Actu-tendance n° 744

DROIT DU TRAVAIL

Jurisprudence – Relations individuelles

Rappel : pour prouver une discrimination dont il s’estime être la victime, le salarié peut produire un panel de comparaison comprenant les informations relatives à d’autres salariés placés dans une situation identique à la sienne. Pour ce faire, le salarié peut demander au juge qu’il ordonne la communication des pièces de nature à prouver ses allégations.
La communication, ordonnée par le juge, des bulletins de paie et relevés de carrière d’autres salariés, dans le cadre d’un contentieux en matière de discrimination syndicale, est-elle conforme au RGPD ?

Cass. 2ème Civ.,  3 octobre 2024, n°21-20.979

Dans cette affaire, un salarié, engagé en 1982 par la société Crédit Mutuel de Maine Anjou Basse Normandie, exerce, depuis 1992, des mandats de représentation du personnel.

S’estimant victime de discrimination syndicale, il saisit le Conseil de prud’hommes de demandes d’indemnisation et de rappels de salaire.

Par jugement avant dire droit, le Conseil de prud’hommes ordonne à la société, en application de l’article 144 du code de procédure civile, de :

  • produire les historiques de carrière de neuf salariés nommément désignés,
  • produire leurs bulletins de salaire de décembre de chaque année sur les dix dernières années d’exercice à compter de 2018,
  • justifier, en même temps que la communication des documents, de ce que la société a bien communiqué ces documents contradictoirement au salarié.

La société forme un appel – nullité contre le jugement dont il est débouté.

La société forme un pourvoi en cassation.

La 2ème Chambre Civile saisit pour avis, la Chambre sociale.  

Par décision du 3 octobre 2024, publiée au bulletin et au rapport, la 2ème Chambre Civile, suivant l’avis de la Chambre sociale, déboute le salarié.

La cour rappelle que :

  • Selon l’article 6 du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD),  la collecte et le traitement des données personnelles n’est licite que si elle répond à des obligations légales et est conforme à certaines finalités.  

La collecte de données personnelles répond à l’obligation, mise à la charge de l’employeur, de remettre des bulletins de paie à ses salariés.

  • Par ailleurs, lorsque le traitement a une finalité autre que celle pour laquelle les  données ont été initialement collectées, le responsable du traitement, doit déterminer si  cette  finalité est compatible avec d’autres finalités au nombre desquelles celle de « garantir la protection de l’indépendance de la justice et des procédures judiciaires et l’exécution des demandes de droit civil  visées à l’article 23, § 1, du RGPD.

La collecte et le traitement des données personnelles dans le cadre d’une  demande de communication des bulletins de salaire faite à l’occasion d’un contentieux en discrimination syndicale répond à cette finalité ; c’est ce qu’a jugé également la CJUE dans un arrêt du 2 mars 2023, (Norra Stockholm Bygg, C-268/21).

La 2ème Chambre sociale poursuit en listant les points d’attention à la charge du juge saisi d’une demande de communication de documents contenant des données personnelles de nature à attester d’une discrimination.

 Il lui appartient de rechercher :

  • si cette communication est nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de la discrimination alléguée et proportionnée au but poursuivi,
  • s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige,
  • si les éléments dont la communication est demandée sont de nature à porter atteinte à la vie personnelle d’autres salariés.

le juge doit également :

  • cantonner, au besoin, d’office, le périmètre de la production de pièces sollicitée,
  • veiller au principe de minimisation des données à caractère personnel, en ordonnant, au besoin d’office, l’occultation, sur les documents à communiquer par l’employeur, de toutes les données à caractère personnel des salariés de comparaison non indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi,
  • ne laisser apparentes que les données adéquates et pertinentes et strictement limitées à ce qui est indispensable à la comparaison entre salariés;
    – faire injonction aux parties, de n’utiliser les données personnelles des salariés de comparaison, contenues dans les documents dont la communication est ordonnée, qu’aux seules fins de l’action en discrimination.

