Adoption par le Parlement du projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire

Au terme de trois jours de débats, les députés ont adopté en première lecture, le 6 janvier à 5h25 du matin, le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire. Le texte a obtenu 214 voix pour, 93 contre et 27 abstentions. Le 12 janvier le texte a été adopté par le Sénat par 249 voix pour et 63 voix contre. Après échec de la commission mixte paritaire, l’Assemblée Nationale puis le Sénat ont de nouveau adopté le texte les 14 et 15 janvier. Le 16 janvier, l’Assemblée Nationale a définitivement adopté le projet de loi après que le Gouvernement a engagé la procédure accélérée.
Pierre-Edouard Verdier et Aymeric de Lamarzelle reviennent sur ce projet de loi prévoyant la mise en place d’un pass vaccinal et ses potentielles conséquences sur la gestion des ressources humaines des entreprises.

Ce que prévoit le projet de loi dans l’attente d’une éventuelle décision du Conseil constitutionnel

Le pass sanitaire, instauré par la Loi n°2021-689 du 31 mai 2021, étendu par la Loi n°2021-1040 du 5 août 2021 et prolongé jusqu’au 31 juillet 2022 par la Loi n°2021-1465 du 10 novembre 2021, est remplacé par un pass vaccinal ce qui conduirait à la mise en place des mesures suivantes si celles-ci sont validées par le Conseil constitutionnel en cas de contestation:

  • Le pass vaccinal sera obligatoire, pour les personnes âgées d’au moins 12 ans (au dernier état du texte cet âge a finalement été fixé à 16 ans, les mineurs de 12 à moins de 16 ans resteront quant à eux soumis à l’obligation de présenter l’actuel pass sanitaire), pour l’accès aux bars et restaurants, aux activités de loisirs (cinémas, musées, théâtres, enceintes sportives, salles de sport et de spectacle…), aux foires et salons professionnels, aux grands centres commerciaux sur décision des préfets et aux transports interrégionaux (avions, trains, bus sauf pour motif impérieux d’ordre familial ou de santé).

  • Les professionnels travaillant dans ces lieux et services sont aussi concernés et auront donc l’obligation de se faire vacciner pour exercer leur activité.

Dans certains cas toutefois, un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination pourra être présenté à la place du certificat de vaccination. Le décret mettant en œuvre le pass vaccinal précisera ces dérogations. Ce décret pourra exiger également, quand « l’intérêt de la santé publique » l’exige, un double pass cumulant un certificat de vaccination avec un test négatif pour certains lieux. Il devrait prévoir, par ailleurs, la possibilité pour les professionnels de disposer d’un pass vaccinal transitoire s’ils démontrent qu’ils se sont engagés dans un parcours vaccinal.

  • Néanmoins,le pass sanitaire est maintenu pour l’accès aux hôpitaux, aux cliniques, aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et aux maisons de retraite. Les accompagnants, les visiteurs et les malades accueillis pour des soins programmés pourront continuer à présenter un justificatif de vaccination ou le résultat d’un test négatif ou un certificat de rétablissement.

  • En première lecture, par voie d’amendements, les députés ou le gouvernement ont apporté les modifications suivantes sur le champ d’application du pass vaccinal :
    • s’agissant des enfants entre 12 et 15 ans inclus, les sorties scolaires ainsi que les activités périscolaires ou extrascolairessportives ou culturelles qui seront définies par décret seront soumis au seul pass sanitaire ;
    • les organisateurs de meetings politiques pourront demander un « simple » pass sanitaire aux participants ;
    • pour certains territoires en particulier d’outre-mer où le taux de vaccination est faible, les préfets (habilités par le Premier ministre) pourront reporter l’entrée en vigueur du pass vaccinal « lorsque les circonstances locales l’exigent« .
  • S’agissant du contrôle du passun amendement du gouvernement encadre la possibilité pour les exploitants d’établissements recevant du public (cafés, restaurants, cinémas …) d’exiger un document officiel d’identité de leurs clients

Ces derniers pourront procéder à une vérification de la concordance entre les éléments d’identité mentionnés sur le pass vaccinal présenté par leurs clients et ceux mentionnés sur leur document officiel d’identité, en cas de « raisons sérieuses de penser que le document présenté n’est pas authentique ou ne se rattache pas à la personne qui le présente » .

Ce point avait été supprimé par le Sénat pour finalement être voté par l’Assemblée Nationale.

  • En matière de sanctions, legouvernement a introduit un système de repentir pour les personnes qui ne présentent pas de pass ou présentent un faux pass ou un pass appartenant à quelqu’un d’autre. Aucune peine ne leur sera appliquée si dans les 30 jours qui suivent l’infraction, elles se font vacciner. Ce dispositif s’appliquera aussi aux personnes verbalisées ou poursuivies avant janvier 2022.

  • Le Sénat avait voté la disparition automatique du pass vaccinal lorsque le nombre de patients hospitalisés pour cause de Covid-19 passait sous la barre des 10 000 au plan national.

Ce point n’a toutefois pas été conservé.

Il est par ailleurs prévu un dispositif d’amende administrative pour les entreprises les plus récalcitrantes à prendre des mesures pour protéger leurs salariés contre les risques d’exposition au Covid-19 (télétravail…). Les employeurs qui n’appliquent pas ces mesures, malgré une mise en demeure de l’inspection du travail, risqueront une amende administrative de 1 000 euros (500 euros au dernier état du texte) maximum par salarié concerné, plafonné à 50 000 euros, à la place de poursuites pénales.

