Actu-tendance n° 658
Jurisprudence – Relations individuelles
Rappel : Le contrat de travail à durée déterminée (CDD) est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. À défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée (art. L. 1242-12 du Code du travail).
Il comporte notamment le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée lorsqu’il est conclu au titre des 1°, 4° et 5° de l’article L. 1242-2.
Aux termes de l’article L. 1471-1 alinéa 1 du Code du travail, « Toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. […] »
Quel est le point de départ de la prescription de l’action en requalification en CDI d’un CDD de remplacement fondée sur l’absence du nom et de la qualification professionnelle du salarié remplacé dans le contrat ?
Cass. soc., 23 novembre 2022, n°21-13.059
Un salarié est embauché en contrat de travail à durée déterminée (CDD) le 16 décembre 2013 pour remplacer un salarié absent pour cause de maladie. Son CDD est ensuite prolongé par un avenant en date du 14 mars 2014. Il prend fin le 22 décembre 2015 car le salarié remplacé est licencié pour inaptitude.
Le 2 juin 2016, le salarié saisit la juridiction prud’homale d’une demande en requalification de son CDD en CDI au motif que son contrat ne mentionnait ni le nom, ni la qualification professionnelle du salarié remplacé.
La Cour d’appel donne raison au salarié et requalifie le CDD en CDI. Selon elle, l’absence de mention du nom et de la qualification professionnelle du salaire remplacé ne lui permettait pas de vérifier si le contrat ne reposait pas sur un autre motif. Ainsi, le délai de prescription ne pouvait courir qu’à compter du terme du dernier contrat car le salarié n’était pas en mesure d’apprécier ses droits à la date de conclusion du contrat. En conséquence, la Cour d’appel en a conclu que l’action en requalification n’était pas prescrite étant donné que moins de deux ans s’étaient écoulés entre le terme du contrat et la saisine de la juridiction.
La Cour de cassation censure la position prise par la Cour d’appel. Elle retient l’application de l’article L. 1471-1 du Code du travail et en déduit que le délai de prescription d’une action en requalification d’un CDD en CDI, portant sur l’absence du nom et de la qualification professionnelle du salarié remplacé, court à compter de la conclusion de ce contrat de remplacement.
Ainsi, une action en demande de requalification d’un CDD fondée sur une absence de mentions introduite plus de deux ans à compter de la date de conclusion du contrat est prescrite.
Note : La Cour de cassation réaffirme le principe posé en 2018 selon lequel l’article L. 1471-1 du Code du travail s’applique à toutes les mentions devant figurer au sein du CDD sans exception.
Rappel : L’employeur et le salarié ne peuvent renoncer par avance au droit de se prévaloir des règles prévues par le présent titre [rupture du CDI] (art. L. 1231-4 du Code du travail).
En application de l’article L. 1233-4 du Code du travail, le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Dans quelle mesure l’employeur peut-il se fonder sur le souhait de départ rapide du salarié pour s’exonérer de son obligation de paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et de son obligation de reclassement attachée à la procédure de licenciement pour motif économique ?
Cass. soc., 7 décembre 2022, n°21-16.000
Le 15 avril 2016, une salariée occupant un poste d’assistante de direction est informée de la suppression de son emploi et de l’absence de possibilité de reclassement. La société lui propose toutefois un accompagnement à la recherche d’emploi. La salariée refuse cette proposition par écrit car elle a une proposition d’embauche. Elle souhaite donc être licenciée rapidement. En conséquence, elle demande à être dispensée de préavis.
L’employeur notifie le licenciement à la salariée le 27 mai 2016 en la dispensant de préavis.
La salariée saisit le Conseil de prud’hommes en contestation de son licenciement.
La société met en évidence le fait qu’un salarié demandant à être dispensé de préavis n’a pas à recevoir, de la part de son employeur, une indemnité compensatrice de préavis.
La Cour d’appel ainsi que la Cour de cassation n’approuvent pas cette position. Elles considèrent que l’article L. 1231-4 du Code du travail est applicable à cette situation et, qu’en conséquence, la salariée comme l’employeur ne peuvent renoncer au droit de se prévaloir des règles du licenciement de manière anticipée.
En l’espèce, la salariée avait renoncé au droit à l’exécution de son préavis avant la notification de son licenciement. Ainsi, cette renonciation n’est pas valable. L’employeur est donc condamné à verser à la salariée une indemnité compensatrice de préavis.
De plus, la Cour de cassation juge, qu’en application de l’article L. 1233-4 du Code du travail, l’employeur « ne peut limiter ses recherches de reclassement et ses offres en fonction de la volonté du salarié exprimée par avance, en dehors de toute proposition concrète ». Ainsi, « cette circonstance ne pouvait dispenser l’employeur de ses obligations légales en matière de licenciement pour motif économique ». L’employeur qui n’a pas proposé à la salariée les postes disponibles présents dans le plan de mobilité professionnelle n’a pas « satisfait de façon sérieuse et loyale à son obligation de reclassement préalable au licenciement ».
