Actu-tendance n° 719

DROIT DU TRAVAIL

Jurisprudence – Relations individuelles

Rappel : Lorsqu’un salarié est victime d’un accident du travail, l’employeur doit déclarer l’accident à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) dont relève la victime, selon certaines modalités et dans un délai déterminé (CSS. art. L. 441-2).
Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne mentionnée à l’article L. 311-2 (CSS. art. L. 411-1).
Tout accident survenu au temps et au lieu du travail est présumé être un accident du travail, sauf à établir que la lésion a une cause totalement étrangère au travail (Cass. civ., 2e ch., 11 juillet 2019, n° 18-19.160).
Le malaise d’un salarié au cours d’une instance disciplinaire devant se prononcer sur une sanction disciplinaire doit-il être déclaré comme accident du travail, alors que le salarié est placé en arrêt de travail ?

Cass. soc., 14 février 2024, n° 22-18.798

Dans cette affaire, une salariée, en arrêt de travail depuis 3 mois, a été victime d’un malaise lors de sa venue devant la commission consultative paritaire appelée à se prononcer sur la mesure de licenciement envisagée à son encontre. Elle a été licenciée par la suite.

Estimant avoir été licenciée alors que son contrat de travail était suspendu au titre d’un accident du travail, la salariée a saisi la juridiction prudhommale aux fins notamment de juger son licenciement nul. La salariée soutient que la société aurait dû déclarer son malaise à la sécurité sociale comme accident du travail.

Pour sa défense, l’employeur soutenait que l’accident n’avait pas pour cause le travail et n’impliquait donc pas une telle déclaration.

La Cour d’appel a suivi le raisonnement de l’employeur et a rejeté la demande de la salariée. Selon elle, le malaise survenu devant la commission consultative paritaire n’était pas lié au travail, puisque le contrat de travail était déjà suspendu en raison de son arrêt de travail. Dès lors, l’accident ne devait pas être pris en charge au titre de la législation relative aux accidents du travail.

La Cour de cassation n’est pas de cet avis et censure la décision d’appel sur le fondement des articles :

  • 411-1 du Code de la sécurité sociale, applicable à l’époque des faits, « est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise » ;
  • 441-2 du Code de la sécurité sociale : « l’employeur ou l’un de ses préposés doit déclarer tout accident dont il a eu connaissance à la caisse primaire d’assurance maladie dont relève la victime selon des modalités et dans un délai déterminés ».

Pour les Hauts magistrats, lorsqu’un salarié comparait devant une instance appelée à se prononcer sur une sanction disciplinaire, il se trouve « sous la dépendance et l’autorité de son employeur ». Ainsi, quand bien même le contrat de travail de la salariée était déjà suspendu du fait d’un arrêt de travail, l’employeur aurait dû procéder à une déclaration d’accident du travail pour le malaise survenu devant la commission consultative paritaire.

Note : L’employeur doit déclarer à la CPAM tous les accidents dont il a connaissance.

Il peut ensuite, en cas de doutes sur le caractère professionnel de l’accident ou sur sa matérialité, formuler des réserves dans un délai de 10 jours francs suivant la déclaration (CSS. art. R. 441-6).

Rappel : La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles (C. trav. art. L. 3121-1).
Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas du temps de travail effectif. Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail n’entraîne aucune perte de salaire (C. trav. art. L. 3121-4).
Demander à un directeur général adjoint de rester joignable pour ses collaborateurs pendant son voyage professionnel constitue-t-il du temps de travail effectif ?

Cass. soc., 13 mars 2024, n° 22-11.708

Dans cette affaire, un salarié responsable commercial export, devenu directeur général adjoint, réclamait que son temps de déplacement professionnel soit reconnu comme du temps travail effectif.

A ce titre, il produisait devant les juges des attestations mentionnant que, durant ses déplacements « il restait joignable pour ses collaborateurs qui pouvaient ainsi prendre son attache, aussi bien quand il se trouvait effectivement à l’étranger que durant son temps de voyage ».

La Cour d’appel a fait droit à sa demande estimant que le temps de voyage du salarié constituait du temps de travail effectif, dans la mesure où il restait en permanence à la disposition de son employeur. 

