Actu-tendance n° 672

Jurisprudence – Relations individuelles

Rappel : L’article R.4228-20 du Code du travail précise qu’ « aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n’est autorisée sur le lieu de travail ».
Lorsque la consommation de boissons alcoolisées, est susceptible de porter atteinte à la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur, en raison de son obligation de sécurité des travailleurs, prévoit dans le règlement intérieur ou, à défaut, par note de service les mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tout risque d’accident.  
Ainsi, la Cour de cassation a jugé que le salarié qui se présente au travail en état d’ébriété peut faire l’objet d’un licenciement pour faute grave (Cass. soc., 23 septembre 2009, n° 08-42.198). 
L’employeur qui se contente de mentionner dans la lettre de licenciement que le salarié a travaillé avec un taux d’alcoolémie supérieur à la normale justifie-t-il d’une faute grave ?

Cass. soc. 8 mars 2023, n° 21-25.678

Dans cette affaire, un salarié a été victime d’un accident du travail alors qu’il montait un mur sur un chantier en juillet 2017.

La gendarmerie, rendue sur place, a procédé à un dépistage de l’état alcoolique du salarié qui s’est révélé positif.

Le salarié a alors été licencié pour faute grave, l’employeur lui reprochant d’avoir «travaillé en ayant un taux d’alcoolémie au-dessus de la normale», sans plus de précisions. Il a saisi le Conseil de prud’hommes pour contester son licenciement.

La Cour d’appel a considéré que le licenciement pour faute grave du salarié était justifié dès lors que l’employeur rapportait la preuve que le salarié travaillait en hauteur en état d’ivresse, au mépris des règles prescrites par le règlement intérieur.

A l’appui de son pourvoi, le salarié soutenait que la formulation de la lettre de licenciement ne permettait pas à l’employeur de justifier d’une faute grave dans la mesure où il en résultait que l’employeur ne reprochait pas au salarié d’avoir travaillé en état d’ivresse mais uniquement d’avoir travaillé «en ayant un taux d’alcoolémie au-dessus de la normale».

Pour lui, ne constitue pas une faute grave, le seul fait pour un salarié ayant 15 ans d’ancienneté sans aucun antécédent disciplinaire, de présenter un taux d’alcoolémie supérieur à la normale, sans qu’il soit allégué que le salarié ait présenté d’autres signes d’ivresse, ni qu’il soit établi que sa consommation d’alcool ait été à l’origine de l’accident dont il a été victime.

La Haute Cour donne raison au salarié. Elle rappelle que la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs formulés à l’encontre du salarié et juge qu’au regard de la rédaction de la lettre de licenciement, le grief d’exécution d’un travail en hauteur en état d’ivresse, n’était pas visé mais seulement des faits d’exécution de travaux en hauteur avec un taux d’alcoolémie au-dessus de la normale.

Note : Dans cette affaire, la Cour de cassation fait une interprétation rigoureuse de la motivation de la lettre de licenciement. C’est l’occasion de rappeler aux employeurs la nécessité d’être très vigilant au moment de la rédaction de la lettre de licenciement, car une rédaction imprécise peut priver le licenciement de son fondement.

Rappel : L’article 145 du Code de procédure civile (CPC) dispose que : «s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé».
En matière de discrimination, la Cour de cassation a jugé que les salariés qui s’estiment victimes de discrimination peuvent saisir en référé le Conseil de prud’hommes afin d’obtenir les documents permettant ensuite de la prouver, sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile (Cass. soc., 16 décembre 2020 n° 19-17.637). 
Qu’en est-il en matière d’inégalité de traitement ? Une salariée qui s’estime victime d’une inégalité salariale peut-elle saisir la juridiction prud’homale en référé sur le fondement de l’article 145 du CPC afin que son employeur lui communique les bulletins de salaire de ses collègues auxquels elle se compare ?

Cass. soc. 8 mars 2023, n° 21-12.492

Une salariée occupait depuis le 1er février 2013 le poste de « Chief Operating Officer » (COO). A la suite d’une mobilité au sein du groupe, elle a été promue au poste de Directeur stratégie et projets en 2017.

