Actu-tendance n° 647

Jurisprudence – Relations individuelles

Rappel : En application de l’article L. 1224-1 du Code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.
Lorsque l’application d’une convention ou d’un accord est mise en cause dans une entreprise déterminée en raison notamment d’une fusion, d’une cession, d’une scission ou d’un changement d’activité, cette convention ou cet accord continue de produire effet jusqu’à l’entrée en vigueur de la convention ou de l’accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d’un an à compter de l’expiration du délai de préavis prévu à l’article L. 2261-9, sauf clause prévoyant une durée supérieure (art. L. 2261-14 al. 1 du Code du travail).
Dans le cadre du transfert de son contrat de travail en application de l’article L. 1224-1 du Code du travail, une salariée peut-elle prétendre chez son nouvel employeur au maintien du statut « cadre » issu de la CCN applicable chez son ancien employeur ?

Cass. Soc., 14 septembre 2022, n° 21-13.309

Par un avenant à son contrat de travail, une salariée est nommée aux fonctions de chef d’équipe, statut « cadre », selon la convention collective nationale (CCN) applicable (celle des maisons à succursales de vente au détail d’habillement du 30 juin 1972).

Son contrat de travail est transféré au sein d’une autre entreprise du même groupe, en application de L. 1224-1 du Code du travail, laquelle applique la CCN des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.

À l’expiration du délai fixé à l’article L. 2261-14 du Code du travail précité, la salariée est classée au coefficient 200L de la grille de la CCN applicable chez son nouvel employeur, correspondant à un poste de responsable management de la qualité, statut « agent de maitrise ».

Contestant ce nouveau positionnement, la salariée a saisi le Conseil de prud’hommes afin d’obtenir un classement correspondant à un statut « cadre » et le paiement d’un rappel de salaire résultant de la grille de rémunération de la CCN des transports routiers.

La Cour d’appel a donné raison à la salariée en se fondant sur l’avenant à son contrat de travail signé chez son ancien employeur qui lui conférait le statut « cadre » selon la CCN applicable. Pour les juges du fond, il s’agissait d’une volonté de l’employeur de conférer à la salariée le statut « cadre » « avec tous les avantages induits par ce positionnement hiérarchique ». Dès lors, le changement de CCN ne pouvait remettre en cause cet engagement.

Les juges ont relevé également que selon un rapport d’expertise, sollicité par le CHSCT (devenu CSE), il ne pouvait être identifié dans l’entreprise « une différence dans les activités des chefs d’équipe ayant le statut cadre ou celui d’agent de maîtrise ».

La Cour de cassation censure l’arrêt de la Cour d’appel en se fondant sur les articles L. 1224-1 et L. 2261-14 du Code du travail précités et 1134 du Code civil (devenu l’article 1103) qui dispose que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutes de bonne foi ».

En application de ces textes, le contrat de travail de la salariée a été transféré au nouvel employeur et les dispositions de la CCN ont cessé de s’appliquer à l’échéance du délai de survie, faute d’accord de substitution.

En l’espèce, les juges ont relevé que l’avenant au contrat de travail de la salariée faisait application de la CCN des maisons à succursales de vente au détail d’habillement, de sorte que la salariée ne pouvait pas prétendre au maintien « pour l’avenir » du statut cadre qui résultait des dispositions de cette CCN qui ne s’appliquait plus.

Note : Il s’agit d’une confirmation de jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. Soc., 20 avril 2017, n° 15-28.789).

On peut en revanche penser que la décision de la Cour de cassation aurait été différente s’il était ressorti clairement de l’avenant au contrat de travail que le statut « cadre » était accordé à la salariée indépendamment de la CCN. Dans ce cas, l’argument de la salariée sur la contractualisation de son statut aurait pu prospérer.

