Actu-tendance n° 641
Jurisprudence – Relations individuelles
Rappel : L’employeur confronté à une situation de harcèlement est tenu de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir ou de faire cesser les agissements, sous peine d’engager sa responsabilité civile et même pénale (art. L.1152-4, L. 1153-5, L.4121-1 et L.4121-2 du Code du travail).
En présence d’une dénonciation pour harcèlement, l’employeur est tenu des mesures de prévention, qui peuvent notamment consister dans l’organisation d’une enquête interne afin d’établir la matérialité des faits allégués (Cass. Soc., 27 novembre 2019, n°18-10.551).
Le Code du travail ne fixe pas de cadre législatif et réglementaire pour le harcèlement moral ou sexuel. La jurisprudence est venue délimiter les contours de l’enquête, en consacrant notamment le fait que :
n’entendre qu’une partie des collaborateurs prétendues victimes du salarié auquel il est reproché des faits de harcèlement moral, ne remet pas nécessairement en cause l’enquête diligentée (Cass. Soc. 8 janvier 2020, n°18-20.151) ;
s’il incombe à l’employeur de mener une enquête interne impartiale en présence de faits de harcèlement moral ayant été dénoncés, celle-ci n’est pas soumise aux dispositions de l’article L. 1222-4 du code du travail et ne constitue pas une preuve déloyale comme issue d’un procédé clandestin de surveillance de l’activité du salarié (Cass. Soc., 17 mars 2021, n°18-25.597).
L’enquête interne ne détaillant pas les modalités d’interrogatoire du salarié mis en cause, au cours de laquelle seules les victimes présumées ont été entendues dans le cadre d’une audition commune et à laquelle le CHSCT n’a pas été associé constitue-t-elle un mode de preuve valable ?
Cass. Soc., 29 juin 2022, n° 21-11.437
Un directeur a été licencié pour faute grave. Son employeur lui reprochait des faits de harcèlement sexuel et de harcèlement moral tenant à un management agressif.
Le salarié a saisi la juridiction prud’homale pour contester son licenciement, estimant que l’enquête menée en interne n’était pas régulière.
La Cour d’appel a fait droit à sa demande et a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que l’enquête avait été menée de manière déloyale dans la mesure où :
- elle s’est déroulée à charge par l’inspection générale sans audition de l’ensemble des salariés témoins ou intéressés par les faits litigieux ;
- les 2 salariées ayant dénoncé les faits ont été entendues ensemble ;
- le compte rendu de l’enquête n’était pas signé ;
- la durée de l’interrogatoire du salarié mis en cause n’était pas précisée, pas plus que le temps de repos ;
- le CHSCT, devenu CSE, n’a pas été informé ni saisi.
Pour les juges du fond, ces éléments démontraient le caractère déloyal de l’enquête, laquelle ne permettait donc pas « d’établir la matérialité des faits dénoncés et de présumer d’un harcèlement » sexuel ou moral.
Saisie du pourvoi, au visa notamment du principe de liberté de la preuve en matière prud’homale, la Cour de cassation censure cette décision, estimant que :
- En cas de licenciement d’un salarié à raison de la commission de faits de harcèlement sexuel ou moral, le rapport de l’enquête interne « peut être produit par l’employeur pour justifier la faute imputée au salarié licencié » ;
- Il appartient aux juges du fond, dès lors qu’il n’a pas été mené par l’employeur d’investigations illicites, d’apprécier la valeur probante d’un tel rapport, au regard le cas échéant des autres éléments de preuve produits par les parties.
En l’espèce, l’arrêt de la Cour d’appel est cassé, dès lors que :
- Le rapport d’enquête faisait état de faits de nature à caractériser un harcèlement sexuel ou un harcèlement moral de la part du salarié licencié (lequel avait d’ailleurs reconnu la matérialité des faits reprochés) ;
- Le juge du fond n’avait pas examiné les autres éléments de preuve produits par l’employeur résultant des comptes rendus des entretiens avec les salariés entendus dans le cadre de l’enquête interne ainsi que d’attestations de salariés qui confirmaient les propos déplacés et les méthodes de management agressives du directeur.
