Actu-tendance n° 678

DROIT DU TRAVAIL

Jurisprudence – Relations individuelles

Rappel : L’article L. 1152-2 du Code du travail dispose qu’« aucune personne ayant subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou ayant, de bonne foi, relaté ou témoigné de tels agissements ne peut faire l’objet des mesures mentionnées à l’article L. 1121-2 ».
Lorsque le licenciement est entaché d’une nullité en lien avec des faits de harcèlement moral (C. trav. art. L. 1235-3), le salarié peut, de droit, demander sa réintégration.
Le salarié, s’il le demande, doit être réintégré dans son emploi ou un emploi équivalent ; demande à laquelle l’employeur est tenu de faire droit sauf s’il justifie d’une impossibilité de procéder à cette réintégration.
L’existence d’un harcèlement moral ayant conduit à la nullité du licenciement constitue-t-elle une impossibilité de procéder à la réintégration ?

Cass. soc., 19 avril 2023, n° 21-25.221

S’estimant victime de faits constitutif d’un harcèlement moral, un salarié occupant un poste de directeur a saisi le Conseil de prud’hommes en 2016 afin d’obtenir la condamnation de la société à lui verser des dommages et intérêts.

En avril 2017, le salarié a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Il a demandé au Conseil de prud’hommes l’annulation de son licenciement, sa réintégration et le paiement d’une indemnité d’éviction.

La Cour d’appel saisie a retenu l’existence d’un harcèlement moral et a déclaré le licenciement nul. Elle a notamment ordonné la réintégration du salarié.

L’employeur s’est pourvu en cassation. Il soutenait qu’« une impossibilité de réintégration est caractérisée lorsque le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement est jugé nul en raison de l’imputabilité de l’inaptitude à un harcèlement moral ».

La Cour de cassation n’est pas de cet avis. Elle juge que l’existence du harcèlement moral à l’origine de l’inaptitude du salarié ayant conduit à la nullité du licenciement ne constitue pas une impossibilité de réintégration.

Note : La Cour de cassation a eu régulièrement l’occasion de confirmer que lorsque l’inaptitude du salarié est liée à une situation de harcèlement moral, son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement est nul (Cass. soc. 1er  février 2023 n° 21-24.652).

Dans l’affaire commentée, le salarié avait sollicité sa réintégration (ce qui en pratique est relativement rare dans une telle situation). La Cour de cassation a approuvé la Cour d’appel d’avoir fait droit à la demande de réintégration du salarié dans une hypothèse où le licenciement pour inaptitude est déclaré nul en raison d’un harcèlement moral. La Cour d’appel mettait en avant qu’au jour où elle a statué, l’impossibilité de réintégration du salarié n’était pas caractérisée par une inaptitude constatée plusieurs années auparavant par le médecin du travail.

Rappel : L’article R. 3262-7 du Code du travail dispose qu’« un même salarié ne peut recevoir qu’un titre-restaurant par repas compris dans son horaire de travail journalier ».
Le fait de travailler une demi-journée empêche-t-il le salarié de bénéficier d’un titre-restaurant ? 

Cass. soc., 13 avril 2023, n° 21-11.322

Dans cette affaire, les horaires de travail des salariés étaient définis comme suit :

  • des plages fixes le matin de 9h15 à 11h15 et l’après-midi de 14h à 16h ;
  • des plages mobiles de 7h30 à 9h15, de 11h15 à 14h et de 16h à 19h ;
  • la pause déjeuner devait être prise sur la plage mobile de 11h15 à 14h et être au minimum de 30 minutes.

En janvier 2014, un salarié a été autorisé à exercer ses fonctions selon un horaire hebdomadaire fixé à 36 heures réparties sur quatre jours et demi.

Il travaillait ainsi 8 heures par jour du lundi au jeudi et 4 heures le vendredi matin (le vendredi après-midi étant en principe la demi-journée non travaillée).

L’employeur a alors cessé de lui attribuer des titres-restaurant au titre de la demi-journée du vendredi.

En octobre 2016, le salarié a saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir l’attribution d’un titre-restaurant pour chaque vendredi travaillé depuis le 1er janvier 2014 et pour l’avenir.

Les juges du fond ont accueilli favorablement ses demandes considérant qu’il pouvait bénéficier d’un titre-restaurant pour chaque vendredi travaillé.

L’employeur s’est pourvu en cassation soutenant que : « seul le vendredi matin devant être travaillé, le repas n’était pas compris dans l’horaire journalier de travail du salarié ; de sorte qu’il ne pouvait prétendre à l’attribution d’un titre-restaurant pour cette journée, peu important qu’il ne termine pas ses 4 heures de travail avant le début de la pause méridienne ».