Licenciée en février 2019, et considérant avoir subi une inégalité salariale depuis 2013 par rapport à certains collègues masculins, elle a saisi le Conseil de prud’hommes en référé sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, afin d’obtenir la communication d’éléments de comparaison détenus par ses employeurs successifs.

Jugée irrecevable en sa demande en première instance, elle a interjeté appel.

La Cour d’appel a ordonné aux deux employeurs successifs de communiquer sous astreinte à l’intéressée les bulletins de paie de huit salariés, considérant que la demande de la salariée était légitime dès lors qu’elle invoquait une comparaison avec des salariés occupant des postes de niveau comparable.

Les deux sociétés se sont pourvues en cassation, invoquant les arguments suivants :

  • la divulgation à un tiers de l’ensemble des rémunérations des salariés concernés sur plusieurs années « dans un but très différent de la finalité légale pour laquelle les ressources humaines les avaient collectées, sans que ces salariés n’aient pu s’y attendre, et sans que le juge n’édicte aucune garantie de sécurité, de confidentialité et de limitation de la durée de conservation» est contraire aux règles du RGPD ;
  • le juge ne peut ordonner la communication à un tiers de données personnelles dans des conditions contraires au RGPD ;
  • l’exercice du droit à la preuve en l’espèce, ne peut justifier qu’il soit porté atteinte à la vie privée de plusieurs salariés puisque la salariée victime était en mesure de présenter d’autres éléments de fait susceptibles de laisser présumer l’existence de la discrimination qu’elle allègue.

Pour trancher le litige, la Cour de cassation indique d’abord qu’il résulte de l’introduction du RGPD que « le droit à la protection des données à caractère personnel n’est pas un droit absolu et doit être considéré par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité ». Elle rappelle ensuite qu’il appartient au juge saisi d’une demande de communication de pièces sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile :

  • d’une part, de rechercher si cette communication est nécessaire et proportionnée au regard du droit à la preuve de l’inégalité de traitement et s’il existe ainsi un motif légitime d’établir avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige ;
  • d’autre part, en cas d’atteinte à la vie privée des salariés, de vérifier quelles mesures sont indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, en limitant au besoin le périmètre de la production de pièces sollicitée.

Elle approuve la Cour d’appel d’avoir jugé que «cette communication d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’autres salariés était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l’intérêt légitime de la salariée à l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail».

Note : En principe, il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe «à travail égal, salaire égal» de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération (Cass. soc., 1er février 2023, n° 21-21.471).

Pour ce faire, le salarié peut être fondé à demander à son employeur les éléments de comparaison.

Rappel : L’article L1243-1 du Code du travail dispose que «sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail».
Un employeur peut-il se fonder sur une faute grave commise par le salarié lors d’un contrat antérieur pour rompre de manière anticipée un CDD en cours ?

Cass. soc., 15 mars 2023, n° 21-17.227

Dans cette affaire, une salariée a été engagée en qualité d’assistante administrative, en janvier 2014 suivant trois contrats à durée déterminée (CDD) successifs et sans interruption. Le dernier contrat a été rompu de façon anticipée pour faute grave.

La salariée a saisi, la juridiction prud’homale afin que la rupture anticipée de son CDD soit déclarée illicite et aux fins d’obtenir des dommages et intérêts.

Les juges du fond ont fait droit à la demande de la salariée considérant que la rupture était injustifiée dans la mesure où :

  • les manquements reprochés à la salariée étaient antérieurs à son embauche au titre du dernier CDD ;
  • au cours de ce contrat, aucun manquement professionnel n’a été relevé à son encontre.

L’employeur s’est pourvu en cassation soutenant que pour justifier la rupture anticipée du dernier contrat, il lui était possible de se fonder sur des fautes graves commises au cours de l’exécution d’un des contrats précédemment conclus avec le salarié, «dès lors qu’il n’avait pas connaissance des faits fautifs au moment de la conclusion du dernier CDD et qu’il ne les a découverts qu’au cours de l’exécution de ce contrat». 