Sous ces réserves, la Cour de cassation juge donc que le traitement résultant de la communication par l’employeur, ordonnée par le juge, de documents comportant des données personnelles, tels des bulletins de paie des salariés tiers, et leur mise à disposition d’un salarié invoquant l’existence d’une discrimination syndicale, ordonnées par la juridiction prud’homale à titre d’éléments de preuve, répond aux exigences de licéité au sens des articles 6 et 23 du RGPD et déboute le salarié.

La Cour de cassation rejette également l’argument développé par l’employeur selon lequel le juge aurait dû entendre les salariés dont les données personnelles vont être divulguées via la production de leurs bulletins de paie et des relevés de carrière, notamment en application de l’article 14 du code de procédure civile selon laquelle, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue.

Note : La Chambre sociale de la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de se prononcer sur la question de la conformité au RGPD de la sommation de communiquer des bulletins de paie pour prouver l’existence d’une discrimination entre homme et femmes.  Dans un arrêt du 8 mars 2023 (n° 21-12.492), la Cour de cassation rappelait déjà l’équilibre qu’il convient de maintenir entre le droit à la preuve et le droit au respect de sa vie personnelle, et précisait  que le RGPD ne peut constituer un obstacle à l’office du juge ordonnant la communication de pièces. Elle donne dans le présent arrêt un mode d’emploi à l’attention des juges du fond.

Rappel : l’article L 1471-1 du code du travail dans sa version du 22 décembre 2017 dispose que toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
 L’article L. 3245-1 du code du travail dispose que l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Quel est le point de départ des délais de prescription afférents à des demandes de :
  • dommages-intérêts pour nullité de la clause de non concurrence,
  • non-paiement de la contrepartie financière de la clause
  • dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence et atteinte à la liberté du travail ?

Cass.Soc.,  2 octobre 2024, n°23-12.844

Dans cette affaire, un salarié est engagé en qualité de consultant manager.

Son contrat de travail prévoit une clause de non-concurrence d’une durée de deux ans et une clause de non-sollicitation de clientèle d’une durée de trois ans.

  • Le 23 octobre 2014, le salarié donne sa démission,
  • Le 26 février 2015, son contrat de travail prend fin.

Contestant la validité des clauses de non-concurrence et de non-sollicitation de clientèle, il a, dans un premier temps, sollicité une conciliation auprès du président de la compagnie nationale des conseils en propriété industrielle qui a duré six mois, puis, faute d’accord, saisi la juridiction prud’homale le 26 février 2018 aux fins d’obtenir  :

  • des dommages-intérêts au titre de la nullité des deux clauses (i) ; 
  • le paiement de la contrepartie financière, payée sous la forme de versements mensuels (ii) ;
  • des dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence et atteinte à la liberté du travail (iii).

La Cour d’appel le déboute de chacune de ses demandes les jugeant toutes prescrites :

(i) S’agissant du point de départ du délai de prescription de l’action en dommages et intérêts au titre de la nullité de la clause de non-concurrence

 la Cour d’appel fixe le point de départ de la prescription de 2 ans :

  • au 26 novembre 2014, soit, à l’issue du délai de 30 jours suivant la réception de sa lettre de démission le 27 octobre 2014 par son employeur, délai pendant lequel l’employeur avait la possibilité de lever la clause,
  • au 27 février 2015 s’agissant de la clause de non sollicitation, soit, à la date de la prise d’effet de la démission du salarié, l’employeur ne disposant d’aucun délai spécifique pour dénoncer ladite clause.

Le salarié conteste la solution retenue par la Cour d’appel :  selon lui, la nullité d’une clause de non-concurrence ou de non sollicitation produit des effets pendant toute la durée de sa mise en œuvre de sorte que le délai de prescription ne commence pas à courir avant la fin de la mise en œuvre de la clause, soit jusqu’au 26 février 2017 pour la clause de non concurrence et le 26 février 2018 pour la clause de non sollicitation.