La Cour de cassation rappelle que la seule condition à l’obtention du titre-restaurant est que le repas du salarié soit compris dans son horaire journalier. Elle juge qu’aucune disposition contractuelle ou conventionnelle n’imposait en l’espèce au salarié d’effectuer ses 4 heures de travail de façon continue le vendredi matin.

Elle ajoute que la circonstance que son horaire journalier du vendredi fût fixé sur une demi-journée n’empêchait pas l’attribution d’un titre-restaurant dès lors que quelle que soit la façon dont il organisait son temps de travail du vendredi matin, ses horaires de travail recoupaient nécessairement la pause déjeuner, peu important que le salarié eût ou non effectivement pris sa pause déjeuner.

Note : Il est à noter que, dans le cas présent eu égard aux horaires de travail fixés, même dans l’hypothèse où le salarié commençait à travailler à 7h30 (début de la plage mobile du matin), il finirait à 11h30, soit postérieurement au début de la plage mobile durant laquelle la pause déjeuner devait être prise (11h15 à 14h).

Cette solution n’est pas nouvelle. La Cour de cassation avait retenu une solution similaire dans un arrêt du 20 février 2013 : le fait que le repas du salarié soit compris dans son horaire de travail journalier est la seule condition à l’obtention d’un titre-restaurant (Cass. soc. 20 février 2013, n° 10-30.028).

Jurisprudence – Relations collectives

Rappel : En principe, seuls les candidats ayant obtenu 10% des suffrages exprimés au premier tour des élections professionnelles du CSE peuvent être désignés délégués syndicaux (DS) (C. trav. art. L. 2143-3).
Par exception, une organisation syndicale représentative peut désigner un DS parmi les autres candidats, ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l’entreprise ou de l’établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d’exercice du mandat au Comité social et économique. Tel est le cas notamment, lorsque l’ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées au premier alinéa de l’article L. 2143-3 du Code du travail renoncent par écrit à leur droit d’être désigné DS.
Le défaut de paiement de cotisations syndicales par un candidat ayant obtenu au moins 10% lors des  dernières élections, permet-il au syndicat de désigner un simple adhérent en tant que DS ? 

Cass. soc., 19 avril 2023, n° 21-60.127

Les élections des membres du CSE d’une société se sont déroulées en janvier 2018.

Lors de ces élections, un syndicat a présenté 4 candidats. Par la suite, 2 des candidats ont quitté l’entreprise. Le 3ème a démissionné de son mandat de DS en juillet 2020 et le 4ème n’était pas à jour de ses cotisations syndicales depuis plus de 2 ans.

En septembre 2020, le syndicat a désigné un adhérent, qui n’avait pas été candidat aux dernières élections, comme DS.

La société a saisi le Tribunal judiciaire en annulation de cette désignation.

Le Tribunal a annulé la désignation considérant que le fait que le 4ème  candidat ne soit pas à jour de sa cotisation syndicale n’est pas une condition légale à retenir ; de sorte qu’il pouvait prétendre à être désigné en qualité de DS.

Le syndicat s’est pourvu en cassation. Il soutenait être fondé à désigner un adhérent dans la mesure où il ne disposait plus de candidat et que l’adhérent était à jour de ses cotisations.

La Cour de cassation fait droit à sa demande. Elle rappelle la jurisprudence selon laquelle l’obligation de choisir un DS en priorité parmi les candidats qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés n’a pas pour objet ou pour effet de priver une organisation syndicale du droit de disposer d’un représentant dès lors qu’elle a présenté des candidats à ces élections dans le périmètre de désignation.

Elle juge que le Tribunal n’a pas donné de base légale à sa décision en ne recherchant pas si le 4ème  candidat avait renoncé à l’activité syndicale et ne cotisait plus depuis plus de deux ans comme le soutenait le syndicat.

L’affaire sera rejugée.

Note : Précisons que la Cour de cassation a déjà validé la désignation d’un adhérent comme DS dans une hypothèse dans laquelle tous les candidats de la liste aux dernières élections ne payaient plus leurs cotisations syndicales depuis plus d’une année ou n’étaient plus dans les effectifs de la société. Elle a considéré que le syndicat n’avait plus de candidats pouvant exercer le mandat de DS (Cass. soc., 26 mars 2014, n° 13-20.398).

