hebdomadaire de l’entreprise, peut-il solliciter le paiement d’heures supplémentaires sans contester au préalable la validité de sa convention de forfait ?

Cass. soc., 21 septembre 2022, n° 21-14.106

Un salarié, en forfait jours, a saisi la juridiction prud’homale pour solliciter notamment le paiement de rappels de salaire sur les heures supplémentaires qu’il soutenait avoir effectuées en travaillant plusieurs dimanches.

Pour le salarié, les heures effectuées le dimanche étaient nécessairement « hors forfait » et devaient être rémunérées selon le droit commun.

La Cour d’appel l’a débouté de cette demande, estimant que :

  • la convention de forfait en jours était « exclusive de la notion de dépassements d’horaires » ;
  • le salarié n’alléguait ni la nullité ni l’absence d’effet à son égard de la convention de forfait en jours pour réclamer des heures supplémentaires.

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel en rappelant au visa de l’article L. 3121-48 du Code du travail (devenu L. 3121-62) que « les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée légale hebdomadaire ».

Il en résulte qu’un salarié soumis à une convention de forfait en jours dont il ne conteste pas la validité ne peut réclamer le paiement d’heures supplémentaires.

Note : Il est essentiel que l’employeur respecte et applique les dispositions de l’accord collectif prévoyant la conclusion de conventions de forfait en jours, s’agissant notamment des modalités de suivi de la charge de travail et des modalités selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur sa charge de travail, sur l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l’organisation du travail, et ce afin d’éviter la remise en cause de la validité du forfait annuel en jours exposant l’employeur à un risque de paiement d’heures supplémentaires.

Jurisprudence – Relations collectives

Rappel : Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques.
Ces difficultés économiques se caractérisent :
  • soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation,
  • soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés (art. L. 1233-3 du Code du travail).
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
  1. Un trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ;
  2. 2 trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés ;
  3. 3 trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 50 salariés et de moins de 300 salariés ;
  4. 4 trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus.
La Cour de cassation considère que la durée de la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires s’apprécie en comparant le niveau de commandes ou du chiffre d’affaires au cours de la période contemporaine de la notification de la rupture du contrat de travail à celui de l’année précédente à la même période (Cass. Soc., 1er juin 2022, n° 20-19.957).
Le juge peut-il écarter un motif économique en raison de l’absence de baisse du chiffre d’affaires et/ou des commandes conformément aux dispositions de l’article L. 1233-3 du Code du travail précité ?

Cass. soc., 21 septembre 2022, n° 20.18.511

Licencié en mars 2017 dans le cadre d’un licenciement économique collectif, un salarié saisissait le Conseil de prud’hommes pour contester le bien-fondé de la rupture de son contrat de travail.

Pour justifier de difficultés économiques, l’employeur invoquait :

  • la baisse significative des commandes et du chiffre d’affaires ;
  • des pertes subies par la société sur les 4 dernières années (2013 à 2016), avec un endettement s’élevant à 7.5 millions d’euros à fin décembre 2016 ;
  • des capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social.

Jugeant le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour d’appel reprochait à la société :

  • de ne pas justifier de sa situation à la date du licenciement en 2017, autrement qu’en évoquant des résultats prévisionnels pour 2017 ;
  • de ne pas apporter la preuve de la baisse sur 3 trimestres consécutifs courant 2016/ 1er trimestre 2017 des commandes et/ou du chiffre d’affaires, s’agissant d’une entreprise dont l’effectif est compris entre 50 et moins de 300 salariés.

La Cour d’appel en déduit que la preuve n’est pas rapportée de la réalité des difficultés économiques alléguées par l’employeur.

La Cour de cassation, saisie par l’employeur, casse l’arrêt d’appel considérant que « si la réalité de l’indicateur économique relatif à la baisse du chiffre d’affaires ou des commandes au cours de la période de référence précédant le licenciement n’est pas établie, il appartient au juge, au vu de l’ensemble des éléments versés au dossier, de rechercher si les difficultés économiques sont caractérisées par l’évolution significative d’au moins un des autres indicateurs économiques énumérés par ce texte, tel que des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, ou tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés ».

Dès lors, la Cour d’appel ne pouvait pas invalider le licenciement au seul motif que l’un des indicateurs économiques invoqués par l’employeur, à savoir la baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires, n’était pas établi.

Pour apprécier les difficultés économiques, la Cour aurait dû prendre en compte les autres éléments invoqués par l’employeur : à savoir des capitaux propres inférieurs à la moitié du capital et un niveau d’endettement s’élevant à 7,5 millions d’euros à fin décembre 2016.

Autrement dit, les difficultés économiques peuvent être établies, même si l’employeur ne parvient pas à établir la baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires qu’il invoque sur la période déterminée par l’article L. 1233-3 précité en fonction de l’effectif de l’entreprise. Dans ce cas, il doit alors démontrer l’existence d’au moins un des autres indicateurs économiques énumérés à cet article, à savoir des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, ou de tout autre élément de nature à justifier de difficultés économiques.

