Actu-tendance n° 725

DROIT DU TRAVAIL

Jurisprudence – Relations individuelles

Rappel : Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné (Cass. soc., 13 nov. 1996, n°94-13.187).
Un imam exerçant des fonctions d’enseignement et des activités de formation au sein d’une association peut-il solliciter la reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail avec cette association ?

Cass. soc., 24 avril 2024, n° 22-20.352

Un imam, tout d’abord détaché par les autorités algériennes auprès d’une Mosquée, a été recruté à compter du 1er  septembre 1993 en qualité de professeur de théologie par une Institut et a notamment exercé une activité de formation des futurs imams et aumôniers au sein de différentes structures gérées par une association.

Il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail avec cette association.

La Cour d’appel s’est déclarée incompétente au profit du Tribunal judiciaire considérant que l’imam avait le statut de religieux, dès lors qu’il exerçait des fonctions d’enseignant en théologie et de théologien, relevant du système propre aux ministres du culte, et était rémunéré sous forme de casuel, excluant l’existence de tout contrat de travail.

L’imam s’est pourvu en cassation soutenant que ces circonstances n’étaient pas de nature à exclure l’existence d’un lien de subordination.

La Cour de cassation lui donne raison. Elle rappelle tout d’abord que :

  • l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ;
  • le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné (Cass. soc., 13 novembre 1996, n° 94-13.187) ;
  • l’engagement religieux d’une personne n’est susceptible d’exclure l’existence d’un contrat de travail que pour les activités qu’elle accomplit pour le compte et au bénéfice d’une congrégation ou d’une association cultuelle légalement établie (Cass. soc., 20 janvier 2010, n° 08-42.207).

Elle retient que la Cour d’appel aurait dû analyser concrètement les conditions effectives dans lesquelles l’imam avait exercé son activité et vérifier si celle-ci s’était exercée dans un lien de subordination avec l’association, dès lors que celle-ci n’avait pas le statut d’association cultuelle.

L’affaire a été renvoyée devant une Cour d’appel de renvoi.

Note : Il résulte de cette affaire que l’engagement religieux d’une personne ne fait pas obstacle à la qualification d’un contrat de travail.

Il s’agit d’une confirmation de jurisprudence (Cass. soc., 20 janvier 2010, n° 08-42.207).

Rappel : Le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise (C. trav., art. L. 1222-9).
Ce principe d’égalité de traitement a été confirmé notamment par l’ANI du 26 novembre 2020 relatif à la mise en œuvre du télétravail (art. 3.1 de l’ANI).
L’employeur pouvait-il décider, pendant la pandémie de la Covid-19, d’accorder une indemnité destinée à compenser la fermeture de la cantine d’entreprise aux seuls salariés non télétravailleurs ?

Cass. soc., 24 avril 2024, n° 22-18.031

En raison de la pandémie de la Covid-19, une société a mis en œuvre le 12 mars 2020, un plan de continuité d’activité prévoyant :

  • d’une part, la mise en place d’un service minimum assuré par les agents sur le terrain concernant les activités strictement nécessaires au maintien de la continuité de fourniture d’électricité et à la sécurité des biens et des personnes ;
  • d’autre part, le placement d’agents en travail à distance pour les activités pouvant être réalisées par les salariés à partir de leur domicile.

Un accord collectif, conclu le 12 juin 2020 et applicable jusqu’au 31 décembre 2020, prévoyait, au profit des salariés tenus de travailler sur site, une «’indemnité de cantine fermée », destinée à compenser la fermeture

L’accord stipulait qu’« à l’heure de la mise en place de relance des activités (…), il est possible qu’un certain nombre de restaurants d’entreprise n’aient pas encore repris leurs activités. Aussi lorsqu’aucune solution de restauration alternative ne peut être mise en œuvre (possibilité de commander ou faire livrer des repas sur site), les salariés bénéficieront de l’indemnité de fermeture de cantine (60 % du forfait local) ».

Cette indemnité a aussi été versée par l’employeur aux salariés travaillant sur le site lorsque la cantine était fermée et lorsque n’existait aucune possibilité de commander ou de se faire livrer des repas depuis le 17 mars 2020 et à partir du 1er janvier 2021.