Jurisprudence – Relations collectives

Rappel : Les articles L. 2312-8 et L. 2312-37 du Code du travail définissent le champ des consultations ponctuelles.
L’article L. 2312-24 délimite le champ de la consultation portant sur les orientations stratégiques de l’entreprise.
La consultation du CSE sur les orientations stratégiques de l’entreprise constitue-t-elle un préalable nécessaire à la consultation du CSE sur un projet ponctuel de réorganisation ?

Cass. soc., 21 septembre 2022, n° 20.23.660

Dans cette affaire, un établissement d’enseignement catholique a informé son CSE de son projet de fermer un lycée professionnel et de résilier le contrat d’association correspondant avec le ministère de l’Agriculture.

La réunion de consultation du comité sur les orientations stratégiques de l’entreprise s’est ouverte quelques jours après.

Saisie par le CSE, la Cour d’appel a suspendu la consultation portant sur le projet jusqu’à la clôture de la consultation portant sur les orientations stratégiques.

Les juges ont estimé que la décision envisagée de résilier le contrat avec le ministère de l’Agriculture et de cesser la formation initiale scolaire du lycée professionnel était un « choix stratégique », résultant notamment d’une dégradation de la situation économique, d’une trésorerie insuffisante, d’une baisse de fréquentation très importante de ce lycée et de la volonté de rétablir un équilibre financier après plusieurs années de déficit.

Les juges ont ajouté que ce choix n’était que la « déclinaison concrète d’une orientation stratégique » qui devait préalablement être soumise à la discussion du CSE.

Contestant cette décision, l’employeur a formé un pourvoi en cassation, estimant que la consultation sur les orientations stratégiques et celle portant sur un projet ponctuel sont « deux consultations autonomes ». Par conséquent, l’employeur « demeure libre de soumettre tout projet ponctuel à la consultation du comité social et économique, dès lors que son objet lui apparaît suffisamment déterminé pour que son adoption ait une incidence sur l’organisation, la gestion et la marche de l’entreprise ».

La Cour de cassation suit l’argumentation de l’employeur et casse l’arrêt d’appel sur ce point au visa des articles L. 2312-8, L. 2312-37 et L. 2312-24 du Code du travail.

La Haute juridiction rappelle que :

  • Selon les articles L. 2312-8 et L. 2312-37 du Code du travail, le CSE « est consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur la modification de son organisation économique ou juridique ou en cas de restructuration et compression des effectifs » ;
  • Aux termes de l’article L. 2312-24 du même code, le CSE « est consulté sur les orientations stratégiques de l’entreprise, définies par l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise, et sur leurs conséquences sur l’activité, l’emploi, l’évolution des métiers et des compétences, l’organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l’intérim, à des contrats temporaires et à des stages ». Cette consultation « porte, en outre, sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, sur les orientations de la formation professionnelle et sur le plan de développement des compétences. Le comité « émet un avis sur les orientations stratégiques de l’entreprise et peut proposer des orientations alternatives. Cet avis est transmis à l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise, qui formule une réponse argumentée. Le comité en reçoit communication et peut y répondre ».

La Cour de cassation en déduit que « la consultation ponctuelle sur la modification de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise ou en cas de restructuration et compression des effectifs n’est pas subordonnée au respect préalable par l’employeur de l’obligation de consulter » le CSE « sur les orientations stratégiques de l’entreprise ».

Dans la note explicative de l’arrêt, la Cour de cassation considère que « par son objet et par sa temporalité » la consultation sur les orientations stratégiques « a été définie indépendamment des consultations ponctuelles ». Cette consultation « offre un cadre à une discussion prospective sur l’avenir général de l’entreprise, distincte des consultations ponctuelles » du CSE « relatives à un projet déterminé de l’employeur ayant des répercussions sur l’emploi, notamment en matière de restructurations ».

Autrement dit, la consultation du CSE sur les orientations stratégiques de l’entreprise et celle portant sur un projet ponctuel sont indépendantes et autonomes.

