Homologation du PSE : précision sur l’étendue du contrôle de l’Administration en matière de reclassement

Le Conseil d’Etat apporte, dans une décision du 20 juin 2022 (n°437767), une précision importante concernant les contours du contrôle de l’Administration pour l’homologation d’un document unilatéral portant sur le Plan de Sauvegarde de l’Emploi (« PSE »).

Dans l’affaire présentée devant la Haute juridiction, qui concerne la société HOP !, un document portant sur le PSE avait été établi de manière unilatérale par la Direction, dans le cadre d’un projet de réorganisation de la société.

Dans ce document unilatéral, le volet relatif au reclassement des salariés comportait notamment :

  • une liste de postes de reclassement disponibles au sein de la société et au sein du groupe auquel elle appartient ;
  • des précisions sur les postes disponibles ;
  • des garanties quant au calendrier de transmission aux salariés de propositions de reclassement indiquant qu’une offre d’emploi personnalisée sera faite aux salariés concernés par écrit à compter d’une date déterminée ;
  • des mesures d’accompagnement au reclassement externe.

A la suite de l’homologation du PSE par l’Administration, plusieurs syndicats et le CSE de l’Unité Economique et Sociale à laquelle appartient la société ont formé un recours en excès de pouvoir en annulation de la décision d’homologation de l’Administration.

La Cour administrative d’appel ayant rejeté leur demande, ils ont formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat, invoquant, entre autre, l’insuffisance du PSE.

Les requérants mettaient notamment en avant le manquement de l’Administration dans le cadre de son contrôle relatif à l’obligation de recherche de reclassement par l’employeur.

Les requérants relevaient que dans le PSE, il n’était fait état de la diffusion que d’une seule offre de reclassement aux salariés, et que la liste de postes de reclassement ne précisait pas les critères de départage en cas de candidatures multiples sur un même poste.

Dans sa décision, publiée au recueil Lebon, le Conseil d’Etat rejette le pourvoi formé par les requérant en prenant le soin de distinguer l’appréciation du caractère suffisant du plan, au stade de l’homologation, et le contrôle de l’obligation de recherche sérieuse de reclassement, laquelle intervient au stade du déploiement du plan et de la notification des licenciements pour motif économique.

Au stade de l’homologation du document unilatéral portant sur le PSE, l’autorité administrative doit contrôler le caractère suffisant du plan.

Le Conseil d’Etat rappelle dans sa décision ce principe constant en prenant le soin de préciser que cette obligation s’apprécie, en matière de reclassement, à l’aune des articles L. 1233-61 et suivants du Code du travail c’est-à-dire :

  • Le plan doit intégrer un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile ;
  • Le plan doit prévoir des mesures en faveur du reclassement (telles que des actions en vue du reclassement interne, des actions favorisant la reprise de tout ou partie des activités en vue d’éviter la fermeture d’un ou de plusieurs établissements ; des créations d’activités nouvelles par l’entreprise ; des actions favorisant le reclassement externe à l’entreprise, etc.).

En revanche, le Conseil d’Etat souligne que, au stade de l’homologation du document portant sur le PSE, l’autorité administrative n’a pas à contrôler le respect par l’employeur de l’obligation de recherche sérieuse des possibilités de reclassement des salariés.

Pour apprécier le caractère suffisant du plan, le Conseil d’Etat exclut ainsi le contrôle du respect par l’employeur des obligations prévues aux termes de l’article L.1233-4 du Code du travail par l’employeur.

La Haute juridiction rappelle que, en application de l’article L.1233-4 du Code du travail, il incombe à l’employeur de réaliser tous les efforts de formation et d’adaptation en vue de reclasser les salariés désignés par les critères d’ordre et donc licenciables.

Ce même article rappelle que ces recherches de reclassement portent sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

A cet égard, l’employeur doit adresser de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuser une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés et le cas échéant l’actualisation de celle-ci, par tout moyen permettant de conférer date certaine.

Ces offres écrites doivent préciser un certain nombre de mentions (article D. 1233-2-1 du code du travail) :

  • L’intitulé du poste et son descriptif ;
  • Le nom de l’employeur ;
  • La nature du contrat de travail ;
  • La localisation du poste ;
  • Le niveau de rémunération ;
  • La classification du poste.

