Actu-tendance n° 619

Jurisprudence – Relations individuelles

Rappel : Lorsque le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel (C. trav. art. L. 1226-10, al. 1).
Cette proposition doit prendre en compte, après avis du CSE, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté (C. trav. art. L. 1226-10, al. 2).
L’emploi proposé doit être aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail (C. trav. art. L. 1226-10, al. 3).
L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans ces conditions, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi (C. trav. art. L. 1226-12, al. 2).
L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail (C. trav. art. L. 1226-12, al. 3).
L’obligation de reclassement est-elle respectée lorsque l’employeur ne propose pas le poste de reclassement correspondant à la première préconisation du médecin du travail ?

Cass. Soc., 26 janvier 2022, n° 20-20.369

Après avoir occupé le poste de conducteur de compacteur de 1992 à 2011, un salarié est affecté au poste d’ouvrier, manœuvre TP. Le 1er août 2017, il est déclaré inapte à son poste par le médecin du travail qui mentionne dans son avis d’inaptitude le poste de conducteur d’engins comme une possibilité de reclassement. En réponse à une interrogation de l’employeur, le médecin du travail indique que les fortes secousses et vibrations sont contre-indiquées, mais que les niveaux d’exposition et de vibrations varient selon le type d’engins. Il propose à l’employeur de venir faire des mesures de vibrations et l’invite à consulter des documents, un logiciel, et un guide de réduction des vibrations. Le médecin du travail réitère ainsi, à cette occasion, sa recommandation au titre des postes envisageables, en indiquant en premier, la conduite d’engins après évaluation du niveau de vibrations, puis d’autres fonctions, dont des postes administratifs.

L’employeur présente trois propositions de reclassement au salarié (technicien d’enrobage, géomètre projeteur et technicien de laboratoire) qui les refuse et est donc licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le salarié conteste son licenciement et obtient gain de cause auprès de la cour d’appel qui considère que l’employeur n’a pas respecté son obligation de reclassement. Elle estime, en effet, que l’employeur aurait dû proposer au salarié, le poste de conducteur d’engins disponible qui correspondait au premier poste cité par le médecin du travail après une évaluation du niveau des vibrations.

L’employeur se pourvoit en cassation. Il soutient que la cour d’appel aurait dû rechercher si les trois postes qu’il avait proposés au-delà de ses obligations légales, puisqu’il n’était tenu de proposer qu’un seul poste de reclassement, étaient conformes aux préconisations du médecin du travail, qui n’avait pas seulement envisagé le reclassement du salarié en tant que conducteur d’engins mais également sur d’autres fonctions.

La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle rappelle que « l’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10 [précité], en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail ». La Haute juridiction précise ensuite que cette présomption « ne joue que si l’employeur a proposé au salarié, loyalement, en tenant compte des préconisations et indications du médecin du travail, un autre emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail ».

En l’espèce, la Cour de cassation constate que :

  • le poste de conducteur d’engins avait été préconisé par le médecin du travail en premier ;
  • un poste de conducteur d’engins était disponible à proximité et que le salarié avait demandé à être reclassé sur un tel poste qu’il avait occupé de 1992 à 2011 et qu’il maîtrisait ;
  • l’employeur ne justifiait d’aucune évaluation de ce poste avec le médecin du travail, comme celui-ci le lui avait proposé.

Elle en déduit que l’employeur n’a pas loyalement exécuté son obligation de reclassement.

Note : Lorsque le médecin du travail formule des indications sur les possibilités de reclassement d’un salarié inapte, il est recommandé de les respecter scrupuleusement et de tenir compte de l’ordre des postes préconisés.

Rappel : Au cours d’une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de 48 heures (C. trav. art. L. 3121-20).
Le dépassement de la durée moyenne maximale de travail hebdomadaire fixée par la directive 2003/88 constitue, en tant que tel, une violation de cette disposition, sans qu’il soit besoin de démontrer en outre l’existence d’un préjudice spécifique. L’objectif étant de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la prise d’un repos suffisant, le dépassement de la durée moyenne maximale de travail hebdomadaire, en ce qu’il prive le travailleur d’un tel repos, lui cause, de ce seul fait, un préjudice dès lors qu’il est ainsi porté atteinte à sa sécurité et à sa santé (CJUE,14 octobre 2010, C-243/09).
En cas de dépassement de la durée maximale hebdomadaire, le salarié doit-il démontrer son préjudice pour obtenir des dommages-intérêts ?

