Actu-tendance n° 584
Jurisprudence – Relations individuelles
Rappel : Lors de la signature d’une rupture conventionnelle, la convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9 (indemnité légale de licenciement) (art. L. 1237-13 du Code du travail).
Le salarié qui signe une rupture conventionnelle avec une entreprise soumise à l’ANI de 2008 et à un accord collectif prévoyant une indemnité conventionnelle de licenciement peut-il prétendre à une indemnité spécifique de rupture calculée sur l’indemnité conventionnelle de licenciement si elle est plus favorable ?
Cass. soc., 5 mai 2021, n° 19-24.650
En janvier 2015, une salariée a signé une rupture conventionnelle avec une entreprise soumise à l’avenant n° 4 du 18 mai 2009 à l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008.
Cet ANI permet aux salariés qui ont signé une rupture conventionnelle de revendiquer une indemnité au moins égale à l’indemnité conventionnelle de licenciement si elle est supérieure à l’indemnité légale de licenciement.
La salariée ayant perçu une indemnité de rupture calculée par référence à l’indemnité légale de licenciement, elle a saisi la juridiction prud’homale pour solliciter une somme à titre de solde d’indemnité de rupture.
Selon la salariée, l’accord de 1994, applicable à l’entreprise, prévoyait une indemnité conventionnelle de licenciement plus favorable que l’indemnité légale de licenciement. Dès lors, cette indemnité devait servir de plancher pour calculer l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle.
La Cour d’appel lui a donné raison et a condamné l’employeur à payer à la salariée le solde de son indemnité.
L’employeur s’est pourvu en cassation faisant valoir que l’accord de 1994 prévoyait « le versement d’une indemnité conventionnelle de licenciement seulement dans 2 hypothèses : en cas de licenciement pour insuffisance résultant d’une incapacité professionnelle et en cas de difficultés économiques sérieuses mettant en cause la pérennité de l’entreprise ».
Les autres cas de licenciement pour motif personnel n’ouvraient droit qu’à l’indemnité légale de licenciement. Dès lors, la salariée ne pouvait pas prétendre à une indemnité de rupture calculée par référence à l’indemnité conventionnelle de licenciement.
La Cour de cassation ne suit pas ce raisonnement et confirme l’arrêt d’appel.
En l’espèce, la Cour d’appel a constaté que l’accord de 1994 prévoyait une indemnité conventionnelle de licenciement plus favorable que l’indemnité légale de licenciement. Elle en a déduit qu’en application de l’avenant du 18 mai 2009 à l’ANI du 11 janvier 2008, la salariée pouvait prétendre à une indemnité de rupture conventionnelle dont le montant ne pouvait être inférieur à l’indemnité conventionnelle de licenciement, peu important les conditions d’octroi de cette indemnité dans l’accord collectif.
Note : Dans les entreprises soumises à l’ANI du 11 janvier 2008, l’employeur doit verser aux salariés dont les contrats de travail sont rompus par le biais d’une rupture conventionnelle a minima le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement s’il est plus favorable que le montant de l’indemnité légale de licenciement.
En pratique, l’employeur doit comparer le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement avec celui de l’indemnité légale et appliquer le plus favorable qui constitue un plancher pour fixer l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle. Les parties peuvent toujours prévoir, dans la convention de rupture, une indemnité d’un montant supérieur.
Rappel : Dès que le temps de travail quotidien atteint 6 heures, le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de 20 minutes consécutives (article L. 3121-16 du Code du travail).
Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut fixer un temps de pause supérieur (article L. 3121-17 du Code du travail).
Le temps de pause n’est pas considéré comme du travail effectif, sauf lorsque le salarié est à la disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives, sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles (art. L 3121-2 du Code du travail).
Le temps de pause n’est pas en principe rémunéré, sauf dispositions conventionnelles plus favorables (Cass. soc., 20 juin 2013, n° 12-10.127).
Si le salarié n’est pas en mesure de prendre son temps de pause, celui-ci constitue du temps de travail effectif. Sur qui pèse la charge de la preuve de la prise par le salarié des pauses supplémentaires prévues par le contrat de travail ?
Cass. soc., 8 avril 2021, n° 19-22.700
Dans cette affaire, une salariée a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat aux torts de son employeur.
