Les règles de remplacement des membres élus du Comité Social et Economique Central sont précisées

Pour rappel, il résulte de l’article L.2316-4 du Code du travail que le CSE central (CSEC) est composé d’un nombre égal de délégués titulaires et de suppléants, élus, pour chaque établissement, par le CSE d’établissement (CSEE) parmi ses membres.
Les sièges sont répartis, entre les différents établissements et les différents collèges, par accord entre l’employeur et les organisations syndicales intéressées, conclu selon les mêmes conditions de majorité que le protocole d’accord préélectoral (article L.2316-8 du Code du travail).
Le Code du travail est en revanche muet concernant le remplacement des membres titulaires mais également suppléants du CSEC. Seul l’article L.2314-37 du Code du travail prévoit des règles de remplacement s’agissant des membres élus titulaires du CSE.
Par un arrêt en date du 6 décembre 2023 publié au bulletin, la Cour de cassation se prononce sur les règles de remplacement des membres élus du Comité Social et Economique Central, venant ainsi préciser sa position sur ce sujet (Cass. Soc., 6 décembre 2023 n°22-21.239).
Virginie Audet, avocat associé et Victor Pasqualini, avocat au sein du cabinet Actance, reviennent sur la portée de cette décision.

Sur les faits et la procédure

En l’espèce, le litige prenait naissance au sein d’une société, divisée en plusieurs établissements distincts, disposant ainsi de plusieurs CSEE et d’un CSEC au niveau du siège social.

Deux élus sur une liste FO, l’un titulaire et l’autre suppléant, membres à la fois d’un CSEE et du CSEC, quittent l’entreprise avant le terme de leur mandat. Le CSEE procède alors à leur remplacement au CSEC en désignant deux autres élus, un titulaire et un suppléant, inscrits sur une autre liste syndicale (CGT) mais appartenant au même collège.

Estimant que les règles applicables en matière de remplacement des membres du CSEC n’étaient pas respectées, la société saisissait aussitôt le Tribunal Judiciaire du ressort du siège social afin de voir annuler ces désignations.

Le Tribunal Judiciaire du ressort du siège social s’estimait compétent et procédait à l’annulation  de la désignation des deux délégués en qualité de membres titulaire et suppléant au CSEC. Le CSEE, le syndicat CGT et les deux délégués concernés formaient alors un pourvoi en cassation.

Sur la portée de la décision de la Cour de Cassation

Trois problématiques étaient soulevées : les règles applicables au remplacement des membres titulaires au CSEC (1), mais également des membres suppléants au CSEC (2), ainsi que la compétence territoriale du tribunal judiciaire en cas de contestation relative à la composition du CSEC (3).

  1. Les règles de remplacement de l’élu titulaire du CSE sont transposées au membre titulaire du CSEC :

La Cour de cassation vient affirmer que l’article L.2314-37 du Code de travail, lequel expose les règles de remplacement de l’élu titulaire au CSE, est également applicable au CSEC, en l’absence de disposition contraire.

Priorité est donc donnée à l’obédience syndicale du membre titulaire du CSEC à remplacer.

Dans ce cadre, le remplacement du membre titulaire du CSEC s’effectue comme suit :

  • Le remplacement du membre titulaire du CSEC par un membre suppléant du CSEC du même établissement s’organise dans l’ordre suivant, au sein de la même organisation syndicale:
    • Le membre suppléant du CSEC de la même catégorie professionnelle,
    • A défaut, le membre suppléant du CSEC du même collège,
    • A défaut, le membre suppléant du CSEC d’un autre collège électoral,
    • A défaut, le candidat au CSEC non élu.

Rappel : La catégorie professionnelle et le collège ne se confondent pas. Le protocole d’accord préélectoral doit, à ce titre, définir ces deux notions tout en précisant la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux (article L.2314-13 du Code du travail).

  • En cas d’insuffisance de suppléant de la même organisation syndicale dans l’établissement, le remplacement du membre titulaire du CSEC par un membre suppléant du CSEC du même établissement s’effectue comme suit :
    • Le membre suppléant du CSEC de cet établissement, de la même catégorie professionnelle et d’une autre organisation syndicale,
    • A défaut, le membre suppléant du CSEC de cet établissement, du même collège et d’une autre organisation syndicale.

