Actu-tendance n° 693

DROIT DU TRAVAIL

Jurisprudence – Relations individuelles

Rappel : Le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur (art. L. 3141-3 du code du travail).
Les dispositions du 5° de l’article L. 3141-5 du Code du travail n’assimilent à une période de travail effectif pour l’acquisition de droits à congés que les périodes pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle.
En droit français, le salarié atteint d’une maladie non-professionnelle n’acquiert donc pas de jours de congés payés pendant la durée de son arrêt de travail.  
Or, au niveau européen, la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003 instaure en son article 7, un droit à au moins quatre semaines de congés payés par an, pour tous les travailleurs.
La CJUE a considéré que :
  • la directive 2003/88/CE précitée n’opère aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d’un congé maladie et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de la période de référence ;
  • l’article 7 § 1, de la directive 2003/88/CE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des dispositions ou à des pratiques nationales qui prévoient que le droit au congé annuel payé est subordonné à une période de travail effectif minimale pendant la période de référence (CJUE, gde ch., arrêt du 24 janvier 2012, Dominguez, C-282/10).
Un salarié placé en arrêt de travail pour maladie non-professionnelle peut-il acquérir, au cours de cet arrêt, des droits à congés payés en application du droit européen ?

Cass. Soc., 13 septembre 2023, n° 22-17.340 à 22-17.342

Trois salariés en arrêt de travail pour cause de maladie non-professionnelle ont saisi le Conseil de prud’hommes pour solliciter un rappel de congés payés pendant la période de suspension de leur contrat de travail.

La Cour d’appel a écarté l’application des dispositions de droit interne jugées contraires au droit européen (article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne). Elle a estimé que « les salariés avaient acquis des droits à congé payé pendant la suspension de leur contrat de travail pour cause de maladie non-professionnelle ».

Contestant cette décision, l’employeur s’est pourvu en cassation. Pour lui, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne permettait pas, dans un litige entre des particuliers, d’écarter les effets d’une disposition de droit national contraire.

La Cour de cassation écarte les dispositions du droit français jugées non-conformes au droit de l’Union européenne.

Elle rappelle d’abord que « le droit au congé annuel payé constitue un principe essentiel du droit social de l’Union ».

Elle ajoute qu’ « il incombe au juge national d’assurer, dans le cadre de ses compétences, la protection juridique découlant de l’article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et de garantir le plein effet de celui-ci en laissant au besoin inappliquée ladite réglementation nationale ».

Elle considère qu’«il convient en conséquence d’écarter partiellement l’application des dispositions de l’article L. 3141-3 du code du travail en ce qu’elles subordonnent à l’exécution d’un travail effectif l’acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l’effet d’un arrêt de travail pour cause de maladie non-professionnelle et de juger que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période en application des dispositions des articles L. 3141-3 et L. 3141-9 du code du travail ».

Il en résulte, en l’espèce, que les salariés avaient acquis des droits à congés payés pendant la période de suspension de leur contrat de travail pour cause de maladie non-professionnelle.

Note : En conséquence de cette décision, tous les salariés placés en arrêt de travail pour maladie, professionnelle ou non-professionnelle, peuvent désormais acquérir des droits à congés payés pendant cette période.

Nous estimons que cette jurisprudence a également vocation à s’appliquer en cas d’arrêt de travail pour accident ayant un lien ou non avec le travail.

En conséquence, les compteurs de congés payés des salariés placés en arrêt de travail pour maladie ou accident de nature non professionnelle devraient être révisés en application de cette jurisprudence, dans la limite de la prescription légale.

Rappel : Selon le droit français, l’acquisition de droit à congés payés est limitée à une année de suspension du contrat de travail en cas d’accident du travail ou maladie professionnelle (art. L. 3141-5 du Code du travail). 
En droit européen, un salarié victime d’un accident de travail peut bénéficier d’un droit à congés payés couvrant l’intégralité de son arrêt de travail.
Un salarié en arrêt de travail pour accident du travail peut-il acquérir, au cours de cette période, des droits à congés payés au-delà du délai d’un an en application du droit européen ? 

Cass. soc., 13 septembre 2023, n° 22-17.638

Un conducteur d’une société de transport est en arrêt de travail en raison d’un accident du travail du 21 février 2014 au 8 octobre 2015.

Déclaré inapte par le médecin du travail, il a été licencié le 19 novembre 2015 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par la suite, le salarié a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes, dont un rappel d’indemnité de congés payés.

La Cour d’appel a fait droit à sa demande mais a estimé que seule la période d’un an s’étalant entre le 21 février 2014 au 21 février 2015 ouvrait droit à congés payés, et non la période qui a suivi.

Le salarié a formé un pourvoi en cassation, estimant avoir droit aussi à une indemnité de congés payés pour la période postérieure au 21 février 2015.

La Cour de cassation censure la décision d’appel sur le fondement du droit européen et considère qu’« il convient d’écarter partiellement l’application des dispositions de l’article L. 3141-5 du code du travail en ce qu’elles limitent à une durée ininterrompue d’un an les périodes de suspension du contrat de travail pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle assimilées à du temps de travail effectif pendant lesquelles le salarié peut acquérir des droits à congés payés et de juger que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période en application des dispositions des articles L. 3141-3 et L. 3141-9 du code du travail ».