Note : Il s’agit à notre connaissance de la première décision de la Cour de cassation à ce sujet.

La Cour d’appel de Paris avait déjà rendu une décision dans le même sens (CA Paris, 3 mai 2018, n° 17/09307).

La note explicative inscrit la solution retenue par cet arrêt dans la continuité de l’arrêt du 30 septembre 2009 (Cass. soc., 30 septembre 2009, n° 07-20.525) qui exclut que la régularité de la consultation du comité d’entreprise sur un projet de licenciement économique soit subordonnée au respect préalable par l’employeur de l’obligation de consulter le même comité sur l’évolution annuelle des emplois et des qualifications, et de celle d’engager une négociation portant sur la GPEC.

En revanche, cela ne dispense pas l’employeur d’aborder le projet ponctuel envisagé dans le cadre de la consultation sur les orientations stratégiques.

Rappel : Le règlement intérieur ne peut être introduit qu’après avoir été soumis à l’avis du CSE.
Cette règle s’applique également en cas de modification ou de retrait des clauses du règlement intérieur (art. L. 1321-4 du Code du travail).
Un syndicat est-il habilité à agir en justice pour solliciter la nullité d’un règlement intérieur pour défaut de consultation du CSE ?

Cass. soc., 21 septembre 2022, n° 21-10.718

Le syndicat SUD a saisi le Tribunal, selon la procédure à jour fixe, pour solliciter l’annulation du règlement intérieur de l’entreprise pour absence de consultation des CHSCT et des comités d’établissement (devenus CSE) lors de sa modification.

Cette demande a été jugée irrecevable par la Cour d’appel au motif que les comités d’établissement et le CHSCT n’avaient pas eux-mêmes sollicité, devant le juge judiciaire, l’annulation ou l’inopposabilité du règlement intérieur modifié, de sorte que le syndicat ne pouvait « agir de manière autonome ».

Saisie du pourvoi, la Cour de cassation a également rejeté la demande du syndicat, tout en lui reconnaissant le droit d’agir en suspension du règlement intérieur de l’entreprise en référé.

La Haute juridiction rappelle que :

  • D’une part, selon l’article L. 1321-4 du Code du travail (dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce) le règlement intérieur ne peut être introduit qu’après avoir été soumis à l’avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ainsi que, pour les matières relevant de sa compétence, à l’avis du CHSCT (devenus CSE). Il résulte que le règlement intérieur ne peut entrer en vigueur dans une entreprise et être opposé à un salarié dans un litige individuel que si l’employeur a accompli les diligences prévues par l’article L. 1321-4 du Code du travail qui constituent des formalités substantielles protectrices de l’intérêt des salariés.
  • D’autre part, selon l’article L. 2132-3 du même code, les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.

La Cour de Cassation en déduit qu’« un syndicat est recevable à demander en référé que soit suspendu le règlement intérieur d’une entreprise en raison du défaut d’accomplissement par l’employeur des formalités substantielles tenant à la consultation des institutions représentatives du personnel, en l’absence desquelles le règlement intérieur ne peut être introduit, dès lors que le non-respect de ces formalités porte un préjudice à l’intérêt collectif de la profession qu’il représente ».

Selon la note explicative jointe à l’arrêt, par cette décision, la Cour de cassation permet aux syndicats « de contraindre l’employeur à respecter son obligation légale de soumettre le règlement intérieur à la consultation des institutions représentatives du personnel », et d’assurer « l’effectivité des garanties prévues par le législateur ».

Ce droit d’agir n’est toutefois limité qu’à une demande de suspension du règlement intérieur. En effet, la cour considère qu’un « syndicat n’est pas recevable à demander au tribunal judiciaire par voie d’action au fond la nullité de l’ensemble du règlement intérieur ou son inopposabilité à tous les salariés de l’entreprise, en raison du défaut d’accomplissement par l’employeur des formalités substantielles tenant à la consultation des institutions représentatives du personnel ».