(ii) S’agissant du délai de prescription de l’action pour défaut de paiement de la contrepartie financière de la clause de non concurrence

La Cour d’appel fixe le point de départ du délai de prescription, le jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent d’exercer son action en paiement soit, le  27 février 2015, au lendemain de son départ effectif de la société et à l’issue de la période de préavis effectuée qui correspond à la date à partir de laquelle il doit respecter l’obligation de non-concurrence et peut prétendre au versement de la contrepartie financière.

(iii) S’agissant du point de départ de l’action en dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence et atteinte à la liberté du travail

La Cour d’appel fait partir le délai de prescription de 2 ans à partir de la date de la fin du préavis, soit le 26 février 2015.

Par un arrêt du 2 octobre 2024 publié au bulletin, la Cour de cassation :

(i) Rejette le pourvoi s’agissant du point de départ du délai de prescription de la demande de dommages-intérêts au titre de la nullité des deux clauses.

La Cour rappelle que la prescription d’une action en responsabilité civile court à compter de la réalisation du dommage . Or,  le dommage causé par la stipulation d’une clause de non-concurrence ou d’une clause de non sollicitation de clientèle illicites se révèle au moment de sa mise en œuvre, soit, le 26 février 2015, date à laquelle le contrat de travail a été rompu ;

La prescription était donc acquise, nonobstant la période de conciliation de six mois qui avait suspendu le délai de prescription.

(ii) Casse la décision au visa des articles L 3242-1 et L 3245-1 du code du travail combinés s’agissant de l’action pour défaut de paiement de la contrepartie financière de la clause de non concurrence

La Cour de cassation rappelle que le délai de prescription de l’action en paiement de la contrepartie financière de l’obligation de non-concurrence qui a la nature d’une indemnité compensatrice de salaire, court à compter de la date à laquelle cette créance est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d’exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l’entreprise.

(iii) Casse la décision de la Cour d’appel, s’agissant du point de départ de l’action en dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence et atteinte à la liberté du travail

Au visa de l’article L. 1471-1 al 1er du code du travail, la Cour de cassation rappelle que le délai de prescription de 2 ans court à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

Dans la mesure où le salarié se fondait sur des faits qui n’avaient cessé de produire leurs effets qu’à la date à laquelle il n’était plus tenu de respecter la clause de non-concurrence (le 26 février 2017), il en résultait que le délai de prescription de la demande courait à compter de cette date et qu’il n’était donc pas expiré le 26 février 2018 date de la saisine du conseil de prud’hommes par le salarié.

Note : par cette décision, la Cour de cassation se prononce pour la première fois sur les différents points de départ de chacune des prescriptions applicables au titre des demandes formulées par le salarié.

Rappel : la reconnaissance du coemploi permet d’étendre les obligations de l’employeur à une autre entreprise, souvent plus solvable, que celle avec le salarié a conclu le contrat de travail. Elle est le plus souvent reconnue à l’intérieur d’un groupe de sociétés.

Cass soc 9 octobre 2024 n° 23-10.488 à 23-10.496

A la suite du décès de leur employeur et dans l’attente d’un repreneur, des salariés embauchés en qualité d’attaché commercial pour six d’entre eux, de femme de ménage, cadre de direction adjointe et employé de commerce voient leur contrat de travail se poursuivre avec le GIE région centre auquel leur employeur était rattaché afin d’y d’exercer son activité de courtier mandataire de la société La Française des Jeux (la société FDJ) à laquelle il était lié par un contrat d’exploitation en vue de la distribution des produits de jeux sur le département du Loiret et une partie de celui du Loir-et-Cher. 

Les salariés saisissent, trois ans plus tard, la juridiction prud’homale aux fins de voir constatée l’existence d’un contrat de travail entre eux et la FDJ et obtenir des rappels de salaires.

