Actu-tendance n° 683
DROIT DU TRAVAIL
Jurisprudence – Relations individuelles
Rappel : Selon l’article L. 1152-1 du Code du travail : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
L’article L. 1152-2 du Code du travail pose une interdiction de sanctionner ou de licencier pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral. Le licenciement prononcé en lien avec des faits de harcèlement moral est nul.
Le salarié dont le licenciement a été déclaré nul en raison d’un harcèlement moral peut-il réclamer des dommages et intérêts pour harcèlement moral, distincts des dommages et intérêts pour licenciement nul ?
Cass. soc. 1er juin 2023, n°21-23.438
En l’espèce, un salarié a été licencié en août 2015. Estimant avoir été victime de faits de harcèlement moral, il a saisi le Conseil de prud’hommes et sollicité diverses sommes au titre de la rupture de son contrat de travail et des dommages-intérêts pour harcèlement moral.
La Cour d’appel a retenu l’existence d’un harcèlement moral et a jugé le licenciement nul du fait du lien entre la rupture du contrat et le harcèlement subi.
Néanmoins, elle a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts distincts pour harcèlement moral, au motif qu’elle se confondait avec celle réparant le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement.
Le salarié s’est pourvu en cassation, estimant que les dommages-intérêts pour licenciement nul pouvaient se cumuler avec ceux au titre du harcèlement moral.
La Cour de cassation lui donne raison. Elle juge que l’octroi de dommages-intérêts pour licenciement nul en lien avec des faits de harcèlement moral ne saurait faire obstacle à une demande distincte de dommages-intérêts pour harcèlement moral.
Note : Il s’agit d’une confirmation de jurisprudence. La Cour de cassation avait déjà jugé dans un arrêt du 2 février 2017 que le salarié victime d’un harcèlement moral, et dont le licenciement a été déclaré nul, est en droit de réclamer réparation du préjudice moral, sans que fasse obstacle à cette indemnisation l’octroi de dommages et intérêts pour licenciement nul (Cass. soc., 2 février 2017, n° 15-26.892).
Rappel : L’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 a introduit pour les salariés ayant travaillé dans un des établissements listés par arrêté ministériel et ayant été exposés à l’amiante, la possibilité de bénéficier d’un départ anticipé à la retraite, leur ouvrant droit à une Allocation de Cessation Anticipée d’Activité des Travailleurs de l’Amiante (ACAATA).
Les salariés de ces établissements peuvent également bénéficier d’une indemnisation au titre du préjudice spécifique d’anxiété (Cass. soc., 10 mai 2010, n° 09-42.241). Ces salariés bénéficient d’une présomption et peuvent obtenir réparation de ce préjudice d’anxiété du seul fait du classement ACAATA de l’établissement dans lequel ils ont travaillé.
Un salarié peut-il bénéficier de l’indemnisation de leur préjudice d’anxiété alors qu’au moment où il a introduit sa demande, son employeur ne figurait pas sur la liste des établissements classés ?
Cass. soc., 24 mai 2023, n° 21-17.536
Un salarié embauché en 1984 a saisi le Conseil de prud’hommes en juin 2013 en réparation d’un préjudice d’anxiété résultant d’une exposition à l’amiante.
Par arrêté du 3 décembre 2013, l’entreprise dans laquelle il travaillait a été inscrite sur la liste des établissements ouvrant droit à l’ACAATA pour la période de 1949 à 1996.
La Cour d’appel a débouté le salarié de sa demande au titre du préjudice d’anxiété au motif que sa saisine était antérieure à l’inscription de son employeur sur la liste des établissements ouvrant droit à l’ACAATA. En conséquence, le salarié ne pouvait bénéficier de la présomption de préjudice d’anxiété selon les juges du fond. Il devait « non seulement justifier d’une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, mais aussi d’un préjudice d’anxiété personnellement subi résultant d’une telle exposition », ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
La Cour de cassation n’est pas du même avis. Elle retient que le salarié était fondé à obtenir l’indemnisation de son préjudice d’anxiété dès lors qu’il avait travaillé dans un établissement visé par l’arrêté et pendant la période visée par cet arrêté. Ainsi, le fait que l’établissement ait été inscrit sur la liste après la saisine du juge par le salarié importe peu.