Ces règles ainsi exposées posent toutefois la question de leur application en pratique. En effet, rappelons que sauf accord unanime entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives, chaque établissement ne peut être représenté que par un maximum de 2 délégués titulaires et de 2 délégués suppléants (article R.2316-1 du Code du travail), ce qui limite, semble-t-il, la déclinaison opérationnelle au CSEC de l’article L.2314-37 du Code du travail précité.

A toutes fins utiles, il sera précisé que cette transposition des règles de remplacement des membres élus du CSE aux membres du CSEC avait déjà été énoncée, partiellement, par la Cour de cassation, à l’époque du Comité Central d’Entreprise.

Elle a pu admettre, à titre exceptionnel, qu’en l’absence de suppléant appartenant au même établissement que le titulaire, le remplacement au comité central peut être assuré par un suppléant d’un autre établissement appartenant à la même liste syndicale et relevant de la même catégorie (Cass. Soc., 26 octobre 2011 n°10-20.918).

Le recours au membre suppléant d’un autre établissement ne semble ainsi pas exclu. Il ne pourrait néanmoins avoir lieu qu’une fois épuisées toutes les possibilités offertes par l’article L.2314-37 du Code du Travail et donc, notamment, celle de faire appel à un candidat au CSEC non élu.

Il y a effectivement lieu de privilégier, dans la mesure du possible, une représentation par établissement.

  1. Le remplacement du membre suppléant au CSEC n’est possible que si un accord collectif ou une convention collective le prévoit :

L’argumentation du CSEE, du syndicat et des deux anciens délégués, résidant dans le droit, pour chaque CSEE, de disposer d’une représentation permanente au CSEC et de pouvoir, à cette fin, procéder au remplacement des membres du CSEC dont les mandats ont cessé, n’a pas été retenue.

La Cour de cassation vient rappeler le principe selon lequel le remplacement des membres suppléants composant le CSEC n’est pas possible en l’absence de dispositions légales ou conventionnelles (accord collectif ou convention collective) le prévoyant.

Elle confirme une jurisprudence rendue le 29 mai 2019. La désignation d’un nouveau suppléant au Comité Central d’Entreprise parmi les suppléants au comité d’établissement avait été jugée impossible en l’absence de stipulation dans le protocole d’accord préélectoral (Cass. Soc., 29 mai 2019 n°17-31.029).

Il pourrait donc être pertinent d’insérer une clause prévoyant un tel remplacement aux termes du protocole d’accord préélectoral ou d’un accord collectif.

  1. Le Tribunal Judiciaire compétent est celui du lieu où la désignation est destinée à prendre effet :

Les demandeurs au pourvoi faisaient valoir que le tribunal territorialement compétent était celui du lieu de l’élection, à savoir le tribunal judiciaire du ressort du CSEE.

Pour les besoin de son raisonnement, la Cour de cassation vise la finalité de l’instance et, ainsi, les attributions du CSEC, qui concernent l’entreprise dans son ensemble, à l’exclusion de ce qui est relatif uniquement à l’établissement.

Elle décide, en conséquence, que « les contestations relatives aux conditions de désignation de la délégation du personnel au CSE central sont de la compétence du tribunal judiciaire du lieu où la désignation est destinée à prendre effet, peu important les modalités de cette désignation ».

Cette solution avait déjà été adoptée s’agissant de la contestation de la désignation de représentants de proximité (Cass. Soc., 1er février 2023 n°21-13.206) ou encore des délégués syndicaux (Cass. Soc., 7 octobre 1998 n°97-60.303).

Nous pouvons imaginer que cette jurisprudence  ne soit pas cantonnée au remplacement des membres du CSEC mais puisse s’appliquer à l’intégralité des contentieux relatifs à la désignation des membres de cette instance.

Virginie Audet
Avocate associée | +33 (0)144 94 96 00 | societe@actanceavocats.com | + posts

Virginie Audet est avocat depuis 2007 et a rejoint le Cabinet Actance en 2013 après avoir exercé au sein du Département Droit social du Cabinet Fidal. Elle est diplômée du DESS Droit et Pratique des Relations de Travail de l’Université de Toulon. Elle apporte aujourd’hui son expertise en conseil à nos clients en les accompagnant dans leur prise de décision et dans la définition de leur stratégie en matière de relations sociales et de gestion des ressources humaines. Elle dispose d’une solide expérience dans l’animation de formations auprès des DRH, services juridiques et managers, et assure également la gestion des contentieux.