Actu-tendance n° 736

DROIT DU TRAVAIL

Jurisprudence – Relations individuelles

Rappel : Le salarié dont le contrat de travail a été suspendu pour une maladie ou un accident d’origine non professionnelle pendant au moins soixante jours doit bénéficier d’une visite de reprise à son retour (la durée de l’absence devait être de trente jours à l’époque des faits, objet du litige) (article R.4624-31 du code du travail).
L’employeur peut-il conditionner l’organisation de la visite de reprise au retour effectif de son salarié à son poste de travail ? 

Cass. Soc 3 juillet 2024 n ° 23-13.784

Dans cette affaire, un salarié informe son employeur de la fin de son arrêt de travail et sollicite auprès de lui, l’organisation d’une visite de reprise après une absence de plusieurs mois. L’employeur lui demande de reprendre, au préalable, son emploi et reste inactif en dépit d’une nouvelle demande du salarié.

Le salarié saisit le Conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul pour manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité du fait de l’inexécution de l’obligation d’organiser la visite de reprise.

Il est ensuite licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le salarié fait grief à la Cour d’appel de l’avoir débouté de sa demande de résiliation judiciaire après avoir constaté que le salarié qui avait demandé à organiser une visite de reprise, n’avait manifesté aucune volonté de reprendre le travail de sorte que l’employeur n’avait pas à organiser cet examen et n’avait pas à lui verser de salaire, aucun travail n’ayant été fourni.

Le salarié forme un pourvoi en cassation.

Dans un arrêt publié au bulletin, la Cour de cassation casse la décision de la Cour d’appel et considère que dès lors que le salarié avait informé son employeur de la fin de son arrêt de travail et demandé l’organisation de la visite, l’employeur ne pouvait attendre un retour effectif de son salarié : il lui incombait d’organiser la visite de reprise.

Le simple constat de la violation par l’employeur de l’article R. 4624-31 du code du travail, dans sa version issue du décret n°2016-1908 du 27 décembre 2016, suffit, selon la Haute juridiction, à entrainer la cassation de la décision de la Cour d’appel ayant débouté le salarié de sa demande en nullité de son licenciement.

Note : Compte tenu de l’obligation de sécurité qui pèse sur l’employeur, il est conseillé de ne pas faire revenir le salarié à son poste avant la visite de reprise. Par ailleurs, dès lors que le salarié se tient à la disposition de l’employeur, il doit être rémunéré.

Jurisprudence – Relations collectives

Rappel : Un CSE n’a pas qualité pour intenter une action visant à obtenir l’exécution des engagements résultant de la convention collective applicable. Cette action est réservée aux organisations ou groupements définis à l’article L. 2231-1 du code du travail, qui ont le pouvoir de conclure une convention ou un accord collectif de travail (Cass. soc., 19 novembre 2014, n° 13-23.899).
De façon plus générale, le comité n’a pas qualité pour intenter une action ou intervenir dans une action tendant au respect ou à l’exécution de dispositions légales ou conventionnelles (Cass. soc., 14 décembre 2016, n° 15-20.812).
Toutefois, un CSE est recevable à invoquer par voie d’action la nullité d’un accord collectif aux motifs que cet accord viole ses droits propres.
Un comité d’établissement est-il recevable à agir en annulation d’un accord collectif d’UES portant sur la gestion de l’activité sociale et culturelle de restauration ?  

Cass. soc. 10 juillet 2024, n° 22-19.675 

Dans cette affaire, une UES a été constituée au sein d’une entreprise de 88.000 salariés. Cette UES comprend 17 comités d’établissements (CSEE).

Deux de ces comités d’établissements, le comité d’établissement service communication aux entreprises (CSEE SCE) et le comité d’établissement Orange France Siège (CSEE OFS) gèrent, en direct, l’activité sociale de restauration pour les salariés et fonctionnaires de leur périmètre.

Le 31 mai 2019, un accord est conclu entre les organisations syndicales et l’employeur portant sur la gestion de l’activité sociale et culturelle de restauration au sein de l’UES.

Le CSEE SCE et le CSEE OFS estimant que cet accord collectif entravait la transmission de la gestion directe de l’activité sociale de restauration aux deux comités sociaux et économiques qui devaient leur succéder après les élections professionnelles, ainsi qu’un syndicat non signataire, sollicitent l’annulation de l’accord collectif conclu le 31 mai 2019.

