Actu-tendance n° 730
DROIT DU TRAVAIL
Jurisprudence – Relations individuelles
Rappel : Lorsque tous les salariés d’un atelier, d’un service ou d’une équipe travaillent selon le même horaire collectif, l’employeur définit un horaire collectif selon l’heure légale en indiquant les heures auxquelles commence et finit chaque période de travail (C. trav. art. D. 3171-1).
Cet horaire de travail est :
soumis à la consultation du CSE (C. trav. art. L. 2312-8) ;
adressé à l’inspection du travail (C. trav. art. D. 3171-4) ;
affiché au sein de l’entreprise.
Toute modification importante de l’horaire de travail implique de consulter le CSE, de procéder à un nouvel affichage et d’en adresser un exemplaire modifié à l’inspection du travail.
L’employeur peut-il licencier un salarié qui refuse de respecter le nouvel horaire de travail collectif applicable au sein de l’entreprise au motif que le CSE n’a pas été consulté ?
Cass. soc., 7 mai 2024, n° 22-20.857
Dans cette affaire, un salarié a été licencié pour avoir refusé de respecter le nouvel horaire collectif de travail.
Il a saisi la juridiction prud’homale pour voir juger son licenciement sans cause réelle.
Il soutenait être en droit de se conformer à l’ancien horaire collectif de l’entreprise, déterminé conformément aux règles légales et conventionnelles, et de refuser de se soumettre aux nouveaux horaires de travail mis en place par l’employeur :
- sans consultation préalable du CSE ;
- sans affichage dans les locaux ;
- et sans information préalable de l’inspection du travail.
La Cour d’appel et la Cour de cassation n’ont pas suivi ce raisonnement et ont donné raison à l’employeur. Selon la Cour de cassation, le salarié ne pouvait pas se prévaloir de l’absence de consultation du CSE « lors de la modification de l’horaire collectif de travail pour s’affranchir de l’obligation de respecter les contraintes liées à cet horaire ».
En l’espèce, les juges ont relevé que le contrat de travail du salarié ne prévoyait pas d’horaires précis.
Autrement dit, nonobstant l’absence de mise en œuvre par l’employeur de la procédure de consultation des instances représentatives du personnel lors de la modification de l’horaire collectif de travail, « le salarié ne pouvait pas se présenter sur son lieu de travail à l’heure de son choix sans respecter le planning de service ».
Il en résulte, que le refus du salarié de se soumettre aux horaires fixés par son employeur constituait une cause réelle et sérieuse du licenciement.
Note : Toutefois, il convient de rappeler que l’employeur qui ne consulte pas le CSE, lors de la modification d’un horaire collectif de travail, encourt une condamnation pour délit d’entrave.
Par ailleurs, la situation aurait été différente si l’horaire de travail était contractualisé. Dans ce cas, la modification aurait supposé l’accord préalable du salarié.
Rappel : Le licenciement d’un salarié protégé obéit à une procédure spécifique.
L’article L. 2411-21 du code du travail prévoit que « le licenciement du conseiller du salarié chargé d’assister un salarié dans les conditions prévues à l’article L. 1232-4 ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail ».
A quel moment s’applique le statut protecteur d’un salarié titulaire d’un mandat de conseiller du salarié ?
Cass. soc., 29 mai 2024, n° 23-10.753
Un salarié licencié pour faute grave en juillet 2010 a saisi la juridiction prud’homale en nullité de son licenciement, et sollicitait sa réintégration, outre le paiement de diverses sommes.
En effet, celui-ci était titulaire d’un mandat de conseiller du salarié extérieur à l’entreprise et estimait que son licenciement avait été prononcé en violation de son statut protecteur.
L’employeur en défense soutenait qu’il n’avait pas connaissance du mandat extérieur du salarié.
La Cour d’appel a jugé le licenciement nul, au motif que l’employeur avait connaissance du statut protecteur du salarié dès lors que :
- la liste des conseillers du salarié avait été tenue à la disposition des salariés concernés à la Préfecture et publiée dans le recueil des actes administratifs du département ;
- le salarié avait assisté une salariée lors d’un entretien préalable.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel. Elle juge au visa de l’article L. 2411-1 du Code du travail que « le salarié protégé n’est pas en droit de se prévaloir de la protection résultant d’un mandat extérieur à l’entreprise lorsqu’il est établi qu’il n’en a pas informé son employeur au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement, sauf à prouver que l’employeur en avait connaissance ».
