Actu-tendance n° 686

DROIT DU TRAVAIL

Jurisprudence – Relations individuelles

Rappel : Sauf abus, le salarié jouit dans l’entreprise et en dehors de celle-ci de sa liberté d’expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées (Cass. soc., 28 avril 2011, n° 10-30.107). 
L’abus est caractérisé lorsque les termes formulés par le salarié sont injurieux, diffamatoires ou excessifs. Il s’apprécie notamment au regard de la teneur des propos, de leur degré de diffusion, des fonctions exercées par le salarié et de l’activité de l’entreprise. 
Un salarié peut-il être licencié pour avoir tenu des propos irrespectueux à l’égard de sa hiérarchie et de ses collègues ?

Cass. soc., 14 Juin 2023, n° 21-21.678

Dans cette affaire, un salarié s’est vu notifier un avertissement en juillet 2012 motivé par un comportement et un mode de communication inappropriés avec ses collègues de travail, avant d’être licencié pour cause réelle et sérieuse en juin 2013.

L’employeur lui reprochait dans la lettre de licenciement une « insubordination manifeste, caractérisée et persistante » dans l’exercice de ses fonctions et notamment d’avoir tenu « des propos irrespectueux, voire insultants » tant à l’égard de son supérieur hiérarchique que de ses collègues de travail. En l’occurrence, le salarié avait reproché à son supérieur hiérarchique de lui avoir donné des réponses « bidon » qui ne sont pas en « correspondance avec son poste de manager ».

Le salarié a saisi le Conseil de prud’hommes soutenant que son licenciement avait été prononcé en violation à son droit à la liberté d’expression et que ses propos n’étaient ni diffamatoires, ni injurieux et ni excessifs au point de constituer un abus de la liberté d’expression.

La Cour d’appel l’a débouté de ses demandes considérant que les griefs à son encontre étaient établis dans la mesure où les propos tenus par celui-ci étaient mal fondés et irrespectueux.

Il s’est pourvu en cassation mais n’obtint pas gain de cause.

En effet, la Cour de cassation a approuvé la Cour d’appel d’avoir jugé que le salarié avait abusé dans l’exercice de sa liberté d’expression, et que son comportement constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Note : La Cour de cassation confirme ici sa jurisprudence constante selon laquelle le licenciement pour un usage abusif de la liberté d’expression par le salarié est justifié (Cass. soc., 1er juin 2022, n° 21-10.330).

Rappel : En principe, lorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur doit rechercher un poste de reclassement en tenant compte des préconisations du médecin du travail. Cette obligation s’impose que l’inaptitude soit d’origine professionnelle, ou non.
« L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » (C. trav. art. L. 1226-12). 
Lorsque l’employeur envisage de créer un poste en vue du reclassement de son salarié déclaré inapte, doit-il le soumettre à l’appréciation du médecin du travail avant de le proposer au salarié ?

Cass. soc., 21 Juin 2023, n° 21-24.279 

Un salarié a été victime d’un accident du travail en 1984. Il a été placé en arrêt de travail à plusieurs reprises, avant d’être déclaré inapte par le médecin du travail.

L’employeur lui a proposé un poste de reclassement qu’il a refusé, avant de le licencier en juin 2017 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le salarié a saisi le Conseil de prud’hommes reprochant à son employeur de ne pas avoir respecté son obligation de reclassement.

La Cour d’appel a jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse dans la mesure où :

  • l’employeur a proposé le poste de reclassement sans s’assurer auprès du médecin du travail de sa compatibilité avec l’état de santé du salarié ;
  • il n’a pas pris en compte le motif du refus du salarié pour accomplir les diligences nécessaires auprès du médecin du travail et envisager, au besoin, un aménagement du poste proposé en fonction de son avis.

L’employeur s’est pourvu en cassation. Pour lui,  l’obligation légale de reclassement, n’implique pas l’obligation d’envisager la création d’un nouveau poste conforme aux prescriptions du médecin du travail. Ainsi, « lorsque l’employeur décide, au-delà de son obligation légale de reclassement, de proposer un poste qu’il envisage de créer pour le salarié déclaré inapte, le fait qu’il n’ait pas soumis ce poste à l’appréciation du médecin du travail est sans incidence sur le bien-fondé du licenciement ».

La Cour de cassation n’est pas du même avis. Elle rappelle dans le cadre de son obligation de reclassement, l’employeur doit s’assurer de la compatibilité du poste proposé aux préconisations du médecin du travail, le cas échéant en sollicitant son avis.

Elle approuve la Cour d’appel d’avoir jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse après avoir constaté que l’employeur n’a pas pris en compte le motif du refus du salarié et ne s’est pas assuré auprès du médecin du travail de la compatibilité du poste proposé avec l’état de santé du salarié.