Cet argument ne convainc pas la Cour de cassation qui approuve la Cour d’appel d’avoir jugé la rupture injustifiée dès lors que les fautes reprochées à la salariée n’avaient pas de lien avec son contrat rompu.

Note : Il résulte de cet arrêt que pour qu’un CDD puisse faire l’objet d’une rupture anticipée, il faut que la faute fondant la rupture intervienne au cours de ce même contrat. Le moment ou l’employeur a eu connaissance des faits importe peu.

Rappel : L’employeur et le salarié peuvent convenir d’un commun accord des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
La rupture conventionnelle dans cette hypothèse, résulte d’une convention signée par les parties au contrat et est soumise aux dispositions destinées à garantir la liberté du consentement des parties (C. trav. Art. L. 1237-11).
En présence d’un vice du consentement, la rupture conventionnelle peut être déclarée nulle et produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc., 30 janvier 2013, n° 11-22.332).
La rupture conventionnelle conclue dans un contexte de harcèlement moral est-elle valable ? 

Cass. Soc. 1er mars 2023, n° 21-21.345 

Dans cette affaire, une salariée exerçant en dernier lieu les fonctions de responsable du service de recrutement et d’accompagnement des ressources humaines a conclu avec son employeur une convention de rupture du contrat de travail.

Estimant avoir été victime de harcèlement moral, elle a saisi la juridiction prud’homale afin que la rupture de son contrat soit requalifiée en licenciement nul.

Elle soutenait que la situation de harcèlement moral qu’elle vivait au moment de la rupture (propos déplacés réguliers, voire quotidiens, de nature discriminatoire, ayant entrainé des troubles psychologiques) constituait une violence morale caractérisant un vice du consentement.

Les juges du fond ont accueilli les demandes de la salariée considérant que la situation de harcèlement moral à la date de la signature, constituait en l’espèce un vice du consentement de nature à rendre nulle la convention de rupture.

En défense, l’employeur soutenait que :

  • la salariée avait sollicité la rupture de son contrat sans faire part d’une quelconque situation de harcèlement moral ;
  • les parties ont signé un protocole de rupture conventionnelle du contrat de travail par lequel la salariée assurait l’expression d’un consentement libre et éclairé.

La Cour de cassation va dans le même sens que la Cour d’appel. Elle approuve la Cour d’appel d’avoir retenu la nullité de la convention après avoir constaté qu’au moment de la rupture, la salariée subissait un harcèlement moral.

Note : Il s’agit d’une confirmation de jurisprudence (Cass. soc., 4 novembre 2021, n° 20-16.550). Néanmoins, la nullité de la convention de rupture pour harcèlement moral n’est pas automatique : le salarié doit prouver que cela cause un vice du consentement (Cass. soc., 23 janv. 2019, n°17-21.550), d’où l’importance de bien s’assurer du consentement libre et éclairé du salarié dans un contexte conflictuel. 

Jurisprudence – Relations collectives

Rappel : L’article L. 2254-2 du Code du travail dispose que : «Afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l’emploi, un accord de performance collective (APC) peut :
  • aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ;
  • aménager la rémunération au sens de l’article L. 3221-3 dans le respect des salaires minima hiérarchiques mentionnés au 1° du I de l’article L. 2253-1 ;
  • déterminer les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise».
À l’occasion d’une décision rendue le 6 février 2023, la Cour d’appel de Nancy se prononce sur plusieurs questions relatives à la conclusion d’un APC : 
  • Un APC peut-il être conclu avec les membres de la délégation du CSE dans une entreprise de moins de 50 salariés et dépourvue de délégués syndicaux ?
  • L’absence de consultation des salariés concernés entache-t-il la régularité d’un APC ?
  • Un APC peut-il avoir pour objet ou pour effet de supprimer des postes ?

CA Nancy, 6 février 2023, n° 21/03031

Une société qui employait 53 salariés sur deux sites (en Alsace et dans la Meuse), a fait l’objet d’un plan de redressement par apurement du passif en décembre 2018.

La société comptait par la suite moins de 50 salariés et n’avait plus de délégué syndical.