Cass. Soc., 26 janvier 2022, n° 20-21.636

Au cours d’une semaine, un salarié travaille plus de 50 heures. Après la rupture de sa période d’essai, il demande en justice le paiement de dommages-intérêts pour violation de la durée maximale du travail.

Il est débouté par la cour d’appel. Selon elle, le salarié devait démontrer très exactement en quoi ces horaires chargés lui avaient porté préjudice. Or, elle estime que, en l’espèce, ce préjudice n’était pas suffisamment démontré.

La Cour de cassation censure le raisonnement des juges du fond et indique, en se fondant sur la jurisprudence de la CJUE précitée, que « le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation ».

Note : Les infractions à la durée maximale hebdomadaire de travail peuvent par ailleurs être sanctionnées par une amende administrative et par l’amende prévue pour les contraventions de 4ème classe prononcée autant de fois qu’il y a de salariés indûment employés (C. trav. art. R 3124-11).

Rappel : En principe, la mutation du salarié en application d’une clause de mobilité s’impose au salarié à condition qu’elle soit conforme aux dispositions contractuelles et mise en œuvre de bonne foi.
Le refus d’une telle mutation par le salarié constitue, en principe, un manquement à ses obligations contractuelles justifiant un licenciement disciplinaire (Cass. Soc., 10 décembre 2014, n° 13-23.790).
Lorsque la clause de mobilité a été mise en œuvre à la suite d’une fermeture de site, les licenciements fondés sur des refus de mutation ont-ils un motif économique ?

Cass. Soc., 19 janvier 2022, n° 20-15.541

Une entreprise procède à des modifications d’implantation de ses magasins. Dans ce cadre, plusieurs magasins sont fermés. Des mutations sont proposées aux salariés de ces magasins, en application de la clause de mobilité insérée dans leur contrat de travail. Les salariés refusant cette mutation dans un autre magasin sont licenciés pour motif disciplinaire.

Un syndicat estime que ces licenciements ont un motif économique. Il saisit la justice afin qu’il soit ordonné à l’entreprise d’ouvrir des négociations sur la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) sous astreinte et, à défaut d’accord ou en cas de refus de la société d’ouvrir des négociations, de mettre en place un PSE unilatéral. Il demande également des dommages-intérêts pour fraude aux règles du licenciement économique et qu’il soit interdit à l’entreprise tout licenciement s’inscrivant dans le cadre de la fermeture de boutiques tant qu’un PSE ne sera pas mis en œuvre.

La cour d’appel rejette la demande. Elle retient « qu’il n’était pas démontré que la société avait mis en œuvre ces clauses de mobilité de mauvaise foi ni qu’elle faisait face à des difficultés économiques l’ayant conduite à fermer des boutiques en procédant ainsi à des suppressions d’emploi ».

La Cour de cassation approuve. Elle considère qu’il résulte de ces constations que « les licenciements faisant suite au refus des salariés de ce changement d’affectation constituaient des licenciements pour motif personnel et non des licenciements pour motif économique ».

Note : Ainsi, dès lors que la clause de mobilité est mise en œuvre de bonne foi et en dehors de toute difficulté économique, les licenciements prononcés en raison de refus de mutation ont un motif personnel, même si les mutations font suite à des fermetures de magasins.

Rappel : Lorsque les faits reprochés au salarié rendent impossible son maintien dans ses fonctions, l’employeur peut prononcer une mise à pied conservatoire pour la durée nécessaire au déroulement de la procédure disciplinaire (C. trav. art. L. 1332-3).
Pour que la mise à pied ait un caractère conservatoire, la procédure disciplinaire doit être engagée concomitamment. A défaut, la mesure est considérée comme une sanction disciplinaire sauf si l’employeur justifie d’un motif expliquant le délai (investigations ou expertises à mener par exemple).
En vertu de la règle non bis in idem, un salarié ne peut pas être sanctionné deux fois pour les mêmes faits (Cass. Soc., 10 octobre 1985, n° 82-42.162).
Le délai de 2 mois entre une mise à pied conservatoire et l’engagement de la procédure disciplinaire peut-il être justifié par des négociations entre les avocats des parties ?