Rappel : En principe, seuls les candidats ayant obtenu 10% des suffrages exprimés au premier tour des élections professionnelles du CSE peuvent être désignés délégués syndicaux (DS) (C. trav. art. L. 2143-3).
Par exception, une organisation syndicale représentative peut désigner un DS parmi les autres candidats, ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l’entreprise ou de l’établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d’exercice du mandat au Comité social et économique. Tel est le cas notamment, lorsque l’ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées au premier alinéa de l’article L. 2143-3 du Code du travail renoncent par écrit à leur droit d’être désigné DS. 
La renonciation au droit d’être désigné délégué syndical  par un candidat ayant obtenu au moins de 10% des suffrages exprimés au 1er tour des dernières élections vaut-elle pour toute la durée du cycle électoral ?

Cass. soc., 19 avril 2023, n° 21-23.348

Dans cette affaire, à la suite des élections des membres du CSE d’un établissement, un syndicat a désigné une salariée en qualité de délégué syndical (DS).

Par la suite, elle a renoncé à cette désignation et le syndicat a désigné l’une de ses adhérentes pour la remplacer.

Postérieurement, le syndicat a de nouveau désigné la salariée, qui avait renoncé à son mandat, comme DS, en remplacement d’un DS régional.

Soutenant que cette désignation était irrégulière, l’employeur a saisi le Tribunal judiciaire en annulation de cette désignation. Il considérait que la renonciation au droit d’être désigné DS est définitive et vaut pour toute la durée du cycle électoral.

Le Tribunal saisi a rejeté la demande de l’employeur considérant qu’en l’absence de précision de la Loi, la renonciation d’un salarié à être DS ne vaut qu’à l’occasion d’une désignation. L’employeur s’est pourvu en cassation.

La Cour de cassation a jugé que la renonciation par le candidat, ayant recueilli au moins 10 % des suffrages au premier tour des dernières élections, au droit d’être désigné DS, n’a pas pour conséquence de priver l’organisation syndicale de la possibilité de désigner ultérieurement, au cours du même cycle électoral, l’auteur de la renonciation en qualité de DS.

Note : Il résulte de cet arrêt que la renonciation à un mandat de DS n’est pas un acte définitif. Ainsi, un candidat peut revenir sur sa renonciation lors du même cycle électoral.

Législation et réglementation

Compte tenu de la hausse du Smic au 1er mai 2023, le décret n° 2023-322 du 28 avril 2023 relève à 8,21 € le taux horaire minimum de l’allocation d’activité partielle versée à l’employeur à compter du 1er mai 2023 (contre 8,03 € auparavant).

En outre, le texte fixe à 9,12 € le taux horaire minimum de l’allocation versée aux employeurs qui bénéficient de l’activité partielle de longue durée (contre 8,92 € auparavant).

Ces nouveaux taux s’appliquent au titre des heures chômées à compter du 1er mai 2023.

PROTECTION SOCIALE COMPLEMENTAIRE

Jurisprudence – Protection sociale

Cass. 2ème civ., 6 avril 2023, n° 21-17.173

La Cour de cassation a jugé que :

  • si la mise en œuvre de la solidarité financière du donneur d’ordre ou de la sanction d’annulation des réductions ou exonérations des cotisations n’est pas subordonnée à la communication préalable à ce dernier du procès-verbal pour délit de travail dissimulé, établi à l’encontre du cocontractant ;
  • l’Urssaf est tenue de produire ce procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation par le donneur d’ordre de l’existence ou du contenu de celui-ci.

Législation et réglementation

Dans une actualité publiée le 27 avril 2023, le réseau des Urssaf a annoncé que les bons d’achat et les cadeaux en nature attribués par les CSE ou les employeurs au titre de la Coupe du monde de rugby 2023 et des Jeux olympiques 2024, doivent respecter les conditions suivantes pour bénéficier d’exonérations sociales :

  • les bons d’achat ne doivent être utilisables que dans les boutiques officielles de ces deux compétitions ;
  • les cadeaux en nature ne doivent provenir que des boutiques officielles de ces deux compétitions ;
  • les bons d’achat et/ou cadeaux en nature doivent être attribués par le CSE, ou par l’employeur en l’absence de CSE, et ce jusqu’au 8 septembre 2024 pour les Jeux paralympiques de Paris 2024 ;
  • le montant total des bons d’achat et/ou cadeaux en nature attribués au titre de ces deux compétitions sportives ne doit pas dépasser 25 % du PMSS par salarié et par année civile (en 2023 et 2024), soit 917 € pour l’année 2023. En cas de dépassement de ce plafond, le dépassement sera soumis à cotisations sociales.

Dans un communiqué de presse publié le 27 avril 2023, l’ACPR a prononcé une mesure conservatoire d’interdiction temporaire de distribution de tout contrat d’assurance à l’égard d’un courtier d’assurance, à compter du 25 avril 2023.