Un APC mobilité interne a été signé en juin 2020 entre la société et les membres de la délégation du CSE.

L’objectif de cet APC était de «regrouper les différents établissements en un site unique». Ainsi, les quatre salariés du site situé dans le département la Meuse devaient rejoindre le site Alsacien.

L’APC définissait le modalités d’accompagnement de la mobilité des salariés concernés, la mise à disposition pour les salariés concernés d’un logement de fonction dans la localité concernée, ainsi que la prise en charge des frais de déménagements.

Trois salariés sur les quatre concernés ont refusé de signer la proposition d’avenant à leurs contrats de travail actant leur mobilité géographique et ont fait l’objet d’un licenciement.

Dans ce contexte, les syndicats ainsi que des salariés ont assigné la société devant le Tribunal judiciaire, afin que l’APC soit déclaré nul.

La possibilité pour la société de conclure un APC avec les membres de la délégation du personnel au CSE

Les syndicats soutenaient que l’APC ne pouvait être conclu par les membres du CSE puisqu’il s’agissait d’une entreprise de moins de 50 salariés et dépourvu de délégués syndicaux.

Sur le fondement de l’article L. 2254-2 (qui prévoit la possibilité de conclure un APC sans précision sur la qualité des personnes habilitées à le conclure), et de l’article L. 2232-23-1 du Code du travail (qui fixe les règles générales s’agissant de la conclusion d’un accord dans les entreprises de 11 à 50 salariés), le Tribunal judiciaire a jugé qu’un APC peut être conclu avec des membres de la délégation du personnel au CSE.

La Cour d’appel confirme cette solution. Elle précise que «le Code du travail ne comprend aucune disposition excluant la conclusion de tels accords dans certaines entreprises, au regard notamment du seuil de leur effectif».

En d’autres termes, en l’absence de précisions par le Code du travail, un APC peut être conclu par les membres de la délégation du personnel au CSE dans les entreprises de moins de 50 salariés dépourvus de DS.

Le contexte de conclusion de l’accord

Les syndicats contestaient la validité de l’accord au motif :

  • d’une part, qu’il organise la fermeture d’un site, ce qui ne correspondrait pas au périmètre des APC ;
  • d’autre part, qu’il a abouti à une compression des effectifs, les salariés licenciés pour n’avoir pas accepté la modification de leur contrat de travail n’ayant pas été remplacés.

La Cour d’appel a répondu que si un APC peut organiser le transfert de la totalité des effectifs affectés à un site sur un autre site de l’entreprise et la fermeture du premier, il ne peut avoir pour objet ou pour effet de supprimer des postes.

Or, en l’espèce, l’employeur, qui seul dispose des éléments probatoires, ne justifie pas du remplacement par de nouveaux salariés de l’ensemble des salariés licenciés pour n’avoir pas accepté la modification de leur contrat de travail.

La Cour d’appel en déduit que l’employeur n’a pas procédé au remplacement de l’intégralité des salariés licenciés, ce qui entache la régularité de l’accord.

La régularité de la procédure de conclusion de l’accord

Pour rappel, la négociation entre l’employeur et les élus du CSE suppose notamment une «concertation avec les salariés» (article L. 2232-29 du Code du travail).

En l’espèce, le 3 juin 2020, la société avait adressé aux membres du CSE, un courrier remis en main propre, informant de son souhait de conclure avec eux un APC.

Le même jour, le représentant de la délégation du personnel était également convoqué à une réunion le 9 juin 2020. L’APC a été conclu le jour de la réunion.

Les syndicats reprochaient à l’entreprise de :

  • ne pas avoir consulté le CSE sur les raisons, la situation de l’entreprise et les enjeux de la conclusion de l’APC ;
  • de ne pas avoir suffisamment échangé avec eux ;
  • et de ne pas avoir informé et interrogé les salariés quant à leur position sur ce projet.

En première instance, le tribunal avait retenu qu’il revenait aux membres de la délégation du personnel d’informer et d’interroger les salariés et que le manquement ne pouvait donc être reproché à l’employeur.