Le secteur géographique exploité par leur employeur initial est confié à la société Franmarie, créée à cet effet au sein de laquelle, les contrats de travail sont transférés.

La salariée, femme de ménage, est licenciée pour motif économique après son refus d’accepter une modification de son lieu de travail.

Les autres salariés sont, par la suite, également licenciés pour motif économique après la conclusion d’un contrat d’exploitation entre la FDJ et la société Jacklot cette dernière société ayant repris les contrats de travail.

Les sociétés Franmarie et Jacklot sont mises en cause dans l’instance prud’homale initialement engagée à l’encontre de la société FDJ.

La Cour d’appel déboute les salariés de leur demande de reconnaissance de la FDJ de la qualité d’employeur ni celle de co-employeur des sociétés Franmarie et Jacklot.

Les salariés forment un pourvoi en cassation. Ils soutiennent que les critères du coemploi sont bien sont bien remplis :

  • les intermédiaires exerçaient leur activité avec des moyens matériels exclusivement fournis par la FDJ (matériels et programmes informatiques, véhicules, matériels distribués aux détaillants),
  • la FDJ fixait les priorités commerciales et déterminait les plannings d’activité de ses intermédiaires,
  • la FDJ leur fixait des objectifs dont elle contrôlait la réalisation chaque semaine,
  • la formation des salariés était assurée directement par la FDJ.

De plus, les salariés soutiennent que :

  • les licenciements économiques intervenus en 2016 et 2018 étaient la conséquence de réorganisations commerciales décidées par la FDJ.

Par décision du 9 octobre 2024 publiée au bulletin, la Cour de cassation rejette le pourvoi.

Dans un attendu de principe, elle rappelle que « hors l’existence d’un lien de subordination, une société ne peut être qualifiée de coemployeur, à l’égard du personnel employé par une autre société, que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre elles et l’état de domination économique que peuvent engendrer leur relation commerciale, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière ».

La Cour relève que :

  • la situation de monopole d’Etat de la FDJ sur la commercialisation des jeux de loterie et de paris sportifs, son organisation centralisée et la coordination des actions commerciales et l’étroitesse des liens commerciaux qu’il induit ne permettent pas en eux-mêmes de retenir l’existence d’un coemploi,
  • les intermédiaires, bien que tenus de se conformer à la politique commerciale définie contractuellement, restant libres de contracter ou non avec la société FDJ,
  • les activités de la société FDJ et des sociétés Franmarie et Jacklot sont distinctes et il ne peut être retenu une confusion de direction,
  • l’utilisation de matériels sérigraphiés FDJ ou de cartes de visite mentionnant les liens avec la Française des Jeux est compatible avec le statut de mandataire de cette société et les fonctions de représentation de la société FDJ auprès des détaillants,
  • il n’existe aucun élément d’immixtion dans la gestion sociale des sociétés Franmarie puis Jacklot, notamment en matière de recrutement ou de départ, de salaires, primes ou commissions, régimes sociaux, évolution de carrière,
  • rien n’établit la volonté de la FDJ de capter les prérogatives de la société Franmarie attachées à sa condition d’employeur qu’elle-même revendique, le mandataire étant resté décideur de son organisation et de ses choix de gestion sans perdre son autonomie.

Note : La Cour de cassation reprend ici la définition du coemploi telle qu’elle l’a établie dans un arrêt du 25 novembre 2020 (n° 18-13.769) et qui a supprimé les trois critères retenus jusque-là, à savoir, une confusion de direction, d’activités et d’intérêts pour ne plus retenir que l’immixtion permanente d’une société dans la gestion économique et sociale d’une autre, entraînant la perte totale de l’autonomie de cette dernière. Depuis lors, la reconnaissance d’une situation de coemploi est devenue très rare, au profit de la recherche d’une responsabilité extracontractuelle dès lors qu’une faute et un préjudice en résultant peuvent être caractérisés. Elle a toutefois été reconnue dans un arrêt du 14 février 2024 (n° 22-15.178) entre une entreprise d’aide à la personne qui a créé une association pour les besoins de son activité, celle-ci n’ayant pas de clients propres et n’embauchant pas elle-même ses salariés, la société assurant toute la gestion administrative de l’association, le recrutement, l’embauche et la gestion du personnel.

