Actu-tendance n° 680
DROIT DU TRAVAIL
Jurisprudence – Relations individuelles
Rappel : En principe, toute action prud’homale portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par 2 ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par 12 mois à compter de la notification de la rupture (C. trav. art. L. 1471-1).
Par exception, les actions en matière de harcèlement moral sont soumises à la prescription de droit commun de 5 ans (C. trav. art. L. 1471-1 al. 3). Celle-ci court à compter du jour où la personne a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer l’action (C. civ. art. 2224).
En cas de licenciement lié à un harcèlement moral, quel est le point de départ du délai de prescription?
Cass. soc., 19 avril 2023, n° 21-24.051
Dans cette affaire, une salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du mois de mars 2008, puis licenciée pour cause réelle et sérieuse en juillet 2008.
Estimant avoir subi du harcèlement moral, elle a saisi la juridiction prud’homale, le 16 septembre 2013 afin notamment d’obtenir des dommages-intérêts pour harcèlement moral, la nullité de son licenciement, ainsi que sa réintégration avec paiement d’une indemnité d’éviction. En défense, l’employeur invoquait la prescription de l’action intentée par l’ex-salariée.
Cette dernière soutenait que le délai de prescription n’avait commencé à courir qu’à compter du 16 octobre 2008, date correspondant, selon elle, au dernier fait de harcèlement moral constitué par un courrier de son employeur daté de ce jour. Or, il se trouve que cette date correspondait également au dernier jour du préavis de la salariée.
Les juges du fond ont considéré que la demande de la salariée était recevable dans la mesure où le délai de prescription devait commencer à courir à partir du dernier acte de harcèlement.
Dans son pourvoi, l’employeur arguait du fait que la salariée n’avait eu nécessairement connaissance de ce courrier daté du 16 octobre 2008 qu’après cette date et donc après la fin de son contrat de travail.
Selon l’employeur, ce courrier ne saurait constituer le point de départ du délai de prescription, lequel a été porté à la connaissance de la salariée postérieurement à la rupture de son contrat de travail.
La Cour de cassation approuve ce raisonnement et casse l’arrêt d’appel. Elle juge que « le point de départ du délai de prescription de l’action en réparation du harcèlement moral ne peut être postérieur à la date de cessation du contrat de travail ».
En conséquence, les juges du fond auraient dû rechercher la date à laquelle la salariée avait pris connaissance de cette lettre pour déterminer si elle constitue ou non le point de départ du délai de prescription.
Note : Il s’agit d’une précision inédite à notre connaissance. La Cour de cassation complète ainsi sa jurisprudence concernant la prescription des actions en lien avec le harcèlement moral.
Pour mémoire, elle avait précisé en 2021 que le délai de prescription d’une action visant les faits caractérisant le harcèlement moral d’un salarié court à compter du dernier fait de harcèlement subi (Cass. soc., 9 juin 2021, n° 19-21.931). Elle précise désormais que le salarié doit en avoir connaissance au plus tard le jour de la cessation de son contrat de travail.
Rappel : Le Code du travail ne prévoit pas de récupération des jours fériés coïncidant avec un jour de repos.
Le salarié peut-il demander à bénéficier d’un jour de repos supplémentaire ou d’une indemnité correspondante lorsque des jours de repos hebdomadaire coïncident avec des jours fériés ?
Cass. soc., 10 mai 2023, n° 21-24.036
Dans cette affaire, un accord d’entreprise prévoit une durée hebdomadaire de travail de 35h sur 4 jours, à raison de 8,75h de travail par jour, pour les ouvriers.
L’accord prévoit également qu’outre le jour de repos hebdomadaire fixé le dimanche, le salarié bénéficie chaque semaine de 2 jours de repos fixés par roulement.
Un salarié saisit le conseil de prud’hommes afin de demander à bénéficier :
- d’un jour de repos supplémentaire ou à défaut d’une indemnité compensatrice lorsqu’un jour de repos variable prévu par l’accord ou jour de congé coïncidait avec un jour férié et chômé.