Note : La Cour de cassation confirme sa jurisprudence portant sur l’impossibilité, pour l’employeur, de tenir compte de la volonté exprimée par un salarié au cours de la procédure de licenciement pour s’exonérer de son obligation de reclassement.
Dans le cas d’espèce, cette solution semble sévère eu égard à la volonté expresse exprimée par la salariée de quitter l’entreprise pour occuper un autre emploi.
Jurisprudence – Relations collectives
Rappel : Le comité social et économique peut faire appel à un expert rémunéré par l’employeur lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement (art. L. 2315-94 du Code du travail).
À compter de sa désignation, l’expert dispose de 10 jours pour notifier à l’employeur le coût prévisionnel, l’étendue et la durée prévisionnelle de l’expertise (art. L. 2315-81-1 et R. 2315-46 du Code du travail).
L’employeur peut contester le coût prévisionnel, l’étendue ou la durée de l’expertise en saisissant le tribunal judiciaire dans un délai de 10 jours suivant la notification (art. L. 2315-86 et R. 2315-49 du Code du travail).
En présence de deux notifications du coût prévisionnel, de l’étendue ou de la durée de l’expertise, quel est le point de départ du délai de contestation ouvert à l’employeur ?
Cass. Soc., 7 décembre 2022, n° 21-16.996
En l’espèce, en janvier 2021, le CSE d’une société a voté le recours à une expertise pour risque grave.
Après avoir communiqué à la société le 17 janvier 2021 une lettre de mission fixant un coût prévisionnel de 71 000 € TTC pour une intervention de 39,5 jours, l’expert désigné a adressé à la société le 26 janvier 2021 un cahier des charges modifié, fixant le coût de l’expertise à 63 180 € TTC pour une intervention de 39 jours.
Le 5 février 2022, la société a saisi le tribunal judiciaire en contestation d’une part, du recours à l’expertise pour risque grave et, d’autre part, afin d’obtenir une réduction du coût prévisionnel, de l’étendue et de la durée prévisionnelle de l’expertise.
Statuant selon la procédure accélérée au fond, le tribunal judiciaire a jugé la demande irrecevable au motif que la société n’avait pas saisi le tribunal dans le délai de 10 jours prévu. Les juges ont estimé que le délai de contestation avait commencé à courir à la première notification du coût de l’expertise, soit le 17 janvier ; de sorte que l’assignation du 5 février était tardive.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis. Elle considère que dès lors que l’expert avait notifié à la société un nouveau coût prévisionnel le 26 janvier 2021, le délai de contestation de dix jours courait à compter de cette seconde notification. En conséquence, la contestation de l’employeur en date du 5 février 2021 était recevable.
Note : La Cour de cassation apporte une précision qui ne figurait pas expressément dans les textes : toute nouvelle modification par l’expert du cahier des charges initialement notifié à l’employeur et ayant donné lieu à une nouvelle modification, fait repartir à zéro le point de départ du délai de contestation de 10 jours ouvert à l’employeur.
Rappel : Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise (art. L. 1224-1 du Code du travail).
Le principe s’étend aux salariés protégés étant détenteurs d’un mandat de représentation du personnel, à la condition d’obtenir l’autorisation de l’inspecteur du travail quand le transfert d’entreprise est partiel (art. L. 2414-1 du Contrat de travail).
Une entité économique autonome entraînant l’application de l’article L. 1224-1 du Code du travail peut-elle être issue de plusieurs parties d’entreprises distinctes d’un même groupe ? La reprise d’une seule partie des salariés de l’entité économique peut-elle faire obstacle à la mise en œuvre de l’article L. 1224-1 du Code du travail ?
CE, Ch. Réunies., 28 octobre 2022, n° 4543555
Une société appartenant à un groupe a demandé le transfert des contrats de travail de dix salariés protégés dans le cadre d’une cession.
Le 27 juin 2017, l’inspecteur du travail a refusé le transfert de trois contrats de travail. Par trois décisions du 24 novembre 2017, la Ministre du travail a annulé les décisions prises par l’inspecteur du travail et a autorisé le transfert des contrats de travail de ces trois salariés.
Le 16 juin 2020, trois jugements d’un tribunal administratif ont annulé les décisions de la Ministre du travail. Le Conseil d’Etat a alors été saisi.
Dans un premier temps, le Conseil d’Etat met en évidence que « lorsqu’elle est saisie d’une demande d’autorisation du transfert du contrat de travail d’un salarié protégé présentée en application de ces dispositions, il appartient à l’autorité administrative, en premier lieu, de vérifier que les dispositions de l’article L. 1224-1 du Code du travail sont applicables au transfert partiel d’entreprise ou d’établissement en cause, ce qui suppose qu’il concerne une entité économique autonome ». Si tel n’est pas le cas, l’autorisation ne peut pas être accordée car l’opération constitue « une modification du contrat de travail susceptible d’être refusée par le salarié » et non pas un transfert.
