Actu-tendance n° 704

DROIT DU TRAVAIL

Jurisprudence – Relations individuelles

Rappel : La rupture conventionnelle individuelle permet à l’employeur et au salarié de rompre d’un commun accord le contrat de travail qui les lie en signant une convention de rupture (art. L. 1237-11 du Code du travail).
La rupture conventionnelle ne peut pas être imposée par l’une ou l’autre des parties. Elle peut avoir lieu dans un contexte conflictuel, mais l’employeur ne doit pas user de son pouvoir disciplinaire pour faire pression et obtenir la signature d’une rupture conventionnelle (Cass. soc., 8 juillet 2020, n° 19-15.441).
Le consentement des parties ne doit pas être vicié. À défaut, la convention de rupture est nulle.
Le fait pour l’employeur de laisser le choix au salarié entre un licenciement pour faute lourde et une rupture conventionnelle caractérise-t-il un vice du consentement ?

Cass. soc., 15 novembre 2023, n° 22-16.957

Un employeur reprochant à son salarié de ne pas respecter les consignes de sécurité, avait dans un premier temps envisagé de le licencier pour faute lourde, avant de lui donner la possibilité de choisir entre un licenciement pour faute lourde et une rupture conventionnelle, compte tenu de l’ancienneté de leur relation contractuelle.

Le salarié ayant opté pour la rupture conventionnelle, la convention de rupture a été signée en décembre 2017.

Le salarié a ensuite saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir la nullité de la convention de rupture.

Il soutenait avoir subi une pression « par son employeur qui l’avait menacé d’un licenciement pour faute grave, voire lourde ». Pour lui, le consentement ainsi donné sans autre alternative qu’un licenciement pour faute lourde, n’était pas libre.

Débouté en appel pour défaut de preuve d’un vice du consentement, le salarié s’est pourvu en cassation mais n’obtint pas gain de cause.

La Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’avoir retenu l’absence de preuve :

  • après avoir rappelé que l’existence, au moment de la conclusion de la convention de rupture, d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture ;
  • et après avoir constaté que « le salarié n’avait pas usé de son droit de rétractation et n’établissait pas que la rupture conventionnelle avait été imposée par l’employeur».

Note : Si des circonstances conflictuelles entre l’employeur et le salarié dans le contexte de la rupture n’affectent pas en soi la validité de la rupture conventionnelle, la Cour de cassation fait une analyse au cas par cas.

Le salarié doit rapporter la preuve que son consentement a été vicié.

Rappel : L’exercice du droit de grève ne peut pas justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié.
Tout licenciement prononcé en l’absence de faute lourde est nul de plein droit (C. trav. art. L. 2511-1).
Aussi, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire en raison de l’exercice normal du droit de grève (C. trav. art. L. 1332-2).
Le licenciement de salariés pour non-respect des règles d’hygiène au lendemain d’une grève est-il discriminatoire ? 

Cass. soc., 22 novembre 2023, n° 21-21.904

En mars 2010, deux salariées ont exercé leur droit de grève à la suite du mot d’ordre de grève communiqué par un syndicat à l’employeur.

Au lendemain de la grève, elles ont été mises à pied à titre conservatoire et licenciées par la suite, l’employeur leur reprochant le non-respect des règles d’hygiène et de sécurité de l’entreprise.

L’employeur avait également prononcé des sanctions disciplinaires à l’égard de quatre autres salariés ayant participé à la grève.

Invoquant une discrimination syndicale, elles ont contesté leur licenciement devant le Conseil de prud’hommes.

La Cour d’appel a constaté que « les salariées établissent la matérialité d’éléments de fait précis et concordants laissant supposer l’existence d’une discrimination syndicale ».

Néanmoins, elle a retenu que les licenciements sont justifiés par :

  • le non-respect systématique par les salariées de façon collective des directives en matière d’hygiène et de sécurité ;
  • et le fait que cette problématique en matière d’hygiène et d’application des règles et normes de sécurité était récurrente depuis plusieurs années.