Note : Dans le cadre de la justification du motif économique, lorsque l’employeur invoque des difficultés économiques sur le fondement d’une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires, il n’a d’autre choix que de justifier d’un nombre de trimestres de baisse en comparaison avec la même période de l’année précédente en fonction de son effectif.

Pour éviter la rigidité de cette appréciation, il est donc recommandé à l’employeur qui envisage des licenciements en raison de difficultés économiques d’évoquer, s’il le peut, l’existence de plusieurs indicateurs économiques tels que visés à l’article L. 1233-3 du Code du travail, sans se limiter à la baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires sur une période déterminée.

Rappel : Les alertes du représentant du personnel au CSE qui constate que les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en œuvre par l’établissement font peser un risque grave sur la santé publique ou l’environnement sont consignées sur un registre spécial (D. 4133-2 du Code du travail).
Le registre est tenu, sous la responsabilité de l’employeur, à la disposition des représentants du personnel au CSE (art. D. 4133-3 du même code).
Une entreprise qui dispose de plusieurs établissements dépourvus de CSE doit-elle mettre à disposition de chacun d’eux un registre spécial d’alerte ?

Cass. soc., 28 septembre 2022, n° 21-16.993

Dans cette affaire, un membre du CSE d’une société alimentaire disposant de plusieurs magasins avait saisi la juridiction prud’homale pour obtenir notamment la mise en place d’un registre spécial relatif au droit d’alerte en matière de risque grave au niveau de tous les magasins composant l’entreprise.

Pour le CSE, les magasins constituaient « le niveau le plus pertinent pour la mise en place du registre ».

La Cour d’appel a rejeté cette demande, estimant que la société n’avait pas l’obligation de mettre en place ce registre spécial dans chacun des magasins, dans la mesure où la société n’était dotée que d’un seul CSE et que ce registre était tenu au siège de l’entreprise à la disposition des représentants du personnel.

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation confirme la décision d’appel sur le fondement des articles D. 4133-1 à D. 4133-3 précités en rappelant que « les alertes du travailleur ou du représentant du personnel au comité social et économique en matière de risque grave pour la santé publique ou l’environnement sont consignées sur un registre spécial qui est tenu, sous la responsabilité de l’employeur, à la disposition des représentants du personnel au comité social et économique ».

Autrement dit, une entreprise, composée de plusieurs sites, n’est pas tenue de mettre en place un registre spécial en matière de santé et d’environnement dans chacun d’eux, dès lors qu’elle n’a qu’un seul CSE et qu’elle n’est donc constituée que d’un unique établissement.

Législation et réglementation

Conformément aux annonces du Gouvernement, un décret du 29 septembre 2022 a relevé le plafond journalier d’utilisation des titres-restaurant à 25 € depuis le 1er octobre 2022.

Cette mesure s’ajoute aux nouvelles dispositions relatives aux titres-restaurant, à savoir :

  • l’utilisation des titres-restaurant pour l’achat de tout produit alimentaire, qu’il soit ou non directement consommable jusqu’au 31 décembre 2023 (art. 6 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat) ;
  • la revalorisation du plafond d’exonération de la participation employeur à hauteur de 5.92€ (au lieu de 5.69€) (art. 1 de la loi de finances rectificative pour 2022).

La loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 précitée a ouvert aux entreprises de 20 à 249 salariés le bénéfice d’une déduction forfaitaire des cotisations patronales au titre des heures supplémentaires effectuées à partir du 1er octobre 2022.

Le montant de cette déduction doit être fixé par décret. Celui-ci n’a pas encore été publié au JO.

Selon le Bulletin officiel de la sécurité sociale, ce montant devrait s’élever à :

  • 0,50 € par heure supplémentaire ;
  • 3,5€ par jour pour les salariés en convention de forfait en jours qui renoncent à des jours de repos.

Dans une note diffusée le 30 septembre 2022 sur son site internet, l’Urssaf apporte des précisions sur les modalités de mise en œuvre de cette déduction forfaitaire.

Entreprises éligibles

Sont concernés les employeurs suivants, dont l’effectif est compris entre 20 et 249 salariés :

  • les employeurs soumis à l’obligation d’assurance chômage ;
  • les Epic des collectivités territoriales ;
  • les sociétés d’économie mixte dans lesquelles ces collectivités territoriales ont une participation majoritaire ;
  • les entreprises nationales inscrites au répertoire national des entreprises contrôlées majoritairement par l’État (RECME) ;
  • les associations cultuelles affiliées au régime général quel que soit leur statut au regard de l’assurance chômage ;
  • les OPH y compris au titre de leur personnel ayant conservé le statut de fonctionnaire territorial ;
  • la Poste.