Note : Dans le même sens, la Cour de cassation a jugé récemment qu’une enquête confiée à la DRH sans participation du CSE, ayant conduit à l’audition de seulement 8 personnes sur 20 et dont les critères de sélection des témoins n’étaient pas connus, ne pouvait pas justifier la mise à l’écart par les juges du fond de cet élément de preuve (Cass. Soc., 1er juin 2022, n° 20-22.058).
Jurisprudence – Relations collectives
Rappel : Les dispositions relatives à la contestation des élections des membres du CSE central suivent les mêmes règles que celles applicables pour les membres du CSE (art. R. 2314-23 et s. du Code du travail).
Le délai de contestation des élections est de 15 jours (art. R. 2314-24 du même code). Ce délai débute à compter du lendemain de la date de proclamation des résultats (Cass. Soc., 16 février 2011, n° 09-60.064).
Quelle preuve doit rapporter l’employeur pour faire courir le délai de contestation des élections ?
Cass. Soc., 15 juin 2022, n° 21-11.691
Au sein de l’entreprise, 23 CSE d’établissement ont été mis en place.
Les élections des représentants au CSE central ont eu lieu le 30 juin 2020.
Le 18 août suivant, un syndicat a formé une requête afin d’obtenir l’annulation des élections.
Le Tribunal judiciaire a annulé les élections, estimant que la demande du syndicat était recevable, faute pour l’employeur d’établir à quelle date le procès-verbal qui proclame les résultats a été dressé et porté à la connaissance des salariés.
Pour l’employeur, il ressort du procès-verbal de la réunion du CSE du 30 juin, au cours de laquelle s’étaient tenues les élections, qu’à l’issue du dépouillement le président avait procédé à la proclamation nominative du salarié élu en désignant son nom et le nombre de votes pour chaque candidat. Le délai de contestation débutait donc à cette date selon l’employeur. La requête n’était donc pas recevable le 18 août 2020.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis et confirme la décision des juges du fond en rappelant qu’ « il résulte de l’article R. 2314-24, alinéa 4, du code du travail, que le délai de quinze jours pour contester la régularité des élections ne court qu’à compter de la proclamation des résultats ».
Or, l’employeur n’établit pas la date à laquelle le procès-verbal de la réunion avait été effectivement dressé et les résultats proclamés, de sorte que le délai de contestation n’avait pas commencé à courir.
Note : Il s’agit d’une confirmation de jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. Soc., 19 mai 1988, n° 86-60.537).
L’occasion de rappeler l’importance d’établir à l’issue des élections un procès-verbal indiquant la date de proclamation des résultats et d’en conserver la preuve pour faire courir le délai de contestation des élections.
Rappel : La Cour de cassation a jugé que les modalités d’organisation du scrutin, fixées par le PAP dont la régularité n’est pas contestée, s’imposent à l’employeur et aux organisations syndicales.
L’employeur peut donc, sans commettre d’irrégularité, refuser de prendre en compte une liste de candidatures déposée après le délai fixé par le PAP (Cass. Soc., 9 nov. 2011, n° 10-28.838).
En l’absence de disposition dans le PAP prévoyant une date limite de dépôt des candidatures, l’employeur ne peut refuser une candidature déposée après la date qu’il a lui-même fixée qu’en justifiant sa décision au regard des nécessités d’organisation du vote (Cass. Soc., 4 mars 2009, n° 08-60.476).
En l’absence de PAP, l’employeur peut-il refuser une candidature tardive aux élections des membres du CSE central ?
Cass. Soc., 15 juin 2022, n° 21-11.691
Dans cette affaire, les élections des membres du CSE central ont eu lieu le 30 juin 2020.
En l’absence de PAP, l’employeur avait fixé la date limite de dépôt des candidatures à la veille du scrutin (29 juin 2020).
