Actu-tendance n° 737

DROIT DU TRAVAIL

Jurisprudence – Relations individuelles

Rappel : Le licenciement qui porte atteinte aux libertés fondamentales d’agir en justice ou de témoigner est nul.
Un salarié peut-il être licencié au motif de son témoignage en justice établie au bénéfice d’un ancien salarié et de son action en justice intentée contre les dirigeants de la société ?  

Cass. Soc., 10 juillet 2024, n ° 23-17.953

Dans cette affaire, un salarié, directeur marketing groupe, est licencié pour faute grave en raison :

  • D’une part, du contenu de l’attestation qu’il a délivrée au bénéfice d’un ancien salarié de l’entreprise licencié pour motif économique et produite dans le cadre de l’instance prud’homale opposant ce dernier à la société  .

Plus précisément, li était reproché au salarié d’avoir, dans son témoignage (lequel portait  sur le bienfondé du licenciement pour motif économique de l’ancien salarié), mis en cause les agissements du groupe

Pour l’employeur, ce témoignage constituait un manquement du salarié à ses obligations contractuelles et notamment à son obligation de confidentialité.

  • D’autre part, de l’action judiciaire qu’il a intentée à l’encontre des dirigeants de la société. L’employeur considérait que cette action constituait un manquement du salarié à son obligation de loyauté.

La Cour d’appel déboute le salarié de ses demandes au motif notamment que :

  • S’agissant de l’établissement de l’attestation :
    • la société ne reprochait pas à son salarié d’avoir témoigné contre elle à l’occasion d’un litige prud’homal, mais d’avoir, par ce témoignage, manqué à son obligation de confidentialité précisément définie dans son contrat de travail ;
    • dans son témoignage, le salarié apportait des éléments concernant la commercialisation d’une plante par son employeur, les conditions dans lesquelles il a pu ou non procéder à des recherches et études de marché concernant cette commercialisation et les coûts en recherche et développement préalables à la commercialisation, tout en y ajoutant un jugement de valeur personnel aux fins de discréditer la gestion de l’entreprise.
  • S’agissant de l’action contentieuse initiée :
    • le fait de prendre part à la mise en œuvre d’une procédure ayant pour finalité d’écarter les gérants du groupe de leur poste marque la défiance du salarié envers les dirigeants de la société qui l’emploie et caractérise un comportement déloyal vis-à-vis de son employeur.

Le salarié s’est pourvu en cassation.

La Cour de cassation casse la décision d’appel au visa notamment de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle rappelle qu’en raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté fondamentale de témoigner, garantie d’une bonne justice, le licenciement prononcé en raison du contenu d’une attestation délivrée par un salarié dans le cadre d’une instance judiciaire, est atteint de nullité, sauf en cas de mauvaise foi de son auteur.

Par ailleurs, la Cour de cassation censure l’arrêt de la Cour d’appel au motif qu’elle aurait dû relever que le licenciement du salarié fondé par son action en justice était nul.

Note : il s’agit d’une confirmation de jurisprudence A noter que si le droit d’agir en justice contre son employeur constitue une liberté fondamentale, son exercice trouve sa limite lorsque le salarié l’utilise dans une logique d’intimidation de son employeur (Cass. Soc., (7 décembre 2022 n° 21-19.280)

Jurisprudence – Relations collectives

Rappel : Depuis un arrêt du 10 juillet 2001 (Cass. Soc., 10.07.2001, n° 99-40.987), la Chambre sociale de la Cour de cassation considère que « si un PSE peut contenir des mesures réservées à certains salariés, c’est à la condition que tous les salariés de l’entreprise, placés dans une situation identique au regard de l’avantage en cause, puissent bénéficier de cet avantage, à moins qu’une différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes, et que les règles déterminant les conditions d’attribution de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables ».
En cas de licenciements collectifs successifs, le salarié licencié dans le cadre d’un petit licenciement (c’est-à-dire de moins de 10 licenciements sur 30 jours) peut-il revendiquer une indemnisation au titre des mesures prévues dans le Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) intervenu moins de trente jours après son licenciement ?

Cass. Soc., 26 juillet 2024, n° 22-20.521

Dans cette affaire, un salarié, qui occupait les fonctions de superviseur de l’activité photovoltaïque, a été licencié dans le cadre d’un licenciement pour motif économique concernant seulement deux salariés. Le salarié a adhéré au congé de reclassement après la notification de son licenciement.

Moins de trois semaines après sa convocation à entretien préalable, l’employeur a engagé une procédure de licenciement pour motif économique concernant, cette fois-ci, une trentaine de salariés.

Le salarié saisit la juridiction prud’homale aux fins de voir condamner la société au versement de dommages et intérêts au motif d’une rupture d’égalité avec les salariés licenciés dans un second temps pour motif économique et bénéficiaires des mesures du PSE.