A cette occasion, elle sollicitait le paiement d’un rappel d’heures supplémentaires. Elle reprochait à son employeur de ne pas avoir bénéficié des pauses supplémentaires prévues par son contrat de travail.
En l’espèce, le contrat de travail de la salariée fixait un temps de présence de 42 heures hebdomadaires, incluant 2 heures de pauses et 40 heures de travail effectif.
La Cour d’appel a fait droit à sa demande après avoir relevé que les 2 heures de pause hebdomadaire figuraient bien sur les feuilles de temps de la salariée soit : 25 minutes du lundi au jeudi et 20 minutes le vendredi.
L’employeur ne justifiant pas que ces pauses avaient été effectivement prises par la salariée, les juges ont estimé qu’elles devaient être payées en heures supplémentaires.
Contestant cette décision, l’employeur s’est pourvu en cassation, reprochant aux juges d’avoir fait peser la charge de la preuve exclusivement sur lui.
Or selon lui, en cas de litige portant, non pas sur un temps de pause légal, mais sur un temps de pause supplémentaire accordé contractuellement au-delà des minima légaux, les règles de preuve prévues à l’article L. 3171-4 du Code du travail concernant un litige sur l’existence ou le nombre d’heures de travail effectuées devaient s’appliquer. Dès lors, la charge de la preuve devait être partagée entre la salariée et l’employeur.
La Cour de cassation ne retient pas cet argument et confirme l’arrêt de la Cour d’appel.
En l’espèce, l’employeur n’établissait pas avoir mis la salariée en mesure de prendre ses temps de pause supplémentaires et ne justifiait pas qu’ils avaient effectivement été pris, de sorte que la salariée avait droit au paiement d’heures supplémentaires.
Autrement dit, il revient exclusivement à l’employeur d’établir qu’il a mis le salarié en mesure de prendre ses temps de pause supplémentaires.
Note : Il convient de rappeler que l’employeur doit permettre à ses salariés de prendre leurs temps de pause.
A ce titre, il doit conserver la preuve de la prise de ces temps de pause par les salariés. Dans le cas contraire, ces pauses constituent du temps de travail effectif susceptible de générer des heures supplémentaires dont les salariés peuvent réclamer le paiement.
Rappel : Prévue par le contrat de travail, la clause de non-concurrence a pour objet d’interdire au salarié, après la rupture de son contrat de travail, d’être recruté par une entreprise concurrente ou d’exercer, sous quelque forme que ce soit, une activité concurrente à celle de son ancien employeur.
Pour être valable, la clause non-concurrence est subordonnée à 5 conditions (Cass. Soc., 10 juillet 2002, n° 99-43.334) :
Être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise ;
Être limitée dans le temps ;
Être limitée dans l’espace ;
Tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié ;
Comporter une contrepartie pécuniaire.
Ces conditions sont cumulatives. L’absence de l’une d’entre elles entraîne la nullité de la clause de non-concurrence.
Une clause de non-concurrence délimitée au niveau mondial est-elle valable ?
Cass. soc., 8 avril 2021, n° 19-22.097
Dans cette affaire, une salariée, généticienne, a démissionné de son poste au sein d’une société spécialisée dans la génétique animale.
Son contrat prévoyait une clause de non-concurrence « au niveau mondial ». La salariée a demandé à être libérée de cette clause, ce que l’employeur a refusé. Il a tout de même accepté de limiter la clause à 2 de ses principaux concurrents, ainsi qu’à leurs filiales.
Malgré cette interdiction, elle a été embauchée par l’un des 2 concurrents. L’employeur a alors saisi la juridiction prud’homale en référé pour qu’elle ordonne de mettre fin à cette activité.
Pour sa défense, la salariée faisait valoir que la clause de non-concurrence prévue dans son contrat était illicite dans la mesure où elle la mettait dans l’impossibilité d’exercer une activité conforme à sa formation.
La Cour d’appel n’a pas suivi cet argument et a ordonné à la salariée de cesser toute activité de concurrence à l’égard de sa première société. Les juges d’appel estimaient que le fait que la délimitation soit le « monde entier » ne rendait pas en soi impossible l’exercice de son activité professionnelle.
Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation censure la décision d’appel sur le fondement du principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle ainsi que sur l’article L. 1121-1 du Code du travail relatif aux droits et libertés dans l’entreprise.