Note : Cette décision s’inscrit en adéquation avec les jurisprudences précédemment rendues par la Cour de Cassation sur le sujet. L’employeur est tenu de proposer au salarié inapte, un poste conforme aux préconisations du médecin du travail (Cass. soc., 26 janvier 2022, n° 20-20.369). Cette obligation s’impose même lorsque l’employeur décide de créer un poste en vue du reclassement du salarié.

Rappel : Lorsqu’un employeur notifie à un salarié une sanction emportant modification de son contrat de travail, il doit l’informer de sa faculté d’accepter ou de refuser cette modification.
Une modification du contrat de travail telle une rétrogradation, y compris à titre disciplinaire, ne peut être imposée à un salarié (Cass. soc., 28 avril 2011, n° 09-70.619).
Lorsque l’employeur envisage une rétrogradation disciplinaire, le courrier par lequel le salarié accepte cette rétrogradation mais conteste le motif disciplinaire de celle-ci peut-il caractériser un accord clair et non équivoque ? 

Cass. soc., 14 Juin 2023, n° 21-22.269 

Un salarié engagé en qualité de directeur des opérations avec un statut de cadre niveau IV, a été convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire.

Après cet entretien, il lui a été notifié, sous réserve de son acceptation, une rétrogradation disciplinaire au poste de directeur des achats, avec un statut de cadre niveau III.

Le salarié a répondu par courrier qu’il acceptait les nouvelles fonctions proposées, tout en réfutant les notions de sanction disciplinaire employées par l’employeur. Pour lui, cette proposition faisait suite aux difficultés économiques du secteur et aux nécessités de réorganisation de l’entreprise.

L’employeur considérant que le salarié avait refusé la sanction prononcée à son encontre, l’a de nouveau convoqué à un entretien, avant de le licencier pour cause réelle et sérieuse.

Le salarié a saisi la juridiction prud’homale pour contester cette rupture et obtenir paiement de diverses sommes.

La Cour d’appel a débouté le salarié de ses demandes considérant que le courrier par lequel celui-ci acceptait la modification de ses fonctions proposée par l’employeur, mais refusait la qualification de sanction disciplinaire donnée à cette mesure, s’analysait en un refus de la modification de son contrat de travail justifiant qu’une mesure de licenciement soit substituée à la mesure de rétrogradation proposée.

La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel et retient que les termes ambigus de la réponse du salarié ne permettaient pas de caractériser une acceptation claire et non équivoque de la mesure de rétrogradation.

Note : Cette décision est intéressante car le juge considère que lorsque l’acceptation de la sanction par le salarié n’est pas claire et non équivoque, l’employeur peut valablement considérer qu’il s’agit d’un refus.

Législation et réglementation

Pour mémoire, compte tenu de la nature des activités des secteurs du bâtiment et des travaux publics, un régime spécifique de chômage a été mis en place pour permettre la prise en charge de l’indemnisation des salariés en cas d’arrêts de travail occasionnés par les intempéries.

Le chômage-intempéries est financé par les employeurs qui versent une cotisation à la caisse de congés payés dont ils relèvent.

Un arrêté du 30 mai 2023 (A. 30 mai 2023, NOR : MTRD2303763A, JO 21 juin) fixe les paramètres de calcul de la cotisation chômage-intempéries pour la période allant du 1er avril 2023 au 31 mars 2024.

Ainsi pour cette période, le montant de l’abattement à défalquer du total des salaires servant de base au calcul de la cotisation due par les employeurs aux caisses de congés payés est fixé à 90 168 €  (contre 84 564 € auparavant).

Le taux de cotisation du régime intempéries reste fixé à :

  • 0,68 %du montant des salaires à prendre en compte, déduction faite de l’abattement susmentionné, pour les entreprises appartenant à la catégorie du gros œuvre et des travaux publics ;
  • et 0,13 % pour les autres.

Dans une actualité du 23 juin 2023, le Bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS) confirme la revalorisation à 6,91 € du plafond de l’exclusion d’assiette appliquée à la participation patronale au financement des titres-restaurant.

Pour mémoire, la loi de finances pour 2023 (L. n° 2022-1726, 30 décembre 2022) avait fixé le montant de la limite d’exonération à 6,50 € pour l’année 2023.

Un décret publié au Journal officiel du 2 juin (D. n° 2023-422, 31 mai 2023) a ensuite revalorisé ce plafond à 6,91 € pour l’année 2023 (voir actu tendance n° 685).

Le BOSS tient compte de cette revalorisation et précise que celle-ci s’applique de manière rétroactive à compter du 1er janvier 2023.