Cass. Soc., 2 février 2022, n° 20-14.782

Un salarié d’une société d’expertise-comptable est mis à pied à titre conservatoire le 5 octobre 2015. Il est ensuite convoqué à un entretien préalable le 4 décembre 2015 puis licencié pour faute grave le 21 décembre 2015.

Il conteste son licenciement. Il soutient que, compte tenu du délai écoulé entre la mise à pied et le déclenchement de la procédure disciplinaire, la mise à pied était disciplinaire et non conservatoire et que l’employeur avait ainsi déjà sanctionné le salarié et épuisé son pouvoir disciplinaire de sorte qu’il ne pouvait pas prononcer un licenciement pour les mêmes faits.

La cour d’appel déboute le salarié. Elle retient que, pendant la période qui s’est écoulée entre la notification de la mise à pied et la convocation à l’entretien préalable, les conseils respectifs des parties ont eu des échanges confidentiels portant sur une rupture conventionnelle du contrat de travail et la cession des parts sociales détenues par le salarié. Dans ces conditions, les juges du fond considèrent que la durée de la mise à pied conservatoire n’apparaît pas anormalement longue. Ils retiennent, par ailleurs, que, compte tenu des particularités de la profession d’expert-comptable, des investigations sérieuses devaient être menées avant de procéder à un licenciement.

Ces arguments sont censurés par la Cour de cassation. Pour elle, aucun des motifs retenus n’était de nature à justifier le délai de 2 mois pour engager la procédure de licenciement après notification de la mise à pied conservatoire. La Haute juridiction en conclut que « cette mesure présentait un caractère disciplinaire et que l’employeur ne pouvait ensuite décider, à raison des mêmes faits, le licenciement de l’intéressé ».

Note : Si une mesure conservatoire de mise à pied s’avère indispensable, il est recommandé de l’inscrire dans la convocation à entretien préalable afin de respecter la règle de simultanéité de la mise à pied et de la procédure disciplinaire et ainsi d’éviter toute ambiguïté sur la nature de la mise à pied.

Rappel : Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération (C. trav. art. L. 1331-1).
En vertu de la règle non bis in idem, un salarié ne peut pas être sanctionné deux fois pour les mêmes faits (Cass. Soc., 10 octobre 1985, n° 82-42.162).
Le compte-rendu d’entretien annuel d’évaluation comportant des griefs précis et invitant le salarié à changer impérativement de comportement constitue-t-il une sanction disciplinaire ?

Cass. Soc., 2 février 2022, n° 20-13.833

Dans le compte rendu écrit d’entretien annuel d’évaluation, un employeur reproche à un salarié son attitude dure et fermée aux changements, à l’origine d’une plainte de collaborateurs en souffrance, des dysfonctionnements graves liés à la sécurité électrique et le non-respect des normes réglementaires, et l’invite de manière impérative et comminatoire et sans délai à un changement complet et total. Moins de deux mois après cet entretien, le salarié est licencié pour faute grave en raison des manquements évoqués dans le compte-rendu. Le salarié conteste son licenciement au motif que ledit compte-rendu constituait déjà une sanction disciplinaire et qu’il ne pouvait donc pas être licencié pour les mêmes faits.

La cour d’appel donne raison au salarié. Elle considère que, dès lors qu’il formulait des griefs précis et invitait le salarié à un changement immédiat de comportement, le compte rendu d’entretien annuel d’évaluation constituait un avertissement.

L’employeur se pourvoit en cassation. Il soutient « que le compte rendu d’un entretien au cours duquel l’employeur a énuméré divers griefs et insuffisances qu’il imputait à son salarié, sans traduire une volonté de sa part de les sanctionner, ne constitue pas une mesure disciplinaire ».

La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle approuve les juges du fond d’avoir déduit de leurs constatations que le compte-rendu, comportant des griefs précis, sanctionnait un comportement considéré comme fautif et constituait un avertissement. La Haute juridiction en conclut que « les mêmes faits ne pouvaient plus justifier un licenciement ultérieur ».

Note : En l’espèce, le compte-rendu écrit indiquait, « votre savoir être et votre savoir-faire se doivent d’être exemplaires face aux responsabilités que vous avez dans l’entreprise » puis ajoutait « nous vous demandons un changement complet et total de votre savoir être et savoir-faire, et ce sans délai ».