La Cour de cassation censure cette décision sur le fondement des articles L. 3121-1 et L. 3121-4 du Code du travail précités. Le fait de rester joignable pendant un voyage de nature professionnel ne suffit à qualifier le temps de déplacement en temps de travail effectif.

Note : L’affaire va être rejugée. Pour que ses temps de déplacement professionnel soient requalifiés en temps de travail effectif, le salarié devra prouver, que pendant ce laps de temps, il devait se tenir à la disposition de son employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles.

Jurisprudence – Relations collectives

Rappel : La faculté de désigner un délégué syndical est réservée aux organisations syndicales représentatives qui ont constitué une section syndicale (C. trav. art. L. 2143-3). 
Un syndicat représentatif dans l’entreprise ou l’établissement peut désigner un représentant syndical (RS) au comité social et économique (CSE) (C. trav. art. L. 2314-2).
Dans les entreprises de moins de 300 salariés et dans les établissements appartenant à ces entreprises, le délégué syndical (DS) est, de droit, RS au CSE (C. trav. art. L. 2143-22).
L’article L. 2143-6 du Code du travail précise que dans les établissements de moins de 50 salariés, les syndicats représentatifs dans l’établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au CSE comme délégué syndical (C. trav., art. L. 2143-6).
Néanmoins, la Cour de cassation a jugé que les mandats de membre élu du CSE et de représentant syndical au sein de ce même CSE sont incompatibles (Cass. soc., 22 janvier 2020, n° 19-13.219).
Dans une entreprise de moins de 50 salariés, un salarié non élu au CSE désigné DS, en application d’une convention collective, par les syndicats représentatifs peut-il être désigné RS auprès du CSE ? 

Cass. soc., 20 mars 2024, n° 23-18.331

En juin 2023, un syndicat a notifié à une association employant moins de 50 salariés, la désignation d’une salariée en qualité de RS au CSE, laquelle salariée a été désignée en même temps par ce même syndicat, en qualité de DS par application de l’article 8 de la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.

L’employeur a alors saisi le Tribunal judiciaire aux fins d’annuler la désignation en qualité de RS au CSE de la salariée, dont elle précise ne pas contester la désignation en tant que DS. Pour l’employeur dans une entreprise de moins de 50 salariés, le salarié désigné comme DS ne peut pas être désigné RS au CSE, même s’il n’est pas élu au CSE.

Le tribunal a rejeté sa demande considérant que dès lors que la salariée a été désignée en qualité de DS en application d’une convention collective, la salariée désignée en tant que RS sans être élue au CSE n’a pas voix délibérative au CSE et ne risque donc pas un cumul incompatible.

La Cour de cassation n’est pas du même avis.

Pour la Cour de cassation, « le législateur n’a prévu la possibilité de désigner un RS au CSE distinct du DS que dans les entreprises de plus de 300 salariés et que, dans les entreprises de moins de 50 salariés dans lesquelles la désignation d’un DS en application des dispositions de droit commun de l’article L. 2143-3 du Code du travail est exclue, les dispositions de l’article L. 2143-22 ne sont pas applicables ». 

Elle rappelle que la désignation dérogatoire d’un membre de l’institution représentative du personnel dans les entreprises de moins de 50 salariés comme DS, n’a pas pour conséquence de rendre applicable la possibilité de désigner un RS auprès du CSE des entreprises de moins de 50 salariés.

Il en est de même de la désignation dérogatoire, dans les entreprises de moins de 50 salariés, d’un DS résultant d’une disposition conventionnelle.

En d’autres termes, la désignation dérogatoire, dans les entreprises de moins de 50 salariés, d’un DS en application d’une disposition conventionnelle n’a pas pour conséquence de rendre applicable la possibilité de désigner un RS au CSE.

Note : Dans un arrêt du 8 septembre 2021, la Cour de cassation avait déjà jugé qu’il était impossible de désigner un RS au CSE dans une entreprise de moins de 50 salariés (Cass. soc., 8 septembre 2021, n° 20-13.694). 