Les salariées se sont pourvues en cassation soutenant que « lorsqu’un employeur licencie un salarié à la fois pour des faits commis à l’occasion d’une grève sans invoquer de faute lourde ou en raison de son activité syndicale, et pour des faits distincts, le caractère illicite du motif du licenciement prononcé pour des faits liés à l’exercice du droit de grève ou à l’activité syndicale entraîne à lui seul la nullité du licenciement ».

Pour elles, la Cour d’appel aurait dû déduire « du caractère collectif et simultané des procédures de sanction et de licenciement engagées le lendemain de la grève » contre les salariées grévistes, que les licenciements étaient liés à leur activité syndicale et à l’exercice normal du droit de grève.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel. Elle reproche à la Cour d’appel d’avoir statué ainsi sans caractériser l’existence d’éléments objectifs étrangers à toute discrimination syndicale et à l’exercice normal par les salariées de leur droit de grève, alors même qu’elle avait constaté que :

  • l’employeur avait engagé la procédure de licenciement avec mise à pied conservatoire le lendemain du mouvement de grève auquel avaient participé les salariées ;
  • et qu’il avait prononcé des sanctions disciplinaires à l’encontre de quatre autres salariés ayant participé à ce mouvement de grève.

Note : Cet arrêt est l’occasion de rappeler l’importance pour les employeurs d’être vigilant dans la mise à en œuvre du pouvoir disciplinaire à l’égard des salariés grévistes. Le fait d’exercer son droit de grève ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire et ne peut pas justifier un licenciement, sauf faute lourde imputable au salarié, laquelle est appréciée très strictement par les juridictions.

Rappel : L’employeur ne peut pas rompre le contrat de travail d’une salariée pendant son congé de maternité, pendant les congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que pendant les dix semaines suivant l’expiration de ces périodes.
Toutefois, l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressée, non liée à l’état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement.
Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut pas prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail précitées (congé maternité et congés payés suivant immédiatement le congé maternité) (C. trav. art. L. 1225-4). 
L’employeur peut-il envoyer la convocation à l’entretien préalable pendant cette période de protection absolue ? 

Cass. soc., 29 novembre 2023, n° 22-15.794

En l’espèce, le contrat de travail d’une salariée a été suspendu du 8 septembre 2017 au 24 janvier 2018, en raison de son congé maternité et des congés payés pris immédiatement après.

Par lettre du 16 janvier 2018, l’employeur l’a convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 10 avril 2018. Elle a ensuite été licenciée pour motif économique.

La salariée a saisi le Conseil de prud’hommes sollicitant la nullité de son licenciement économique pour être intervenu en violation de son statut protecteur suite à son congé de maternité.

La Cour d’appel l’a déboutée de ses demandes au motif que l’employeur n’avait accompli aucun acte préparatoire au licenciement pendant la période de protection.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel. Elle rappelle au visa de l’article L. 1225-4 du Code du travail, interprété à la lumière de l’article 10 de la Directive 92/85 du 19 octobre 1992, qu’ « il est interdit à un employeur, non seulement de notifier un licenciement, quel qu’en soit le motif, pendant la période de protection visée à ce texte, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision ».

Elle retient que  l’employeur ne peut engager la procédure de licenciement pendant la période de protection, notamment en envoyant la lettre de convocation à l’entretien préalable, un tel envoi constituant une mesure préparatoire au licenciement, peu important que l’entretien ait lieu à l’issue de cette période.

Note : Il s’agit d’une confirmation de jurisprudence.

La protection des salariées contre la rupture du contrat de travail est absolue, notamment en cas de prise immédiate des congés payés après le congé de maternité : le licenciement ne peut ni être notifié, ni prendre effet pendant ces périodes. Cette protection s’étend aux mesures préparatoires du licenciement. Il est interdit à l’employeur de procéder à la recherche et la prévision d’un remplacement définitif de la salariée pendant la période de protection (CJCE, 11 octobre 2007, aff. C-460/06) ou d’informer la salariée qu’elle fait partie d’un projet de licenciement économique (Cass. soc., 1er février 2017, n° 15-26.250).