- Une majoration pour les jours fériés travaillés à 100% comme le prévoit la CCN applicable.
La Cour d’appel a fait droit à ses demandes considérant que les journées de repos non fixes ont été organisées dans le cadre d’un accord sur la réduction du temps de travail (RTT), de sorte qu’elles ne peuvent être positionnées sur un jour férié chômé, contrairement aux journées de repos hebdomadaire acquises en dehors de tout accord de RTT.
L’employeur s’est pourvu en cassation. Pour lui, sauf disposition contraire, la coïncidence d’un jour férié chômé avec un jour de repos ne donne pas lieu à compensation. Il n’en va autrement que lorsque cette coïncidence porte sur des jours de repos acquis en contrepartie d’un dépassement de l’horaire légal ou conventionnel applicable dans l’entreprise ; ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
La Cour de cassation donne raison à l’employeur. Elle juge que l’accord d’entreprise en l’espèce, prévoyant une durée hebdomadaire du travail de 35h sur 4 jours/semaine, les 3 jours non travaillés constituent ainsi des jours de repos qui n’ont pas vocation à compenser des heures de travail effectuées au-delà de la durée légale ou conventionnelle.
En conséquence, la coïncidence entre ces jours et des jours fériés n’ouvre droit ni à repos supplémentaire ni à indemnité compensatrice.
Note : Il résulte de cet arrêt que lorsque les jours non travaillés ne sont pas la contrepartie d’un dépassement de l’horaire légal ou conventionnel de travail, ils ne peuvent ouvrir droit à repos supplémentaire ou à indemnité compensatrice, s’ils tombent sur un jour férié. Il s’agit d’une confirmation de jurisprudence. La Cour de cassation a déjà retenu notamment dans un arrêt du 2 juillet 2002 que lorsque le jour férié coïncide avec le repos hebdomadaire, aucune indemnité n’est due au salarié qui ne subit pas de perte de salaire (Cass. soc., 2 juillet 2002, n°00-41.712 et n°00-41.718).
Jurisprudence – Relations collectives
Rappel : Pour chaque collège électoral, les listes de candidats aux élections professionnelles qui comportent plusieurs candidats sont composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la proportion de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale (C. trav. art. L. 2314-30).
Lorsque l’application des règles de proportionnalité et de l’arrondi à l’entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5 conduit, au regard du nombre de sièges à pourvoir, à exclure totalement la représentation de l’un ou l’autre sexe, il résulte de l’article L. 2314-30 du code du travail que les listes de candidats peuvent comporter un candidat du sexe sous-représenté, sans que les organisations syndicales y soient tenues.
En revanche, lorsque l’organisation syndicale choisit de présenter une liste comprenant un nombre de candidats inférieur au nombre de sièges à pourvoir, l’application de la règle de l’arrondi à l’entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5 provoquée par le nombre de candidats que l’organisation syndicale a choisi de présenter ne peut conduire à éliminer toute représentation du sexe sous-représenté qui aurait été représenté dans une liste comportant autant de candidats que de sièges à pourvoir.
Lorsque le juge constate, après les élections professionnelles, qu’une liste syndicale n’a pas respecté les règles de représentation équilibrée, il doit annuler l’élection des candidats surnuméraires du sexe sur-représenté (C. trav. art. L. 2314-32).
Une liste présentée par un syndicat et comportant un seul candidat aux élections peut-elle être régulière alors que plusieurs sièges sont à pourvoir et que le collège est composé de femmes et d’hommes ?
Cass. soc., 19 avril 2023, n° 22-17.922
Un PAP a été signé en vue des élections des membres du CSE au sein d’une société. Celui-ci-prévoyait que :
- 12 postes étaient à pourvoir s’agissant du collège employés ;
- la proportion respective des femmes et des hommes dans ce collège était respectivement de 64,63 % et 35,37 %.