La Haute juridiction rappelle qu’une « clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ».
La Cour a considéré que la clause de non-concurrence en l’espèce n’était pas délimitée dans l’espace, de sorte que sa méconnaissance par la salariée ne constituait pas un trouble manifestement illicite.
Autrement dit, une clause de non-concurrence applicable dans le monde entier n’est pas délimitée géographiquement.
Note : En revanche, la Cour de cassation a jugé qu’une clause de non-concurrence dont le champ d’application géographique s’étend dans toute l’Europe et l’Asie-Pacifique n’était pas nécessairement nulle. Il revenait aux juges du fond de rechercher si le salarié se trouvait dans l’impossibilité d’exercer une activité conforme à sa formation, à ses connaissances et son expérience professionnelle (Cass. soc., 3 juillet 2019, n° 18-16.134).
En outre, il convient de rappeler que la zone géographique fixée dans la clause de non-concurrence doit être déterminée avec précision de telle façon que le salarié puisse connaître l’étendue de son obligation. A défaut, la clause de non-concurrence peut être déclarée nulle (Cass. soc., 22 février 2000, n° 97-45.868).
La validité des clauses de non-concurrence est appréciée par les juges in concreto au regard notamment de la spécificité de l’emploi du salarié et de l’activité de l’entreprise.
Rappel : Même en l’absence d’obligation légale, l’employeur est tenu de prendre en charge les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail conformément aux :
dispositions sur la prise en charge des coûts prévues par l’accord/la charte relatif au télétravail ;
ou à défaut, en application de l’obligation générale de prise en charge des frais professionnels (Cass. Soc. 25 mars 2010 n° 08-43.156).
Ce principe est rappelé à l’article 3.1.5 de l’Accord national interprofessionnel (ANI) du 26 novembre 2020 qui prévoit que les frais engagés par un salarié en télétravail dans le cadre de l’exécution de son contrat doivent être supportés par l’employeur.
L’employeur est-il tenu de prendre en charge les frais professionnels engagés par un salarié en télétravail pendant la période de suspension du contrat de travail liée à un arrêt maladie ?
CA Rennes, 11 février 2021, n° 17/07413
A la suite de son licenciement, un salarié a saisi la juridiction prud’homale pour solliciter notamment le remboursement de frais exposés en raison de son télétravail pendant la période où il a été placé en arrêt de travail pour maladie.
Les juges du fond ont fait droit à sa demande. La Cour d’appel a infirmé ce jugement en rappelant que les frais liés au chauffage, à l’électricité et à la connexion internet occasionnés par le télétravail « ne sont pas des accessoires du salaire mais ont, aux termes du contrat, la nature de remboursement de frais ».
Dès lors, l’employeur peut suspendre le remboursement de ces frais professionnels pendant la suspension du contrat de travail ou lorsqu’ils ne correspondent pas à une période effectivement travaillée. Tel est le cas lorsque le salarié est en arrêt de travail pour maladie.
En revanche, la prise en charge partielle du loyer, correspondant à la quote-part de la superficie du domicile du salarié dédiée à son espace de travail, ainsi que la quote-part d’assurance habitation liée à cette occupation, ne peuvent pas être suspendues.
Il en résulte que la Cour d’appel a fait droit à la demande du salarié seulement sur le remboursement de ces frais (loyer et assurance).
Note : Le Bulletin officiel de la Sécurité sociale (BOSS), dont le contenu est opposable à l’Administration depuis le 1er avril dernier, détaille la réglementation applicable en matière de frais liés au télétravail en officialisant les tolérances admises par l’Urssaf.
L’Urssaf admet la possibilité pour l’employeur de prendre en charge les frais liés au télétravail sous la forme d’une allocation forfaitaire, exonérée de cotisations, dans la limite globale de 10 € par mois pour une journée de télétravail par semaine, sans justificatif. La limite d’exonération passe à 20 € par mois pour 2 jours de télétravail par semaine, 30 € par mois pour 3 jours, etc., jusqu’à un maximum de 50 € par mois.
Cette allocation peut être également établie sur une base journalière, la limite de 2,50€ par jour télétravaillé, dans la limite de 55 € par mois.
