Cercle Humania : interview de Loïc Touranchet Cercle Humania : interview de Loïc Touranchet

Le droit est une composante essentielle des Ressources Humaines. Le périmètre de la Direction des Ressources Humaines ne cesse de s’étendre : data, télétravail, freelancing, place des RPS, diversité… Des mutations du monde du travail qui s’accompagnent d’évolutions en matière de droit, parfois avec du retard, parfois avec de nouveaux enjeux. Comment le travail d’accompagnement d’un cabinet de conseil a évolué au fil du temps ? Quels sont les périmètres qui ont le plus évolué ? Quelle place a le droit aujourd’hui ? 
Maître Loïc Touranchet, avocat associé du cabinet Actance a accepté de répondre à nos questions

Pourriez-vous détailler les principales activités du cabinet Actance ?

Le cabinet Actance a été créé en 2007, et depuis lors, il se positionne comme un acteur majeur spécialisé en droit social, travaillant sur la défense des employeurs. Notre activité se décompose en trois volets essentiels. Tout d’abord, la défense des intérêts de nos clients devant les juridictions, englobant les contentieux prud’homaux, pénaux du travail, les litiges liés à la durée du travail, au débauchage, et bien d’autres. Ensuite, nous avons les contrats d’assistance, fournissant des conseils en droit social et des services pour résoudre des problèmes RH individuels ou collectifs. Enfin, le troisième volet concerne l’accompagnement des transformations des entreprises, couvrant des domaines tels que les réorganisations, les cessions, les transferts, les plans de sauvegarde de l’emploi, et la mobilité interne.

Notre démarche est de répondre aux attentes des clients qui sont la réactivité, la disponibilité, le pragmatisme et la capacité à prendre en compte les enjeux économiques et financiers, à délivrer une solution globale clé en main. Dans ce cadre par rapport à une pratique traditionnelle d’avocat, que ce soit sur la partie conseil ou contentieux ou transformation, nous travaillons en équipe, de façon collective avec le client (et ses équipes) pour pouvoir lui livrer en temps et en heure l’analyse souhaitée, l’accompagnement souhaité, prendre son sujet dans la globalité de sa complexité et être capable de l’accompagner du point A au point B.

En ce qui me concerne, je suis avocat depuis 23 ans et associé au cabinet depuis 2008. J’ai la responsabilité d’une équipe pluridisciplinaire de 18 avocats, couvrant les domaines du conseil en droit du travail, du contentieux, et de l’accompagnement des transformations des entreprises.

Comment le paysage des consultations RH a-t-il évolué au fil des années, et quels sont les sujets majeurs pour lesquels les Directions RH consultent actuellement le cabinet Actance ?

Actuellement, les Directions RH nous consultent principalement pour des projets de transformations, tels que les restructurations, les plans de sauvegarde de l’emploi, et l’accompagnement d’entreprises en redressement judiciaire. Les conflits de travail, qu’ils soient individuels ou collectifs, ainsi que les problématiques liées aux risques psychosociaux et au harcèlement, restent également des sujets préoccupants.
 

Avez-vous observé des changements significatifs dans ces sujets ces dernières années, en particulier depuis la pandémie ?

Au fil des années, nous avons constaté une évolution significative des sujets pour lesquels nous sommes mobilisés. La demande en droit du travail reste soutenue et en progression, avec une attention particulière portée aux aspects stratégiques. Auparavant, nous étions beaucoup sollicités sur des aspects de rédaction d’accords collectifs, par exemple l’aménagement du temps de travail, de rédaction de contrats de travail. 

Nous avons noté une évolution vers des préoccupations plus complexes, moins axées sur la rédaction de contrats, mais davantage sur des enjeux financiers et politiques. Pendant la période de la COVID, environ 50% des consultations étaient liées à la pandémie, tandis que l’autre moitié concernait des questions de restructuration. Nous faisons face à des projets dont les enjeux financiers sont de plus en plus importants.

Parlons des dispositifs légaux. Quels ont été ceux qui ont le plus impacté les entreprises selon votre expérience ?

Les ordonnances Macron ont eu un impact majeur. En particulier, le passage des Comités d’Entreprise au Comité Social et Économique a été une évolution significative. Les procédures de réorganisation avec l’obligation d’homologation ou de validation des plans de sauvegarde de l’emploi par l’administration du travail ont également marqué le paysage. Enfin, nous pouvons citer les plafonds et les planchers dans le cadre des indemnisations prud’homales 

Ce sont des changements nécessaires pour assurer la sécurité juridique des entreprises, afin d’éviter des risques financiers qui pourraient compromettre leur pérennité. Ces ajustements tiennent également compte des contraintes de temps, soulignant la nécessité pour le domaine du droit du travail de s’aligner sur le rythme accéléré du monde des affaires et de l’économie.

Y a-t-il des dispositifs légaux que vous considérez comme moins en adéquation avec les besoins des entreprises ou des collaborateurs aujourd’hui ?

Les dispositifs légaux doivent s’adapter à l’internationalisation croissante du monde du travail, notamment en ce qui concerne les travailleurs indépendants et les autoentrepreneurs. Les effets de seuil posent également des défis, imposant des obligations contraignantes aux petites entreprises, parfois en décalage avec leur capacité opérationnelle. Pour ce dernier cas, c’est ce qu’on appelle les effets de seuil. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, des entreprises de petite taille peuvent avoir des obligations légales qui sont très importantes par rapport à leur personnel RH, et par rapport à leur capacité à être en totale adéquation avec les règles de droit du travail.

Pour l’accompagnement légal optimal, pourriez-vous partager un exemple concret ou détailler les étapes clés ?

L’accompagnement optimal implique de prendre en compte les attentes du client, notamment la réactivité, la disponibilité, et la prise en compte des enjeux économiques et financiers. Le sujet majeur, c’est de travailler en concertation proche avec le client pour l’accompagner vers un certain nombre d’hypothèses de travail. Ces hypothèses de travail, permettront d’arriver à une solution globale. Que ça soit dans le cadre de contentieux collectifs, de multiples implications de contentieux individuels, de réorganisation ou de risques systémiques chez un client. Nous travaillons sur la question de la criticité au risque, pour déterminer s’il y a intérêt ou non à aller jusqu’au procès.
En conclusion, comment voyez-vous le rôle du droit dans la création d’opportunités pour les entreprises ?
Le droit n’est pas seulement une contrainte, mais un ensemble de règles créant des opportunités.. C’est à nous, en concertation avec les clients, de chercher et trouver ces opportunités. Cela passe d’abord en droit du travail par un dialogue social de qualité,. Cela passe, si on parle d’aspect individuel, par des règles claires. Nous voyons aujourd’hui de plus en plus de demandes de clients axées sur les RH, le recrutement, la fidélisation, la marque employeur. Et dans ce cadre-là, on peut faire preuve de grande imagination et innovation en droit du travail. La mobilité douce, les congés menstruels, les primes de partage de la valeur, ces dispositifs sont des innovations de droit du travail