Un membre du CSE a déposé sa candidature que quelques minutes avant l’ouverture du scrutin. L’employeur a refusé sa candidature.
Le candidat a tout de même obtenu 3 voix, mais il n’a pas été élu, les votes en sa faveur ayant été considérés comme nuls. Le candidat ayant obtenu 1 voix a été élu.
Les élections ont été annulées, la Cour d’appel ayant jugé que le refus de la candidature n’était pas suffisamment justifié.
L’employeur forme un pourvoi en cassation. Il fait notamment valoir qu’il a fixé la date limite de dépôt des candidatures à la veille du scrutin, pour des raisons sanitaires, afin de pouvoir préparer « les bulletins en amont et organiser le vote tout en respectant les gestes barrières ».
La Cour de cassation confirme la décision d’appel, considérant « qu’aucune disposition légale ne fixant un délai devant s’écouler entre le dépôt des candidatures et la date du scrutin, l’employeur, en l’absence d’accord préélectoral prévoyant une date limite de dépôt des candidatures, ne peut refuser une candidature déposée après la date qu’il a lui-même fixée qu’en justifiant sa décision au regard des nécessités d’organisation du vote ».
En l’espèce, le tribunal a constaté qu’il n’était pas démontré que :
- le dépôt d’une candidature le jour de l’élection par un membre titulaire du CSE portait grief à l’éventuelle candidature d’un membre suppléant en vue de pourvoir un siège de suppléant au CSE central ;
- le contexte sanitaire justifiait le respect d’un tel délai au regard des impératifs d’impression et de diffusion des documents de vote dans cet établissement où seuls 4 membres titulaires du CSE devaient élire en leur sein un représentant au CSE central et où le scrutin s’était déroulé en présence physique de tous les intéressés.
Le tribunal a pu en déduire que la décision de l’employeur de refuser la candidature ne répondait pas aux nécessités d’organisation du scrutin dans cet établissement.
Note : En l’absence de PAP, il faut faire preuve de vigilance face à une candidature déposée après la date fixée unilatéralement par l’employeur.
Dans ce type de situations, les juges du fond tiennent compte de différents éléments dont notamment le délai accordé par l’employeur, la nature des élections, l’organisation des élections (bulletins papiers, votes électroniques), la situation de l’entreprise etc.
Législation et réglementation
Lors de son interview télévisée du 14 juillet, le Président de la République a annoncé une réforme du travail au retour de l’été, après discussion avec les partenaires sociaux.
Le Président a annoncé les grands thèmes du futur projet de loi :
- l’assurance chômage: la volonté du chef de l’Etat est d’«aller plus loin », ce qui pourrait laisser présager un durcissement des règles d’indemnisation ;
- la valorisation des acquis de l’expérience et la qualification;
- l’amélioration de la formation continue tout au long de la vie, car « beaucoup sont aujourd’hui au chômage faute de détenir une formation qui corresponde aux besoins de la Nation » exprime le Président ;
- le renforcement de l’apprentissage pour permettre aux jeunes d’accéder plus rapidement au marché du travail ;
- l’amélioration du travail des seniors par la formation.
Quant à la réforme des retraites, le Président de la République a indiqué que les travaux seront engagés également dès la rentrée.
Nous vous tiendrons naturellement informés des évolutions législatives et réglementaires de ces premières annonces.
Compte tenu de l’inflation, le SMIC devrait être augmenté une nouvelle fois à compter du 1er août prochain.
Après une augmentation de 2.65% en mai 2022, le Smic serait augmenté de 2,01% à compter du 1er août 2022.
Le Smic horaire brut passerait alors de 10,85€ à 11,07€.
Le montant du Smic mensuel brut passerait de 1645,58 € à 1678,95 € pour un salarié à temps plein sur la base de la durée légale du travail de 35 heures hebdomadaires.
Ces chiffres doivent encore être confirmés par arrêté.