La Cour d’appel n’est pas de cet avis. Elle retient qu’il appartenait à l’employeur :

  • soit de procéder lui-même à la consultation des salariés ;
  • soit de s’assurer que les salariés élus y procéderaient dans le cadre d’un accord de méthode, dans la mesure où cette concertation est fixée non dans l’intérêt des parties à l’accord, mais au profit des salariés concernés par son application.

Elle conclut que « l’absence de la phase indispensable de concertation avec les salariés entache la régularité des conditions dans laquelle l’accord de performance collective a été conclu ».

Note : Cette décision, qui est l’une des premières concernant le régime des APC, reprend certaines positions du Questions/Réponses du Ministère sur l’APC publié en juillet 2020.

S’agissant des conditions de validité des APC, le ministère avait déjà précisé qu’ «en l’absence de délégué syndical, les modalités de négociation dans les entreprises dépourvues de délégué syndical ou de conseil d’entreprise s’appliquent (art. L. 2232-21 à L. 2232-29-2 du Code du travail)» (QR. 9). Cette solution est confirmée par la Cour d’appel.

S’agissant des motifs de recours à l’APC, le Ministère avait précisé que «l’accord de performance collective ne peut pas être utilisé pour la fermeture définitive d’un site ou d’un établissement, lorsque cette fermeture entraîne un déménagement de l’intégralité des postes et fonctions du site ou de l’établissement et que les conditions de reclassement proposées aux salariés par l’employeur dans le cadre de l’accord présentent des caractéristiques telles qu’un refus de la très grande majorité des salariés concernés peut être anticipé avec un degré de certitude élevé (ex : déménagement d’un site à plusieurs centaines de kilomètres entraînant une nécessaire mobilité géographique des salariés)» (QR. 2). Or, tel semblait être le cas dans cette affaire, puisqu’il s’agissait de regrouper deux sites en un, avec pour conséquence le déménagement de tous les salariés. En l’occurrence, la Cour d’appel ne reprend pas la position du Ministère s’agissant d’une mobilité de salariés d’un site vers un autre, mais retient l’absence de remplacement des salariés licenciés pour annuler l’APC en considérant qu’il conduit à une compression d’effectif.

Législation et réglementation

La rubrique du Bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS) consacrée aux avantages en nature a été mise à jour le 16 mars 2023.

Précisions sur les conséquences en cas de non-respect des plafonds d’exonérations des titres-restaurant

En principe pour être exonérée des cotisations sociales, la contribution patronale au financement des titres-restaurant doit :

  • être comprise entre 50 et 60 % de la valeur du titre;
  • ne pas dépasser 6,50 € maximum par titre restaurant (depuis le 1er janvier 2023).

L’article L. 133-4-3 du Code de la sécurité sociale précise qu’en cas de mauvaise application d’une mesure d’exonération des cotisations ou contributions, le redressement ne porte que sur la fraction des cotisations et contributions indûment exonérées ou réduites, sauf mauvaise foi ou agissements répétés du cotisant.

Ainsi, lorsque la contribution patronale est comprise entre 50 % et 60 %, mais est supérieure à la limite d’exonération (6,50 €), la réintégration dans l’assiette des cotisations et contributions sociales ne porte que sur la fraction excédant cette dernière limite, sauf mauvaise foi.

Dans sa mise à jour du 16 mars 2023, le BOSS se prononce sur l’hypothèse dans laquelle la participation patronale n’atteint pas les 50% du titre.

L’administration précise qu’ : «en cas de non-respect du seuil de 50 % de la valeur du titre restaurant, la totalité de la participation patronale est réintégrée dans l’assiette des contributions et cotisations sociales» (BOSS, Avantages en nature, § 130).

Ainsi, il convient désormais de distinguer deux hypothèses :

  • lorsque la participation de l’employeur aux titres restaurant est supérieure à 60 % ou est comprise entre 50% et 60 % et dépasse 6,50€ : seule la fraction dépassant les limites est réintégrée dans l’assiette des cotisations sociales;
  • lorsque la participation patronale est inférieure à 50 % : la totalité de la participation est réintégrée dans l’assiette des cotisations sociales.

