Procédure d’appel : précision sur le dispositif des conclusions d’appel Procédure d’appel : précision sur le dispositif des conclusions d’appel
Par arrêt rendu le 3 mars 2022, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation a précisé que, si le dispositif des conclusions de l’appelant doit contenir une demande d’infirmation du jugement, il n’est pas exigé que les chefs de dispositif du jugement critiqués y soient expressément mentionnés (cass. Soc., 3 mars 2022, 20-20.017).
Historique des étapes jurisprudentielles relatives à la rédaction du dispositif des conclusions d’appel
Le décret n°2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile a modifié la procédure d’appel en profondeur.
Il a notamment modifié les dispositions des articles 542 et 954 du code de procédure civile, qui prévoient respectivement que :
« L’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel. »
« Les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.
Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion (…)
La partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance (…) »
Ces nouvelles dispositions ont donné lieu à d’abondantes questions pratiques, notamment sur la rédaction du dispositif des conclusions d’appel.
C’est ainsi que, par un arrêt du 17 septembre 2020, la Cour de cassation a, au visa des articles 542 et 954 du code de procédure civile, imposé que le dispositif des conclusions d’appel contienne une demande d’infirmation ou d’annulation du jugement, à défaut de quoi le jugement est confirmé, précision faite que cette règle ne concerne que les déclarations d’appel effectuées postérieurement à la date de l’arrêt (2ème civ, 17 septembre 2020, 18-23.626).
Par arrêts rendus postérieurement, la Cour de cassation a précisé que cette solution s’applique aux appels incidents (2ème civ., 1er juillet 2021, 20-10.694) et que la caducité de la déclaration d’appel peut également être encourue (2ème civ., 4 novembre 2021, 20-15.757).
Une nouvelle précision est donnée par la Cour de cassation dans l’arrêt du 3 mars 2022.
Rappel des faits et de la procédure
Par déclaration d’appel du 22 mars 2018, une partie condamnée en première instance par le tribunal de commerce de Pointoise interjette appel.
Par d’uniques conclusions signifiées le 16 juin 2018, elle demande à la Cour de :
- « La recevoir en son appel et l’y déclarer bien fondée,
En conséquence,
- Infirmer la décision dont appel sur les chefs du dispositif critiqués,
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
- Débouter la société BECI BTP de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Subsidiairement,
- Condamner la société BECI BTP à lui payer une somme de 33 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- Ordonner la compensation judiciaire des sommes respectivement dues par les parties,
En tout état de cause,
- Condamner la société BECI BTP à lui payer la somme de 40 205,78 euros en remboursement des sommes réglées sous couvert de l’exécution provisoire dont était assortie la décision dont appel,
- Condamner la société BECI BTP à lui payer une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- La condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel, lesquels pourront être recouvrés directement en application de l’article 699 du code de procédure civile. »
La Cour d’appel de Versailles, après avoir rappelé les dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, relève que le dispositif des conclusions de l’appelant n’identifie pas précisément les dispositions du jugement dont il est demandé l’infirmation, de sorte que la Cour n’est pas régulièrement saisie.
Elle conclut à la confirmation du jugement de première instance en toutes ses dispositions (CA Versailles 18 mai 2020, 18/02006).
La problématique de la rédaction du dispositif, et plus précisément de l’obligation de rappeler les chefs de dispositif critiqués dont l’appelant demande l’infirmation, est posée à la Cour de cassation, qui a répondu par arrêt du 3 mars 2022.
La décision
Après avoir rappelé les dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, la Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu par la Cour d’appel.
Elle relève que la partie appelante ne se borne pas, dans le dispositif de ses conclusions, à demander à la Cour de réformer la décision entreprise, mais formule plusieurs prétentions.
Elle ajoute, pour la première fois, que la partie appelante n’est pas tenue de reprendre les chefs de dispositif du jugement dont elle demande l’infirmation dans son dispositif.
Cette solution se situe dans la droite ligne des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile et également dans celle de l’arrêt rendu le 17 septembre 2020 qui ne font pas référence aux chefs de jugement critiqués mais aux prétentions.
La Cour de cassation confirme donc sa jurisprudence relative à l’obligation de solliciter aux termes du dispositif des conclusions d’appel l’infirmation du jugement, en précisant que les chefs de jugement critiqués peuvent y figurer sans obligation.
Sophie Rey
Sophie REY est avocat depuis 2007 et exerce au sein du cabinet Actance depuis 2008.
Elle est titulaire d’un master II en droit social et management de l’entreprise de L’Université de Toulouse I et du Certificat de spécialisation en droit du travail.
Elle exerce une activité principalement judiciaire et accompagne nos clients dans la gestion des contentieux individuels et collectifs.
Elle plaide régulièrement devant les Conseils des Prud’hommes, et Cours d’Appel (problématiques de licenciement, de discrimination, d’égalité de traitement…) mais également devant les Tribunaux Judiciaires (contentieux collectifs, contestation d’expertise, contentieux d’élections professionnelles, contestation du caractère professionnel de la maladie, contentieux de la faute inexcusable…).