Elle retient que la connaissance par l’employeur du mandat extérieur du salarié, ne pouvait résulter du seul fait qu’il ait assisté un salarié de l’entreprise lors de l’entretien préalable au licenciement.
L’affaire a été renvoyée devant la Cour d’appel de renvoi.
Note : Il résulte de cet arrêt que le statut protecteur du conseiller du salarié ne s’applique que s’il est démontré que l’employeur avait bien connaissance du mandat du salarié.
Cette connaissance ne résulte ni du fait que le salarié a assisté un autre salarié de l’entreprise lors d’un entretien préalable, ni du fait que la liste des conseillers du salarié soit publiée dans le recueil des actes administratifs du département.
Rappel : L’article L. 3342-1 du Code du travail dispose que « tous les salariés d’une entreprise compris dans le champ des accords d’intéressement et de participation ou des plans d’épargne salariale bénéficient de leurs dispositions».
Un employeur peut-il exclure un salarié du bénéfice de l’intéressement et de la participation, au motif que celui-ci est détaché à l’étranger ?
Cass. soc., 15 mai 2024, n° 22-21.109
En avril 1997, un salarié a été détaché en tant qu’expatrié pour exercer les fonctions de directeur, chargé du développement commercial et industriel au sein d’un filiale mexicaine de son employeur.
Licencié pour faute grave en mai 2017, il a saisi la juridiction prud’homale de demandes au titre notamment de l’intéressement et de la participation et tendant à la remise de ses bulletins de paie.
Il reprochait à son employeur de ne pas avoir lui avoir versé les primes d’intéressement et de participation pendant son expatriation.
La Cour d’appel l’a débouté de ses demandes considérant que « lorsqu’un salarié envoyé à l’étranger cesse d’appartenir au personnel de l’entreprise française pour devenir salarié de l’entreprise d’accueil auprès de laquelle il est durablement détaché, il ne peut plus se prévaloir de son contrat de travail initial et perd toute vocation aux dispositifs d’épargne salariale dans son entreprise d’origine ».
Le salarié s’est pourvu en cassation et obtient gain de cause.
La Cour de cassation rappelle que « tous les salariés de l’entreprise où a été conclu un accord de participation ou d’intéressement doivent avoir la possibilité de bénéficier de la répartition des résultats de l’entreprise, sans que puisse leur être opposé le fait qu’ils n’exécutent pas leur activité en France ou qu’ils n’y sont pas rémunérés, et que la clause d’un accord d’intéressement ou de participation excluant les salariés détachés à l’étranger ou expatriés est réputée non écrite ».
La Cour de cassation reproche à la Cour d’appel d’avoir statué ainsi alors qu’elle avait constaté que le contrat de travail initial entre le salarié et l’employeur, ayant fait l’objet d’un avenant de détachement en avril 1997, n’avait pris fin que par le licenciement du salarié prononcé par cette société en mai 2017, ce dont il résultait que le salarié n’avait jamais cessé d’appartenir à l’effectif de celle-ci durant sa période d’expatriation auprès de la filiale mexicaine.
La Cour de cassation retient également que dès lors que l’employeur initial avait versé au salarié une partie de sa rémunération durant sa période d’expatriation, il était tenu de remettre au salarié des bulletins de paie à ce titre, peu important que le salarié ne soit pas affilié au régime général de la sécurité sociale française lors de son détachement.
Législation et réglementation
Après les projets de décrets d’application de la loi n° 2023-1107 du 29 novembre 2023 sur le partage de la valeur au sein de l’entreprise (voir News actance), le Ministère du travail a dévoilé deux projets de Questions/Réponses (Q.R) sur le partage de la valeur.
Le premier concerne l’expérimentation d’un régime de participation dérogeant à la règle d’équivalence des avantages consentis aux salariés. Pour mémoire, l’article 4 de la loi sur le partage de la valeur, prévoit la possibilité pour les entreprises non soumises à l’obligation de mise en place de la participation, et à titre expérimental pour une durée de cinq ans, d’appliquer un régime de participation dérogeant à la formule légale, y compris dans un sens défavorable aux salariés.
Le projet de Q.R donne des précisions notamment sur les entreprises concernées et les modalités de mise en place et d’application de la formule dérogatoire.