Précisions sur les avantages véhicules électriques

Pour mémoire, un arrêté du 26 décembre 2022 a prolongé le régime social s’appliquant aux avantages véhicules électriques jusqu’au 31 décembre 2024 et a apporté des précisions concernant la mise à disposition par l’employeur d’une borne de recharge électrique (Voir actu tendance n°663).

Dans sa mise à jour du 16 mars, le BOSS intègre le contenu de l’arrêté et donne des exemples concernant l’évaluation de l’avantage en nature résultant de la mise à disposition d’un véhicule électrique et d’une borne de recharge (BOSS, Avantages en nature, § 810 et suivants).

Le projet de loi portant réforme des retraites est définitivement adopté, après le rejet des motions de censure déposées par les députés, à la suite de l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution par le gouvernement.

Nous faisons le bilan sur le contenu du texte définitivement adopté dans l’attente de la décision du Conseil constitutionnel, saisi le 21 mars 2023..

Le report de l’âge de départ à la retraite

L’âge légal de départ à la retraite, actuellement fixé à 62 ans, sera progressivement relevé à 64 ans à compter du 1er septembre 2023, à raison de trois mois de plus par année de naissance pour la génération née à compter du 1er septembre 1961, pour atteindre 64 ans en 2030 (article 10 du texte définitif).

L’âge du taux plein restera fixé à 67 ans, de même que la durée de cotisation pour le taux plein qui est de 43 annuités (172 trimestres). Néanmoins, une accélération du calendrier d’augmentation de la durée d’assurance requise est prévue : les 172 trimestres seront requis dès 2027 (2035 auparavant).

L’accélération va concerner les personnes nées à compter du 1er septembre 1961 à raison d’un trimestre supplémentaire par an.

Les cas de départs anticipés

  • Handicap

Actuellement les travailleurs handicapés peuvent partir à la retraite à condition de remplir 3 conditions cumulatives : une durée totale d’assurance ; un nombre de trimestres cotisés et une situation de handicap avec taux d’incapacité permanente d’au moins 50 % ou handicap équivalent pendant ces périodes.

La réforme maintient l’âge de départ à la retraite anticipée des travailleurs handicapés à 55 ans, et en assouplit les conditions : seule la condition de trimestres cotisés sera exigée. Un décret à paraître précisera les modalités de ce dispositif.

  • Pénibilité

De nombreuses mesures sont prévues en vue de rendre le dispositif de départ à la retraite pour pénibilité plus accessible, notamment à travers l’utilisation du compte professionnel de prévention (C2P) (article 17) :

  • baisse des seuils d’exposition ;
  • Suppression du plafond du C2P ;
  • acquisition plus rapide de points pour les salariés polyexposés ;
  • possibilité d’utiliser le compte professionnel de prévention (C2P) pour financer un congé de reconversion ;
  • revalorisation de la valeur du point acquis sur le C2P.

L’entrée en vigueur de la plupart de ces mesures nécessite la publication d’un décret d’application.

  • Incapacité

Actuellement, il est possible de partir à la retraite dès 60 ans à la condition d’être atteint d’une incapacité permanente professionnelle (IPP) consécutive à un AT/MP aux conditions suivantes :

  • IPP d’au moins 20% et lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle ;
  • IPP au moins égale à 10% et inférieure à 20%, à condition de justifier d’une exposition à des facteurs de risques pendant 17 années et d’établir que l’incapacité est directement liée à l’exposition à ces facteurs de risques (sous réserve de l’avis favorable d’une commission pluridisciplinaire) ;
  • IPP au moins égal à 10% et inférieure à 20%, lorsque l’IPP est reconnue au titre d’une MP consécutive à un ou plusieurs des 4 facteurs suivants : manutentions manuelles de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques, agents chimiques dangereux.

La loi prévoit la suppression de la condition d’identité de lésions avec celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle pour les incapacités consécutives à un AT et la réduction de la durée d’exposition à 5 années.