Estimant que l’accord constituait une violation au principe d’égalité de traitement entre salariés sur site et télétravailleurs, une fédération nationale des syndicats a saisi le juge des référés du Tribunal judiciaire afin de faire ordonner à la Société de verser « l’indemnité pour cantine fermée » à l’ensemble des salariés de l’entreprise contraints de travailler à distance dans le cadre de la pandémie pour chaque jour travaillé depuis mars 2020.

La Cour d’appel, suivie par la Cour de cassation, a débouté le syndicat de sa demande estimant :

  • d’abord, que l’indemnité de « cantine fermée » ayant pour objet de compenser la perte, par l’effet de la pandémie, du service de restauration d’entreprise offert aux salariés présents sur les sites de l’entreprise, les salariés en télétravail ne se trouvaient pas dans la même situation que ceux qui, tenus de travailler sur site, ont été privés de ce service.
  • ensuite, que les salariés en situation de télétravail n’ayant pas vocation à fréquenter le restaurant d’entreprise, la fermeture administrative de ce restaurant en raison de la pandémie n’entraînait pas de charge financière supplémentaire pour les télétravailleurs.

Le pourvoi formé par la fédération a été rejeté.

Législation et réglementation

Pour mémoire, l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE) est un établissement public national à caractère administratif, avec pour mission la régulation du dialogue social entre les plateformes et les travailleurs qui leur sont liés par un contrat commercial, notamment en assurant la diffusion d’informations et en favorisant la concertation (C. trav. art. L. 7345-1).

Le décret n° 2024-388 du 25 avril 2024 crée un système de collecte et de transmission de données relatives à l’activité des plateformes de mise en relation dans le secteur du VTC ou de la livraison de marchandises, à destination de l’ARPE, afin de produire des études et rapports statistiques pouvant être mis à disposition des organisations représentatives.

A cet effet, le texte prévoit que les plateformes devront :

  • communiquer à l’ARPE selon une périodicité annuelle, une liste de données statistiques fixée par un arrêté du 25 avril (le nombre de travailleurs dont le compte enregistré auprès de la plateforme est actif et ceux dont le compte est inactif ; la répartition des travailleurs, formulée en nombre et en pourcentage ; la durée moyenne, en jours, écoulée entre la date d’inscription du travailleur sur la plateforme et le 31 décembre de l’année considéré etc.) ;
  • indiquer à l’occasion, s’il y a lieu, les informations présentant un caractère confidentiel ;
  • communiquer au directeur général de l’ARPE, une note méthodologique qui présente de manière détaillée et complète les méthodes et outils utilisés aux différentes phases du processus .

Les données statistiques au titre de l’année civile passée devront être transmises par les plateformes de mise en relation au plus tard à une date qui ne peut être postérieure au 1er avril de l’année suivante.

A l’issue de négociations, les partenaires sociaux sont parvenus à un accord national interprofessionnel (ANI) le 23 avril 2024 relatif à la reconversion professionnelle et à la mutualisation du coût des indemnités de licenciement pour inaptitude.

Cet accord vise à « créer un nouveau dispositif de reconversion professionnelle, simple et efficace, intitulé « période de reconversion ». Il doit contribuer à répondre, de façon décisive, aux besoins en compétences et en qualifications de notre pays et des entreprises, et sécuriser les reconversions des salariés ».

Ainsi, le texte prévoit :

  • la création d’une période de reconversion d’une durée maximum de 12 mois, permettant à un salarié, en accord avec son employeur, de suivre une formation qualifiante ou diplômante, avec maintien du contrat de travail, sans modification notamment de la rémunération perçue. Un accord de branche professionnelle pourra préciser les modalités de mise en œuvre du dispositif ;
  • un financement de la période de reconversion par l’OPCO compétent de l’entreprise, comme pour un contrat d’apprentissage ;
  • un mécanisme de mutualisation de la prise en charge du coût des indemnités de licenciement pour inaptitude, pour les salariés âgés de 55 ans ou plus (à l’exclusion des entreprises qui ne respectent pas leurs obligations de reclassement ;
  • la suppression des dispositifs « Transitions collectives » et « Pro-A »: les financements initialement budgétés seront redéployés sur la période de reconversion professionnelle.

