Actu-tendance n° 651

Jurisprudence – Relations individuelles

Rappel : Le Code du travail prévoit que la notification du licenciement est faite par lettre recommandée avec avis de réception (LRAR) (art. L. 1232-6 et L. 1233-15 du Code du travail).
En revanche, le licenciement verbal est considéré sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 22 mai 2001, n°99-40.486). Ce manquement ne peut être régularisé a postériori par l’envoi d’une lettre de convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement (Cass. Soc., 10 janvier 2017, n° 15-13.007) ou d’une lettre de rupture du contrat (Cass. soc., 28 mai 2008, n° 07-41.735).
Le licenciement est-il valable si l’employeur l’annonce verbalement au salarié après l’envoi de la lettre de licenciement ?

Cass. soc., 28 septembre 2022, n° 21-15.606

Un salarié est licencié par lettre du 15 novembre 2016. Il saisit le CPH afin de contester son licenciement.

La Cour d’appel a requalifié son licenciement sans cause réelle et sérieuse après avoir retenu l’existence d’un licenciement verbal.

Les juges ont constaté que le licenciement avait été notifié au salarié par un courrier qui lui est parvenu le 16 novembre 2016 et que, la veille, le 15 novembre 2016 vers 17h50, le salarié a reçu un appel téléphonique de son employeur lui notifiant son licenciement et lui indiquant de ne pas se présenter le lendemain à son poste de travail.

Pour statuer sur le licenciement verbal, la Cour d’appel a déduit de ces circonstances que le salarié avait démontré avoir été licencié verbalement par téléphone concomitamment à l’envoi du courrier de licenciement par l’employeur.

L’employeur a contesté cette décision. Il reprochait à la Cour d’appel d’avoir conclu à un licenciement verbal « sans rechercher, pour le moins si, au moment de l’appel, la lettre n’avait pas été déjà expédiée » et « sans s’être assurée ni de la date ni de l’heure d’envoi de la lettre ».

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel en reprenant le principe selon lequel « La rupture du contrat de travail se situe à la date où l’employeur a manifesté sa volonté d’y mettre fin, c’est-à-dire au jour de l’envoi de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception notifiant la rupture ».

Sur le fondement de ce principe, la Cour reproche aux juges d’appel de ne pas avoir recherché si la lettre recommandée notifiant la rupture du contrat n’avait pas été expédiée au salarié avant la conversation téléphonique, de sorte que l’employeur avait déjà manifesté sa volonté d’y mettre fin.

Note : Il s’agit d’une confirmation de jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. Soc., 6 mai 2009, n° 08-40.395).

Le licenciement annoncé verbalement à un salarié postérieurement à l’envoi de la lettre de licenciement est donc valable. Toutefois, comme l’illustre cette décision, ce type de pratique peut s’avérer risqué et il reste préférable de s’en tenir à la notification écrite.

Rappel : Le licenciement d’un salarié protégé doit être autorisé par l’inspecteur du travail. Pour autoriser le licenciement pour faute d’un salarié protégé, l’inspecteur du travail doit rechercher si les faits reprochés au salarié sont d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu des règles applicables au contrat de travail et des exigences propres à l’exécution normale du mandat dont il est investi (CE., 22 décembre 1993, n° 127018).
Des propos racistes et sexistes récurrents tenus par un supérieur, également salarié protégé, envers ses subordonnées justifient-ils son licenciement pour faute ?

CE., 7 octobre 2022, n° 450492

Dans cette affaire, un salarié protégé, chef d’un service « comptabilité fournisseur », a tenu, à l’encontre de 3 salariées de son service, « des propos faisant explicitement référence, d’une part, au sexe de ces salariées et, d’autre part, à leur origine et à leur religion supposées ».

L’employeur a sollicité l’autorisation de licencier ce salarié pour motif disciplinaire, ce qui lui a été refusé par l’inspecteur du travail. A la suite d’un recours hiérarchique formé par l’employeur, le ministre du Travail a annulé la décision de l’inspecteur du travail et autorisé le licenciement.

Les juges du fond ont annulé la décision du ministre du Travail. La Cour administrative d’appel a qualifié les propos tenus de « brutaux ou maladroits », « déplacés et sexistes », et présentant un caractère blessant pour leurs destinataires. Toutefois, le fait d’avoir proféré de tels propos ne constituait pas, selon elle, une faute d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement. La Cour se référait également à l’existence de tensions entre le salarié et son supérieur et à l’absence d’antécédents disciplinaires de ce salarié.

Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’État n’a pas la même analyse et estime que les propos tenus par le salarié « visaient systématiquement et de manière répétée des salariées ayant pour point commun d’être des femmes, supposément d’origine maghrébine et de confession musulmane, qui, au surplus, se trouvaient sous sa responsabilité, et ne pouvaient, dès lors qu’ils revêtent un caractère raciste pour certains, et sexiste pour d’autres, être réduits à des propos triviaux ».