Le second projet de Q.R est relatif au partage de la valeur en cas d’augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal.
Pour rappel, la loi sur le partage de la valeur impose à certaines entreprises, tenues de mettre en place la participation, d’engager une négociation sur le partage de la valeur en cas de « bénéfice exceptionnel » d’ici le 30 juin 2024.
Le projet de Q.R donne des précisions sur les modalités de cette négociation et sur la notion de bénéfices exceptionnels.
Pour rappel, l’article 3 de la loi n° 2020-840 du 3 juillet 2020 visant à créer le statut de citoyen sauveteur, lutter contre l’arrêt cardiaque et sensibiliser aux gestes qui sauvent, a mis à la charge des employeurs une obligation de sensibilisation préalablement au départ à la retraite des salariés (C. trav. art. L. 1237-9-1 et D. 1237-2-2).
L’objectif de ces actions est de permettre au salarié, avant son départ à la retraite, d’acquérir les compétences nécessaires pour :
- Assurer sa propre sécurité, ou celle de toute autre personne et transmettre au service de secours d’urgence les informations nécessaires à son intervention ;
- Réagir face à une hémorragie externe et installer la victime dans une position d’attente adaptée.
Une proposition de loi, adoptée par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale le 5 juin 2024, prévoit d’élargir cette obligation à tous les salariés.
Ainsi, le texte prévoit la création d’un nouvel article L. 4141-6 dans le Code du travail rédigé comme suit : « Les salariés bénéficient d’une sensibilisation à la lutte contre l’arrêt cardiaque et aux gestes qui sauvent organisée par l’employeur dans l’année suivant leur prise de fonctions, puis tous les trois ans ».
L’examen du texte se poursuit à l’Assemblée nationale.
La future convention d’assurance chômage est en cours de préparation. Un projet de décret a été diffusé récemment et prévoit un durcissement des règles.
Pour rappel, les règles actuelles d’assurance chômage arrivent à échéance le 30 juin 2024. Les partenaires sociaux ayant échoué à trouver un accord sur les nouvelles règles d’assurance chômage, le Gouvernement a décidé de reprendre la main par décret.
Le projet de décret prévoit de prolonger l’ensemble des dispositions actuelles à compter du 1er juillet 2024 et d’introduire des nouvelles règles à compter du 1er décembre 2024.
A l’issue des résultats des élections européennes du 9 juin dernier, le Président de la République a dissout l’Assemblée nationale. De nouvelles élections législatives sont prévues les 30 juin et 7 juillet prochains. Selon l’évolution du paysage politique à l’issue de ces élections, les 5 mois à venir de prolongation des règles pourraient permettre de modifier le projet de décret initial.
Nous voulions tout de même vous présenter ci-dessous les pistes envisagées par le projet de décret.
- Augmentation de la durée minimale d’affiliation :
o Actuellement, un salarié de moins de 53 ans privé d’emploi doit justifier de 6 mois de travail, au cours des 24 mois qui précèdent la fin de son contrat de travail;
o À partir du 1er décembre 2024, un salarié de moins de 57 ans privé d’emploi devrait justifier de 8 mois de travail, au cours des 20 derniers mois.
- Nouveau seuil de contracyclicité :
o Actuellement : la durée d’indemnisation est réduite de 25% lorsque le taux de chômage passe en dessous de 9%. Ce taux stagne en ce moment autour de 7.5% ;
o Après la réforme, si le seuil de 6.5% de taux de chômage est atteint, la durée d’indemnisation serait réduite de 40%.
- Diminution de la durée maximale d’indemnisation : À partir du 1er décembre 2024, la durée maximale d’indemnisation passerait de 18 à 15 mois pour les salariés de moins de 57 ans.
- Mesures spécifiques aux seniors :
o Durée minimale d’affiliation relevée :
- Actuellement, un salarié d’au moins 53 ans privé d’emploi doit justifier de 6 mois de travail, au cours des 36 mois qui précèdent la fin du contrat de travail
- À compter du 1er décembre 2024, un salarié d’au moins 57 ans privé d’emploi devrait justifier de 8 mois de travail, au cours des 30 derniers mois.
o Durée maximale d’indemnisation réduite : À compter du 1er décembre 2024, la durée maximale d’indemnisation passerait de 27 à 22,5 mois.
o Création d’un « bonus d’activité senior » : À compter du 1er décembre 2024, les demandeurs d’emploi âgés d’au moins 57 ans qui reprendraient une activité professionnelle pourraient continuer à percevoir une partie de leur allocation chômage en complément de leur salaire, lorsque le nouvel emploi est moins bien rémunéré que le précédent.
