Actu-tendance n° 691

DROIT DU TRAVAIL

Jurisprudence – Relations individuelles

Rappel : Lorsqu’un salarié est déclaré inapte, l’employeur doit rechercher un poste de reclassement en tenant compte des préconisations du médecin du travail.
Si l’entreprise fait partie d’un groupe, le périmètre de la recherche de reclassement comprend les entreprises du groupe situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel (article L. 1226-10 du Code du travail).
La définition du groupe a évolué à la faveur d’une des ordonnances dites « Macron » de 2017 (ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017).
Avant l’ordonnance de 2017, le reclassement du salarié inapte devait être recherché parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation permettaient d’effectuer la  permutation de tout ou partie du personnel, sans prendre en compte l’existence de liens capitalistiques entre les sociétés.
Depuis 2017, l’article L. 1226-10 du Code du travail précise que « la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce ».
La question qui s’est posée devant la Cour de cassation était de savoir à partir de quand s’applique cette définition du périmètre de reclassement.

Cass. soc., 5 juillet 2023, n° 21-24.703

Un salarié engagé en qualité d’employé libre-service par une société exploitant un supermarché du nom d’une enseigne bien connue, a été déclaré inapte à son poste le 15 septembre 2017 (soit une semaine avant l’adoption de l’ordonnance du 22 septembre). Il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 17 octobre 2017.

Le salarié a contesté son licenciement devant la juridiction prud’homale.

Les juges du fond ont déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse après avoir estimé que la société employeur appartenaient au groupe du nom de l’enseigne sous laquelle le supermarché était exploité, lequel groupe aurait dû être pris en compte comme périmètre de recherche d’une solution de reclassement.

L’employeur s’est pourvu en cassation soutenant que son obligation de reclassement envers le salarié inapte était régie par l’article L. 1226-10 du code du travail dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 applicable aux licenciements intervenus à compter du 24 septembre 2017. Il contestait sur ce fondement son appartenance à un groupe, en invoquant notamment l’absence de lien capitalistique ou de lien de domination entre la société employeur et les sociétés du groupe du nom de l’enseigne pour laquelle le supermarché était exploité.

La Cour de cassation déboute l’employeur, estimant que « l’obligation qui pèse sur l’employeur de rechercher un reclassement au salarié déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment naît à la date de la déclaration d’inaptitude par le médecin du travail ».

Ainsi, le salarié ayant été déclaré inapte le 15 septembre 2017 et licencié le 17 octobre 2017, l’employeur en l’espèce ne pouvait se fonder sur l’article L.1226-10 du code du travail dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 22 septembre 2017, pour contester son obligation de reclassement.

Note : Il résulte de cet arrêt que c’est la date de la déclaration d’inaptitude par le médecin du travail qui doit être pris en compte pour déterminer l’application de l’article L.1226-10 du code du travail dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 22 septembre 2017.

Rappel : Le salarié acquiert des congés payés en fonction de son temps de travail effectif. Pour calculer le nombre de jours de congés payés, seules doivent être comptabilisées les périodes de travail effectif ou celles qui y sont assimilées (C. trav. art. L. 3141-3 à L. 3141-5).
Ainsi, ne sont pas prises en compte, les périodes d’absence pour maladie, sauf dispositions conventionnelles favorables.
Or au niveau européen, la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail instaure en son article 7, un droit à au moins quatre semaines de congés payés pour tous les travailleurs sans distinguer selon l’origine des absences.
La question qui s’est posée en l’espèce était de savoir si la responsabilité de l’Etat peut être engagée pour la non-conformité des dispositions du Code du travail relatives à l’acquisition des congés payés au droit européen.  

CAA Versailles ., 17 juillet 2023, n° 22VE00442

Trois syndicats ont intenté une action contre l’Etat en raison de la non-conformité du Code du travail au droit de l’union européenne. Pour eux, le défaut de conformité du droit national à la législation européenne s’agissant de l’acquisition des congés payés cause un préjudice moral aux salariés de la profession qu’ils représentent.

Les syndicats ont d’abord vu leur recours rejeté par le tribunal administratif, puis la cour administrative d’appel de Versailles au motif qu’ils n’établissaient pas l’existence d’un préjudice moral qui leur serait propre.

Saisi d’un recours, le Conseil d’État a annulé l’arrêt et a renvoyé l’affaire devant une Cour administrative d’appel (CAA) de renvoi.