Il confirme également que la limite auparavant fixée à 6,50 € s’applique uniquement aux titres émis en 2022.

PROTECTION SOCIALE COMPLEMENTAIRE

Jurisprudence – Protection sociale

Cass. 2e civ., 22 Juin 2023, n° 21-18.363 

 L’article L. 3323-4 du Code du travail dispose que pour ouvrir droit aux exonérations sociales  l’accord de participation  doit avoir été déposé auprès de la DREETS.

La Cour de cassation précise que l’exonération ne s’applique qu’à compter de la date du dépôt de l’accord de participation, les sommes attribuées antérieurement à son dépôt ne peuvent en bénéficier.

Cass. com., 21 Juin 2023, n° 21-19.853 

Le manquement d’un conseiller en gestion de patrimoine à son obligation d’informer ou de conseiller le souscripteur d’un contrat d’assurance-vie libellé en unités de compte sur le risque de pertes présenté par un support d’investissement, prive ce souscripteur d’une chance d’éviter la réalisation de ces pertes.

Le délai de prescription quinquennale de l’action en indemnisation d’un tel dommage commence à courir, non à la date où l’investissement a lieu, mais à la date du rachat du contrat d’assurance-vie.

Législation et réglementation

Le médiateur indique que le départ à la retraite de base ne constitue pas un obstacle au transfert d’un contrat article 83 vers un PER, dès lors que  trois conditions cumulatives sont réunies :

  • l’assuré n’est plus tenu d’adhérer au contrat initial ;
  • le transfert s’opère entre deux contrats de même nature ;
  • les droits individuels de l’assuré sont en cours de constitution au jour de la demande.

La phase de constitution ne prend fin que lorsque le contrat est liquidé,  indépendamment de la liquidation de la retraite de base de l’assuré.

Pour en savoir plus

A l’issue d’une enquête effectuée entre janvier 2021 et avril 2022, auprès des professionnels du secteur assurantiel, la DGCCRF a révélé que près d’un tiers des établissements contrôlés ne respectaient pas la règlementation portant sur la bonne information du consommateur ou la loyauté des pratiques commerciales.

L’enquête a permis de mettre en évidence :

  • des pratiques abusives en matière de démarchage téléphonique (défaut d’information, absence de délai de réflexion, non-respect de l’interdiction de démarchage des consommateurs inscrits sur la liste d’opposition au démarchage téléphonique) des informations précontractuelles incomplètes ou trompeuses en matière d’assurance de protection juridique ;
  • des absences de remboursement ou des remboursements incomplets des frais en cas de résiliation anticipée du contrat.

La DGCCRF a en conséquence, prononcé des avertissements ou des sanctions à l’encontre des assureurs concernés.

Pour en savoir plus

Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE)

Le 20 février dernier, le Ministère de la transition écologique a présenté l’acte 2 du plan de sobriété énergétique.

Ce plan a  pour objectif « d’inscrire la baisse de notre consommation de gaz et d’électricité dans la durée afin de tenir nos objectifs climatiques ».

Selon le Gouvernement la mise en œuvre de l’acte 1 du plan en hiver dernier a permis de réduire la consommation d’électricité et de gaz de 12%, après correction des effets météorologiques.

Dans cette continuité, l’acte 2 présente de nouvelles mesures spécifiquement adaptées à l’été et des mesures de long-terme qui permettront de faire baisser les consommations dans la durée.

Quelles sont les mesures prévues par le plan et concernant les entreprises ?

Le plan encourage les entreprises à :

  • limiter l’utilisation de la climatisation en la réglant à 26°C au minimum dans les bureaux ;
  • promouvoir les moyens les moins énergivores de se protéger contre la chaleur : fermer les volets ou les rideaux, aérer les bâtiments tôt le matin ;
  • décaler l’heure d’allumage et l’intensité des éclairages dans les bureaux, surfaces et vitrines commerciales ;
  • prolonger la durée de vie des équipements numériques en réparant plutôt qu’en remplaçant par du neuf ;
  • acheter du matériel reconditionné ;
  • diffuser et sensibiliser les collaborateurs aux écogestes numériques.

S’agissant des grandes entreprises, le plan les encourage à :

  • se doter d’objectifs chiffrés de baisse de consommation énergétique ;
  • faire valider ces objectifs par les instances de décision de l’entreprise ;
  • publier ces objectifs ;
  • demander aux collaborateurs en déplacement professionnel d’adopter les gestes d’écoconduite et de se déplacer à 110km/h sur l’autoroute ;
  • intégrer un facteur baisse des consommations d’énergie à la stratégie télétravail de l’entreprise.

Pour en savoir plus