« Burn-out en lien exclusif avec le travail » : comment lutter contre les arrêts de complaisance ? « Burn-out en lien exclusif avec le travail » : comment lutter contre les arrêts de complaisance ?

Les certificats médicaux mentionnant un syndrome d’épuisement professionnel, plus communément appelé « burn-out », sont de plus en plus présents dans le cadre des contentieux prud’homaux.
Il apparait alors nécessaire eu égard aux enjeux en découlant de s’interroger sur le caractère probant des certificats médicaux délivrés par des praticiens et caractérisant un syndrome d’épuisement professionnel.
Dans un arrêt du 23 janvier 2025 (RG n°494065), le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la nature d’un certificat médical délivré par un médecin établissant un lien de causalité entre un burn-out et les conditions de travail de son patient.
Camélia Bessaoud et Chloé Bouchez, avocats au sein du cabinet Actance avocats vous proposent d’analyser cette décision.

Au préalable, il convient de rappeler que si l’exercice de la médecine comporte normalement l’établissement par le médecin de certificats, attestations et documents, cela ne peut intervenir qu’au regard des constatations médicales qu’il est en mesure de faire (art. R.4127-76 du Code de la Santé Publique).  

A défaut de constatations médicales opérées par le praticien, il apparait légitime de s’interroger sur le fait de savoir si cela ne méconnait pas l’article R.4127-28 du Code de la Santé Publique précisant que « la délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance est interdite ».

Dans une telle hypothèse, et conformément à l’article R.4126-1 et suivants du Code de la Santé Publique, l’employeur dispose de la faculté d’introduire une plainte devant le Conseil départemental de l’ordre au tableau duquel le praticien est inscrit.

La faculté pour un employeur d’être à l’origine d’une procédure disciplinaire à l’encontre d’un médecin a été reconnue par le Conseil d’Etat le 11 octobre 2017 (RG° 403576).

En l’absence de conciliation des parties, le Conseil départemental de l’ordre transmet la plainte à la chambre disciplinaire de première instance, laquelle dispose d’un délai de 6 mois pour statuer.

A compter du prononcé de la décision de la chambre disciplinaire de première instance, un appel peut être interjeté dans le délai de 30 jours auprès du greffe de la Chambre disciplinaire nationale.

Ladite décision de la Chambre disciplinaire nationale peut être contestée devant le Conseil d’Etat, dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

Ainsi, à la lumière de ces règles déontologiques, le Conseil d’Etat a apprécié la nature d’un certificat médical délivré par un médecin lequel établissait un lien de causalité entre un burn-out et les conditions de travail de son patient.

Plus précisément, à la suite d’une plainte déposée devant le Conseil départemental de l’ordre des médecins par une Société à l’encontre d’un médecin, la Chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins, a sanctionné ce dernier d’un blâme.

Un appel a été interjeté par le médecin devant la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins.

Toutefois, l’appel a été rejeté considérant que l’établissement de certificats médicaux portant la mention « burn-out » « en lien exclusif avec les conditions de travail », sur la seule base des déclarations du patient, caractérisait la délivrance de certificats tendancieux ou de complaisance au sens des dispositions des articles R.4127-28 et R.R.4127-76 du Code de la santé publique.

Le médecin a alors formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat soutenant que la décision de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins était entachée d’erreur de droit, lequel n’a finalement pas été admis.

Par le biais de cet arrêt, force est de constater la volonté du Conseil d’Etat d’encadrer strictement le contenu des certificats médicaux rappelant par ce biais que les praticiens doivent se conformer à une stricte objectivité afin d’éviter toute mention tendancieuse ou susceptible d’être perçue comme une prise de position dans un conflit entre salarié et employeur.

Autrement dit, le Conseil d’Etat n’entend pas remettre en cause la faculté du médecin, du fait de ses constatations médicales, de qualifier l’état de santé de son patient comme étant un « burn-out ».

En revanche, compte tenu de l’objectivité attendue de la part du médecin, il ne peut être établi un lien de causalité entre l’épuisement constaté du patient et son activité professionnelle en l’absence d’analyse opérée par le médecin de ses conditions de travail.

Cette position s’avère être en parfaite cohérence avec la tendance des instances disciplinaires des médecins, lesquelles ne manquent pas de rappeler notamment qu’ « un médecin ne pouvait se fonder sur les seules déclarations d’un patient pour motiver un arrêt de travail par l’existence d’un « burn-out » sans disposer de l’analyse des conditions de travail émanant notamment du médecin du travail » (Conseil national de l’ordre des médecins, 22 sept. 2022, n° — 14921.)

En conséquence, la teneur de cet arrêt permet de rappeler l’intérêt des employeurs à saisir le Conseil département de l’ordre des médecins en présence d’un document litigieux délivré par un médecin lequel établirait un lien avec les conditions de travail en se fondant sur les seuls propos de leurs patients.

Une telle action, sur le fondement des règles déontologiques incombant aux médecins (art. R.4126-1 du Code de la santé publique) peut permettre ainsi de relativiser le caractère probant des documents médicaux dans le cadre des contentieux prud’homaux notamment.

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Le Cabinet Actance Avocats demeure naturellement à votre disposition afin de vous accompagner sur ces sujets et répondre à vos interrogations.

Chloé Bouchez
Avocate associée | +33 (0)144 94 96 00 | societe@actanceavocats.com |  + posts

Chloé BOUCHEZ a exercé 1 an au sein du cabinet Barthélémy & Associés et a participé à la création du cabinet Actance. Elle est titulaire du Master II en Droit social de l’Université Panthéon-Assas et du Certificat de spécialisation en droit du travail. Elle accompagne les groupes et entreprises de dimension nationale et internationale sur toutes les problématiques liées aux relations collectives et individuelles du travail, et anime régulièrement des formations. Elle est amenée à travailler en Français et en Anglais. Elle dispose également d’une forte expérience dans la gestion des pré-contentieux et des contentieux à risque.