Un syndicat a présenté une liste comportant une candidature unique, celle d’une salariée. À l’issue du second tour des élections, celle-ci a été élue en qualité de membre titulaire du CSE.
Considérant que les règles de représentation proportionnée des femmes et des hommes n’avaient pas été respectées, la société a saisi le tribunal judiciaire aux fins d’annuler les candidatures (titulaire et suppléante) et l’élection de la salariée.
Le tribunal judiciaire a rejeté cette demande aux motifs suivants :
- la société n’a formulé aucune observation concernant la liste incomplète présentée par le syndicat ;
- proportionnellement au nombre d’électeurs du collège employés qui se composait de 35 % d’hommes et de 65 % de femmes, la parité avait été respectée dans la mesure ou 3 hommes et 6 femmes avaient été élus et 3 sièges restants non pourvus.
La société s’est pourvue en cassation et a obtenu gain de cause. La Cour de cassation a retenu que les motifs invoqués par le tribunal sont inopérants dans la mesure où la liste présentée par le syndicat ne respectait pas les règles relatives à la parité.
En effet, eu égard à la proportion des femmes et des hommes fixée par le PAP, le syndicat était tenu de présenter une liste comportant nécessairement 8 femmes et 4 hommes pour 12 sièges à pourvoir ou, en cas de liste incomplète, une liste comprenant au moins une femme et un homme. Ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
Note : La Cour de cassation réaffirme ainsi sa jurisprudence constante sur l’obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les listes de candidats aux élections professionnelles : lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir, les organisations syndicales sont tenues de présenter une liste conforme à l’article L. 2314-30 du Code du travail, c’est-à-dire respectant la proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré et devant comporter au moins un candidat au titre du sexe sous-représenté (Cass. soc., 11 décembre 2019, n° 18-23.513).
Législation et réglementation
Le décret n° 2023-368 du 13 mai 2023 est venu mettre fin à l’obligation de vaccination des professionnels et étudiants.
Pour mémoire, la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire a introduit une obligation de vaccination contre le covid-19 s’imposant aux professionnels, (soignants ou non), travaillant notamment dans des établissements de santé, des établissements médico-sociaux, des résidences d’accueil des personnes âgées ou handicapées, ainsi qu’à certaines professions (aides à la personne, pompiers etc…). A défaut de vaccination, ces professionnels étaient suspendus de leurs fonctions.
Dans une recommandation publiée le 30 mars 2023, la Haute Autorité de Santé avait préconisé la levée de l’obligation vaccinale contre le covid-19 .
Conformément à cette recommandation, le décret met fin à l’obligation de vaccination contre la covid-19 à compter du 15 mai 2023.
En conséquence, les professionnels concernés dont les contrats étaient suspendus jusqu’à présent doivent être réintégrés dans leurs fonctions.
Le 2 mai 2023, le ministère du travail a publié un mémento à destination des employeurs accueillant des jeunes en formation professionnelle.
Ce document vise les jeunes travailleurs (stagiaires, apprentis, élèves des lycées professionnels, nouveaux embauchés) et a pour objectif « d’encourager des gestes et des comportements sûrs au travail le plus tôt possible et en amont de l’entrée dans le milieu professionnel ».
Ce document identifie les bonnes pratiques et les bons réflexes à adopter, pour accompagner les jeunes dans leurs premiers pas en milieu professionnel.
Le 28 avril dernier, l’administration fiscale a publié une note, ainsi qu’un « Questions/Réponses » précisant les modalités de déclaration des frais professionnels liés au télétravail perçu au titre de l’année 2022.
Pour mémoire, certains frais liés au télétravail, peuvent être déductibles de l’impôt sur le revenu.
L’administration précise que la possibilité de déduire les frais et allocation de télétravail dépend de l’option ou non du contribuable pour les frais réels, ainsi que du versement ou non par l’employeur d’une allocation destinée à couvrir les frais de télétravail (voir ci-dessous).