Heures visées

La déduction forfaitaire s’applique :

  • au titre des heures supplémentaires au sens du droit du travail ;
  • aux jours de repos auxquels renonce un salarié relevant d’une convention de forfait en jour en contrepartie d’une rémunération majorée, au-delà de la limite de 218 jours.

En revanche, les heures complémentaires effectuées par les salariés à temps partiel sont exclues du dispositif.

Conditions d’application

La déduction forfaitaire peut s’appliquer si :

  • l’employeur respecte les dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du temps de travail (respect des durées maximales de temps de travail par semaine, respect des temps de repos minima entre deux journées…) ;
  • l’heure supplémentaire effectuée fait l’objet d’une rémunération au moins égale à celle d’une heure non majorée ;
  • la rémunération tirée des heures supplémentaires ne se substitue pas à un élément de rémunération. Cette condition est respectée si un délai de 12 mois s’est écoulé entre la suppression d’un élément de rémunération et le versement d’heures supplémentaires ;
  • l’employeur respecte le règlement européen sur les « aides de minimis ». Pour rappel, la règle de « minimis » prévoit qu’une même entreprise ne peut recevoir plus de 200 000 € (100 000 € pour les entreprises relevant du secteur du transport routier) d’aides sur une période glissante de 3 exercices fiscaux.

Règles de cumul avec les autres dispositifs d’exonération

La déduction forfaitaire est cumulable avec les exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale, dans la limite des cotisations et contributions patronales restant dues au titre de l’ensemble de la rémunération du salarié concerné.

Modalités déclaratives

Le montant de la déduction forfaitaire patronale pour les entreprises dont l’effectif est compris entre 20 et 249 salariés devra être déclaré sur la DSN à l’aide du code type de personnel 005.

Le décret relatif aux procédures de recueil et de traitement des signalements émis par les lanceurs d’alerte et fixant la liste des autorités externes instituées a été publié au JO du 4 octobre 2022.

Ce décret détaille les deux procédures (interne et externe) de recueil et de traitement des signalements et liste notamment les 42 administrations et autorités indépendantes auprès desquelles les lanceurs d’alerte peuvent émettre un signalement externe.

Hormis des modifications rédactionnelles, les dispositions du décret sont similaires, sur le fond, à celles prévues par le projet de décret diffusé le 7 septembre 2022.

Ces mesures entrent en vigueur le 5 octobre 2022.

I – Procédure interne

Pour rappel, la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 impose, depuis le 1er septembre 2022, aux entreprises d’au moins 50 salariés, après consultation des « instances de dialogue social », d’établir une procédure interne de recueil et de traitement des signalements, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.

Les huit premiers articles du décret détaillent les modalités de mise en œuvre de cette procédure.

Calcul du seuil de 50 salariés

L’article 2 du décret précise que le seuil des 50 salariés s’apprécie à la clôture de deux exercices consécutifs et est déterminé selon les modalités prévues au I de l’article L. 130-1 du Code de la sécurité sociale (soit « la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l’année civile précédente »).

Des dispositions particulières sont prévues pour les personnes morales de droit public tenues de mettre en place cette procédure.

Choix de la procédure

Les entreprises concernées ont l’obligation d’établir une procédure interne de recueil et de traitement des signalements (art. 3 du décret). Chaque entreprise « détermine l’instrument juridique le mieux à même de répondre à l’obligation d’établir une procédure interne de recueil et de traitement des signalements. Par exemple, une entreprise pourrait l’établir au sein d’une note de service » (notice du décret).

Canal de réception du signalement

La procédure interne doit instaurer un canal de réception des signalements qui permet au lanceur d’alerte « d’adresser un signalement par écrit ou par oral » et de transmettre tout élément, quel que soit sa forme ou son support, de nature à étayer le signalement (art. 4 du décret).

Si la procédure permet le signalement par oral, elle doit préciser que ce signalement peut s’effectuer :

  • par téléphone ou par tout autre système de messagerie vocale ;
  • sur la demande de l’auteur et selon son choix, lors d’une visioconférence ou d’une rencontre physique organisée au plus tard 20 jours ouvrés après réception de la demande.

La procédure doit prévoir également que l’auteur du signalement est informé par écrit de la réception de son signalement dans un délai de 7 jours ouvrés à compter de cette réception.

Désignation de la personne qui recueille et traite les signalements

Le décret indique que la procédure doit préciser la ou les personnes ou le ou les services désignés pour réceptionner et traiter les signalements, étant entendu que le canal de réception des signalements et le traitement peuvent être gérés par des personnes ou services différents.

Les personnes ou services désignés disposent, par leur positionnement ou leur statut, de la compétence, de l’autorité et des moyens suffisants à l’exercice de leurs missions. La procédure doit déterminer les garanties permettant l’exercice impartial de ces missions (art. 5 du décret).