L’accord est ouvert à la signature des organisations syndicales.

Compte tenu de la revalorisation du RSA au 1er avril 2024, la fraction insaisissable du salaire est passée de 607,75 € à 635,71 € par mois à compter du 1er avril 2024 et ce, quel que soit le nombre de personnes composant le foyer.

Cette information annoncée dans une actualité de DSS, vient d’être confirmée par un décret n° 2024-396 du 29 avril 2024.

PROTECTION SOCIALE COMPLEMENTAIRE

Jurisprudence Protection sociale

Cass. 2e civ., 25 avril 2024, n° 22-13.481

Les personnes affiliées au régime général de Sécurité sociale du fait de leur résidence en France, sont redevables d’une cotisation annuelle, appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre et exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée.

 La Cour de cassation juge que la date limite d’appel de la cotisation ne constitue donc pas le terme d’un délai de prescription après lequel aucun appel de la cotisation ne peut plus être émis et que le non-respect de cette date limite a pour seul effet de reporter le point de départ du délai au terme duquel la cotisation devient exigible. Ce faisant, la Cour de cassation vide de tout intérêt la prévision d’une date limite d’appel de cotisations.

Cass. 2e civ., 25 avril 2024, n° 21-16.779

Lorsque, à la suite d’opérations de contrôle communes portant sur divers établissements d’une même société, une lettre d’observations distincte a été adressée pour chacun des établissements contrôlés, suivie de mise en demeure et de contrainte distinctes, les demandes de la cotisante contestant chacun des redressements ainsi notifiés n’ont pas le même objet.

Ainsi, l’autorité de la chose jugée d’un jugement définitif ayant statué sur la validité des opérations de contrôle rendu dans le cadre de procédures distinctes concernant les autres établissements de la même société, ne peut lui être opposée.

Législation et réglementation

Un arrêté du 22 avril 2024 fixe les nouvelles valeurs de la compensation financière due au titre de la prise en charge anticipée par l’assurance maladie d’un dispositif médical numérique à visée thérapeutique.

Pour en savoir plus

A compter du 1er mai 2024, le plafond de l’exonération totale des cotisations patronales prévu dans le cadre du dispositif applicable pour l’emploi de travailleurs occasionnels agricoles et de demandeurs d’emploi (TO-DE) passe de 1,20 SMIC à 1,25 SMIC.

Ce nouveau plafond est applicable aux cotisations et contributions dues au titre des périodes d’emploi courant à compter de cette date, y compris pour les contrats de travail déjà en cours.

Un arrêté du 17 avril 2024 porte approbation des modifications apportées aux règlements des régimes d’assurance vieillesse complémentaire des artistes auteurs professionnels (RAAP), des auteurs et compositeurs dramatiques et auteurs de films (RACD) et des auteurs et compositeurs lyriques (RACL).

Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE)

Dans une mise à jour du BOSS du 19 avril 2024, l’administration donne des précisions sur les règles de bénéfice de l’exclusion de l’assiette des cotisations et contributions sociales en cas de versement par l’employeur d’une subvention de réservation de berceaux.

Pour rappel, un employeur peut verser à une crèche ou micro-crèche une subvention dans le but de réserver pour ses salariés, de manière collective, un nombre déterminé de places (communément dénommées « berceaux »).

Cette subvention constitue un avantage en nature dans la mesure où elle permet aux salariés de disposer d’une plus grande facilité d’accès à une place en crèche ou micro-crèche.

Il est toutefois admis que la subvention versée n’a pas à être prise en compte dans l’assiette des cotisations et contributions sociales, dès lors qu’elle permet seulement de réserver des places, qui ne sont pas attribuées à des salariés nommément et préalablement désignés, et n’a aucun lien avec un avantage tarifaire pour les salariés.

Le BOSS précise désormais que « le bénéfice de l’exclusion de l’assiette des cotisations et contributions sociales est considéré acquis dès lors que le cadre conventionnel liant l’employeur et la crèche ou la micro-crèche prévoit des critères objectifs d’attribution des berceaux aux salariés ».

« Lors de la conclusion d’un nouveau contrat, la reprise de salariés déjà bénéficiaires de places en crèche ou micro-crèche constitue un critère objectif d’attribution de berceau ».