La Cour d’appel déboute les CSEE de leur demande en nullité de l’accord en leur déniant la qualité à agir au motif qu’ils n’en n’étaient pas signataires.

Les deux comités sociaux économiques d’établissement ainsi que le syndicat non signataire de l’accord forment un pourvoi.

Les CSEE SFE et CSEE OFS considèrent qu’un comité d’établissement a qualité et intérêt à agir pour obtenir l’annulation d’un accord collectif qui viole ses droits propres résultant des prérogatives qui lui sont reconnues par la loi. 

La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle rappelle que seuls les syndicats, qui ont le pouvoir de conclure une convention ou un accord collectif de travail, peuvent agir en justice pour obtenir l’exécution des engagements résultant d’un accord ou d’une convention collective.

Pour la Cour, qui se réfère à sa jurisprudence passée, le CSE n’a pas qualité pour agir et, de façon plus générale, il n’a pas qualité pour intenter une action ou intervenir dans une action tendant au respect ou à l’exécution de dispositions légales ou conventionnelles.

Toutefois, la Cour de cassation reconnait qu’un CSE n’est pas irrecevable à invoquer par voie d’action la nullité d’un accord collectif qu’il n’a pas signé, si cet accord viole ses droits propres. Il a dans ce cas, qualité et intérêt à agir.

Cependant,  la Haute juridiction constate qu’ « eu égard aux effets de l’action en nullité d’un accord collectif, seule l’institution représentative du personnel, dont le périmètre couvre dans son intégralité le champ d’application de l’accord collectif contesté, a qualité à agir par voie d’action en nullité d’un accord collectif aux motifs qu’il viole ses droits propres résultant de l’exercice des prérogatives qui lui sont reconnues par des dispositions légales d’ordre public ».

En l’espèce,

  • Le périmètre de chacun des deux CSEE ne couvrait pas l’intégralité du champ d’application de l’accord collectif du 31 mai 2019 « portant sur la gestion de l’activité sociale et culturelle de restauration au sein de l’UES conclu au sein de cette UES par les organisations syndicales représentatives dans ce même périmètre d’UES » ;
  • L’accord collectif ne portait pas atteinte aux droits des CSEE. En effet, l’accord du 31 mai 2019 définit les conditions dans lesquelles la société entend accepter qu’une délégation de gestion soit opérée par les comités sociaux et économiques à son profit en matière de restauration ;
  • Les CSEE conservent leur mission de définition de la politique de restauration et de contrôle sur la gestion du délégataire ;
  • Si les CSE ont le monopole de la gestion des activités sociales et culturelles, dont fait partie la restauration, la signature avec les organisations syndicales d’un accord collectif relatif à la restauration n’est pas interdite à l’employeur que rien n’oblige à être délégataire, chaque CSEE demeurant maître d’opter pour la délégation ou pour la gestion directe.

La Cour de cassation rejette le pourvoi, après avoir constaté que la Cour d’appel  a déduit l’absence de violation de règles d’ordre public et d’atteinte aux prérogatives des CSEE.

Note : Dans son rapport,  la Conseillère a fait état de la position de la doctrine qui, constatant l’inflation du nombre d’accords collectifs touchant aux prérogatives du comité depuis la mise en place du CSE, invitait à tempérer le principe d’irrecevabilité de l’action en nullité formée par un CSE. 

Rappel : Aux termes de l’article L. 2143-17 du code du travail, les heures de délégation sont de plein droit considérées comme du temps de travail et payées à l’échéance normale. L’employeur qui entend contester l’utilisation faite des heures de délégation doit saisir le juge judiciaire.
En vertu de l’article L. 3251-3 du même code, l’employeur ne peut opérer une retenue de salaire pour compenser des sommes qui lui seraient dues par un salarié pour fournitures diverses, que s’il s’agit de retenues successives ne dépassant pas le dixième du montant des salaires exigibles.
La retenue opérée à ce titre ne se confond pas avec la partie saisissable ou cessible.
La contestation de l’utilisation des heures de délégation au-delà du contingent suit elle le même régime que la contestation des heures de délégation du contingent ?  

Cass. Soc., 10 juillet 2024, n° 23-11.770

Dans cette affaire, un salarié a été désigné délégué syndical le 18 décembre 2017. Par jugement du 21 juin 2018, le tribunal d’instance a annulé cette désignation.

Par lettre du 22 mars 2018, l’employeur a rappelé au salarié qu’elle avait constaté un dépassement de son crédit d’heures de délégation puis, par lettre du 18 mai 2018, elle l’a informé que, faute pour lui de justifier les circonstances exceptionnelles autorisant ce dépassement, elle procéderait à des retenues sur salaires.