La note explicative de l’arrêt précise en effet que la consultation du CSE n’est pas « une condition de validité du règlement intérieur puisqu’il est simplement prévu qu’à défaut de cette formalité, le règlement intérieur ne peut être « introduit », c’est-à-dire entrer en vigueur dans l’entreprise ».

Il n’est donc pas possible de demander, en raison de l’inobservation de cette formalité, que soit prononcée la nullité du règlement intérieur de l’entreprise dans son ensemble ou son inopposabilité à tous les salariés de l’entreprise. Il s’agit en effet, dans les deux cas de mesures définitives alors que l’employeur peut, à tout moment, introduire le règlement intérieur après l’avoir soumis à la consultation du CSE. Dès lors, seule une mesure provisoire de suspension du règlement intérieur peut être réclamée par un syndicat devant le juge des référés, à l’exclusion de toute décision ayant l’autorité de la chose jugée au fond.

La demande portée par le syndicat tendait en l’espèce à la nullité du règlement litigieux, de sorte qu’elle devait être rejetée.  

Note : Il est donc fortement recommandé à l’employeur de procéder à la consultation du CSE préalablement à la modification du règlement intérieur de l’entreprise. Si cette formalité n’a pas été faite, il convient de régulariser la situation au plus vite pour que le règlement intérieur puisse être opposable aux salariés.

Rappel : Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité (art. L. 1233-3 du Code du travail).
La réorganisation de l’entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient.
Répond à ce critère la réorganisation mise en œuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l’emploi, sans être subordonnée à l’existence de difficultés économiques à la date du licenciement (Cass. Soc., 11 janvier 2006, n° 04-46.201).
Pour justifier la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise, l’employeur doit faire état de menaces précises et immédiates (Cass. Soc., 23 novembre 2005, n° 03-41.543).
Une baisse de l’effectif et de l’activité d’un secteur d’activité du groupe peuvent-elles justifier des licenciements économiques pour sauvegarde de la compétitivité ?

Cass. soc., 12 juillet 2022, n° 21-12.984

En septembre 2015, la direction d’une UES a informé le CE et le CHSCT (devenus CSE) d’un projet de réorganisation et de licenciement collectif pour motif économique entrainant la mise en place d’un PSE.

Un accord collectif majoritaire d’entreprise a été signé le 1er décembre 2015 et validé par la Direccte (devenue Dreets) le 24 décembre 2015.

Certains salariés licenciés ont saisi la juridiction prud’homale afin de contester le bien-fondé de leur licenciement.

Pour justifier les licenciements, la direction de l’UES mettait en avant la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité de la formation professionnelle au regard de :

  • La baisse de l’effectif au sein du groupe de près de 30% entre 2011 et 2016 ;
  • La baisse des heures de formation réalisées de près de 25% entre 2013 et 2016.

La Cour d’appel a fait droit à la demande des salariés et a déclaré les licenciements sans cause réelle et sérieuse.

Elle reprochait notamment à l’employeur de n’avoir communiqué aucune information relative :

  • à l’état concurrentiel du secteur d’activité de la formation professionnelle au niveau mondial ;
  • au positionnement des sociétés du groupe et de ses concurrents sur le marché ;
  • aux difficultés des sociétés à résister à la concurrence.

Par ailleurs, les juges ont retenu que les difficultés économiques rencontrées par le groupe ou les sociétés de l’UES étaient insuffisantes à fonder le licenciement, dès lors que l’employeur a rompu le contrat de travail des salariés pour un motif distinct : la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise.

La Cour en a conclu que la société ne démontrait pas l’existence d’une menace pesant sur la compétitivité du secteur d’activité « formation » du groupe.

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel sur le fondement de l’article L.1233-3 du Code du Travail, lequel prévoit que « lorsque la lettre de licenciement fait état d’une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité, le juge doit rechercher si la décision de l’employeur était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe dont elle relève ».