Rappel : Pour rappel, le salarié a droit à 2,5 jours ouvrables de congés payés par mois de travail effectif chez le même employeur, dans la limite de 30 jours ouvrables (C. trav. art. L. 3141-3). Des stipulations conventionnelles ou contractuelles ainsi que des usages peuvent assurer des congés payés de plus longue durée (C. trav. art. L. 3141-9).
Sauf stipulations conventionnelles contraires, les jours de congés payés s’acquièrent sur une période de référence courant du 1er juin de l’année N – 1 au 31 mai de l’année N et doivent être pris entre le 1er mai de l’année N et soldés au plus tard au 31 mai de l’année N + 1. 
Pour le congé principal de 4 semaines, cette période doit obligatoirement comprendre la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année (C. trav. art. L.3141-13).
Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe la période de prise des congés ; l’ordre des départs pendant cette période et les délais que doit respecter l’employeur s’il entend modifier l’ordre et les dates de départs (C. trav. art. L. 3141-15).
A défaut de stipulation dans la convention ou l’accord conclu en application de l’article L. 3141-15 du Code du travail, l’employeur définit, après avis du CSE, la période de prise des congés payés et l’ordre des départs en tenant compte de certains critères.
À l’occasion de cette affaire portant sur l’interprétation des dispositions de la convention collective Syntec, la Cour de cassation rappelle les règles d’interprétation des dispositions conventionnelles lorsqu’elles ne sont pas suffisamment précises.

Cass. soc., 13 mars 2024, n° 22-16.677

Dans cette affaire, l’article 25 de la convention collective nationale applicable (Syntec), prévoyait que « l’employeur peut soit procéder à la fermeture totale de l’entreprise dans une période située entre le 1er mai et le 31 octobre, soit établir les congés par roulement après consultation du comité d’entreprise (ou à défaut des délégués du personnel) sur le principe de cette alternative ».

Plusieurs sociétés formant une unité sociale et économique (UES) reconnue par accord collectif, ont par décisions unilatérales de l’employeur, prévu que la 5ème semaine de congés payés serait prise du 24 au 31 décembre de l’année considérée.

Contestant la licéité de ces décisions, un syndicat a fait assigner les sociétés devant le Tribunal judiciaire.

Le Tribunal Judiciaire a annulé les décisions unilatérales de l’employeur en cause. La société a fait appel du jugement entrepris.

La Cour d’appel a infirmé le jugement rendu considérant que « le fait que les partenaires sociaux aient entendu préciser les modalités de prise des congés payés durant la période d’ordre public située entre le 1er mai et le 31 octobre n’exclut pas la possibilité qu’ils ont laissée à l’employeur de procéder à une fermeture totale de l’entreprise pour congés payés en dehors de cette période après consultation du CSE ».

La Cour de cassation n’est pas du même avis. Elle rappelle qu’ « une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c’est-à-dire, d’abord, en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d’un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l’objectif social du texte ».

Elle juge qu’à la lecture de la CCN, la fermeture totale de l’entreprise ou de l’établissement n’était autorisée que pendant la période du 1er mai au 31 octobre.

L’employeur ne pouvait donc pas fermer l’entreprise pour congés payés du 24 au 31 décembre, puisqu’il se situait alors en dehors de cette période.

Note : La CCN Syntec en cause en l’espèce a fait l’objet d’un avenant du 16 juillet 2021 qui prévoit désormais que :  L’employeur peut après consultation du CSE, s’il existe :

– soit procéder à la fermeture totale de l’entreprise ;

– soit établir les congés payés par roulement.

En cas de fermeture totale de l’entreprise pour congés payés sur la période du 1er mai au 31 octobre, la date de fermeture doit être portée à la connaissance des salariés au plus tard le 1er mars de chaque année.

En cas de fermeture totale de l’entreprise pour congés payés en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre, la date de fermeture doit être portée à la connaissance des salariés au plus tard 2 mois avant le premier jour de fermeture de l’entreprise.

Il n’existe donc plus de restriction quant à la période de fermeture.