Le salarié conteste la retenue sur salaire opérée par l’employeur considérant que  la créance de ce dernier résulte du paiement indu d’heures de délégation de sorte qu’elle constitue une avance sur salaire dont le trop-perçu ne pouvait être régularisé que par des retenues sur son salaire dans la limite, pour chaque retenue, du 10e du salaire.

L’employeur considère, quant à lui, qu’il ne s’agissant pas d’une avance sur salaire, de sorte qu’une retenue dans la limite de la fraction saisissable du salaire était légale.

La Cour d’appel condamne l’employeur à rembourser au salarié des sommes au titre des heures de délégation syndicale et des congés payés afférents.

L’employeur forme un pourvoi : il reproche à la Cour d’appel de juger que le retrait de salaire effectué par l’employeur est contraire aux dispositions d’ordre public de l’article L. 3251-3 du code du travail.

La Cour de cassation casse l’arrêt des juges d’appel après avoir rappelé que :

  • les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail et payées à l’échéance normale et que l’employeur qui entend contester l’utilisation faite des heures de délégation doit saisir le juge judiciaire ;
  • ni la présomption de bonne utilisation des heures de délégation, ni le paiement de plein droit de ces heures ne sont applicables aux heures prises au-delà du contingent fixé par la loi ou l’accord collectif ;
  • Que le paiement indu par l’employeur d’heures de délégation dépassant le crédit d’heures légal, en l’absence de justification de la part du salarié des circonstances exceptionnelles autorisant ce dépassement, ne constitue pas une avance sur salaire, de sorte que les règles édictées à l’article L. 3251-3 du code du travail, ne sont pas applicables et que la compensation opérée lors d’une retenue sur salaire par l’employeur peut s’appliquer dans la limite de la fraction saisissable du salaire en application de l’article L. 3252-2 du même code.

Note : La présomption de bonne utilisation des heures de délégation ne s’applique pas aux heures au-delà du contingent légal ou conventionnel.

De même, l’obligation de paiement par l’employeur, à échéance normale, ne s’applique pas aux heures de délégation prises au-delà du contingent, pour circonstances exceptionnelles.

Protection sociale complémentaire

Jurisprudence Protection sociale

Cass. Civ.2ème 11 juillet 2024, n°22-23.284

Selon les articles  5, 29 et 30 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, ouvrent droit à un recours subrogatoire par détermination de la loi contre la personne tenue à réparation ou son assureur, les indemnités journalières de maladie et les prestations d’invalidité, versées à la victime d’un dommage résultant des atteintes à sa personne, par les entreprises d’assurance.

Dès lors, la rente d’invalidité, indemnitaire par détermination de la loi, doit être déduite des pertes de gains professionnels futurs subies.

Législation et réglementation

Par délibération du 3 juillet 2024, l’APEC a validé dans quatre branches professionnelles l’assimilation de certaines catégories de salariés à la catégorie des cadres en vue de la constitution d’une catégorie objective bénéficiaire d’une couverture de protection sociale complémentaire au sens de l’article R. 242-1-1 du Code de la sécurité sociale.

Les branches d’activité sont les suivantes :

Un rescrit publié au BOFIP clarifie les modalités d’exonération de TVA pour les opérations réalisées par des co-courtiers en assurance.

Pour en savoir plus

Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE)

L’Anact a mis en ligne le 10 juillet, deux supports d’information à envisager comme des leviers de mobilisation en matière de RH, management, prévention et dialogue dans l’entreprise pour faciliter le maintien en emploi des salariés seniors et prévenir l’usure professionnelle. Il s’agit d’un questionnaire et d’un guide à destination des entreprises composé de quatre fiches :

  • Accompagner les fins de carrière (par la revitalisation du parcours professionnel des seniors, la recherche d’aménagement de poste ou l’amélioration des conditions de travail, la préparation du départ à la retraite) ;
  • Développer les compétences et accompagner les parcours tout au long de la carrière ;
  • Améliorer la santé au travail, favoriser le maintien dans l’emploi ;
  • Développer le dialogue sur la prévention de l’usure et le maintien dans l’emploi des seniors (dans le cadre du dialogue social mais également dans le cadre du dialogue professionnel avec le management – ex : sensibilisation des managers à la gestion des âges dans l’entreprise).

Pour en savoir plus