La procédure peut prévoir également que le canal de réception est géré en externe par un tiers, pour le compte de l’entreprise. Il peut s’agir d’une personne physique ou d’une entité de droit privé ou publique dotée ou non de la personnalité morale (art. 7 du décret).

Confidentialité des informations

La procédure doit :

  • garantir l’intégrité et la confidentialité des informations recueillies (identité de l’auteur du signalement, des personnes visées et de tout tiers mentionné) ;
  • interdire l’accès à ces informations aux membres du personnel qui ne sont pas autorisés à en connaître. La procédure doit prévoir la transmission « sans délai » aux personnes ou services désignés des signalements reçus par d’autres personnes ou services.

Les informations recueillies ne peuvent être communiquées à des tiers que si cette communication est nécessaire pour traiter le signalement et dans le respect des dispositions prévues par la loi.

Vérification du respect des conditions : étape préliminaire  

Lorsqu’un signalement est recueilli, la personne désignée « vérifie que les conditions prévues par l’article 6 et le A du I de l’article 8 de la loi (…) sont respectées ».

Elle doit donc vérifier que le lanceur d’alerte remplit les conditions de  :​

  • L’article 6 de la loi à savoir notamment :​
    • Être une personne physique ;​
    • Signaler ou divulguer des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement ;
    • Agir de bonne foi ;​
    • Agir sans contrepartie financière directe.​
  • L’article 8 A du I : Le lanceur d’alerte doit être une des personnes autorisées à effectuer un signalement.​

La procédure doit prévoir :

  • l’information de l’auteur du signalement sur les raisons pour lesquelles il a été jugé que son signalement ne respecte pas les conditions susvisées et les suites données à ce signalement ;
  • les suites données aux signalements anonymes.

Canal de traitement du signalement

Lorsque les conditions précitées sont remplies, l’alerte peut être traitée en étapes :

  • la personne désignée pour traiter le signalement peut, afin d’évaluer l’exactitude des allégations qui sont formulées, demander tout complément d’information à l’auteur du signalement ;
  • lorsque les allégations lui paraissent avérées, la personne désignée met en œuvre les moyens à sa disposition pour remédier à l’objet du signalement;
  • la personne désignée communique par écrit à l’auteur du signalement, dans un délai raisonnable n’excédant pas 3 mois, des informations sur les mesures envisagées ou prises pour évaluer l’exactitude des allégations et, le cas échéant, remédier à l’objet du signalement ainsi que sur les motifs de ces dernières ;
  • La personne désignée procède à la clôture du signalement lorsque les allégations sont inexactes ou infondées, ou lorsque le signalement est devenu sans objet. La procédure prévoit que l’auteur du signalement est informé par écrit de la clôture du dossier.

Particularité pour les entreprises de moins de 250 salariés

Les entreprises de moins de 250 salariés peuvent prévoir, après décision concordante de leurs organes compétents, que le canal de réception des signalements ainsi que l’évaluation de l’exactitude des allégations formulées dans le signalement, « font l’objet de ressources partagées entre elles » (art. 7 du décret).

Publicité de la procédure interne

La procédure de recueil et de traitement des signalements est diffusée par tout moyen assurant une publicité suffisante, dans des conditions permettant de la rendre accessible de manière permanente (art. 8 du décret).

Mise à disposition d’informations sur la procédure externe

La personne désignée doit mettre à disposition des informations claires et facilement accessibles concernant les procédures de signalement externe.

II – Procédure externe

La deuxième partie du décret (articles 9 à 14) évoque le cas où le lanceur d’alerte choisit de procéder à un signalement externe. La liste des autorités compétentes à recevoir ces signalements est fixée à l’article 9 du décret qui renvoie à une annexe déterminant 42 autorités.

Dans le cadre de cette actu-tendance, nous ne détaillerons pas les modalités de mise en place des procédures externes.

III – Divulgation publique : précisions sur les délais d’action

La loi permet au lanceur d’alerte de procéder à un signalement public dans 2 situations :

  • soit après avoir effectué un signalement externe, précédé ou non d’un signalement interne, sans qu’aucune mesure appropriée ait été prise à l’expiration :
    • du délai de 3 mois (ou 6 mois en raison des particularités de l’affaire) en cas de saisine d’une des 42 autorités compétentes ;​
    • de 6 mois à compter de l’accusé réception ou, à défaut d’accusé réception, 6 mois à compter de l’expiration de 7 jours suivant le signalement en cas de saisine du Défenseur des droits, de l’autorité judiciaire ou d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union européenne (art. 15 du décret)​ ;
  • soit directement dans des cas strictement limités.

L’ensemble des membres du cabinet sont à votre disposition pour vous accompagner dans la mise en œuvre de cette procédure interne de recueil et de traitement des signalements.