Il n’est pas aisé de savoir si des observations écrites de l’employeur à l’encontre d’un salarié constituent ou pas une sanction disciplinaire. Il est recommandé à l’employeur de faire preuve de vigilance dans la rédaction de toutes observations écrites adressées à un salarié à propos de faits qu’il considère comme fautifs s’il souhaite conserver la faculté de le sanctionner pour les mêmes faits.

Jurisprudence – Relations collectives

Rappel : Pour la mise en place du CSE central, la répartition des sièges entre les différents établissements et les différents collèges fait l’objet d’un accord entre l’employeur et les organisations syndicales intéressées, conclu à la condition de double majorité prévue pour le protocole d’accord préélectoral (C. trav. art. L. 2316-8, al. 1).
En cas de désaccord sur la répartition des sièges, l’autorité administrative dans le ressort de laquelle se trouve le siège de l’entreprise décide de cette répartition (C. trav. art. L. 2316-8, al. 2) dans un délai 2 mois à compter de sa saisine (C. trav. art. R. 2316-2, al. 1). La saisine de l’autorité administrative suspend le processus électoral jusqu’à la décision administrative. La décision de l’autorité administrative peut faire l’objet d’un recours devant le juge judiciaire, à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux (C. trav. art. L. 2316-8, al. 3 et 5).
La contrariété de jugements peut être invoquée lorsque deux décisions, même non rendues en dernier ressort, sont inconciliables et qu’aucune d’elles n’est susceptible d’un recours ordinaire. Lorsque la contrariété est constatée, la Cour de cassation annule l’une des décisions ou, s’il y a lieu, les deux (CPC art. 618).
Lorsqu’un accord et une décision administrative relatifs à la répartition des sièges au CSE central font l’objet de décisions de justice inconciliables, laquelle de ces décisions doit s’appliquer ?

Cass. Soc., 2 février 2022, n° 20-60.262

Une UES engage des négociations pour la mise en place de ses CSE d’établissement et de son CSE central. En l’absence d’accord conclu à la double majorité, les entreprises de l’UES saisissent l’administration, le 23 septembre 2019, afin de fixer le nombre et la répartition entre établissements des sièges au CSE central. Cette demande fait l’objet d’une décision implicite de rejet de l’administration qui n’a pas statué dans un délai de 2 mois suivant sa réception.

Entre-temps, un accord sur le dialogue social et la mise en place du CSE est signé le 28 octobre 2019 par deux syndicats majoritaires. Cet accord prévoit notamment la mise en place de 6 CSE d’établissement et un CSE central ainsi que la composition de ce dernier, en répartissant le nombre de sièges entre les six établissements. L’un des CSE d’établissements obtient cinq titulaires et cinq suppléants au CSE central, qui sont élus le 20 février 2020.

Mais, le 28 février 2020, l’administration retire sa décision implicite de rejet et fixe la répartition des sièges par établissement au CSE central, en attribuant au CSE d’établissement en cause deux sièges de titulaires et deux sièges de suppléants au lieu des cinq sièges titulaires et cinq sièges suppléants attribués par l’accord.

Les entreprises de l’UES contestent alors, devant le tribunal judiciaire de Versailles, l’élection, par le CSE d’établissement en cause, de ses dix représentants titulaires et suppléants au CSE central. D’une part, elles soutiennent que l’accord leur est inopposable car il n’a pas été conclu à l’unanimité comme requis par l’article R. 2316-1 du Code du travail selon lequel chaque établissement peut être représenté au CSE central soit par un seul délégué, titulaire ou suppléant, soit par un ou deux délégués titulaires et un ou deux délégués suppléants, sauf dérogation prévue par un accord unanime. D’autre part, les entreprises de l’UES considèrent que l’accord n’était pas conclu à la double majorité. Elles en déduisent que le refus de l’administration de procéder, à la demande de l’employeur, à la répartition des sièges entre les établissements était illégal et qu’en conséquence, faute de recours exercé contre cette décision implicite de refus, l’autorité administrative pouvait la retirer dans le délai de 4 mois et prendre une nouvelle décision fixant la répartition entre les établissements des sièges au CSE central conformément à l’article L. 2343-3 du Code des relations entre le public et l’administration. Selon elles, le processus électoral était donc suspendu lorsque les élections ont eu lieu le 20 février 2020.