Il en résulte que le salarié avait droit à une indemnité de congés payés pour l’intégralité de la période de son arrêt de travail pour accident du travail.

Note : Les compteurs de congés payés des salariés ayant été en arrêt de travail à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle de plus d’un an devraient être révisés en application de cette jurisprudence, dans la limite de la prescription légale.

Rappel : Il résulte de l’article L. 3245-1 du Code du travail que « l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».  
La Cour de cassation considère que le point de départ du délai de prescription de l’indemnité de congés payés, qui est de nature salariale, doit être fixé à l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris (Cass. soc., 14 novembre 2013, n° 12-17.409).
Toutefois, en application du droit de l’UE, la CJUE considère que le délai de prescription de l’indemnité de congés payés ne peut commencer à courir que si l’employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer effectivement son droit à congés payés (CJUE, 22 septembre 2022, LB, C-120/21). 
En cas de requalification du contrat de prestation de services en contrat de travail, quel est le point de départ de la prescription de la demande d’indemnité de congés payés ?

Cass. soc., 13 septembre 2023, n° 22-1.529 et n° 22-11.106

En l’espèce, une enseignante a réalisé une prestation de travail auprès d’un institut de formation pendant plus de dix ans. Elle a obtenu en justice que cette relation contractuelle soit requalifiée en contrat de travail. Elle demande, en outre, à être indemnisée au titre des congés payés qu’elle n’a pas pris pendant ces dix années.

La Cour d’appel estime que l’enseignante doit être indemnisée, mais uniquement sur la base des trois années ayant précédé la reconnaissance par la justice de son contrat de travail, le reste de ses droits à congés payés étant prescrit.

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation censure la décision d’appel. Elle décide sur le fondement de la jurisprudence de la CJUE que le délai de prescription de l’indemnité de congés payés ne peut commencer à courir que si l’employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer effectivement son droit à congés payés.

Or, en l’espèce, l’enseignante n’a pas été en mesure de prendre des congés payés au cours de ses dix années d’activité au sein de l’institut de formation, puisque l’employeur n’avait pas reconnu l’existence d’un contrat de travail.

Dès lors, le délai de prescription n’avait pas commencé à courir selon la Cour.

Rappel : Selon l’article L. 1225-55 du Code du travail : « à l’issue du congé parental d’éducation ou de la période de travail à temps partiel ou dans le mois qui suit la demande motivée de reprise de l’activité initiale mentionnée à l’article L. 1225-52, le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente ».
La Cour de cassation a ainsi jugé que la décision du salarié de bénéficier d’un congé parental d’éducation s’impose à l’employeur, ce dont il résulte que l’intéressé, qui a lui-même rendu impossible l’exercice de son droit à congés payés, ne peut prétendre à une indemnité compensatrice de congés payés (Cass. soc., 28 janvier 2004, n° 01-46.314).
Néanmoins, aux termes de la clause 5, point 2, de l’accord-cadre révisé sur le congé parental figurant à l’annexe de la directive 2010/18/UE du Conseil du 8 mars 2010, les droits acquis ou en cours d’acquisition par le travailleur à la date du début du congé parental sont maintenus en l’état jusqu’à la fin du congé parental et s’appliquent à l’issue de ce congé.
Sur le fondement des dispositions européennes, un salarié peut-il solliciter auprès des juridictions nationales le report des congés payés acquis et non pris avant le début de son congé parental ?

Cass. soc., 13 septembre 2023, n° 22-14.043

Dans cette affaire, une salariée a été en congé de maternité du 20 août 2018 au 16 février 2019, puis en congé parental à compter du 17 février 2019.

Après la rupture de son contrat de travail en octobre 2020, la salariée a saisi la justice pour solliciter le paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés correspondant à 43 jours de congés qu’elle n’a pas pris avant son congé parental.

Le Conseil de Prud’hommes saisi a débouté la salariée au motif que les congés payés acquis avant le début de son congé parental ne pouvaient être reportés à l’issue de ce congé dès lors qu’elle n’avait pas été empêchée de les prendre à l’issue de la période de référence, ayant elle-même choisi sa date de départ en congé parental.

La salariée s’est pourvue en cassation. Elle soutenait que « les droits acquis ou en cours d’acquisition par le travailleur à la date du début du congé parental sont maintenus dans leur état jusqu’à la fin du congé parental ».

La Cour de cassation censure le jugement et considère « qu’il résulte des articles L. 3141-1 et L. 1225-55 du code du travail, interprétés à la lumière de la Directive 2010/18/UE du Conseil du 8 mars 2010, portant application de l’accord-cadre révisé sur le congé parental, que lorsque le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l’année de référence en raison de l’exercice de son droit au congé parental, les congés payés acquis à la date du début du congé parental doivent être reportés après la date de reprise du travail ».