  • Carrière longue

Actuellement, le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue permet aux assurés de partir à la retraite :

  • dès 60 ans pour ceux ayant commencé à travailler avant 20 ans ;
  • dès 58 ans pour ceux ayant commencé à travailler avant 16 ans (article L. 351-1-1 du Code de la sécurité sociale).

La loi organise les possibilités de départ pour carrière longue selon 4 possibilités :

  • dès 58 ans pour ceux ayant commencé à travailler avant 16 ans ;
  • dès 60 ans pour ceux ayant commencé à travailler avant 18 ans ;
  • dès 62 ans pour ceux ayant commencé à travailler avant 20 ans ;
  • dès 63 ans pour ceux ayant commencé à travailler avant 21 ans.

Il faudra avoir validé 4 ou 5 trimestres avant la fin de l’année civile des 16, 18, 20 ou 21 ans.

Des décrets sont prévus pour préciser les modalités d’application de ce dispositif.

Les mesures en faveur de l’emploi des seniors

Un nouvel article L. 5121-7 sera introduit dans le Code du travail dans les termes suivants : « Dans les entreprises d’au moins trois cents salariés, l’employeur publie chaque année des indicateurs relatifs à l’emploi des seniors, en distinguant leur sexe, ainsi qu’aux actions mises en œuvre pour favoriser leur emploi au sein de l’entreprise ».

Les employeurs auront ainsi une obligation de mise en place et de publication d’un index des seniors :

  • à compter du 1ernovembre 2023 pour les entreprises d’au moins 1 000 salariés ;
  • et à compter du 1erjuillet 2024 pour les entreprises d’au moins 300 salariés.

La liste des indicateurs et leur méthode de calcul seront fixées par décret (article 2).

Le non-respect de cette obligation sera sanctionné par une pénalité financière pouvant aller jusqu’à 1% des rémunérations soumises à cotisations de sécurité sociale versées aux salariés au cours de l’année civile précédant celle au cours de laquelle l’employeur n’a pas respecté son obligation.

Suivant le même calendrier, les entreprises de  plus de 300 salariés seront tenus de négocier sur l’emploi des seniors dans le cadre de la négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP).

Par ailleurs, à compter du 1er juillet 2024 (et dès le 1er novembre 2023 pour les entreprises de plus de 1 000 salariés), toutes les entreprises quelle que soit leur taille auront une obligation de poursuivre « un objectif d’amélioration de l’embauche et du maintien en activité des seniors » (nouvel article L. 5121-6 du Code du travail).

Le CDI de fin de carrière

Les partenaires sociaux devront engager une négociation en vue d’un éventuel accord national interprofessionnel (ANI) pour définir des mesures en faveur de l’emploi des seniors demandeurs d’emploi de longue durée, sur la base d’un document d’orientation transmis par le Ministre chargé du travail.

À défaut d’ANI conclu avant le 31 août 2023, le CDI de fin de carrière sera mis en place à titre expérimental du 1er septembre 2023 jusqu’au 1er septembre 2026 (article 3).

Il concernera les « demandeurs d’emploi de longue durée âgé d’au moins soixante ans, inscrits sur la liste des demandeurs d’emploi auprès de Pôle emploi et tenu d’accomplir à ce titre des actes positifs et répétés de recherche d’emploi ».

Les rémunérations versées au salarié durant les 12 premiers mois seront exonérées de charges familiales.
Une convention ou un accord de branche étendu pourra définir :

  • les activités concernées et les mesures d’information du salarié sur la nature de son contrat ;
  • les modalités selon lesquelles l’employeur pourra procéder à la mise à la retraite du salarié qui remplit les conditions pour bénéficier d’une pension de retraite à taux plein (par dérogation aux articles L. 1237-5 et L. 1235-5-1) ;
  • ainsi que les contreparties en termes de rémunération et d’indemnité de mise à la retraite accordées au salarié.

Les indemnités de rupture conventionnelle

Actuellement, le régime social applicable aux indemnités de rupture conventionnelle individuelle est plus favorable dès lors que le salarié ne remplit pas les conditions pour faire valoir ses droits à la retraite : exonérations d’impôt sur le revenu, de cotisations sociales, de CSG/CRDS sous plafonds.