Jurisprudence – Relations collectives

Rappel : Un syndicat qui constitue une section syndicale au sein d’une entreprise ou d’un établissement d’au moins 50 salariés peut, s’il n’est pas représentatif dans l’entreprise ou l’établissement, désigner un représentant de la section syndicale (RSS) pour le représenter au sein de l’entreprise ou de l’établissement (C. trav. art. L. 2142-1-1).
Pour créer une section syndicale, le syndicat doit avoir plusieurs adhérents dans l’entreprise ou l’établissement, c’est-à-dire au moins deux adhérents (Cass. soc., 8 juillet 2009, n° 09-60.011). 
Pour la constitution d’une section syndicale en vue de la désignation d’un RSS, les adhérents au syndicat doivent-ils être à jour de leurs cotisations ?

Cass. soc., 22 novembre 2023, n° 23-12.596

En janvier 2023, un syndicat des travailleurs de la métallurgie a désigné un salarié en qualité de représentant de section syndicale (RSS) au sein du groupement d’intérêt économique (GIE)

Le GIE a sollicité devant le tribunal judiciaire l’annulation de la désignation du salarié au motif que le syndicat ne remplissait pas les conditions pour la constitution d’une section syndicale dès lors qu’à la date de cette désignation les adhérents n’étaient pas à jour du paiement de leurs cotisations. En conséquence, le syndicat ne justifiait pas d’au moins deux adhérents.

Les juges ont débouté le syndicat en se fondant sur une clause des statuts du syndicat qui prévoyait qu’ « un adhérent n’est réputé démissionnaire qu’en cas de retard de paiement de plus de trois mois ».

Le tribunal judiciaire a retenu que la condition du paiement de la cotisation n’était pas requise en l’espèce, après avoir constaté que :

  • le syndicat produisait le bulletin d’adhésion du salarié désigné RSS ainsi que celui d’un second salarié ;
  • ces deux adhésions étaient antérieures à la désignation du RSS.

La Cour de cassation n’est pas du même avis. Au visa de l’article L. 2142-1 du Code du travail, elle rappelle qu’en cas de contestation sur l’existence d’une section syndicale, le syndicat doit apporter les éléments de preuve utiles à établir la présence d’au moins deux adhérents dans l’entreprise.

Elle reproche au tribunal judiciaire de ne pas avoir vérifié si les deux salariés s’étaient acquittés de leurs cotisations au jour de la désignation du RSS.

Note : Il s’agit d’une confirmation de jurisprudence (Cass. soc., 10 février 2010, n° 09-60.159).

Législation et réglementation

Définitivement adoptée par l’Assemblée Nationale le 22 novembre 2023, la loi n° 2023-1107 dite « loi sur le partage de la valeur », a été publiée au Journal Officiel du 30 novembre 2023, sans passage préalable devant le Conseil constitutionnel.

Pour mémoire, cette loi transpose l’accord national interprofessionnel conclu le 10 février 2023 par les partenaires sociaux et relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise.

L’ensemble des mesures figurant dans cette loi est détaillé dans l’actu-tendance n° 702.

Le Conseil d’administration de l’AGS, qui s’est réuni le 27 novembre 2023, a décidé de revaloriser le taux de cotisation patronale AGS à 0,20 % à compter du 1er janvier 2024.

Ce taux qui permet aux entreprises de garantir le salaire des employés en cas de difficultés (sauvegarde, redressement, liquidation) n’avait pas été revalorisé depuis le 1er juillet 2017, et était resté fixé à 0,15%.