Par conséquent, elle condamne la société à verser à la salariée une indemnité compensatrice de congés payés correspondant aux 43 jours de congés payés acquis avant la prise de son congé parental.

Note : A l’occasion de cette affaire, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence et admet qu’un salarié en congé parental d’éducation peut reporter les congés payés acquis et non pris avant le début du congé.

Cette jurisprudence devrait conduire à réviser les droits à congés payés des intéressés.

Législation et réglementation

Pour rappel, la loi n° 2022-219 du 21 février 2022 vise à assouplir les modalités de recours des salariés au congé d’adoption.

En application de cette loi, le décret n° 2023-873 du 12 septembre 2023 précise les modalités de prise du congé d’adoption et du congé pour l’arrivée d’un enfant placé en vue de son adoption.

Le salarié qui adopte un enfant en vue de son adoption a le droit de bénéficier d’un congé d’adoption d’une durée de 16 semaines au plus, pris dans un délai et fractionné selon des modalités déterminées par décret (C. trav. art. L. 1225-37).

Le décret n° 2023-873 précise que le congé d’adoption doit débuter « au plus tôt sept jours avant l’arrivée de l’enfant au foyer et se termine au plus tard dans les huit mois suivant cette date ».

Aussi le texte précise que ces congés peuvent être fractionnés en deux périodes d’une durée minimale de vingt-cinq jours chacune.

En outre, lorsque la période de congé est répartie entre les deux parents, « elle peut être fractionnée pour chaque parent en deux périodes, d’une durée minimale de vingt-cinq jours chacune ». 

Enfin, s’agissant du congé pour évènement familial de 3 jours minimum dont bénéficie le salarié pour l’arrivée d’un enfant placé en vue de son adoption, le texte précise qu’il peut commencer à courir, au choix du salarié :

  • soit pendant la période de sept jours précédant l’arrivée de l’enfant au foyer ;
  • soit le jour de l’arrivée de l’enfant au foyer ou le premier jour ouvrable qui suit cette arrivée.

Ces nouvelles dispositions s’appliquent aux parents auxquels est confié un enfant en vue de son adoption à compter du 15 septembre 2023.

Pour en savoir plus

PROTECTION SOCIALE COMPLEMENTAIRE

Jurisprudence – Protection sociale

Cass. 2e civ., 7 septembre 2023, n° 21-20.994

Les professions prévues à l’article 5 de l’annexe IV du Code général des impôts peuvent bénéficier d’une déduction forfaitaire spécifique lorsqu’elles comportent des frais dont le montant est notoirement supérieur à ceux prévus par l’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale. La Cour de cassation précise qu’il doit être justifié des frais professionnels exposés pour pouvoir bénéficier de la déduction.

Cass. soc., 7 septembre 2023, n° 20-17.433

La Cour de cassation rappelle que l’obligation d’agrément et d’assermentation des agents de contrôle, ne s’applique aux agents qui procèdent aux vérifications des éléments fournis par les assurés sociaux en vue de bénéficier des prestations de la sécurité sociale, que lorsqu’ils mettent en œuvre des prérogatives de puissance publique.

Tel est le cas notamment lorsqu’ils exercent le droit de communication prévu par l’article L. 114-19 du Code de la sécurité sociale.

Ainsi, l’irrégularité ou l’omission de la formalité d’agrément ou d’assermentation prive les agents de leur pouvoir de contrôle, et, dès lors, entraîne la nullité de tous les actes postérieurs qui en sont la conséquence.

Législation et réglementation

Le 15 septembre 2023, la CNAV a publié une circulaire n° 2023-19 sur l’âge légal de la retraite et la durée d’assurance pour les assurés nés à compter du 1er septembre 1961 dont la retraite prend effet à compter du 1er septembre 2023. Elle décline les conséquences des modifications apportées par la LFRSS pour 2023 et ses décrets d’application sur la détermination de certains éléments de calcul de la retraite.

Pour en savoir plus

La circulaire n°2023-18 du 11 septembre 2023 de la CNAV précise les montants du seuil de recouvrement de l’ASPA et de l’allocation supplémentaire sur succession à compter du 1er septembre 2023. 

Pour en savoir plus

Le décret n° 2023-869 du 12 septembre 2023 publié au Journal Officiel du 14 septembre 2023 prolonge jusqu’au 31 décembre 2025, la durée d’activité de la mission interministérielle « France Recouvrement », qui est l’organe chargé du pilotage de la réforme du recouvrement fiscal et social initiée en 2019.

Pour en savoir plus

Le médiateur indique que la résiliation du contrat n’empêche pas la poursuite du versement des prestations, même si le contrat n’est pas un contrat collectif de prévoyance. En effet, il précise que malgré la non-application de la “loi Evin” aux contrats emprunteurs, il existe “un principe général, confirmé par la jurisprudence en matière d’assurance de prévoyance complémentaire [et…]  applicable en matière d’assurance emprunteur, de poursuite par l’assureur du versement des prestations pour des sinistres survenus pendant la période de validité du contrat, dans des situations où le contrat aurait par la suite été résilié”.

Pour en savoir plus