La Haute juridiction reproche à la cour de ne pas avoir recherché « si la baisse de l’effectif au sein du groupe, de près de 30 % entre 2011 et 2016, et du nombre de formations réalisées, de 25 % entre 2013 et 2016, ne justifiait pas une réorganisation de l’entreprise afin d’anticiper des difficultés économiques prévisibles et d’adapter ses structures à l’évolution du marché ».

Pour la Cour, l’absence de justification de la situation des concurrents de l’entreprise évoluant sur le même secteur d’activité constituait un motif impropre « à écarter l’existence d’une menace sur la compétitivité du secteur d’activité du groupe ».

Ainsi, une baisse de l’effectif et une baisse d’activité d’un secteur d’activité peuvent justifier une réorganisation de l’entreprise pour sauvegarder sa compétitivité.

Note : Dans le cadre de l’exposé du motif économique des licenciements, il convient de mentionner, aussi précisément que possible, les éléments caractérisant une menace pesant sur la compétitivité de l’entreprise ou sur le secteur d’activité du groupe et de détailler la situation de l’entreprise par rapport à celle de ses concurrents.

Rappel : L’article L. 2262-14 du Code du travail dispose que toute action en nullité de tout ou partie d’une convention ou d’un accord collectif doit, à peine d’irrecevabilité, être engagée dans un délai préfix de deux mois à compter de la publication de l’accord prévue à l’article L. 2231-5-1 du même code, si l’accord en question n’est pas un accord d’entreprise.
L’article L. 2231-5-1 prévoit que les conventions et accords de branche sont rendus publics et versés dans une base de données nationale, dont le contenu est publié en ligne dans un standard ouvert aisément réutilisable.
Cette base de données nationale est accessible en ligne sur le site de Légifrance.
Quel est en pratique le point de départ du délai de contestation de 2 mois ?

Cass. soc., 21 septembre 2022, n° 20-23.500

Un accord de branche national « relatif au contrat de travail à durée déterminée et au contrat de travail temporaire dans la métallurgie » a été signé le 29 juin 2018.

Le 15 septembre 2018, le Ministère du travail a publié le fascicule 2018/35 au Bulletin Officiel des Conventions Collectives (BOCC) comportant cet accord.

La fédération des travailleurs de la métallurgie CGT a assigné, le 29 novembre 2018, les signataires de l’accord aux fins d’annulation de ce dernier.

Le Ministère du travail a pris un arrêté d’extension de l’accord le 19 décembre 2018 (publié au JO du 23 décembre 2018).

La Cour d’appel a déclaré l’action irrecevable, au motif qu’elle avait été engagée après l’expiration du délai de 2 mois.

En l’espèce, l’accord de branche avait été publié au BOCC le 15 septembre 2018. Pour les juges, c’était à partir de cette date que courait le délai de contestation de 2 mois, de sorte que l’action engagée le 29 novembre était forclose.

La fédération CGT a formé un pourvoi en cassation, estimant au contraire que c’était la date de parution de l’accord sur l’unique base de données devant être mise en ligne sur le site de Légifrance qui était de nature à faire courir le délai de 2 mois.

Par ailleurs, la fédération reprochait aux juges de ne pas avoir vérifié que la parution de l’accord au BOCC « répondait à l’exigence légale d’une publication en ligne « dans un standard ouvert aisément réutilisable » ».

La Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme la décision d’appel. Pour les hauts magistrats, il résulte des articles L. 2262-14 et L. 2231-5-1 du Code du travail précités « que le délai de forclusion pour agir en nullité d’un accord de branche court à compter de la date à laquelle l’accord de branche a été rendu public par sa publication au bulletin officiel des conventions collectives qui, en conférant date certaine, répond à l’objectif de sécurité juridique ».

La Cour ajoute que « le versement dans une base de données nationale, dont le contenu est publié en ligne dans un standard ouvert aisément réutilisable, n’est qu’une mesure complémentaire répondant à l’objectif d’accessibilité de la norme de droit ».