En l’espèce, la décision prise par le Conseil d’Etat est défavorable aux salariés car cette dernière met en évidence le fait qu’un ensemble organisé de personnes et d’éléments économiques issu de plusieurs parties d’entreprises distinctes d’un même groupe ne fait pas obstacle à la qualification d’entité économique autonome au sens de l’article L. 1224-1 du Code du travail.
Dans un deuxième temps, le Conseil d’Etat précise que lorsqu’est caractérisée « l’existence d’une entité économique autonome constituée d’un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels et incorporels poursuivant un objectif propre, susceptible de faire l’objet d’un transfert, au sein des dispositions de l’article L. 1224-1 du Code du travail », il n’est pas nécessaire de rechercher si l’intégralité des salariés de cette entité ont été transférés pour que le transfert des contrats s’applique.
Note : Par cet arrêt, le Conseil d’Etat apporte des précisions sur le contrôle effectué par l’administration dans le cas d’un transfert partiel d’entreprise entraînant le transfert de salariés protégés.
En ce qui concerne le deuxième apport de l’arrêt, la Cour de cassation avait dégagé une solution similaire estimant que « la reprise d’une partie seulement des salariés ne pouvait suffire à exclure un transfert » d’une entité économique (Cass. soc., 13 mai 2008, n°07-40.369). Le Conseil d’Etat, en considérant que la reprise d’une seule partie des salariés de l’entité économique autonome ne fait pas obstacle à l’application de l’article L. 1224-1 du Code du travail, adopte la même position que la Cour de cassation.
Législation et réglementation
Le décret n° 2022-1506 du 1er décembre 2022 fixe le montant de la déduction forfaitaire de cotisations à 0,50 € par heure supplémentaire pour les entreprises de 20 à moins de 250 salariés.
Pour rappel, la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a étendu la déduction forfaitaire de cotisations sociales patronales, initialement ouverte aux entreprises de moins de 20 salariés, aux entreprises de 20 à moins de 250 salariés, au titre des heures supplémentaires effectuées depuis le 1er octobre 2022.
Dans une communication du 30 septembre 2022 publié au Bulletin officiel de la sécurité sociale, l’administration avait fixé le montant de la déduction à 0,50 € par heure supplémentaire pour les salariés en forfait-heures. Le décret du 1er décembre 2022 confirme ce montant.
Le décret précise également que pour avoir droit à la déduction, les employeurs concernés doivent s’assurer que le montant de la déduction forfaitaire des cotisations patronales et des autres aides entrant dans le champ du règlement de la Commission nº 1407/2013 du 18 décembre 2013 n’excède pas, sur une période de trois exercices fiscaux dont l’exercice en cours, le plafond européen des aides dites de « minimis » (200.000 € tous secteurs sauf exceptions).
Par ailleurs, le décret précise que les dispositions de l’article D. 241-25 du Code de la sécurité sociale sont applicables à la déduction forfaitaire de cotisations patronales dans les entreprises de 20 à moins de 250 salariés. Ainsi, l’employeur doit tenir à la disposition des agents de contrôle Urssaf les documents récapitulant le nombre d’heures supplémentaires ou complémentaires effectuées, le mois au cours duquel elles sont rémunérées et distinguant les heures supplémentaires et complémentaires en fonction du taux de majoration qui leur est applicable.
Ces dispositions sont applicables rétroactivement aux heures supplémentaires effectuées à compter du 1er octobre 2022.
L’arrêté du 21 mai 2019 a prévu que pour un véhicule électrique mis à disposition du salarié entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2022 :
- Les frais d’électricité payés par l’employeur n’entrent pas en compte dans le calcul de l’avantage en nature ;
- Un abattement de 50 % est à appliquer sur l’avantage en nature dans sa globalité, dans la limite de 1 800 euros par an.
De plus, pour un véhicule loué, lorsque l’employeur calcule l’avantage en nature avec un forfait, l’évaluation est effectuée sur la base de 30 % du coût global annuel en déduisant l’électricité car ces frais ne sont pas pris en compte dans le calcul de l’avantage en nature.
Enfin, lorsqu’une borne de recharge de véhicules fonctionnant au moyen de l’énergie électrique est mise à la disposition du salarié, l’avantage en nature résultant de son utilisation à des fins non professionnelles correspond à un montant nul.
Le Bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS) publié le 8 décembre 2023 a annoncé la reconduction du régime social de faveur jusqu’au 31 décembre 2024.
En conséquence, la prolongation de ces dispositions fera l’objet d’une mise à jour de l’arrêté du 10 décembre 2022. Des précisions seront apportées sur les règles à appliquer en cas de mise à disposition d’une borne de recharge par l’employeur en dehors du lieu de travail.