Sur le fondement de la jurisprudence de la CJUE (décision du 26 juin 2001, C 173 /99), la CAA rappelle que la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003 doit être interprétée en ce sens :

  • d’une part, qu’elle fait obstacle à ce que les Etats membres limitent unilatéralement le droit au congé annuel payé conféré à tous les travailleurs, en appliquant une condition d’ouverture de ce droit qui aurait pour effet d’exclure certains travailleurs du bénéfice de ce dernier ;
  • d’autre part, qu’elle s’oppose à des dispositions ou à des pratiques nationales qui prévoient que le droit au congé annuel est subordonné à une période de travail effectif minimale pendant une période de référence.

Elle fait droit aux demandes des syndicats et juge que la responsabilité de l’État du fait des lois peut être engagée dans la mesure où l’article 7 de la directive n’a pas été transposé ou a laissé subsister des dispositions incompatibles avec le droit européen. Or, la transposition en droit interne des directives européennes est une obligation résultant du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Alors que les organisations syndicales avaient demandé le versement à chacune de 50 000 euros, au regard de leur nombre d’adhérents et de leur audience au niveau national et interprofessionnel, la CAA limite néanmoins l’indemnisation de leur préjudice à hauteur de 10 000 euros chacune. 

Note : En conséquence de cette décision,  l’État est jugé responsable de ne pas avoir mis le droit national en conformité avec le droit européen s’agissant de l’acquisition des congés payés et obtenir réparation du préjudice subi.

Une évolution de la législation n’est donc pas à exclure, en particulier si le Conseil d’Etat devait confirmer cette décision.

Législation et réglementation

Dans une mise à jour du BOSS du 16 août 2023, l’administration apporte des précisions concernant le régime social des indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite ainsi que les modalités de calcul du montant net social.

Précisions sur le régime social des indemnités de rupture

Pour mémoire, la loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) pour 2023 a modifié le régime social des indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite à compter du 1er septembre 2023.

Ainsi, depuis cette date :

  • les indemnités de rupture conventionnelle exonérées de cotisations et contributions sociales sous les mêmes plafonds, peu importe que le salarié ait atteint l’âge de la retraite ou non ;
  • le forfait social de 20 % est remplacé par une contribution patronale de 30 %.

La LFRSS avait précisé que le nouveau régime s’applique « aux indemnités versées à l’occasion des ruptures de contrat de travail intervenant à compter du 1er septembre 2023 ».

Dans sa mise à jour du 16 août 2023, le BOSS précise que « ce nouveau régime s’applique aux indemnités versées au titre de la rupture d’un contrat de travail dont le terme est postérieur au 31 août 2023 ».

Ainsi, la date à prendre en compte pour l’application du nouveau régime social est celle de la fin de contrat indépendamment de la date de signature de la convention de rupture.

Précisions sur le montant net social

Pour rappel, depuis le 1er juillet 2023, les bulletins de paie doivent contenir une nouvelle mention obligatoire : le montant net social.

Dans la nouvelle rubrique du BOSS dédiée au montant net social, l’administration avait donné des précisions notamment sur les sommes à prendre dans le calcul du montant net social et celles à déduire. Ainsi, la CSG et la CRDS font partie des contributions sociales à déduire pour le calcul du montant net social.

Dans sa mise à jour du 16 août 2023, le BOSS précise que la CSG et la CRDS à déduire sont calculées après application de l’abattement de 1,75 % pour frais professionnels.

En outre, le BOSS précise que «  les revenus à prendre en compte pour le calcul du montant net social ne tiennent pas compte des éventuelles saisies sur salaire et créances de pension alimentaire intervenant sur la rémunération nette du salarié ».

Pour rappel, un comité social et économique (CSE) doit être mis en place par les employeurs dans les entreprises d’au moins 11 salariés ; et ce, dès lors l’effectif d’au moins 11 salariés a été atteint pendant 12 mois consécutifs (article L. 2311-2 du Code du travail).

L’employeur doit en ce sens :

  • informer le personnel de l’organisation des élections ;
  • informer et inviter les syndicats intéressés à négocier le protocole d’accord préélectoral et à établir leurs listes de candidats au premier tour.

S’agissant des entreprises dont l’effectif est compris entre 11 et 20 salariés, l’article L. 2314-5 du Code du travail précise que « l’employeur invite les organisations syndicales (…) à cette négociation à la condition qu’au moins 1 salarié se soit porté candidat aux élections dans un délai de 30 jours » à compter de l’information du personnel.

