Frais de transport des salariés : les nouveaux leviers sociaux et fiscaux

La loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative (LFR) pour 2022 est venue compléter la loi du même jour portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat pour former le « pack » mis en place par le Gouvernement afin de préserver le niveau de vie des Français dans un contexte de grande inflation. Il comporte notamment des mesures sur les frais de transport des salariés, pour les années 2022 et 2023.
Virginie AUDET et Maiwenn LE GLEAU, avocates associée et collaboratrice au sein du cabinet Actance, reviennent sur les nouveaux leviers sociaux et fiscaux en matière de frais de transport issus de cette loi.

Prime de transport

Nouveautés : Prime carburant ouverte à l’ensemble des salariés

Sources : Article 2 II de la LFR pour 2022

Ancien régime :

De manière facultative, l’employeur peut prendre en charge les frais de carburant exposés par les salariés pour se rendre de leur résidence habituelle à leur lieu de travail. Dans les mêmes conditions, l’employeur peut prendre en charge les frais exposés pour l’alimentation de véhicules électriques, hybrides rechargeables ou à hydrogène (C. trav., art. L. 3261-3).

En principe, la prime de transport peut concerner uniquement les salariés :

  • dont la résidence habituelle ou le lieu de travail ne n’est pas inclus dans le périmètre d’un plan de mobilité obligatoire en application des articles L. 1214-3 et L. 1214-24 du code des transports ;
  • ou dont la résidence habituelle ou le lieu de travail est situé dans une commune non desservie par un service public de transport collectif régulier ou un service privé mis en place par l’employeur ;
  • ou pour lesquels l’utilisation d’un véhicule personnel est rendue indispensable en raison d’horaires particuliers de travail (travail de nuit, horaires décalés, travail continu, équipe de suppléance…).

Nouveau régime :

Pour les années 2022 et 2023, la prime de transport peut concerner l’ensemble du personnel. Cette mesure reste toutefois facultative pour l’employeur.

Certains salariés restent en outre toujours exclus, à savoir :

  • les salariés bénéficiant d’un véhicule mis à disposition permanente par l’employeur avec prise en charge par ce dernier des dépenses de carburant ou d’alimentation électrique ou à hydrogène d’un véhicule,

  • les salariés logés dans des conditions telles qu’ils ne supportent aucun frais de transport pour se rendre à leur travail,

  • les salariés dont le transport est assuré gratuitement par l’employeur (C. trav., art. R.3261-12).

Le montant, les modalités et les critères d’attribution de la prime sont toujours déterminés par accord collectif d’entreprise ou, à défaut, par accord de branche. A défaut d’accord collectif, la prime peut être mise en œuvre par décision unilatérale de l’employeur (DUE), après consultation du CSE (s’il  existe) (C. trav. L.3261-4).

Dès lors, si la prime de transport est déjà mise en place dans l’entreprise, il conviendrait de prévoir un avenant à l’accord collectif ou à la DUE (dénonciation).

Nouveautés : Augmentation pour les salariés du plafond d’exonération de la prime de transport versée par les employeurs

Sources : Article 2 I de la LFR pour 2022

Ancien régime :

L’avantage résultant de la prise en charge par l’employeur des frais de carburant ou des frais exposés pour l’alimentation de véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène engagés par les salariés, est exonérée d’impôt sur le revenu dans la limite globale de 500 € par an, dont 200 € au maximum pour les frais de carburant (art. 81 CGI, 19 ter, b).

Nouveau régime :

Pour l’imposition des revenus des années 2022 et 2023, une exonération d’impôt sur le revenu est prévue dans la limite globale de 700 € par an, dont 400 € au maximum pour les frais de carburant.

Cette limite est portée respectivement à 900 euros et 600 euros (pour les frais de carburant) en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte.

Ces plafonds s’appliquent également pour l’exonération de cotisations sociales et de CSG/CRDS, qui sont les mêmes que ceux applicables à l’exonération fiscale.

Nouveautés : Cumul possible de l’indemnité carburant avec la prise en charge d’un abonnement transport collectif

Sources : Article 2 II de la LFR pour 2022

Ancien régime :

L’article L.3261-3 du Code du travail prévoit que le bénéfice de la prime carburant ne se cumule pas avec la prise en charge des frais de transports publics, prévue à l’article L. 3261-2 du même code.

Nouveau régime :

Au titre de l’année 2022 et de l’année 2023, la prise en charge par l’employeur de la prime transport peut être cumulée avec la prise en charge des frais de transports publics.