PROTECTION SOCIALE COMPLEMENTAIRE

Jurisprudence – Protection sociale

Cass. 2e civ., 30 novembre 2023, n° 21-25.841

Lorsque par suite d’accidents successifs, la somme des taux d’incapacité permanente est égale ou supérieure à 10 %, l’indemnisation se fait, sur demande de la victime, soit par l’attribution d’une rente qui tient compte de la ou des indemnités en capital précédemment versées, soit par l’attribution d’une indemnité en capital. 

L’option souscrite par la victime revêt un caractère définitif, à la condition que la fixation du taux d’incapacité permanente afférente à chacun des accidents successifs soit elle-même définitive.

Le cumul des taux d’incapacité permanente fixés au titre d’accidents du travail successifs n’est donc possible que dans le cadre de l’exercice du droit d’option entre le versement d’une indemnité en capital et d’une rente.

Cass. 2e civ., 30 novembre 2023, n° 21-20.287

L’assuré, dont la pension de vieillesse à taux plein est inférieure à un seuil fixé par décret, peut prétendre au bénéfice d’une majoration permettant de porter cette prestation, lors de sa liquidation, à un montant minimum (minimum contributif).  

Ce minimum de pension lui est versé sous réserve que le montant mensuel total de ses pensions personnelles de retraite (de base et complémentaires), n’excède pas un montant fixé par le Code de la sécurité sociale.

La Cour de cassation précise que pour déterminer si le montant total des pensions de retraite personnelle de base et complémentaires dépasse ce plafond, il y a lieu de prendre en considération la majoration pour enfants.

Législation et réglementation

La circulaire CNAV n° 2023/25 publiée le 28 novembre 2023, décrit le processus de passage à la retraite des bénéficiaires d’une pension d’invalidité à compter du 1er septembre 2023. Elle annule et remplace la circulaire CNAV n° 2018/18 du 1er août 2018.

Pour en savoir plus

Le BOSS précise désormais expressément que « pour l’ensemble des salariés, y compris les salariés en droit de bénéficier d’une pension de retraite d’un régime légalement obligatoire, les indemnités de rupture conventionnelle individuelle sont exonérées de cotisations sociales dans la limite de 2 PASS et dans le respect des plafonds fiscaux, sans prise en compte du caractère fiscalement imposable de l’indemnité ». (BOSS, Indemnités de rupture, §§ 50, 60, 950 et 2020, 01/09/2023 modifiés).

La version précédente du BOSS ne visait que l’hypothèse de l’indemnité due à un salarié n’ayant pas atteint l’âge de la retraite.

Pour en savoir plus

Le BOSS intègre une nouvelle rubrique relative à l’exonération applicable aux jeunes entreprises innovantes et aux jeunes entreprises universitaires. Cette rubrique détaille les règles encadrant les conditions d’application et de bénéfice de cette exonération de cotisations sociales patronales.

Pour en savoir plus

Dans un souci de transparence et de prévisibilité, l’ACPR précise la manière dont elle entend contrôler le respect de la réglementation Solvabilité 2.

Pour en savoir plus

Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE)

Le 29 novembre 2023, le Gouvernement a lancé une plateforme en ligne en vue d’accompagner les entreprises dans leur transition écologique.

L’idée de cette plateforme part d’un constat :

  • il existe aujourd’hui de nombreux dispositifs publics destinés à accompagner les entreprises dans leur transition écologique et énergétique ;
  • néanmoins, de nombreuses entreprises, notamment parmi les plus petites, n’ont pas encore connaissance de ces dispositifs, ce qui peut entrainer un phénomène de non-recours aux aides.

L’objectif de la plateforme est donc d’ « augmenter le nombre d’entreprises qui s’engagent dans la transition écologique afin de changer d’échelle, tout en simplifiant et rationnalisant le parcours de l’entreprise dans l’accès aux aides et dispositifs d’accompagnement », selon le Gouvernement.

Cette plateforme (https://mission-transition-ecologique.beta.gouv.fr) propose aujourd’hui aux entreprises une orientation vers les aides et dispositifs existants. A terme,  elle proposera aussi des actions personnalisées en fonction des secteurs d’activité.