L’ACPR a prononcé cette mesure afin de protéger les intérêts des clients, après avoir constaté que les pratiques portant sur le processus de commercialisation, mis en place par le courtier sont susceptibles de compromettre leurs intérêts et ont déjà donné lieu à un nombre important de réclamations.

Cette mesure est provisoire en attendant que la société justifie auprès de l’ACPR qu’elle respecte les exigences réglementaires qui lui sont applicables.

Pour en savoir plus

Dans une étude de cas mise en ligne le 2 mai 2023, le médiateur de l’assurance indique que l’entreprise d’assurance a fait une exacte application des dispositions contractuelles en ne procédant pas à la revalorisation du capital pour la période comprise entre le 1er janvier de l’année du décès et la date de survenance de cet évènement. En effet, le taux minimum annuel garanti avait été fixé à 0% pour l’année au cours de laquelle était intervenu le décès de l’assuré et ce dernier en avait eu connaissance via le relevé établi pour l’année précédente.

Le médiateur recommande également aux assureurs, pour une information claire et complète, d’indiquer avec précision dans les contrats d’assurance vie, les modalités de revalorisation du capital investi sur le support en euros, notamment en cas de décès avant l’attribution de la participation aux bénéfices servie en fin d’exercice.

Pour en savoir plus

Dans une décision rendue le 19 avril dernier, L’ACPR a prononcé une sanction à l’égard d’un établissement de paiement. Dans cette décision l’ACPR reproche à la société :

  • une classification des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme lacunaire ;
  • un dispositif de mise en œuvre des mesures de gel des avoirs et d’interdiction de mise à disposition défaillant, et des lacunes du dispositif de contrôle interne de la mise en œuvre du gel des avoirs ;
  • le non-respect des obligations de déclaration de soupçon ou des déclarations tardives.

En conséquence, l’ACPR a prononcé à l’encontre de la société un blâme et une sanction pécuniaire d’un million d’euros.

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Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE)

Pour mémoire, la Loi Climat et Résilience (L. n° 2021-1104 du 22 août 2021) a introduit à l’article L. 2312-8 du Code du travail, une obligation pour les employeurs d’informer et de consulter le CSE sur les « conséquences environnementales » des décisions relatives l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise.

En application de cette mesure, le Tribunal judiciaire de Nantes a rendu le 22 décembre 2022 un jugement portant sur l’information-consultation du CSE sur les conséquences environnementales d’un projet de déménagement. Il s’agit de l’une des premières décisions de justice sur le sujet.

Dans cette affaire, une société dont l’activité principale est la fabrication, la commercialisation, l’installation, la conception ainsi que la maintenance de solutions d’énergie éolienne offshore, a engagé une procédure d’information-consultation de son CSE portant sur le projet de déménagement de ses locaux.

Lors de la première réunion du CSE, la société n’a transmis aucune information sur l’impact environnemental du projet. Après avoir demandé sans succès des informations sur les impacts environnementaux du projet, le CSE a, lors d’une deuxième réunion du CSE, mandaté un expert.

Considérant que les échanges qu’elle avait eus avec l’expert avaient vocation à se substituer à la pleine information de l’instance, la Direction a toutefois transmis quelques éléments écrits d’information au CSE.

Le CSE estimant que les informations, qui lui avaient été transmises, n’étaient pas complètes et suffisantes, a saisi le Tribunal judiciaire aux fins d’obtenir la transmission d’informations supplémentaires et la prorogation du délai d’information-consultation.

Dans son jugement du 22 décembre 2022, le Tribunal judiciaire de Nantes tient compte de l’activité de la société. A cet égard, il affirme que l’activité exercée par la société en fait un acteur de la transition énergétique et que la question environnementale entre dans sa culture.

Il juge que même si la présentation initiale du projet ne comportait effectivement aucun élément d’étude de l’impact environnemental, les informations dont le CSE estimait avoir besoin lui ont bel et bien été fournies au fur et à mesure des réunions plénières de l’instance.

En effet, dans les éléments transmis par la Direction figurait un « document qui mesure le coût carbone par rapport aux périmètres organisationnel et opérationnel des postes et qui détaille les émissions indirectes liées à la consommation d’électricité et les émissions indirectes liées aux moyens de transport individuel », répondant à la norme internationale ISO 14064-1. Le Tribunal en a déduit que des informations suffisantes ont été transmises au CSE.

Dans cette décision, les juges affirment l’importance de l’obligation d’information du CSE sur les conséquences environnementales.

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