- Mensualisation des allocations chômage : A compter du 1er décembre 2024, les allocations de retour à l’emploi seraient payées chaque mois, sur la base de 30 allocations journalières quel que soit donc le nombre de jours dans le mois.
Protection sociale complémentaire
Jurisprudence Protection sociale
Cass. 2e civ., 6 juin 2024, n° 21-23.396
Les rémunérations allouées aux administrateurs et membres des conseils de surveillance de sociétés anonymes et de sociétés d’exercice libéral à forme anonyme, sont assujetties au forfait social, quels que soient la nationalité ou le lieu de résidence fiscale de ces derniers.
En l’espèce, la Cour de cassation juge qu’il n’y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle en l’absence d’atteinte aux principes d’unicité de la législation sociale, de liberté de circulation des citoyens et des travailleurs ou de liberté d’établissement puisque l’assujettissement de ces rémunérations au forfait social n’engendre aucune double cotisation à la charge de la société, qui en est seule redevable, et est sans incidence sur le montant de la rémunération versée au Président du conseil d’administration.
Décision n° 2024-1095 QPC du 6 juin 2024
L’article L. 815-24-1 du Code de la sécurité sociale prévoit que « l’allocation supplémentaire d’invalidité n’est due que si le total des ressources personnelles de l’intéressé et, s’il y a lieu, de celles du conjoint, du concubin ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité n’excède pas des plafonds fixés par décret. Le montant de la ou des allocations est égal à la différence entre le plafond applicable à la situation du ou des allocataires et le total des ressources de l’intéressé ou des époux, concubins ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité ».
Le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution, considérant qu’elles n’instaurent aucune différence de traitement injustifiée entre les personnes invalides qui vivent en concubinage et sont tenues, à ce titre, de déclarer les revenus de leur concubin pour le calcul de l’allocation supplémentaire d’invalidité et celles vivant en colocation ou chez des parents, qui ne sont pas tenues de déclarer les ressources des personnes avec lesquelles elles vivent.
Cass. soc., 29 mai 2024, n° 21-20.262
Sur le fondement de la liberté contractuelle et de la liberté d’entreprendre, les entreprises d’assurances sont libres de déléguer la gestion administrative de leur contrat d’assurance à l’organisme de leur choix et de choisir les contrats d’assurance qu’ils souhaitent dès lors que ces contrats permettent aux salariés de bénéficier des garanties prévues par l’accord de branche.
Législation et réglementation
Le 29 mai 2024, la commission paritaire de l’APEC a rendu trois décisions d’agrément concernant la détermination des catégories objectives de bénéficiaires de régime de protection sociale complémentaire au sein de :
- la branche Import-export et commerce international (IDCC 43) ;
- la branche Librairie (IDCC 3013) ;
- et de la branche des entreprises de la maintenance, distribution et location de matériels agricoles, de travaux publics, de bâtiment, de manutention, de motoculture de plaisance et activités connexes dite SDLM (IDCC 1404).
Pour en savoir plus :
Agrément du 29 mai 2024 pour la branche Import-export et commerce international (IDCC 43)
Agrément du 29 mai 2024 pour la branche Librairie (IDCC 3013)
L’ACPR et l’AMF ont publié leur rapport annuel pour 2023 dans lequel l’ACPR relève notamment :
- les carences significatives dans le respect du marché cible dans le cadre de la commercialisation des contrats d’assurance-vie par des intermédiaires d’assurance ;
- une détermination imprécise des profils de risques avec pour certains intermédiaires, une surestimation des connaissances financières ou de la capacité d’épargne des clients ;
- un manque de précision, voire un défaut de remise de l’information sur les coûts et les frais aux clients, et notamment du document d’informations clés.
Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE)
Le ministère du Travail a publié une nouvelle édition du « Guide apprentissage et handicap », à destination des apprentis, des centres de formation d’apprentis et des employeurs.
L’objectif de ce guide est d’informer et d’encourager le recrutement d’apprentis en situation de handicap.
Ce guide tient compte des mesures concernant les travailleurs handicapés issues de la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi.