Temps partiel annualisé : pas de requalification possible en cas de dépassement ponctuel

Le régime applicable au temps partiel est soumis à un formalisme particulièrement strict. Dans ce cadre, toute  précision jurisprudentielle conférant une plus grande latitude en la matière aux entreprises est la bienvenue.
Le récent arrêt rendu par la Cour de cassation, en date du 7 février 2024 et publié au bulletin (Cass soc., 7 février 2024, n°22-17.696), mérite ainsi une attention particulière, en ce qu’il confère une certaine souplesse quant au cadre d’appréciation des heures complémentaires, limitant par ce biais les risques de requalification en contrat à temps plein.
Au préalable, il convient de rappeler à la lumière de l’article L. 3123-1 du Code du travail qu’est considéré comme salarié à temps partiel, le salarié dont l’horaire de travail, calculé sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle, est inférieur à celui d’un salarié à temps plein.
Par ailleurs, les entreprises peuvent par le biais d’un accord d’entreprise ou d’établissement, ou à défaut, une convention ou un accord de branche définir les modalités d’aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine (C. trav., art. L.3121-44), que cela concerne les salariés à temps plein ou à temps partiel.

Au préalable, il convient de rappeler à la lumière de l’article L. 3123-1 du Code du travail qu’est considéré comme salarié à temps partiel, le salarié dont l’horaire de travail, calculé sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle, est inférieur à celui d’un salarié à temps plein.

Par ailleurs, les entreprises peuvent par le biais d’un accord d’entreprise ou d’établissement, ou à défaut, une convention ou un accord de branche définir les modalités d’aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine (C. trav., art. L.3121-44), que cela concerne les salariés à temps plein ou à temps partiel.

Il n’en demeure pas moins qu’une vigilance toute particulière doit être apportée quant au volume  d’heures complémentaires accomplis par les salariés en temps partiel, en ce qu’il constitue un risque sérieux de requalification en contrat à temps plein.

Ainsi, si le recours aux heures complémentaires est autorisé par le Code du travail (C. trav., L.3123-20 ; C. trav., L.3123-28), celui-ci s’avère strictement encadré, l’article L.3123-9 du Code du travail ne manquant pas de rappeler que :

« les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnellement ».

La Cour de cassation s’est précisément prononcée sur le cadre d’application de l’article L.3123-9 du Code du travail concernant une salariée embauchée en temps partiel annualisé (Cass soc., 7 février 2024, n°22-17.696).  

Chloé Bouchez, avocate associée et Camélia Bessaoud, avocate au sein du cabinet Actance, reviennent sur la portée de cette décision.

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Au préalable, il convient de rappeler l’appréciation habituellement retenue et particulièrement stricte retenue par les juges en présence d’un temps partiel hebdomadaire ou mensuel.

Sur ce point, il est de jurisprudence constante que la simple atteinte de la durée légale ou conventionnelle de travail par un salarié en temps partiel hebdomadaire ou mensuel résultant de l’accomplissement d’heures complémentaires, emporte systématiquement la requalification du contrat en temps plein.

Pour ce faire, les juges construisent fréquemment leur motivation sur le fondement des articles L.3123-17 et L.3123-9 du Code du travail en précisant que :

« lorsque le recours à des heures complémentaires a pour effet de porter la durée de travail d’un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale ou conventionnelle, le contrat de travail à temps partiel doit, à compter de la première irrégularité, être requalifié en contrat de travail à temps plein. » (Cass. soc., 7 juin 2023, n°21-25.574 ; Cass. soc., 15 sept. 2021, n° 19-19-563).

Force est de constater que dès la première irrégularité constatée, les entreprises encourent un risque de requalification du contrat de travail en temps partiel en temps plein, de sorte que l’interdiction posée par l’article L.3123-9 du Code du travail pourrait être qualifiée d’absolue. 

Toutefois, à la lumière de l’arrêt en date du 7 février 2024 rendu par la Cour de cassation, l’interdiction absolue de porter la durée du travail à hauteur de la durée légale ou conventionnelle résultant de l’accomplissement d’heures complémentaires s’avère atténuée dès lors que le temps de travail est aménagé sur une période de référence supérieure à la semaine.

  • Sur la portée de la décision de la Cour de Cassation :

Dans le cadre de cet arrêt inédit, la problématique exposée à la Cour de cassation était de déterminer  si en présence d’un contrat de travail à temps partiel annualisé, l’interdiction de porter la durée du travail à hauteur de la durée légale résultant de l’accomplissement d’heures complémentaires devait être appréciée sur la semaine ou sur la période de référence annuelle retenue.

La salariée reprochait à la Cour d’appel d’avoir refusé la requalification de son contrat de travail à temps partiel en temps plein par stricte application de l’article L.3121-9 du Code du travail alors même qu’il avait été constaté par la cour d’appel que les heures réalisées sur une semaine au cours du mois de novembre 2016 avait eu pour effet de porter la durée hebdomadaire de travail au niveau de la durée à temps plein.

En effet, la salarié alléguait avoir accompli 36h15 sur une semaine au cours du mois de novembre 2016.

L’argumentaire développé par la salariée se conformait ainsi à la motivation constante des juges du fond en présence d’un temps partiel retenant une période de référence retenue hebdomadaire ou mensuelle.

Toutefois, après avoir rappelé les termes de l’article L.3123-9 du Code du travail, la Cour de cassation a précisé qu’ :

« il résulte de la combinaison des articles L.3121-41, L.33121-44 ; L.3123-9 et L.3123-20 du Code du travail qu’en cas d’aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine, les heures complémentaires ne peuvent pas avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau du seuil de la durée légale du travail correspondant à la période de référence, ou, si elle est inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnellement. »

Autrement dit, en cas d’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine, l’interdiction telle que prescrite par l’article L.3123-9 du Code du travail, de porter le nombre d’heures complémentaires d’un salarié à temps partiel à la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnellement doit être apprécié par rapport à la période de référence retenue, qui en l’espèce s’avérait être annuelle.  

La spécificité du cadre d’appréciation des heures complémentaires en présence d’un temps partiel annualisé a par ailleurs été confirmée par l’avocat général référendaire, ce dernier ayant indiqué :

 « qu’une seule semaine de 35 heures de travail conduirait à l’application de la sanction de requalification apparaîtrait disproportionné et peu conforme à la volonté du législateur de favoriser le déploiement de la modulation, laquelle suppose des compensations des durées de travail effectuées sur la période, le cas échéant sur plusieurs années ».

Ainsi et après avoir rappelé les termes de l’accord d‘entreprise applicable, la Cour de cassation a considéré qu’ « ayant retenu que le dépassement horaire hebdomadaire relevé par la salariée était ponctuel mais qu’il n’était pas démontré que la durée annuelle de travail de 1600 heures avait été dépassée, la cour d’appel en a déduit à bon droit que la demande en requalification en contrat de travail à temps complet devait être rejetée ».

Cette position confirme en outre la position de l’Administration, laquelle considère qu’en cas d’aménagement du temps de travail sur tout ou partie de l’année, le plafond de la durée légale s’apprécie « en moyenne sur la période » (Circ. DGT 2008-20 du 13 novembre 2008).

En conséquence, la Cour de cassation consacre le principe selon lequel lorsque le temps de travail du salarié embauché à temps partiel est déterminé sur une période supérieure à la semaine, le dépassement ponctuel de la durée légale ou conventionnelle hebdomadaire résultant de l’accomplissement d’heures complémentaires ne peut entrainer à lui-seul la requalification du contrat en temps plein, dès lors qu’en tout état de cause la période de référence retenue n’est pas franchie. 

L’appréciation des heures complémentaires sur une période de référence supérieure à la semaine permet ainsi d’atténuer les risques de requalification des contrats de travail en temps plein.

Chloé Bouchez
Avocate associée | +33 (0)144 94 96 00 | societe@actanceavocats.com | + posts

Chloé BOUCHEZ a exercé 1 an au sein du cabinet Barthélémy & Associés et a participé à la création du cabinet Actance. Elle est titulaire du Master II en Droit social de l’Université Panthéon-Assas et du Certificat de spécialisation en droit du travail. Elle accompagne les groupes et entreprises de dimension nationale et internationale sur toutes les problématiques liées aux relations collectives et individuelles du travail, et anime régulièrement des formations. Elle est amenée à travailler en Français et en Anglais. Elle dispose également d’une forte expérience dans la gestion des pré-contentieux et des contentieux à risque.

Camélia Bessaoud
Avocate | + posts