Les conséquences probables en termes de gestion des ressources humaines

L’entrée en vigueur de cette loi ne sera pas sans impact en termes de gestion des ressources humaines. Nous identifions notamment les problématiques suivantes qui ne manqueront pas d’être rencontrées par les services de ressources humaines dans les prochaines semaines :

  • Tout d’abord, l’absence de prolongation ou la prolongation très résiduelle, à date, des aides aux entreprises qui ne manqueront pas d’être impactées par cette « forme déguisée d’obligation vaccinale» selon les termes du Ministre de la Santé

En effet, s’agissant des aides en faveur des entreprises :

    • Les aides au paiement des cotisations et contributions sociales ont été supprimées depuis le 1er septembre 2021 ;
    • Le fonds de solidarité n’a été prévu que jusqu’au mois d’octobre 2021, les demandes devant être déposées avant le 31 janvier 2022 (décret n°2021-1581 du 7 décembre 2021) ;
    • Le dispositif de prise en charge des coûts fixes des entreprises est pour le moment étendu jusqu’au mois d’octobre 2021 uniquement ;
    • Notons néanmoins que le prêt garanti par l’Etat a été prolongé du 1er janvier 2022 au 30 juin 2022 suite à la décision de la Commission européenne du 18 novembre 2021.
  • Ensuite, la mise en œuvre du pass vaccinal en lieu et place du pass sanitaire revient, aux dires du Ministre de la santé à prévoir une « obligation vaccinale » pour tous les salariés dont l’activité professionnelle impose à ce jour au quotidien de justifier d’un pass sanitaire.

Ces salariés seraient donc tenus pour travailler de se faire vacciner. A défaut de quoi, au même titre que pour le personnel des établissements de soins depuis septembre dernier, l’employeur serait en mesure de procéder à la suspension de leur contrat de travail dans un premier temps puis d’envisager, si la situation perdure, la rupture de leur contrat de travail pour faute. Si ce projet de loi devait être confirmé par le Sénat et entrer en vigueur, il est probable (et souhaitable) que des décrets d’application viennent encadrer de tels procédures. 

  • Enfin, la mise en œuvre du pass vaccinal pour l’utilisation des transports « longue distance» ou pour certaines activités professionnelles (activité professionnelle dans des lieux imposant le pass vaccinal) aura nécessairement un impact sur les salariés non vaccinés qui seront, pour certains, dans l’incapacité de réaliser tout ou partie de leurs fonctions actuelles.

Rappelons à ce titre qu’en l’état actuel, devant l’obligation de présenter un « simple » pass sanitaire, les entreprises ont en pratique la possibilité, pour leurs salariés amenés à utiliser justifier d’un tel pass dans le cadre de leurs missions :

    • Soit d’adapter les postes des salariés concernés afin qu’ils ne soient pas tenus de présenter un pass sanitaire dans le cadre de leurs activités professionnelles ;
    • Soit de les mettre en demeure d’effectuer un test antigénique ou PCR ;
    • A défaut seulement, d’envisager une suspension du contrat de travail, voire une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute.

Dès lors qu’un pass vaccinal sera désormais exigé en lieu et place du pass sanitaire, il faut s’attendre à ce que ces situations se multiplient et se complexifient dans leur gestion, les salariés ne disposant plus de la possibilité de justifier d’un test antigénique ou PCR et les entreprises n’ayant pas la possibilité d’imposer la vaccination à leurs collaborateurs non soumis à une obligation vaccinale stricto sensu.

Il est ainsi probable que les employeurs soient tenus d’envisager l’aménagement des postes de travail des salariés concernés et, dans l’impossibilité de le faire, d’apprécier au cas par cas l’éventualité d’une suspension du contrat de travail voir à terme d’une rupture.

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Le Gouvernement espère une mise en œuvre du pass vaccinal autour du 20 janvier. Une décision du Conseil constitutionnel est cependant attendue, puisque celui-ci devrait a priori être saisi par 60 députés de la France insoumise et du Parti socialiste. La saisine devrait porter sur la mise en place du pass pour les mineurs, la possibilité d’exiger un pass sanitaire aux participants de meetings politiques ou encore la vérification de l’identité des détenteurs du pass.

Aymeric de Lamarzelle
Avocat associé | +33 (0)144 94 96 00 | societe@actanceavocats.com | + posts

Aymeric de Lamarzelle a intégré le Cabinet Actance en 2009 à l’issue de sa formation à l’école des avocats.
Il est titulaire d’un Master II : Droit des ressources humaines et protection sociale de l’entreprise de l’Université de Versailles Saint Quentin en Yvelines.
Il exerce une activité principalement judiciaire et accompagne nos clients dans la gestion des contentieux de droit du travail (individuel et collectif) mais aussi sur les problématiques du droit de la Sécurité sociale (contestation de la reconnaissance des accidents du travail et maladies professionnelles, faute inexcusable, etc.).
Il plaide donc régulièrement devant les Conseils des Prud’hommes et Cours d’Appel (problématiques de licenciement, de discrimination, d’égalité de traitement,…) mais également devant les Tribunaux de Grande Instance (contentieux collectifs, contestation d’expertise …), Tribunaux d’instance (contentieux d’élections professionnelles) et Tribunaux des affaires de sécurité sociale (contestation du caractère professionnel de la maladie, contentieux de la faute inexcusable…).

Pierre-Edouard Verdier
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