La liste doit également, en application de l’article D.1233-2-1 du Code du travail, préciser les critères de départage entre salariés en cas de candidatures multiples sur un même poste, ainsi que le délai dont dispose le salarié pour présenter sa candidature écrite.

Si le respect de l’ensemble de ces obligations par l’employeur s’apprécie au stade du déploiement des licenciements pour motif économique, la Haute juridiction précise qu’il n’incombe pas à l’Administration de contrôler ce point en amont, pour homologuer le PSE, et ce quand bien même le document unilatéral arrêtant le PSE comporte des garanties relatives à la mise en œuvre de l’obligation de recherche sérieuse de reclassement individuel.

Le Conseil d’Etat considère ainsi, qu’en l’espèce, les mentions portant sur le volet du reclassement étaient suffisantes.

Par conséquent, l’autorité administrative a pu valablement retenir que ce PSE arrêté par le document unilatéral qui lui était soumis était suffisant « compte tenu de l’ensemble des mesures qu’il comporte, dont celles figurant à son plan de reclassement, eu égard au contrôle qui lui incombe, en particulier quant au plan de reclassement ».

Pour autant, le Conseil d’Etat rappelle que l’homologation du PSE et les garanties prévues dans le PSE ne dispensent pas l’Employeur de respecter ses obligations en matière de reclassement, au moment du licenciement.

Telle que motivée, la décision du Conseil d’Etat distingue bien deux phases dans la procédure :

  • Celle de l’homologation du document portant sur le PSE (avant le déploiement du PSE) : pour laquelle l’Administration n’a pas à apprécier ni à contrôler le respect des dispositions tenant à la mise en œuvre des recherches de reclassement interne, en application de l’article L. 1233-4 du Code du travail ;
  • Celle de la notification des licenciement (déploiement du PSE) : pour laquelle il incombe à l’employeur de remplir ses obligations en matière de recherche sérieuse de reclassement.

Selon le Conseil d’Etat, le fait que le plan de reclassement cantonne la diffusion aux salariés d’une seule offre de reclassement ou que la liste de postes de reclassement annexée à ce plan ne prévoit pas de critères de départage en cas de candidatures multiples sur un même poste, n’empêche pas l’homologation du Plan.

Il ajoute néanmoins que la rédaction retenue dans le PSE est sans influence sur l’étendue de l’obligation qui pèse sur l’employeur au stade du licenciement en application de l’article L. 1233-4 du code du travail. Par conséquent, ces garanties, dont les salariés pourront le cas échéant se prévaloir pour contester leur licenciement « ne sont pas de nature à dispenser l’employeur de respecter, dans toute son étendue, l’obligation qui lui incombe en vertu de l’article L.1233-4 du Code du travail ».

***

Si cet arrêt semble tempérer la ligne des dernières décisions en matière de PSE, lesquelles avaient institué un contrôle renforcé de l’Administration notamment sur le volet conséquences du projet en matière de santé, sécurité et des conditions de travail, il convient de rester prudent dans le cadre de la rédaction du PSE.

En effet, si à première vue, les conditions de mise en œuvre des recherches sérieuses de reclassement interne ne seront pas contrôlées par l’Administration pour homologuer le Plan, elles pourront le cas échéant être contrôlées par le juge judiciaire en cas de contentieux portant sur les licenciements économiques intervenus en application du PSE.

A cet égard, l’absence de mention des critères de départage en cas de candidatures multiples, qui est une mention obligatoire, ou l’envoi d’une seule offre d’emploi personnalisée de reclassement, alors que plusieurs postes de reclassement de la même catégorie professionnelle auraient pu être proposés au salarié licenciable, pourront être autant d’arguments invoqués par le salarié devant la juridiction prud’homale pour prétendre à une insuffisance de recherche sérieuse de reclassement de la part de l’employeur et solliciter à ce titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les entreprises devront donc restées vigilantes, dans le cadre du déploiement du plan, à bien veiller au respect strict de leurs obligations en matière de recherche de reclassement.

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