La Cour d’appel fait droit à la demande du salarié et condamne la société à des dommages et intérêts pour rupture d’égalité après avoir constaté que l’employeur a réuni le Comité d’entreprise sur un projet de licenciement collectif de plus de 10 salariés sur 30 jours, moins de 30 jours après la réunion au cours de laquelle il a été évoqué le projet de licenciement du salarié requérant, de sorte que le salarié était placé dans la même situation que les salariés visés par le PSE et à ce titre, aurait donc dû bénéficier des mesures du Plan.

L’employeur forme un pourvoi en cassation. Il considère en effet que si la période de 30 jours permettant de déterminer la procédure de licenciement applicable doit s’apprécier à compter de la présentation du projet de licenciement au Comité d’entreprise, la présentation d’un nouveau projet de licenciement moins de 30 jours après l’achèvement de la procédure de consultation du Comité au titre du premier projet de licenciement économique n’implique pas de réitérer la procédure de consultation achevée, ni d’intégrer les licenciements résultant du premier projet à la deuxième procédure donnant lieu, celle-ci, à l’élaboration d’un PSE.

La Cour de cassation rejette le pourvoi.

Elle constate que bien que licenciés dans le cadre de deux procédures différentes les salariés étaient dans la même situation dès lors qu’il était invoqué par l’entreprise les  mêmes difficultés économiques. En conséquence, les salariés licenciés dans le cadre du premier projet de licenciement avaient injustement été privés du bénéfice des mesures du PSE et pouvaient à ce titre solliciter l’octroi de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Note : Aux termes de son arrêt, la Cour de cassation rappelle que les salariés licenciés dans le cadre du premier projet de licenciement ne pouvaient pas revendiquer le bénéfice des mesures du PSE. Toutefois, sur le fondement de l’égalité de traitement et dès lors que la situation des salariés est jugée identique à celles des salariés licenciés par la suite dans le cadre du PSE, les salariés peuvent solliciter le versement de dommages et intérêts.

La Cour de cassation avait d’ores et déjà été amené à se prononcer sur l’application du principe de l’égalité de traitement dans le cas de PSE successifs. Elle avait ainsi jugé que  les salariés licenciés dans le cadre d’un premier PSE ne pouvaient réclamer les avantages plus favorables dont ont bénéficié des salariés dans le cadre d’un second PSE élaboré postérieurement ces salariés n’étant pas placés dans une situation identique (en l’espèce les deux plans de licenciement étaient espacés d’une année) (Cass. Soc., 29 juin 2017, n° 16-12.007 et n° 15-21.008)

Législation et réglementation

Un décret publié au JO du 31 juillet a prolongé jusqu’au 31 octobre 2024, les règles d’indemnisation chômage après une première prolongation initialement prévue jusqu’au 30 septembre 2024.

Les règles relatives au bonus-malus sur la cotisation patronale d’assurance chômage applicable aux employeurs de 11 salariés et plus dans certains secteurs d’activité pour la période d’emploi courant à compter  du 1er septembre 2022 sont également prolongées jusqu’au 31 octobre 2024.

La nouvelle réforme de l’assurance chômage annoncée le 26 mai dernier est donc toujours suspendue.

Protection sociale complémentaire

Jurisprudence Protection sociale

Un dispositif médical acheté dans un autre Etat membre de l’Union européenne est remboursé aux assurés, si sa prise en charge est prévue par la réglementation française, dans les mêmes conditions que s’il avait été acheté en France, sans que celles-ci ne puissent constituer, sauf motif de protection de la santé, une atteinte à la liberté de circulation des marchandises et des prestations de services.

En l’espèce, dès lors que l’assuré avait produit une prescription médicale pour l’achat d’une poussette adaptée au handicap de son enfant (achetée via Internet en Espagne) ainsi qu’une facture et que le dispositif médical était inscrit sur la liste instituée par l’article L 165-1 du code de la sécurité sociale, la prise en charge devait avoir lieu dans les mêmes conditions que si le dispositif avait été acquis en France auprès d’un fournisseur inscrit au fichier national des professionnels de santé (Cass  2ème Civile 2 juin 2024 n° 21-25.527)

Législation et réglementation

Le versement par le CSE et par l’employeur en l’absence de CSE, de prestations aux salariés, en lien avec les activités sociales et culturelles ne peut plus être soumis à une condition d’ancienneté. Les entreprises disposent d’un délai jusqu’au 31 décembre 2025 pour modifier les critères de versement de ces prestations et se mettre en conformité.

En savoir plus

Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE)

A la suite d’un contrat signé avec un géant pétrolier, quatre filiales d’un grand groupe publicitaire français ont perdu leur certification B-Corp, dont l’objet est de récompenser les entreprises engagées dans des démarches à impact positif.

Cette décision de B-Lab, qui gère le label, marque la volonté de sa part de protéger la crédibilité de sa certification.

B-Lab annonce vouloir approfondir cette dynamique en renforçant ses critères de certification quitte à bouleverser l’ensemble du secteur.