La loi de finances rectificative ne précise pas le régime social et fiscal de la prime transport en cas de cumul. A priori, il conviendrait de faire application des dispositions de l’article 81 du code général des impôts (art. 81 CGI, 19 ter, b, 2e phrase – non modifié par la loi de finances rectificative pour 2022). Une clarification du Ministère est attendue sur ce point.

Forfait « mobilités durables »

Nouveautés : Augmentation du plafond d’exonération

Sources : Article 2 I de la LFR pour 2022

Ancien régime :

Le forfait « mobilités durables » est un dispositif permettant à l’employeur de prendre en charge les frais de déplacement domicile/lieu de travail de ses salariés effectués notamment à vélo ou en covoiturage (en tant que conducteur ou passager).

La prise en charge des frais du forfait « mobilités durables » est exonérée d’impôt sur le revenu, de cotisations et de CSG/CRDS à hauteur de 500 euros par an (art. 81 CGI, 19 ter, b).

Nouveau régime :

Pour les années 2022 et 2023, ce plafond d’exonération est relevé. Il est porté à 700 euros par an (900 euros en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte).

Il convient de faire masse avec les sommes versées au titre des frais de carburant et/ou des frais exposés pour l’alimentation de véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène (cf supra).

Nouveautés : Augmentation pérenne du plafond de cumul

Sources : Article 3 de la LFR pour 2022

Ancien régime :

Le forfait mobilités durables peut être cumulé avec la prise en charge du coût des titres d’abonnement de transports publics, dans une certaine limite.

 L’avantage résultant du cumul du forfait « mobilités durables » et de la prise en charge obligatoire des frais de transports publics est exonéré de cotisations sociales et non imposable dans la limite de 600 euros par an et par salarié ou, s’il est supérieur, du montant de la prise en charge obligatoire des coûts des titres d’abonnement de transports publics.

Nouveau régime : 

Le plafond de cumul passe à 800 euros par an et par salarié.

Abonnements de transport en commun

Nouveautés : Hausse du seuil d’exonération de la prise en charge des abonnements de transport en commun

Sources : Article 2 III de la LFR pour 2022

Ancien régime :

Lorsque la prise en charge de l’employeur est supérieure au taux de 50 %, cette prise en charge facultative reste exonérée dans la limite des frais réellement engagés, sous réserve, pour les salariés travaillant dans une autre région que celle où ils résident que l’éloignement de leur résidence à leur lieu de travail ne relève pas de la convenance personnelle mais de contraintes:

  • liées  à l’emploi (ex. : difficulté de trouver un emploi, précarité ou mobilité de l’emploi, mutation suite à promotion, déménagement de l’entreprise, multi-emplois)
  • ou familiales (ex. : prise en compte du lieu d’activité du conjoint, concubin ou pacsé, état de santé du salarié ou d’un membre de sa famille, scolarité des enfants).

Par conséquent, pour se prévaloir de l’application du régime social de faveur, l’employeur doit justifier, en cas d’éloignement, que ce dernier ne relève pas de la convenance personnelle. A défaut, la prise en charge facultative doit être intégrée à l’assiette des cotisations.

Nouveau régime :

Pour les années 2022 et 2023, la part facultative de la prise en charge par l’employeur du prix des titres d’abonnements aux transports publics souscrits par ses salariés (donc au-delà de 50 %) bénéficie du régime social de faveur accordé à la part obligatoire, dans la limite de 25 % du prix de ces titres.

Ainsi, le seuil d’exonération est légalement porté à   75 % du coût de l’abonnement aux transports publics, y compris lorsque l’éloignement du domicile repose sur des convenances personnelles ou lorsque l’employeur ne peut justifier que cet éloignement ne repose pas sur des convenances personnelles.

Virginie Audet
Avocate associée | +33 (0)144 94 96 00 | societe@actanceavocats.com | + posts

Virginie Audet est avocat depuis 2007 et a rejoint le Cabinet Actance en 2013 après avoir exercé au sein du Département Droit social du Cabinet Fidal. Elle est diplômée du DESS Droit et Pratique des Relations de Travail de l’Université de Toulon. Elle apporte aujourd’hui son expertise en conseil à nos clients en les accompagnant dans leur prise de décision et dans la définition de leur stratégie en matière de relations sociales et de gestion des ressources humaines. Elle dispose d’une solide expérience dans l’animation de formations auprès des DRH, services juridiques et managers, et assure également la gestion des contentieux.

Maiwenn LE GLEAU
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