À compter du 1er septembre 2023, les indemnités de rupture conventionnelle seront soumises à un régime harmonisées et donc exonérées de cotisations et contributions sociales sous les mêmes plafonds, peu importe que le salarié ait atteint l’âge de la retraite ou non.

Dans ce cadre, le forfait social sur les indemnités de rupture conventionnelle sera supprimé et remplacé par une contribution patronale de 30% (article 4).

Cette contribution de 30% s’appliquera également aux indemnités versées en cas de mise à la retraite et remplacera la contribution patronale actuellement fixée à 50%.

La prévention de l’usure professionnelle

Le texte crée un fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (FIPU) pour les métiers comportant des risques professionnels ergonomiques.

Le fonds aura pour mission de participer au financement par les employeurs d’actions de sensibilisation et de prévention, d’actions de formation et d’actions de reconversion, à destination des salariés particulièrement exposés aux facteurs de risques ergonomiques.

Une visite médicale de fin de carrière pour les salariés les plus exposés aux risques d’usure professionnelle sera obligatoire entre 60 et 61 ans pour permettre un départ anticipé à tous ceux qui ne seraient pas en mesure de continuer à travailler et qui sont reconnus inaptes au travail (article 17).

Les salariés exposés à ces facteurs de risque bénéficieront également d’un dispositif spécifique de reconversion professionnelle.

Le cumul emploi retraite

Le cumul emploi-retraite sera créateur de droits à la retraite. Le salarié pourra ainsi continuer à acquérir des droits et améliorer ainsi sa pension de retraite.

Une exception est prévue pour le salarié qui reprend son activité chez le dernier employeur dans les six mois suivant la liquidation de sa retraite : il n’aura pas de nouveaux droits.

La retraite progressive

L’âge d’accès à la retraite progressive sera fixé à 2 ans avant l’âge légal (soit à 62 ans en principe). Les régimes spéciaux auront aussi accès au dispositif de retraite progressive.

Lorsqu’un salarié ayant atteint l’âge, demande à bénéficier de la retraite, l’employeur dispose d’un délai de deux mois pour répondre. A défaut, Le silence de l’employeur vaudra acceptation.

Le refus de l’employeur ne pourra se justifier que par « l’incompatibilité de la durée de travail demandée par le salarié avec l’activité économique de l’entreprise » (article 26).

La revalorisation de la pension minimale

La loi prévoit une augmentation de la pension de retraite minimale (article 18). La pension de retraite pour une carrière complètement cotisée au SMIC ne pourra être inférieure à 85 % du SMIC net.

Ce minimum s’appliquera aux pensions liquidées à compter du 1er septembre 2023.

Pour les assurés qui ne justifieront pas d’une carrière complète, ils bénéficieront d’une revalorisation en fonction de leur durée d’assurance.

En outre, le montant de la pension minimale sera revalorisé au 1er janvier de chaque année, à raison d’un taux au moins égal à l’évolution du SMIC depuis le 1er janvier de l’année précédente (article 18).

S’agissant des personnes déjà à la retraite au moment de l’entrée en vigueur de la réforme, ils bénéficieront d’une majoration de leur pension dont le montant sera fixé par décret.

La fermeture des régimes spéciaux

La réforme actera l’extinction des principaux régimes spéciaux de retraite (RATP, industries électriques et gazières, banque de France, EDF etc.) pour les nouveaux entrants.

En conséquence, les salariés recrutés à compter du 1er septembre 2023 seront affiliés au régime général de sécurité sociale.

Le régime spécial subsiste pour les salariés recrutés avant cette date (article 1).

L’abandon du transfert du recouvrement des cotisations de retraite complémentaire aux Urssaf

L’article 18 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2020 avait prévu le transfert du recouvrement des cotisations de retraite complémentaire du secteur privé aux URSSAF au 1er janvier 2022. Le transfert a ensuite été reportée au 1er janvier 2023, puis au 1er janvier 2024 par l’article 7 de la LFSS pour 2023.

Le texte adopté abroge définitivement l’article de la LFSS qui prévoit le transfert (Article 6).