En revanche, le BOSS n’a pas repris la tolérance admise le 29 janvier 2021, selon laquelle si l’allocation forfaitaire est prévue par la convention collective de branche, l’accord professionnel ou interprofessionnel ou un accord de groupe, elle est réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations et contributions sociales dans la limite des montants prévus par accord collectif, dès lors qu’elle est attribuée en fonction du nombre de jours effectivement télétravaillés.
Législation et réglementation
Les décrets n° 2021-508 et n° 2021-509 du 28 avril 2021 ont prolongé pour le mois de mai 2021 le dispositif actuel d’activité partielle.
Ainsi, jusqu’au 31 mai 2021 :
- Le taux de l’indemnité d’activité partielle est maintenu à 70% de la rémunération brute dans la limite de 4.5 SMIC ;
- Les taux de l’allocation d’activité partielle restent fixés à 60% ou 70% de la rémunération brute dans la limite de 4.5 SMIC selon les entreprises.
La baisse des taux devait intervenir le 1er juin 2021. Mais 2 nouveaux projets de décret, transmis à la CNNCEFP le 12 mai 2021, fixe un nouveau calendrier de modulation des taux présenté ci-dessous.
L’Assemblée nationale a adopté 11 mai 2021 en première lecture le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise.
Les députés ont réduit la durée de prolongation des mesures sociales et de l’habilitation du Gouvernement à prendre des ordonnances au 30 septembre 2021, au lieu du 31 octobre 2021.
En pratique, le projet de loi prévoit donc jusqu’au 30 septembre 2021 :
- la possibilité de prolonger ou d’adapter par ordonnance les dispositions relatives à l’activité partielle et à l’APLD ;
- la prolongation des mesures temporaires en matière de congés payés et de jours de repos. Le texte prévoit également d’augmenter à 8 jours le nombre de congés pouvant être imposés par les employeurs;
- la prolongation du dispositif d’organisation des réunions du CSE à distance;
- la prolongation de la possibilité de négocier en entreprise sur les questions de délai de carence et sur le renouvellement des contrats courts;
- la prolongation des dispositions dérogatoires sur le prêt de main-d’œuvre;
- la prolongation des mesures adaptant les missions des services de santé au travail à la crise.
Le projet de loi doit être examiné au Sénat à partir du 18 mai.
Conformément au calendrier annoncé par le président de la République, la réouverture notamment des commerces, des terrasses des bars et restaurants, des salles de cinéma doit intervenir le 19 mai prochain.
Dans cette perspective, la Ministre du travail a adressé une instruction aux préfets leur demandant d’ouvrir des concertations au niveau local avec les acteurs concernés et les partenaires sociaux en vue d’accorder par arrêté des dérogations exceptionnelles au travail dominical dans les prochaines semaines.
Cette mesure vise à permettre de rattraper la baisse du chiffre d’affaires subie en raison des fermetures administratives et afin d’étaler les flux de clients sur l’ensemble de la semaine pour limiter au maximum la circulation du virus.
La Ministre rappelle que « les dérogations qui seraient accordées n’ont pas vocation à se substituer à celles déjà existantes, notamment celles accordées par le maire dans la limite de 12 dimanches par an ».
En outre, la Ministre demande aux préfets de « rappeler aux entreprises concernées que l’ensemble des garanties accordées aux salariés dans le cadre du travail dominical doivent être respectées ».
Pour lutter contre la propagation de la Covid-19, toutes personnes de retour d’un déplacement à l’étranger (professionnel ou personnel) doit s’engager à respecter une période d’isolement.
La durée d’isolement varie de 7 à 10 jours en fonction du pays de provenance.
L’Assurance maladie a mis à jour son site internet le 10 mai dernier et a étendu la durée d’isolement à 10 jours pour les voyageurs de retour sur le territoire métropolitain en provenance du Brésil, d’Afrique du Sud, d’Inde, de Guyane, d’Argentine, du Chili, de Turquie, du Bangladesh, du Sri Lanka, du Pakistan, du Népal, des Émirats arabes unis et du Qatar.
Dans ce cas, les salariés concernés doivent informer au plus tôt leur employeur afin de mettre en place le télétravail et ceux qui ne peuvent exercer leur activité à distance peuvent bénéficier d’un arrêt de travail.