Jurisprudence – Relations collectives

Rappel : l’article L 2312-15 du code du travail dispose  que  « le comité social et économique émet des avis et des vœux dans l’exercice de ses attributions consultatives (…) ». Il peut, s’il « estime ne pas disposer d’éléments suffisants, saisir le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, pour qu’il ordonne la communication par l’employeur des éléments manquants .
Cette saisine n’a pas pour effet de prolonger le délai dont dispose le comité pour rendre son avis (…) ».
L’article R.2312-5 du code du travail dispose que « pour l’ensemble des consultations mentionnées au présent code pour lesquelles la loi n’a pas fixé de délai spécifique, le délai de consultation du comité social et économique court à compter de la communication par l’employeur des informations prévues par le code du travail pour la consultation ou de l’information par l’employeur de leur mise à disposition dans la base de données économiques, sociales et environnementales (…) » 
Selon l’article 481-1, 1° et 2°, du code de procédure civile (…)  lorsqu’il (…) est statué selon la procédure accélérée au fond, la demande est formée, instruite et jugée dans les conditions suivantes : 1° La demande est portée par voie d’assignation à une audience tenue aux jour et heure prévus à cet effet ; 2° Le juge est saisi par la remise d’une copie de l’assignation au greffe avant la date fixée pour l’audience, sous peine de caducité de l’assignation constatée d’office par ordonnance du juge, ou, à défaut, à la requête d’une partie ».
Quand la saisine du juge est-elle considérée comme  tardive ?  

Cass. Soc., 2024, n° 23-11.339

Dans cette affaire, une société, dotée d’un CSE central (CSEC) et de 6 comités sociaux d’établissement (CSEE) consulte les instances représentatives du personnel concernées par un projet d’optimisation des frais généraux administratifs.

Le 8 juillet 2021, un des CSEE est convoqué pour être consulté sur le déploiement de ce projet dans son périmètre.

Le CSEE décide de recourir à un expert.

S’estimant insuffisamment informé sur la base du rapport remis par l’expert, le CSEE saisit le 3 septembre 2021 le président du tribunal judiciaire d’une requête aux fins d’être autorisé à assigner en urgence.

Par acte du 6 septembre 2021, le CSEE fait assigner la société devant le président du tribunal judiciaire aux fins d’ordonner à celle-ci de :

  • lui communiquer certaines informations complémentaires,
  • prolonger son délai de consultation de deux mois à compter de la transmission de ces informations,
  • interdire à la société, sous astreinte, de mettre en œuvre le projet litigieux jusqu’à expiration de ce délai.

La Cour d’appel déboute le CSEE jugeant ses demandes irrecevables après avoir constaté que la remise d’une copie de l’assignation au greffe est intervenue le 9 septembre 2021, soit postérieurement à l’expiration du délai de deux mois imparti au comité pour émettre son avis.

Le CSEE forme un pourvoi en cassation : il soutient que le délai de forclusion est interrompu à la date de signification de l’assignation en justice à la partie adverse, et non à celle du placement de l’assignation signifiée auprès du greffe du tribunal. 

Par décision du 9 octobre 2024 publiée au bulletin, la Cour de cassation suit le CSEE et casse et annule la décision des juges du fond :  la Cour d’appel ayant bien constaté que l’assignation avait été délivrée à la société le 6 septembre 2021, soit avant l’expiration du délai dont disposait le comité pour donner son avis, elle ne pouvait juger l’action irrecevable.