PROTECTION SOCIALE COMPLEMENTAIRE
Jurisprudence – Protection sociale
Cass. 2e civ., 20 avr. 2023, n° 21-21.490
La limitation du droit à indemnisation du conducteur victime d’un accident de la circulation, en raison de sa faute, est, sauf stipulation contraire du contrat d’assurance, sans effet sur le montant des prestations à caractère indemnitaire dues par son assureur au titre de cette garantie.
Ainsi, le conducteur victime peut, dans la limite du montant de ses préjudices, percevoir en sus de l’indemnité partielle due par le conducteur du véhicule impliqué les prestations à caractère indemnitaire versées au titre de son assurance de personne.
Contrat d’assurance-vie – Succession – L’assureur n’a pas d’obligation d’informer le notaire de l’existence d’un contrat non demandé
Cass. 1ère civ., 13 avril 2023, n° 21-20.272
L’assureur, même informé du décès du souscripteur d’un contrat d’assurance-vie, n’est pas tenu de porter à la connaissance du notaire l’existence de ce contrat, à défaut de demande en ce sens de la part de ce dernier dans le cadre de ses démarches en vue du règlement de la succession.
Législation et réglementation
Le médiateur rappelle qu’en cas de fusion absorption, le contrat “article 83” est automatiquement transféré de la société absorbée vers la société absorbante dès lors qu’il n’a pas été résilié. Aussi, l’assuré ne peut en demander le transfert vers un PERP car il reste tenu d’y adhérer.
Il recommande aux adhérents d’un tel contrat, de se rapprocher de leur employeur afin de connaître le sort réservé au contrat.
Le 15 mai 2023, la DREETS a publié des indicateurs statistiques issus des résultats de l’enquête auprès des organismes assureurs en 2021, qui mettent en lumière les effets de la réforme du 100% santé sur le niveau des garanties offertes :
- les garanties “prothèses auditives” sont en augmentation dans les contrats collectifs, et relativement stables dans les contrats individuels.
- En optique, les garanties évoluent peu.
- En dentaire, les niveaux de couverture en implantologie et en orthodontie baissent, notamment pour les contrats individuels.
Plus généralement, les garanties des contrats collectifs demeurent en moyenne nettement supérieures à celles des contrats individuels .
Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE)
La Commission des affaires juridiques du Parlement européen a adopté, le 25 avril 2023, le rapport sur la proposition de Directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité.
Pour mémoire, le projet de directive avait été publié par la commission européenne en février 2022 (Pour en savoir plus, voir notre article : Enjeux sociaux de la directive européenne sur le reporting de durabilité).
Le texte vise à mettre en place des obligations de vigilance pour que les entreprises identifient, préviennent et atténuent les répercussions négatives de leurs activités, en particulier sur les droits de l’Homme et sur l’environnement.
Les députés de la commission des affaires juridiques ont proposé de faire évoluer le projet initial, notamment par :
- une augmentation du nombre d’entreprises tenues responsables de leur impact: seraient concernées toutes les entreprises établies dans l’UE avec plus de 250 employés et un chiffre d’affaires mondial supérieur à 40 millions d’euros, ainsi que les sociétés mères employant plus de 500 salariés et dont le chiffre d’affaires mondial est supérieur à 150 millions d’euros. Les règles s’appliqueront également aux entreprises de pays tiers dont le chiffre d’affaires est supérieur à 150 millions d’euros si au moins 40 millions d’euros ont été générés dans l’UE ;
- une augmentation de l’amende en cas de non-respect des obligations: les députés proposent de relever les sanctions applicables à au moins 5% de leur chiffre d’affaires ;
- les dirigeants d’entreprises seraient tenus de mettre en œuvre un plan de transition compatible avec une limite de réchauffement climatique de 1,5 °C. Les directeurs des entreprises de plus de 1000 salariés seraient directement responsables de cette mesure, qui affectera à son tour les parties variables de leur rémunération, telles que les primes.
Le projet doit désormais être adopté par l’ensemble du Parlement qui se réunira prochainement.