Jurisprudence – Relations collectives
Rappel : Le Code du travail prévoit que lors de son renouvellement, le comité social et économique exerce exclusivement les attributions prévues pour une entreprise de moins de 50 salariés et cesse d’exercer les attributions prévues pour les entreprises d’au moins 50 salariés lorsque l’effectif de cinquante salariés n’a pas été atteint pendant les douze mois précédant le renouvellement de l’instance.
Cette baisse de l’effectif doit-elle être constatée tout au long des 12 mois ou suffit-il que l’effectif passe sous le seuil de 50 salariés au cours de cette période ?
Tribunal judiciaire de Versailles, 30 mai 2023, n° 23/00298
En décembre 2018, une entreprise qui employait à l’époque plus de 50 salariés, avait mis en place un CSE doté des attributions correspondantes.
En juin 2022, soit 6 mois avant les élections de renouvellement, l’effectif passe sous le seuil de 50 salariés.
Au moment du renouvellement de l’instance, fin 2022, l’employeur considère donc que le CSE est doté des attributions d’un comité d’une entreprise de moins de 50 salariés.
Les élus saisissent l’inspection du travail, puis le Tribunal judiciaire, qui leur donnent raison. Le juge estime que le terme « pendant » utilisé ans l’article L. 2312-2 du Code du travail traduit l’intention du législateur et renvoie nécessairement à une période de 12 mois consécutifs.
Il est donc enjoint à l’employeur de respecter à l’égard de son CSE l’ensemble des attributions et prérogatives définies pour les entreprises de plus de 50 salaries.
Note : Cette décision, dont le sens reste à confirmer par la Cour de cassation, illustre les conséquences potentielles de la baisse des effectifs sur les prérogatives du CSE à l’occasion de son renouvellement. Pour rappel, en cas de baisse de l’effectif en cours de mandat, les membres du CSE conservent leurs attributions jusqu’à l’échéance.
Rappel : L’accord de mise en place du CSE prévoit notamment :
le nombre et le périmètre des établissements distincts ;
les modalités de mise en place de la Commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) ;
éventuellement, la mise en place de représentants de proximité (art. L. 2313-7 du Code du travail).
Dans l’hypothèse où le nombre et le périmètre des établissements distincts ont été déterminés par décision unilatérale de l’employeur, un accord d’établissement peut-il mettre en place les représentants de proximité ?
Cass. soc., 1er juin 2023, n° 22-13.303
En 2018, des négociations se sont tenues en vue de la mise en place du CSE au sein d’un groupe public ferroviaire. Ces négociations portaient à la fois sur la détermination des établissements distincts et sur la mise en place de représentants de proximité.
Faute d’accord, la détermination des établissements distincts a été faite par décision unilatérale et la Direccte (devenue Dreets), sur recours, a validé cette décision et le découpage en 33 établissements distincts.
À la suite des élections professionnelles en novembre 2018, un accord d’établissement, prévoyant la désignation de 25 représentants de proximité, a été signé en janvier 2019 au sein d’un établissement.
Cet accord a été contesté par une organisation syndicale non signataire, au motif que seul l’accord d’entreprise déterminant le nombre et le périmètre des établissements distincts peut mettre en place des représentants de proximité.
La Cour d’appel l’a débouté de ses demandes considérant qu’aucune disposition légale ou conventionnelle ne s’opposait à la mise en place de représentants de proximité par accord d’établissement.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel. Elle rappelle les dispositions de l’article L. 2313-7 du Code du travail, qui précise que « l’accord d’entreprise défini à l’article L. 2313-2 peut mettre en place des représentants de proximité ».
Or, l’article L. 2313-2 du Code du travail précise qu’un accord d’entreprise, conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article L. 2232-12, détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts.
La Cour de cassation en déduit que « les représentants de proximité ne peuvent être mis en place que par l’accord d’entreprise, conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article L. 2232-12, qui détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts ».
Elle ajoute que, dans le cas où le nombre et le périmètre des établissements distincts ont été déterminés par décision unilatérale de l’employeur, un accord d’entreprise peut prévoir pour l’ensemble de l’entreprise la mise en place de représentants de proximité rattachés aux différents CSE d’établissements.
