Loi « santé » du 2 août 2021 : focus sur les avancées en matière de prévention au travail

La loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail a été publiée au Journal Officiel du 3 août dernier. Sauf exceptions expressément prévues, cette loi entrera en vigueur le 31 mars 2022.
Transposant et enrichissant l’ANI du 9 décembre 2021, ce texte a notamment pour objectif majeur de renforcer la prévention au sein des entreprises et décloisonner la santé publique et la santé au travail (Titre Ier de la loi).
Les pouvoirs publics souhaitant privilégier la prévention en entreprise et non plus la réparation, plusieurs dispositifs visant à prévenir les risques professionnels ont été créés ou précisés.
Marie-Bénédicte Bourgois et Loïc Touranchet font un petit tour d’horizon des principales mesures adoptées sur ce volet préventif :

Modification de la définition du harcèlement sexuel

L’article 1 de la loi « santé » harmonise la définition du harcèlement contenue dans le Code du travail avec celle du Code pénal (article 222-33) en complétant l’article L. 1153-1 du Code du travail, lequel prévoit désormais que :

  • les propos ou comportements à connotation sexiste peuvent caractériser des faits de harcèlement sexuel (notion intégrée dans le Code pénal en 2018) au même titre que les propos ou comportements à connotation sexuelle ;
  • le harcèlement sexuel peut aussi être constitué :
    • lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;
    • lorsqu’un salarié subit de tels propos ou comportements, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition.

Précisons que cette nouvelle définition du harcèlement sexuel contenue dans le Code du travail ne retient pas l’élément intentionnel pour constituer le harcèlement. Aussi, le Conseil de prud’hommes pourra constater que le salarié est victime de harcèlement sexuel même si le juge pénal ne dégage pas l’élément intentionnel du harcèlement sexuel.

Le Code pénal est donc transposé au monde du travail afin de mieux matérialiser le harcèlement sexuel, lequel est caractérisé dès lors que le salarié le subit et non dès lors qu’il est imposé par son ou ses auteurs.

Renforcement du Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels (DUERP)

Le DUERP est un outil essentiel en matière de prévention en entreprise. Or, il s’avère que près d’une entreprise sur deux n’élaborerait pas ou n’actualiserait pas un tel document.

Le législateur a donc décidé de renforcer le cadre législatif de cette obligation en créant (article 3 de la loi « santé ») un nouvel article L. 4121-3-1 du Code du travail qui définit légalement le contenu du DUERP et ses modalités de mise à jour, conservation et mise à disposition.

La finalité du DUERP est de permettre à l’employeur de répertorier l’ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs et définir les mesures de prévention nécessaires dans l’entreprise.

L’étendue de cette obligation dépend de l’effectif de l’entreprise :

  • Dans les entreprises d’au moins 50 salariés : les résultats de l’évaluation des risques doivent donner lieu à un programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail qui doit être présenté au CSE dans le cadre de sa consultation sur la politique sociale de l’entreprise. Pour garantir son caractère opérationnel ce programme doit dorénavant :
    • fixer la liste détaillée des mesures devant être prises au cours de l’année à venir, qui comprennent les mesures de prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels ainsi que, pour chaque mesure, ses conditions d’exécution, des indicateurs de résultat et l’estimation de son coût ;
    • identifier les ressources de l’entreprise pouvant être mobilisées ;
    • comprendre un calendrier de mise en œuvre.

N.B. : Outre son concours à l’analyse des risques professionnels, le CSE, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, doit être consulté sur le DUERP et ses mises à jour.

  • Dans les entreprises de moins de 50 salariés : les résultats de l’évaluation des risques doivent donner lieu à la définition d’actions de prévention des risques et de protection des salariés. Une liste de ces actions et des mises à jour correspondantes doit être consignée dans le DUERP, et doit dorénavant être présentée au CSE.

A noter que le DUERP devra, dans ses versions successives, être conservé pendant au moins 40 ans et être mis à disposition des salariés ainsi que de toute personne ou instance justifiant d’un intérêt à y avoir accès. Pour garantir cette conservation, le DUERP devra être déposé de façon dématérialisée sur un portail numérique géré par les organisations d’employeurs.

Plusieurs décrets sont attendus.

Création d’un nouveau sous-thème de négociation périodique obligatoire

L’article 4 de la loi « santé » prévoit que la qualité des conditions de travail (notamment la santé et la sécurité au travail et la prévention des risques professionnels) puisse être un des thèmes abordés dans le cadre de la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes (nouvel article L. 2242-19-1 du Code du travail).

La négociation annuelle sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail devient donc la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle et la Qualité de Vie et des Conditions de Travail (QVCT).

Ainsi, les partenaires sociaux devront aborder tous les 4 ans dans le cadre des négociations périodiques obligatoires, la question de la QVCT et l’accord d’adaptation conclu à l’issue de ces négociations devra aborder ce thème (article L. 2242-11 du Code du travail).

À défaut d’accord sur le sujet, ou en cas de non-respect de ses stipulations, l’employeur devra engager, chaque année, une négociation sur l’égalité professionnelle femmes/hommes et la qualité de vie et des conditions de travail.

Mise en place d’un passeport prévention

L’article 6 de la loi « santé » crée un passeport de prévention qui devra faire figurer les attestations, certificats et diplômes obtenus par chaque travailleur dans le cadre des formations relatives à la santé et à la sécurité au travail (nouvel article L. 4141-5 du Code du travail).

Ce passeport sera renseigné par les employeurs, les organismes de formation mais aussi par les travailleurs lorsqu’ils ont suivi ces formations de leur propre initiative.

Le passeport de prévention sera intégré dans le passeport d’orientation, de formation et de compétences si le salarié ou demandeur d’emploi en possède un.

Ce passeport formation entrera en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er octobre 2022

Loïc Touranchet
Avocat associé | +33 (0)144 94 96 00 | societe@actanceavocats.com | + posts

Loïc Touranchet a prêté Serment le 24 février 2000. Il a pratiqué 6 années au sein du cabinet Barthélémy & Associés et a participé à la création du cabinet Actance. Il est titulaire d’un Master II de droit Social et d’un Master II Juriste d’Affaires et bénéficie des certificats de spécialisation de l’ordre des Avocats en Droit du travail, ainsi qu’en Droit de la sécurité sociale et de la protection sociale (depuis 2007), Il est chargé d’enseignement en droit social au CIFFOP – Université Paris II Panthéon-Assas depuis 2005. Loïc TOURANCHET est associé au cabinet Actance depuis 2008 et dirige une équipe généraliste en droit Social. Il accompagne les groupes dans le cadre de la négociation collective (NAO, Durée du travail, GPEC, ...), de la gestion de dossier à risques en phase de pré-contentieux et de contentieux. Il bénéficie d’une forte expérience en matière de restructuration et notamment redressement et liquidation judiciaire. Il intervient également avec son équipe sur les contentieux à risques et collectifs (Co-emploi, primes collectives, contestations PSE, …). Il intervient également sur le secteur non marchand.

Marie-Bénédicte Bourgois
Avocate Counsel | +33 (0)144 94 96 00 | societe@actanceavocats.com | + posts