Législation et réglementation

L’article 5 de l’arrêté du 17 octobre 1995 relatif à la tarification des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles a été modifié par un Arrêté du 21 mars 2024 publié au Journal Officiel du 24 mars 2024.

Le terme « compte AT/ MP » est remplacé par le terme « consulter ses taux AT/ MP et prévenir ses risques professionnels ».

Ainsi, la notification des décisions relatives aux taux des cotisations AT/MP s’effectue par voie électronique par l’intermédiaire du téléservice : « Consulter ses taux AT/MP et prévenir ses risques professionnels » accessible sur le portail : www. net-entreprises. fr.

Les partenaires sociaux du secteur des plateformes VTC ont décidé de revaloriser le revenu minimum par course, le faisant ainsi passer de 7,65 € à 9 € nets au 1er février 2024.

Néanmoins pour être applicable à toutes les plateformes et leurs travailleurs indépendants compris dans son champ d’application, cet avenant devait faire l’objet d’une homologation par l’autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE).

C’est désormais chose faite avec la décision du 19 mars 2024, publiée Journal Officiel du 26 mars 2024.

Pour en savoir plus

PROTECTION SOCIALE COMPLEMENTAIRE

Jurisprudence

Cass. 2e civ., 21 mars 2024, n° 21-20.256

Selon l’article R. 361-5 du Code de la sécurité sociale, les personnes qui se trouvent à la charge effective, totale et permanente de l’assuré décédé disposent d’un délai d’un mois pour invoquer la priorité en vue du versement du capital décès versé par la sécurité sociale.

Ce délai n’est toutefois pas opposable au descendant mineur de l’assuré en cas de carence de son représentant légal.

Cass. 2e civ., 14 mars 2024, n° 22-18.426

La Cour de cassation rappelle que « la faute dolosive s’entend d’un acte délibéré de l’assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables ». Dès lors,  la conscience qu’avait l’assurée du caractère inéluctable du dommage subi, ne doit pas se confondre avec la conscience du risque d’occasionner le dommage.

Législation et réglementation

Dans un communiqué publié le 25 mars 2024, le BOSS indique que le contenu de la rubrique relative à l’exonération jeunes entreprises innovantes, jeunes entreprises universitaires et jeunes entreprises de croissance, entre en vigueur le 1er avril 2024.

Pour en savoir plus

Le 27 mars, l’ACPR a publié un dossier portant sur la révision de la directive Solvabilité II.

L’entrée en vigueur de la directive révisée étant prévue courant 2026, l’ACPR invite les organismes assureurs à anticiper les modifications qui seront introduites principalement dans les règles relevant des exigences quantitatives (pilier 1) de Solvabilité II.

On peut relever en particulier, qu’un régime proportionné pourra s’appliquer aux organismes remplissant des critères prédéfinis, et sa mise en œuvre pourra être sollicitée par les autres. Les règlements délégués sont en cours d’élaboration.

L’ACPR précise en outre que « les assureurs devront à la fois adapter le rapport d’auto-évaluation des risques (rapport ORSA) pour y intégrer une analyse du risque de systémicité et des scénarios de hausse de température, mais également produire de nouveaux narratifs, comme le rapport dédié au plan de transition ou encore le rapport de gestion du risque de liquidité ».

Pour en savoir plus

Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE)

Le 21 mars 2024, la DARES a publié les résultats d’une enquête menée en 2019 sur la prévention des risques professionnels par les employeurs.

Cette enquête a fait ressortir que :

  • en 2019, seuls 46% des établissements déclarent avoir leur document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) à jour ;
  • le DUERP ainsi que les mesures de prévention sont plus fréquents dans les secteurs d’activité où les salariés sont le plus exposés ;
  • en moyenne, les employeurs font plus souvent la prévention des risques physiques (52%) que psychosociaux (33%) ;
  • la prévention est plus rare dans les établissements comptant peu d’effectifs. 

C’est l’occasion de rappeler que la prévention des risques professionnels (physiques et psychosociaux) est un enjeu majeur pour les entreprises. Elle relève de l’obligation générale de l’employeur de protéger la santé et la sécurité de ses salariés.

Pour en savoir plus