La demande d’annulation de l’élection et d’inopposabilité de l’accord des entreprises de l’UES est rejetée par le tribunal judiciaire qui retient notamment que :

  • les entreprises ont signé l’accord fixant la répartition des sièges au CSE central de sorte que le moyen d’inopposabilité n’est pas recevable ;
  • en l’absence de tout recours formé à l’encontre de la décision de rejet implicite, le processus électoral n’était plus suspendu le 20 février 2020.

La Cour de cassation approuve la décision des juges du fond. Elle rappelle que la décision administrative de répartition des sièges au CSE central peut faire l’objet d’un recours devant le juge judiciaire, à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. Elle en déduit que la décision implicite de rejet d’une demande de procéder à la répartition des sièges entre les différents établissements au sein du CSE central ne peut pas être retirée.

De leur côté, un syndicat et le CSE d’établissement en cause contestent la décision explicite de l’administration du 28 février 2020 devant le tribunal judiciaire de Nanterre. Ils demandent l’annulation de cette décision et une répartition des sièges au CSE central conforme à l’accord du 28 octobre 2019.

Le tribunal judiciaire de Nanterre refuse d’annuler la décision de l’administration du 28 février 2020 et ordonne l’élection des représentants au CSE central conformément à cette décision.

Le syndicat et le CSE d’établissement se pourvoient en cassation au motif que cette décision est inconciliable avec la décision du tribunal judiciaire de Versailles qui a validé l’élection s’étant tenue en application de l’accord.

Mettant en œuvre l’article 618 du Code de procédure civile précité, la Cour de cassation donne gain de cause au syndicat et au CSE d’établissement. Elle constate que les décisions des tribunaux judiciaires sont inconciliables en ce qu’elles aboutissent à ce que le CSE d’établissement en cause soit représenté au CSE central à la fois par cinq titulaires et cinq suppléants et par deux titulaires et deux suppléants. Considérant que la décision du tribunal judiciaire de Versailles (validation de l’accord) est conforme à la doctrine de la Cour de cassation, la Haute juridiction annule la décision du tribunal judiciaire de Nanterre (refus d’annulation de la dernière décision administrative).

Note : Deux points sont à retenir de cette décision :

  • l’employeur ne peut pas invoquer l’inopposabilité d’un accord collectif fixant la répartition des sièges au CSE central dès lors qu’il l’a signé ;
  • la décision administrative implicite de rejet d’une demande de procéder à la répartition des sièges entre les différents établissements au sein du CSE central ne peut pas être retirée pour être remplacée par une décision explicite.

Législation et réglementation

Entré en vigueur depuis janvier 2021, le dispositif de Transitions Collectives (« Transco ») est une mesure d’accompagnement de l’évolution des emplois et de l’activité des entreprises. Il s’inscrit dans le cadre d’un plan de soutien aux entreprises et aux salariés pour faire face à la crise sanitaire. L’objectif est d’accompagner les entreprises qui font face à des mutations économiques : le dispositif permet aux salariés dont l’emploi est fragilisé de suivre une formation longue pour se reconvertir sur un métier porteur localement. Lorsque le dispositif a été mis en place et accepté par l’administration, l’Etat prend en charge la rémunération des salariés et le coût de la formation.

Une instruction de la DGEFP du 7 février 2022 aménage les modalités de mise en œuvre de ce dispositif notamment :

  • en ouvrant la possibilité aux entreprises de moins de 300 salariés d’intégrer ce dispositif soit par accord collectif, soit par décision unilatérale de l’employeur après information-consultation du CSE, lorsqu’il existe. Ainsi, l’obligation de négocier un accord de gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) pour mettre en place le dispositif Transco est supprimée pour ces entreprises ;
  • en créant un dispositif complémentaire dénommé « Transco-congé de mobilité » ayant pour objectif de soutenir les reconversions professionnelles des salariés optant pour un congé de mobilité, soit dans le cadre d’une rupture conventionnelle collective (RCC), soit dans celui d’un accord de GEPP.

D’ici le 1er mars prochain, les entreprises d’au moins 50 salariés devront publier leur index de l’égalité professionnelle.