Note : la jurisprudence semble  donner une importance particulière à la mise en œuvre, en amont, de la procédure de demande de communication d’informations complémentaires prévue à l’article L 2312-15 du code du travail pour apprécier la légitimité des demandes du CSE a posteriori. Ainsi, la juridiction déboutera d’autant plus certainement le  CSE  qui conteste la procédure de consultation s’il  constate qu’il ne s’est pas saisi de la possibilité de saisir la juridiction en référé. C’est ce qu’a jugé le TGI de Nanterre statuant en référé le 28 février 2014 n° 14/00634 qui a débouté les membres du CSE qui contestaient avoir été régulièrement consultés, notamment car ils estimaient ne pas disposer des éléments suffisants pour émettre un avis. Dans ce cas, explique le  tribunal, il appartenait aux membres du comité de saisir le Président du TGI selon la procédure prévue à l’ancien article L. 2323-4 du code du travail .

Législation et réglementation

Afin de laisser le temps aux partenaires sociaux d’engager des négociations sur les règles d’indemnisation des seniors, un projet de décret visant à prolonger les règles en vigueur, jusqu’au 31 décembre 2024 vient de leur être transmis pour observation.

Le mécanisme de bonus-malus, qui avait déjà été prolongé jusqu’au 31 octobre 2024, le serait encore une fois jusqu’au 31 décembre 2024.

Les projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et projet de loi de finance (PLF) 2025, présentés en conseil des ministres le 10 octobre débattus devant le parlement à compter du 21 octobre ;

Certaines dispositions impactent le droit du travail :

  • Apprentis :
    • leur rémunération serait assujettie à la CSG et à la CRDS pour la part au-delà de 50 % du Smic (alors qu’elle était exonérée jusque-là),
    • le seuil d’exonérations de cotisations sociales passerait de 79% à 50%,
    • L’aide exceptionnelle à l’embauche passerait de 6 000 à 4 500
  • Fusion des régimes d’allègements généraux des cotisations patronales :

  • Base de calcul pour le calcul de la réduction générale des cotisations patronales :
    • Primes de partage de la valeur versées à partir du 10 octobre 2024 : elle seraient désormais prises en compte dans la rémunération utilisée pour calculer le coefficient de la ré réduction générale voire dans l’assiette de calcul de la réduction générale
    • Déductions forfaitaires spécifiques pour frais professionnels : elles ne seraient plus du tout prises en compte pour le calcul du coefficient de la réduction générale.

A noter : La mesure s’appliquerait rétroactivement au 1er janvier 2024, ce qui imposerait des régularisations.

Enfin, le relèvement du SMIC à compter du 1er novembre 2024  ne serait pas pris en compte pour la réduction générale de cotisations patronales 2024 qui resterait calculée en fonction du taux du SMIC au 1er janvier 2024.

  • IJSS : abaissement, par décret, du salaire plafond de 1,8 à 1,4 SMIC pour le calcul des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) de maladie.

Cet abaissement aura une conséquence directe sur la part à la charge de l’employeur pour maintenir la rémunération du salarié en arrêt de travail conformément aux dispositions légales et conventionnelles plus favorables.

Rappel : le refus, sans motif légitime, à deux reprises, d’une offre raisonnable d’emploi peut entraîner la radiation des listes des demandeurs d’emploi et la suppression du revenu de remplacement ; toutefois, le demandeur d’emploi ne peut se voir imposer une offre qui présente un niveau de salaire inférieur au salaire normalement pratiqué dans la région et pour la profession concernée.

Ainsi, un travailleur transfrontalier inscrits à France Travail a le droit de refuser une offre d’emploi française au motif que l’offre n’est pas raisonnable en comparaison des salaires offerts de l’autre côté de la frontière.

Serait envisagé une refonte de la définition de l’offre raisonnable d’emploi à destination de cette population.

L’ordonnance n° 2024-934 du 15 octobre 2024 portant transposition de la directive (UE) 2022/2381 du Parlement européen et du Conseil du 23 novembre 2022 relative à un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes parmi les administrateurs des sociétés cotées et à des mesures connexes a été publiée au JO du 16 octobre 2025.

