Harcèlement sexuel : pas de résiliation judiciaire du contrat de travail si l’employeur fait rapidement cesser les faits

Lucie Vincens et Rym Gouizi reviennent sur la décision de la Cour de cassation rendue le 3 mars 2021 (n°19-18.110) à l’occasion de laquelle la Cour précise qu’une demande de résiliation judiciaire motivée par des faits avérés de harcèlement sexuel n’est pas justifiée dès lors que ces faits n’existent plus à la date de la saisine du Conseil de prud’hommes.

En l’espèce, une salariée était victime de harcèlement sexuel avéré par sa supérieure hiérarchique (SMS contenant des propos à connotation sexuelle et pressions répétées pour obtenir un acte de nature sexuelle pendant plusieurs mois). La salariée a fait l’objet d’arrêts de travail successifs, au cours desquels elle a informé son employeur des agissements de sa supérieure hiérarchique. L’employeur a réagi en licenciant l’auteur des faits dans un délai d’un mois après en avoir eu connaissance.

Un peu moins de six mois plus tard, la salariée a saisi le Conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire motivée par le harcèlement sexuel subi, estimant que son employeur avait manqué à ses obligations.

La Cour de cassation a approuvé le raisonnement de la Cour d’appel selon lequel la demande de la salariée n’était pas justifiée puisque :

  • d’une part, la salariée n’établissait pas de lien de causalité entre les faits de harcèlement sexuel dont elle a été victime et ses différents arrêts de travail,
  • d’autre part, l’employeur avait mis fin au harcèlement sexuel en licenciant l’auteur des faits, de telle sorte que les faits reprochés avaient cessé à la date à laquelle la salariée a saisi la juridiction prud’homale.

Deux enseignements peuvent être tirés de cet arrêt :

  • La Cour de cassation fait pour la première fois application de sa jurisprudence habituelle à une demande de résiliation judiciaire en raison d’un harcèlement sexuel avéré

Pour mémoire, la Cour de cassation considérait auparavant que l’employeur engageait sa responsabilité dès lors qu’un harcèlement moral ou sexuel était avéré et ce, indépendamment du fait qu’il y ait mis fin dès que l’employeur en a eu connaissance. Depuis 2015, la Cour a assoupli sa position et considère désormais que l’employeur ne méconnait pas son obligation de sécurité à l’égard de ses salariés dès lors qu’il justifie avoir pris toutes les mesures utiles pour protéger leur santé et leur sécurité pour faire cesser le harcèlement en cause (Cass. Soc. 25 novembre 2015, n°14-24.444).

Par application de cette jurisprudence, la Cour de cassation estime classiquement que les manquements reprochés à un employeur ne peuvent justifier une demande de résiliation judiciaire dès lors que cet employeur a immédiatement pris les mesures nécessaires pour mettre fin à la situation litigieuse. C’est par exemple le cas d’un harcèlement moral caractérisé par l’envoi de courriels à caractère raciste, dès lors que l’employeur réagit en sanctionnant immédiatement son auteur (Cass. Soc. 21 juin 2017, n°15-24.272).

Dans cet arrêt, la Cour étend donc sa jurisprudence concernant des faits avérés de harcèlement sexuel et écarte en l’espèce la responsabilité de l’employeur parce qu’il a pris les mesures adéquates en licenciant immédiatement l’auteur des faits.

  • Des faits avérés de harcèlement sexuel ne justifient pas une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié dès lors quils ont cessé à la date de la saisine du Conseil de prud’hommes et ce, même s’ils se sont inscrits dans la durée

La salariée estimait en effet que ses arrêts de travail avaient suspendu son contrat de travail et avaient ainsi neutralisé l’ancienneté des faits de harcèlement sexuel subis environ 1 an et demi plus tôt.

La Cour de cassation rejette cette analyse et relève que la salariée ne démontre pas que ses arrêts de travail sont la conséquence du harcèlement sexuel qu’elle subissait, alors même que ces faits étaient avérés. Dès lors, en l’absence de ce lien de causalité, et l’employeur ayant mis fin au harcèlement sexuel en cause, la salariée ne justifiait pas de manquements suffisamment graves de son employeur pour justifier la cessation de son contrat de travail.

Cet arrêt illustre l’importance pour l’employeur de réagir immédiatement pour faire cesser des faits de harcèlement moral ou sexuel dès lors qu’il en a connaissance. De la même manière qu’en matière de harcèlement moral, il est donc indispensable, en cas d’accusations de harcèlement sexuel, de :

  • réagir rapidement et efficacement en initiant une enquête confidentielle et objective,
  • associer les acteurs de l’entreprise à même d’entendre les salariés impliqués (CSSCT, référent harcèlement en cas faits susceptibles de relever de harcèlement sexuel),
  • en cas de faits avérés, réagir immédiatement en exerçant, si nécessaire, son pouvoir de sanction à l’encontre de l’auteur des faits.

Dans ces conditions, l’employeur serait en mesure de prouver qu’il a respecté son obligation de sécurité et d’empêcher l’engagement de sa responsabilité.

Lucie Vincens
Avocate associée | +33 (0)144 94 96 00 | societe@actanceavocats.com | + posts

Lucie est titulaire d’un master II et du Diplôme de Juriste Conseil d’Entreprise (DJCE).
Elle travaille quotidiennement en Anglais et en Français.
Elle a pratiqué 2 années au sein du cabinet Barthélémy & Associés et a participé en juin 2005 à la création du cabinet Actance.
Lucie accompagne notamment des groupes de dimension nationale et internationale à l’occasion de phases d’acquisition, de cession et de réorganisation. Elle les assiste également sur toutes les questions relevant des relations collectives et individuelles de travail.
Avocate, spécialiste en droit du travail, elle intervient dans le cadre de l’enseignement en droit social au sein du Master II DPRT de l’Université de Montpellier.

Rym Gouizi
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Master 2 Recherche Droit Social Protection Social et Santé - Université Paris X Nanterre