Il en résulte qu’en l’espèce, l’accord d’établissement ne pouvait mettre en place les représentants de proximité.
Note : C’est à notre connaissance la première fois que la Cour de cassation précise que la mise en place des représentants de proximité s’effectue uniquement par l’accord d’entreprise déterminant le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des CSE.
Législation et réglementation
Dans une lettre-circulaire publiée le 1er juin, le réseau des Urssaf donne des précisions sur le taux de versement mobilité à compter du 1er juillet 2023.
Les deux projets de décrets (voir actu tendance n° 682) pris en application de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) pour 2023, portant réforme des retraites ont été publiés dans leur version définitive au journal officiel du 4 juin 2023.
Le décret n°2023-436 tire les conséquences réglementaires du relèvement de l’âge d’ouverture des droits à une pension de retraite. Il précise par ailleurs les nouvelles bornes d’âge et modalités de départ anticipé pour carrières longues, ainsi que les nouvelles modalités de retraite anticipée des travailleurs handicapés et de retraite anticipée pour inaptitude et incapacité permanente.
Le décret n°2023-435 transpose à l’ensemble des régimes de fonctionnaires et des ouvriers de l’Etat les évolutions apportées par la LFRSS 2023, relatives à l’âge d’ouverture des droits, à la durée d’assurance et aux conditions de départs anticipés.
Tableau récapitulatif des mesures confirmées ou précisées par le décret n° 2023-436
PROTECTION SOCIALE COMPLEMENTAIRE
Jurisprudence – Protection sociale
Cass. 2e civ., 11 mai 2023, n° 21-13.346
Le droit à une pension de réversion est soumis à une condition de ressources et les revenus professionnels du conjoint survivant, fussent-ils temporaires, perçus au cours de la période de référence sont inclus dans les ressources prises en considération pour l’appréciation de cette condition.
Cass. soc., 7 juin 2023, n° 21-23.723
Au visa des articles D.911-4 et R. 242-1-6 du Code de la sécurité sociale, la Chambre sociale de la Cour de cassation juge que l’employeur ne peut exiger, pour donner droit à la demande de dispensed’adhésion au régime complémentaire collectif et obligatoire mis en place dans l’entreprise que le salarié justifie qu’il bénéficie en qualité d’ayant droit à titre obligatoire de la couverture collective relevant d’un dispositif de protection sociale complémentaire présentant un caractère collectif et obligatoire de son conjoint.
En d’autres termes, il n’est pas nécessaire que la couverture du salarié en qualité d’ayant droit de son conjoint soit obligatoire pour qu’il bénéficie de la dispense d’adhésion.
Cette décision doit être prise avec précaution, la Haute juridiction ne prenant toutefois pas expressément position sur l’exigence d’un tel justificatif en cas de contrôle Urssaf, qui serait de la compétence de la deuxième Chambre civile.
Législation et réglementation
L’ACPR a publié son rapport d’activité pour l’année 2022. Celui-ci dresse le bilan des :
- Sanctions prononcées sur l’année 2022 (principalement en LCB-FT et en matière de protection de la clientèle)
- Décisions d’agrément ou d’autorisation
- Contrôles et mises en demeure de l’ACPR.
En outre, il met en lumière les principaux enjeux auxquels est confronté le secteur des assurances et les perspectives d’évolution pour l’année 2023.
La participation de l’assuré pour les frais relatifs aux dispositifs médicaux numériques à visée thérapeutique et aux activités de télésurveillance médicale pris en charge est fixée à 40%.
Le 15 mai dernier, les partenaires sociaux nationaux et interprofessionnels ont conclu un projet d’Accord National Interprofessionnel (ANI) portant sur le fonctionnement de la branche AT/MP (accidents du travail et maladies professionnelles).
Il s’articule autour des trois priorités suivantes :
- prévenir et réduire les risques professionnels ;
- reconnaître les sinistres et indemniser les victimes des conséquences des préjudices subis ;
- piloter la tarification des cotisations des employeurs pour assurer l’équilibre financier de la Branche.
Le projet a été transmis aux organisations syndicales pour signature.