Dans son « Questions/Réponses » publié en janvier 2020 sur le CSE, l’administration avait retenu que « dans les entreprises dont l’effectif est compris entre 11 et 20 salariés, lorsqu’aucun salarié ne s’est porté candidat aux élections dans les 30 jours suivant la diffusion de l’information par l’employeur au personnel de l’organisation prochaine des élections, ce dernier est dispensé d’inviter les organisations syndicales à négocier le protocole d’accord préélectoral. Le processus électoral s’achève, les élections professionnelles n’ont pas à être organisées (C. trav. art. L. 2314-5). L’employeur établit à cette date un procès-verbal de carence ».

Le formulaire Cerfa 15248*04 mis à disposition par l’administration avait confirmé cette position de l’administration.

Néanmoins, le 8 août dernier l’administration a publié un nouveau formulaire Cerfa 15248*05 « P-V de carence » à remplir par l’employeur si aucun salarié ne s’est porté candidat aux élections CSE dans un délai de 30 jours.

Celui-ci prévoit dorénavant un encadré pour les entreprises de 11 à 20 salariés sur lequel il faut préciser les dates de chacun des deux tours, lors desquels la carence a été constatée.

À l’analyse de celui-ci, il semblerait que l’employeur soit tenu d’organiser les élections quand bien même aucun salarié ne se serait porté candidat dans le délai imparti.

Cette modification semble suivre la position qu’avait indirectement adopté le Conseil constitutionnel (Conseil constitutionnel, 21 mars 2018, n°2018-761 DC).

PROTECTION SOCIALE COMPLEMENTAIRE

Législation et réglementation

Le décret modifie les limites dans lesquelles est fixée, la participation des assurés aux frais relatifs aux honoraires des chirurgiens-dentistes.

Ainsi, le ticket modérateur sur les actes et honoraires des chirurgiens-dentistes passe de 30 % à une fourchette comprise entre 35 % et 45 %.

Pour en savoir plus

Le décret n° 2023-790 du 17 août 2023 réduit de dix mois à six mois la durée d’affiliation requise pour ouvrir droit au bénéfice des indemnités journalières de l’assurance maternité dans le cadre des congés de maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant et d’adoption.

Cette nouvelle durée d’affiliation s’applique aux :

  • assurés dont la date de début du congé de maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant ou d’adoption est postérieure au 20 août 2023 ;
  • assurées pour lesquelles le congé de maternité, en raison d’un état pathologique résultant de la grossesse ou de l’accouchement, a été augmenté de la durée de cet état pathologique et a débuté de ce seul fait avant le 19 août 2023, date de la publication du décret, alors que sans cette augmentation, la date de début du congé de maternité aurait été postérieure au lendemain de sa publication.

Pour en savoir plus

Le décret n° 2023-684 du 28 juillet 2023 relève à 1,5 PASS (contre 1 PASS auparavant), le plafond de revenus au-delà duquel la pension d’invalidité est réduite en cas de reprise ou de poursuite d’une activité professionnelle.

Pour en savoir plus

Le texte fixe les modalités de calcul et d’imputation de la réduction générale de cotisations et contributions sociales à partir du 1er septembre 2022 pour tenir compte de la mise en place de la modulation des contributions chômage patronales pour les entreprises relevant d’un secteur d’activité à taux de séparation très élevé (dispositif bonus-malus).

Pour en savoir plus

Dans cette étude de cas, le médiateur de l’assurance rappelle que l’assuré doit être informé des réserves émises par l’assureur au moment de l’adhésion au contrat d’assurance.

En l’absence de preuve apportée par l’assureur de l’information de l’assuré, la réserve émise à l’adhésion n’est pas opposable à l’assuré. 

Pour en savoir plus

La DGCCRF a prononcé une amende administrative d’un montant total de 26 832 € à l’encontre de la société spécialisée dans la vente de complémentaires santé à distance pour non-respect des règles  relatives au démarchage téléphonique. Il lui est reproché :

  • d’avoir démarché par téléphone des consommateurs inscrits sur la liste d’opposition au démarchage téléphonique ;
  • d’avoir mis en œuvre une prospection téléphonique sans traitement préalable de la totalité de ses fichiers de prospection au regard de la liste d’opposition.

Pour en savoir plus