Décision préjudicielle de la CJUE sur le report des congés payés non pris en cas de maladie

Saisie de plusieurs questions préjudicielles par le Conseil de prud’hommes d’Agen, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’est prononcée, le 9 novembre 2023, sur la question du report du droit à congés payés des salariés placés en arrêt-maladie.

Cette décision de la CJUE était très attendue à la suite des arrêts rendus le 13 septembre 2023 par la Cour de cassation, dans lesquels la Haute Cour écartait le droit français au profit du droit européen en matière de congés payés.

En l’espèce, il était question des modalités de fixation d’une durée maximale de report de la prise des congés payés.

L’affaire concerne des salariés d’une société de droit privé assurant un service public de transport urbain de passagers, qui avaient tous été placés en arrêt-maladie pendant de longues périodes. Ils ont demandé à leur employeur de leur permettre de bénéficier :

  • des congés payés annuels dont ils n’avaient pas pu bénéficier au cours de leurs périodes de maladie respectives ;
  • d’une indemnité financière compensatoire de de congé non pris (pour ceux dont les contrats de travail avaient été résiliés dans l’intervalle).

L’employeur ayant refusé de faire droit à ces demandes, les salariés ont porté l’affaire devant le Conseil de prud’hommes d’Agen, qui a saisi la CJUE de questions préjudicielles.

La CJUE a été amenée à répondre aux 3 questions suivantes pour lesquelles le Code du travail français n’apporte pas de réponse :

  • la directive 2003/88 sur les congés payés s’applique-t-elle dans les rapports entre un organisme privé disposant d’une délégation de service public et ses salariés ?
  • quelle est la durée de report raisonnable des congés payés acquis ?
  • un délai de report illimité à défaut de disposition nationale, réglementaire conventionnelle encadrant ledit report n’est-il pas contraire au droit de l’Union ?

S’agissant de la première question, la CJUE répond par l’affirmative, la circonstance que l’employeur soit une entreprise privée titulaire d’une délégation de service public, étant indifférente.

S’agissant des deux autres questions, la CJUE laisse le soin à l’Etat français de définir la durée de report raisonnable des congés payés non pris en cas de maladie et la limitation du droit au report des congés non pris, tout en précision qu’une législation ou une pratique nationale pouvait faire droit aux demandes de congé annuel payé introduites moins de quinze mois après la fin de la période de référence ouvrant droit à ce congé et limitées à deux périodes de référence consécutives.

Pour plus d’informations, cet arrêt est détaillé dans l’actu-tendance n° 701.

Soulignons que des précisions sont encore attendues sur le sujet des congés payés.

Par une décision du 15 novembre 2023 (n° 23-14.806), la Cour de cassation a renvoyé au Conseil constitutionnel deux QPC portant sur la conformité des articles L. 3141-3 et L. 3141-5 du Code du travail faisant obstacle à l’acquisition de congés payés pendant les arrêts maladie d’origine non professionnelle.
Le Conseil constitutionnel se prononcera donc prochainement sur le sujet.

Par ailleurs, lors du Conseil des ministres qui s’est tenu le 15 novembre 2023, le gouvernement a présenté un projet de loi « portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole ».

Le porte-parole du gouvernement indique que ce projet de loi pourrait être un vecteur pour la mise en conformité du droit français avec le droit européen en matière de congés payés, par voie d’amendement. 

Nous y reviendrons !