Cette ordonnance « approfondit et renforce » le dispositif existant, issu de la loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 dite ‘Copé-Zimmermann qui impose une proportion minimale de 40 % pour le sexe le moins représenté dans les conseils d’administration et de surveillance des sociétés (cotées ou non) de plus de 250 salariés et qui présentent un montant net de chiffre d’affaires ou un total de bilan d’au moins 50 millions d’euros.

Les différences principales avec le régime existant en France tiennent d’une part, à l’intégration des administrateurs représentants des salariés et des administrateurs représentants des salariés actionnaires dans l’assiette de calcul de la règle d’équilibre entre les femmes et les hommes, et d’autre part, à la nécessité de désigner un ou plusieurs organismes chargés de promouvoir, d’analyser, de surveiller et de soutenir l’équilibre entre les femmes et les hommes dans les conseils.

La directive prévoit par ailleurs la mise en œuvre impérative d’une procédure de recrutement renforcée pour les sociétés dont la composition des organes d’administration ne serait pas conforme aux objectifs de la directive au 30 juin 2026. Ce dispositif, dont les modalités doivent être précisées par décret, est particulièrement exigeant. Il est en conséquence réservé aux seules sociétés visées par la directive

Protection sociale complémentaire

Jurisprudence – Protection sociale

L’ACPR a décidé de retirer les agréments détenus par une société d’assurance mutuelle, considérant que cette dernière ne couvrait pas ses engagements réglementés depuis trois ans et qu’elle ne couvrait pas le fonds de garantie en raison d’une insuffisance de fonds propres. La société d’assurance mutuelle ne remplissait plus les conditions de son agrément et était dans l’incapacité dans un horizon rapproché de restaurer pleinement les conditions normales de fonctionnement et de respecter les exigences règlementaires de couverture du fonds de garantie et de couverture des engagements réglementés. L’ACPR juge ainsi que cette situation entraîne une rupture de l’équilibre entre les moyens financiers de l’entreprise et de son activité et qu’en l’absence d’élément concret permettant d’établir qu’il existe une perspective sérieuse de régularisation, il y a lieu de retirer ses agréments.

Pour en savoir plus

Législation et réglementation

L’article 25 du PLF 2025 entend tirer les conséquences de deux décisions récentes du Conseil d’État ayant pour effet de fragiliser l’équilibre général du régime des droits ou bons de souscription ou d’attribution d’actions et des titres acquis en exercice de ceux-ci. Avant son abrogation consécutive aux décisions du Conseil d’État, la doctrine administrative interdisait respectivement d’inscrire des titres souscrits en exercice de bons de souscription de parts de créateur d’entreprise sur un plan d’épargne en actions (PEA) et de bénéficier du sursis d’imposition pour le gain constaté en cas d’apport de titres pareillement souscrits à une société non contrôlée par le bénéficiaire.

Afin de clarifier les règles applicables et d’éviter le cumul d’avantages fiscaux, le présent article :

  • confère une valeur légale à l’interdiction d’inscrire des droits ou bons de souscription ou d’attribution et des titres souscrits en exercice de ceux-ci sur un PEA et complète, dans le même sens, par cohérence, les dispositions relatives aux plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire (PEA-PME), plan d’épargne entreprise (PEE), plan d’épargne interentreprises (PEI) et plan d’épargne pour la retraite collectif (PERCO) ;
  • ouvre droit, conformément à la seconde décision du Conseil d’État, au bénéfice des dispositifs de sursis et de report d’imposition pour le gain de cession, de nature patrimoniale.

L’impôt afférent au gain d’exercice, de nature salariale et désormais distingué du gain de cession, demeure quant à lui exigé au moment de l’apport.

