Barème « Macron » : où en sommes-nous ? Barème « Macron » : où en sommes-nous ?
Sophie Rey et Clarisse Perrin, avocates associée et collaboratrice du cabinet, reviennent sur l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 16 mars 2021 écartant l’application du « Barème Macron ».
Par un arrêt du 16 mars 2021, la 11ème chambre de la Cour d’appel de PARIS a écarté l’application du « Barème Macron » en raison de« la situation concrète et particulière » de la salariée concernée par le litige qui lui était soumis.
Elle revenait ainsi sur la position qu’elle avait adoptée par une décision du 30 octobre 2019 (rendue par sa huitième Chambre).
Sophie Rey et Clarisse Perrin, avocates associée et collaboratrice, reviennent sur cet arrêt.
Aux termes de sa motivation, la Cour précise que l’indemnité prévue par l’article L. 1235-3 du Code du travail ne permettait pas une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi par la salariée, conformément aux exigences de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT.
Les magistrats relevaient ainsi que le montant maximal prévu par le barème représentait « à peine la moitié du préjudice subi en termes de diminution des ressources financières depuis le licenciement ».
Dès lors la 11ème chambre faisait le choix d’adopter la même position que celle d’autres Cour d’appel, comme celles de REIMS (arrêt du 25 septembre 2019, 19/00003), de GRENOBLE (arrêt du 2 juin 2020, n° 17/04929) et de BOURGES (arrêt du 6 novembre 2020, n° 19/00585), ou encore par certains Conseils de Prud’hommes.
Toutefois, la portée de cette nouvelle décision doit être à notre sens nuancée, puisque pour qu’une juridiction écarte le barème et adopte une telle appréciation in concreto, il appartiendra au salarié de rapporter la preuve que l’indemnité prévue à l’article L. 1235-3 du Code du travail est inadéquate au regard de sa situation et, de la réalité de son préjudice. La charge de la preuve lui incombera donc.
Une analyse détaillée des jugements et arrêts rendus, permet aujourd’hui de recenser les éléments sur lesquels repose cette appréciation :
Ancienneté du salarié :
3 années
Eléments de preuve et de fait retenus
- L’âge de la salariée (53 ans au moment du licenciement et 56 ans à la date de la décision).
- La diminution des ressources de la salariée à la suite de son licenciement, la salariée justifiant de sa prise en charge par POLE EMPLOI ainsi que des allocations perçues durant les deux années qui ont suivi la rupture du contrat de travail.
- La preuve de la recherche d’emploi de la salariée.
Ancienneté du salarié :
5 années
Eléments de preuve et de fait retenus
- L’âge du salarié (59 ans au jour du licenciement).
- Les difficultés rencontrées sur le marché de l’emploi : malgré l’envoi de très nombreuses candidatures, le salarié n’avait pu retrouver un emploi.
Ancienneté du salarié :
11 années
Eléments de preuve et de fait retenus
- L’âge du salarié (55 ans au jours de licenciement).
- L’ancienneté du salarié.
- Perte de chance de bénéficier de l’indemnité de fin de carrière ainsi que sa perte de chance d’évoluer professionnellement, malgré ses souhaits d’évolution.
Ancienneté du salarié :
5 mois
Eléments de preuve et de fait retenus
- L’illicéité du licenciement, celui-ci étant intervenu oralement.
- La perte d’emploi injustifiée du salarié
Ancienneté du salarié :
14 années
Eléments de preuve et de fait retenus
- L’ancienneté de la salariée.
- L’âge de la salariée qui constitue une difficulté pour retrouver un emploi.
Le caractère vexatoire du licenciement.
Ancienneté du salarié :
4 années
Eléments de preuve et de fait retenus
- Difficultés à retrouver un emploi stable, notamment en raison de la crise sanitaire actuelle.
Ancienneté du salarié :
5 années
Eléments de preuve et de fait retenus
- L’âge de la salariée (55 ans) et sa situation de famille.
- Les conditions de travail ainsi que la brutalité de la rupture.
Ancienneté du salarié :
15 années
Eléments de preuve et de fait retenus
- L’âge du salarié (57 ans lors du licenciement).
- Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.
L’enseignement susceptible d’être tiré de l’arrêt commenté est que l’âge du salarié, outre sa perte de revenu et les circonstances de la rupture de son contrat de travail, est indiscutablement un critère récurrent retenu par les juridictions pour écarter le barème de l’article L. 1235-3 du Code du travail.
L’entrée en vigueur du barème qui a conduit notamment à réduire considérablement l’indemnité des 6 mois minimum pour les salariés bénéficiant de faibles anciennetés (mais supérieures à deux ans), aurait pu conduire les juridictions à l’écarter plus fréquemment en présence de salariés ayant une ancienneté inférieure à 5 ans.
Force est de constater qu’en réalité, l’étude des différentes décisions conduit à faire un constat différent, puisqu’une grande majorité d’entre elles ayant écarté le barème, l’ont fait en raison de l’âge du salarié (et sans doute les difficultés de celui-ci à retrouver un emploi) peu importe son ancienneté dans l’entreprise,
La position de la Cour de cassation, tant attendue, permettra enfin d’être fixé sur l’opposabilité du barème Macron.
Sophie Rey
Sophie REY est avocat depuis 2007 et exerce au sein du cabinet Actance depuis 2008.
Elle est titulaire d’un master II en droit social et management de l’entreprise de L’Université de Toulouse I et du Certificat de spécialisation en droit du travail.
Elle exerce une activité principalement judiciaire et accompagne nos clients dans la gestion des contentieux individuels et collectifs.
Elle plaide régulièrement devant les Conseils des Prud’hommes, et Cours d’Appel (problématiques de licenciement, de discrimination, d’égalité de traitement…) mais également devant les Tribunaux Judiciaires (contentieux collectifs, contestation d’expertise, contentieux d’élections professionnelles, contestation du caractère professionnel de la maladie, contentieux de la faute inexcusable…).
Clarisse Perrin
Master II Contentieux interne et international.
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