Nouvel épisode de la saga sur les congés payés : le Conseil constitutionnel se positionne à son tour Nouvel épisode de la saga sur les congés payés : le Conseil constitutionnel se positionne à son tour

Pour mémoire, en droit français, un salarié atteint d’une maladie non professionnelle n’acquiert pas de jours de congés payés pendant le temps de son arrêt de travail. Les dispositions du 5° de l’article L. 3141-5 du Code du travail n’assimilent à une période de travail effectif pour l’acquisition de droits à congés que « les périodes, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an, pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle ».

Ces dispositions ne sont pas en accord avec le droit européen qui prévoit un droit à congés payés d’au moins 4 semaines, sans distinguer selon l’origine des absences (Dir. 2003/88/CE du 4 novembre 2003, art. 7 ; CJUE 24 janvier 2012, aff. C-282/10).

L’Etat français a d’ailleurs déjà été condamné pour défaut de conformité au droit européen (CAA Versailles, 17 juillet 2023, n° 22VE00442).

C’est dans ce contexte que le 13 septembre 2023, la Cour de cassation a décidé d’écarter le droit français au profit du droit européen en matière de congés payés, jugeant que des salariés pouvaient acquérir des droits à congés payés :

  • pendant la période de suspension de leur contrat de travail pour cause de maladie non professionnelle (Cass. soc., 13 septembre 2023, n° 22-17.340 à n° 22-17.342 et n° 22-17.638) ;
  • au-delà d’une durée d’un an en cas de suspension du contrat de travail pour cause d’accident ou de maladie professionnelle (Cass. soc., 13 septembre 2023, n° 22-17.638).

A la suite de cette décision, le Gouvernement avait annoncé une loi à venir en vue de « réduire au maximum l’impact de cette décision » sur les entreprises.

Dans cette attente, le Conseil constitutionnel a été saisi pour se prononcer sur la constitutionnalité des articles L.3141-3 et L.3141-5, 5° du Code du travail (Cass. soc., 15 novembre 2023, n° 23-14.806).

Les questions posées étaient les suivantes :

  • les articles L.3141-3 et L.3141-5,5° du Code du travail portent-ils atteinte au droit à la santé, au repos et aux loisirs garanti par le 11e alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, en ce qu’ils ont pour effet de priver, à défaut d’accomplissement d’un travail effectif, le salarié en arrêt pour une maladie d’origine non professionnelle de tout droit à l’acquisition de congés payés et le salarié en arrêt pour une maladie d’origine professionnelle de tout droit à l’acquisition de congés au-delà d’une période d’un an ?
  • l’article L.3141-5, 5° du Code du travail porte-t-il atteinte au principe d’égalité garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 en ce qu’il introduit, du point de vue de l’acquisition des droits à congés payés des salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison de la maladie, une distinction selon l’origine professionnelle ou non professionnelle de la maladie, qui est sans rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ?

Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision n° 2023-1079 le 8 février 2024 en  déclarant les dispositions législatives conformes à la Constitution.

Pour les Sages, les articles du Code du travail relatifs aux congés payés ne méconnaissent pas le droit à la santé et au repos ainsi que le principe d’égalité devant la loi.

Le Conseil constitutionnel estime que, compte tenu de l’objectif de la loi du 18 avril 1946, qui est à l’origine des dispositions contestées, il était possible pour le législateur de reconnaître que les périodes d’accident du travail et de maladie professionnelle puissent permettre, pour une durée limitée, l’attribution de congés payés.

Il précise en effet que « la maladie professionnelle et l’accident du travail, qui trouvent leur origine dans l’exécution même du contrat de travail, se distinguent des autres maladies ou accidents pouvant affecter le salarié ». Ainsi, « au regard de l’objet de la loi, le législateur a pu prévoir des règles différentes d’acquisition des droits à congé payé pour les salariés en arrêt maladie selon le motif de la suspension de leur contrat de travail ».

Si au regard de la décision du Conseil constitutionnel, le législateur devrait pouvoir continuer à faire une différence entre les arrêts de travail pour accident et maladie d’origine non professionnelle et les arrêts de travail AT/MP, il n’en demeure pas moins que cette distinction n’est pas prévue par le droit européen.

Rappelons que les débats introduits par les arrêts du 13 septembre 2023 portent sur la non-conformité des dispositions législatives au droit européen et non sur leur constitutionnalité.

Nous attendons donc désormais la position tant attendue du législateur annoncée au cours du 1er semestre 2024.

Affaire à suivre…

+ posts