L’article 58 du PLF 2025 décale la période d’entrée en vigueur de la participation de l’employeur publics de l’État à la moitié du financement des nouveaux contrats de protection sociale complémentaire en santé de leurs agents, pour que les ministères puissent prolonger au maximum de deux ans leur référencement, dans la limite du 31 décembre 2026 ou, pour ceux qui ne disposent pas de référencement, que la participation de l’employeur à 50 % s’applique au plus tard au 1er janvier 2026.

En savoir plus

L’article 24 du PLFSS 2025 propose de réviser les règles d’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT/MP), afin d’intégrer dans l’indemnisation par la Sécurité Sociale la couverture du déficit fonctionnel permanent qui serait décorrélée du salaire de la victime.

Il est proposé :

  • L’amélioration de la réparation du préjudice et clarification de la nature duale de la rente et des indemnités en capital;
  • L’amélioration de l’indemnisation de l’ensemble des victimes d’AT-MP en affirmant la nature duale de la rente viagère, conformément à la volonté des partenaires sociaux rappelée dans l’ANI.

En savoir plus

Au regard du manque de lisibilité globale des informations précontractuelles fournies aux souscripteurs et pointé par l’ACPR et le médiateur de l’assurance, et dans l’attente de la révision du document d’informations clés (DIC) avec l’éventuelle création d’un « DIC obsèques », le Comité a remis un avis avec pour objectif de clarifier la documentation à disposition du souscripteur.

Le CCSF approuve la table des exemples normalisés qui devront être publiés sur le site internet des organismes assureurs pour permettre une meilleure compréhension du fonctionnement des contrats obsèques.

Le Comité prend également acte de l’engagement des professionnels, dans tous leurs nouveaux contrats, de :

  • limiter la durée du délai de carence à 1 an maximum,
  • proposer systématiquement une offre alternative au paiement viager des cotisations, avec a minima une option de cotisations temporaires, afin de permettre un choix éclairé du souscripteur sur son engagement financier en termes de cumul des cotisations à terme,
  • limiter les clauses d’exclusion contractuelle,
  • inscrire explicitement dans la notice d’information le paiement de la valeur de rachat en cas de cause du décès entrant dans le champ des exclusions mentionnées au contrat d’assurance obsèques.

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Pour 2025, le plafond de la sécurité sociale pourrait passer à 3 925 € par mois (47 100 euros par an), soit, en hausse de 1,6 %.

La Direction générale du travail a décidé de repousser de 6 mois la mise en œuvre des nouveaux modèles d’avis d’aptitude, d’inaptitude, d’attestation de suivi individuel de l’état de santé et de proposition de mesures d’aménagement de poste tels qu’ils avaient été publiés au JO du 10 octobre dernier (voir actu Tendance n°743)

L’indemnisation des arrêts maladie devrait être réduite. Si le montant des indemnités journalières versées par l’Assurance maladie, après les 3 jours de carence, est maintenu à 50 % du salaire journalier, le plafond de remboursement serait abaissé à 1,4 smic, contre 1,8 smic actuellement. Le reste à charge peut être compensé par certains employeurs.

Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE)

Dans son dernier rapport, l’Apec pointe la persistance des inégalités professionnelles chez les cadres en matière de rémunération, d’évolution de carrière ou encore de sexisme ; l’APEC note :

  • à « postes et profils identiques », les hommes cadres gagnent en moyenne6,9 % de plus, que leurs homologues féminins (Il atteint 11 % chez les cadres de plus de 55 ans contre 3 % chez les moins de 35 ans)
  • 79 % des cadres des directions générales sont des hommes
  • 59% des femmes cadres rencontrent plus de difficultés que les hommes à concilier vie personnelle et professionnelle surtout lorsqu’elles ont de jeunes enfants ou occupent des postes de management (49 % pour les hommes)
  • 4 femmes cadres sur 10affirment être témoins de comportements sexistes, en gestes ou en paroles, dans leur entreprise, au moins de temps en temps

« Les hommes cadres gagnent 12 % de plus que leurs homologues féminins, et 49 % des femmes cadres ont le sentiment de ne pas être rémunérées équitablement »,

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