Cet index comprend plusieurs indicateurs dont un sur le pourcentage de salariées ayant bénéficié d’une augmentation dans l’année de leur retour de congé de maternité, si des augmentations sont intervenues au cours de la période pendant laquelle le congé a été pris.

Le 31 janvier dernier, dans une mise à jour de son questions-réponses relatif au calcul de l’index de l’égalité professionnelle, le Ministère du travail a apporté des précisions sur cet indicateur « retour de congé maternité ».

Il est ainsi indiqué que :

  • « lorsque le congé maternité est suivi d’un congé parental, l’indicateur est calculé en comparant le nombre de salariées ayant bénéficié d’une augmentation à leur retour physique dans l’entreprise, pendant l’année de référence, au nombre de salariées ayant bénéficié d’un congé maternité pendant lequel des augmentations salariales ont eu lieu. Seules les augmentations intervenues pendant le congé de maternité sont prises en compte, et non celles intervenues pendant le congé parental.
    Dans le cas où le congé maternité prend fin avant la fin de la période de référence considérée, mais que le congé parental se termine après la fin de cette même période, le respect de l’obligation sera apprécié sur la période de référence de l’année au cours de laquelle la salariée réintègre physiquement l’entreprise à l’issue de son congé parental ;
  • lorsque le congé maternité est suivi de congés payés, l’indicateur est calculé au retour de congé maternité, autrement dit, à la suite de ce congé, sans attendre le retour physique de la salariée dans l’entreprise ;
  • les salariées revenues de congé maternité pendant la période de référence et qui ont été absentes plus de 6 mois pendant cette même période, doivent être prises en compte uniquement pour le calcul de l’indicateur relatif au retour de congé maternité» ;
  • les augmentations des salariées en congé maternité, accordées durant ce congé (et non au retour de la salariée), sont prises en compte pour le calcul de l’indicateur « retour de congés maternité » si elles se situent pendant la période de référence pour le calcul de cet indicateur  ;
  • « le congé d’adoption est pris en compte dans le calcul de l’indicateur, au même titre que le congé de maternité. L’indicateur concerne donc tout salarié de sexe féminin ou masculin ».

La loi 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail a attribué une valeur législative au document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) et a fait évoluer ses modalités de mise à jour, de conservation et de mise à disposition (cf. notre news « Loi ‘santé’ du 2 août 2021 : focus sur les avancées en matière de prévention au travail »).

Un projet de décret soumis récemment aux partenaires sociaux apporte des précisions sur l’élaboration, la conservation et la mise à disposition du DUERP ainsi que sur les modalités de prise en charge par les Opco des formations en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail des membres du CSE et du référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes pour les entreprises de moins de 50 salariés.

Ce texte envisage :

  • de dispenser les entreprises de moins de 11 salariés de l’obligation de mise à jour annuelle du DUERP. Pour ces entreprises, l’actualisation du DUERP serait obligatoire seulement en cas d’information supplémentaire intéressant l’évaluation d’un risque dans une unité de travail ou de décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ;
  • une mise à jour du programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail ou de la liste des actions de prévention et de protection à chaque mise à jour du DUERP ;
  • d’étendre la mise à disposition du DUERP aux anciens travailleurs, pour les périodes durant lesquelles ils ont travaillé dans l’entreprise, et aux services de prévention et de santé au travail ;
  • de modifier les articles R. 4412-6 et R. 4412-7 du Code du travail relatifs à l’évaluation des risques chimiques afin de prendre en compte les situations de polyexpositions aux agents chimiques dangereux, qui visent les expositions successives ou simultanées à plusieurs agents chimiques ;
  • d’instaurer, jusqu’à l’entrée en vigueur de l’obligation de dépôt du DUERP sur le portail numérique (prévue au 1er juillet 2023 pour les entreprises d’au moins 150 salariés et au 1er juillet 2024 pour les autres entreprises), une obligation pour l’employeur de conserver les versions successives du DUERP au sein de l’entreprise en format papier ou dématérialisé ;
  • la possibilité, pour les entreprises de moins de 50 salariés, de prise en charge par les Opco des formations des membres du CSE en matière de santé, de sécurité et des conditions de travail.

Les dispositions de ce projet de décret entreraient en vigueur le 31 mars 2022.