Il en résulte que l’action de la fédération était irrecevable.

Note : La publication du BOCC est effectuée sur le site internet de Légifrance.

Législation et réglementation

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2023 a été présenté le 26 septembre 2022 en Conseil des ministres.

Il détaille le budget de la sécurité sociale au cours de l’année 2023. A ce stade, il y a peu de mesures concernant le droit social dans le cadre du PLFSS.

Les principales mesures RH concernent :

  • La subrogation des indemnités journalières de la sécurité sociale lors du congé de maternité (article 37). Les salariés qui suspendent leur activité professionnelle à l’occasion de l’arrivée d’un enfant (congé maternité, congé d’adoption ou congé de paternité et d’accueil de l’enfant) bénéficient d’indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS).

Ces IJSS sont parfois versées en retard par les caisses d’assurance maladie. Pour remédier à cette situation, le Gouvernement souhaite imposer aux employeurs de recourir à la subrogation de salaire. Ce dispositif est actuellement facultatif.

Les entreprises seront ensuite remboursées par l’assurance maladie dans un délai qui sera fixé par décret. Un décret en Conseil d’État déterminera également les salariés exclus du dispositif.

Ce dispositif sera mis en œuvre progressivement entre 2023 et 2025.

  • La prolongation des arrêts de travail liés à la Covid-19 (article 16). Le PLFSS prévoit de prolonger pour 2023 les arrêts maladie dérogatoires « Covid ».
    Ainsi, en cas de contamination à la Covid-19 établie par un test PCR ou antigénique, les assurés se trouvant dans l’impossibilité de continuer à travailler, y compris à distance, pourraient bénéficier d’un arrêt de travail établi par l’assurance maladie. Cet arrêt serait, comme actuellement, indemnisé sans vérification des conditions habituelles d’ouverture de droits et sans délai de carence, et ne serait pas pris en compte dans les durées maximales de versement des IJSS.
    Ces dispositions s’appliqueraient jusqu’à une date fixée par décret et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2023.
    Les salariés bénéficieraient également de l’indemnité complémentaire versée par l’employeur, sans condition d’ancienneté ni délai de carence.

Le texte va être prochainement examiné par l’Assemblée nationale. Son contenu peut encore évoluer jusqu’à sa publication au JO.

Le projet de loi de finances (PLF) 2023 a été présenté en Conseil des ministres le 26 septembre 2022.

Ce texte entend principalement protéger les ménages et soutenir les entreprises en pleine crise énergétique et de flambée des prix, tout en maîtrisant les dépenses publiques.

A ce stade, le texte propose peu de mesures concernant le droit du travail. Il est indiqué que les aides à l’embauche d’apprentis seraient prolongées pour l’année 2023.

Le texte doit prochainement être examiné par les députés.

La décision du Comité européen des droits sociaux (CEDS) relative au barème Macron a été officiellement publiée le 26 septembre 2022.

Cette décision avait été diffusée avant sa publication officielle en juin dernier.

Pour mémoire, la CEDS jugeait qu’en instaurant le barème Macron des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse, la France a violé le droit des salariés à une indemnité adéquate ou une réparation appropriée au sens de l’article 24 de la Charte sociale européenne.

En effet, le Comité « considère que les plafonds prévus par l’article L. 1235-3 du code du travail ne sont pas suffisamment élevés pour réparer le préjudice subi par la victime et être dissuasifs pour l’employeur ». Il ajoute que « le juge ne dispose que d’une marge de manœuvre étroite dans l’examen des circonstances individuelles des licenciements injustifiés ».

La décision de la CEDS ne produit aucun effet contraignant en France.

En droit français, dans deux arrêts du 11 mai 2022, la Cour de cassation a validé le barème Macron et a refusé de reconnaître un effet direct horizontal à la Charte sociale européenne et à son article 24.