Pour la Haute juridiction, la Cour d’appel a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. Les faits reprochés au salarié en l’espèce sont d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement pour faute.

Note : Il s’agit d’une confirmation de jurisprudence du Conseil d’Etat. En effet, ce n’est pas la première fois que la Cour considère que des propos racistes ou sexistes sont des faits d’une gravité suffisante pour justifier le licenciement d’un salarié protégé (CE., 24 novembre 2006, n° 282374).

Dans un autre arrêt récent, le Conseil d’Etat a jugé que constituait également une faute suffisamment grave pour justifier le licenciement d’un salarié protégé, le manque de vigilance d’un chauffeur autocar qui, n’a pas appliqué la procédure de vérification en vigueur dans l’entreprise, et a oublié un enfant endormi sans son véhicule, au retour d’une sortie scolaire (CE., 7 octobre 2022, n° 454723).

Rappel : L’indemnité de licenciement est calculée en fonction notamment de  l’ancienneté du salarié (art. L. 1234-9 et R. 1234-1 du Code du travail).
Sauf dispositions contraires, les modalités de calcul d’une indemnité conventionnelle de licenciement sont déterminées par les dispositions légales (Cass. soc., 19 juillet 1988, n° 85-45.003).
Les absences pour maladie sont-elles prises en compte dans le calcul de l’ancienneté permettant de déterminer le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement ?

Cass. soc., 28 septembre 2022, n° 20-18.218

A la suite de plusieurs arrêts de travail, un salarié a été déclaré inapte à son poste de travail par le médecin du travail. Il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Il a été licencié par la suite pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Dans le cadre du contentieux, le salarié a sollicité notamment le paiement d’une somme à titre de régularisation de l’indemnité de licenciement.

La Cour d’appel a fait droit à sa demande, estimant que les périodes de suspension de son contrat de travail pour arrêt maladie devaient être prises en compte pour le calcul de l’indemnité de licenciement puisqu’elles étaient en partie liées à des manquements de l’employeur et avaient donc une origine professionnelle.

La Cour de cassation n’est pas de cet avis et considère sur le fondement de l’article L. 1234-11 du Code du travail que « la période de suspension n’entre pas en compte pour la détermination de la durée d’ancienneté » exigée pour bénéficier du droit à l’indemnité de licenciement.

La Cour en déduit qu’« en l’absence de dispositions conventionnelles prévoyant que les absences pour maladie sont prises en compte dans le calcul de l’ancienneté propre à déterminer le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement », la période de suspension du contrat pour arrêt maladie est exclue de l’ancienneté.

En l’espèce, les juges n’ont pas constaté l’existence de dispositions conventionnelles incluant les arrêts de travail pour maladie dans le calcul de l’ancienneté.

Note : La Cour de cassation confirme ainsi sa jurisprudence (Cass. soc., 27 avril 2017, n° 16-13.654).

A l’inverse, la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle est prise en compte pour la détermination de l’ancienneté (art. L. 1 226-7 du Code du travail).

Dans l’arrêt du 28 septembre 2022, la Cour de cassation ne se place pas sur le terrain de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle, contrairement à la position des juges d’appel. En l’espèce, le caractère professionnel des arrêts de travail n’avait pas été reconnu par la sécurité sociale.

Rappel : La Cour de cassation a décidé, à propos d’un salarié non protégé, qu’il avait droit, à la suite de l’annulation de son licenciement, aux congés payés pendant la  période d’éviction, qui couvre l’intervalle entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration, sauf pendant la période où il a occupé un autre emploi (Cass. soc., 1er décembre 2021, n° 19-24.766).
Ce faisant, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence afin de s’aligner sur la jurisprudence de la CJUE (CJUE., 25 juin 2020, aff. C-762/18 Varhoven Kasatsionen sad na Republika Bulgaria et a.).
En effet, auparavant, la Cour de cassation estimait que le salarié qui était réintégré après l’annulation de son licenciement ne pouvait bénéficier de jours de congés pour la période où il n’avait pas travaillé, la période d’éviction de l’entreprise ouvrant droit à une indemnité d’éviction et non à une acquisition de jours de congés (Cass. Soc., 11 mai 2017, n° 15-19.731).
Le salarié protégé qui demande sa réintégration puis fait valoir ses droits à la retraite après que son licenciement ait été jugé nul peut-il prétendre à des congés payés pendant la période d’éviction, qui couvre l’intervalle entre son éviction de l’entreprise et son départ à la retraite ?

Cass. soc., 21 septembre 2022, n° 21-13.552

En septembre 2016, un salarié protégé a été licencié sans que l’employeur n’ait sollicité de l’inspecteur du travail une autorisation de licenciement.

Invoquant la nullité de la rupture de son contrat pour violation du statut protecteur, le salarié a saisi la juridiction prud’homale en octobre 2016 afin d’obtenir notamment sa réintégration dans l’entreprise et le versement d’une indemnité compensatrice de congés payés pendant la période d’éviction.

Le salarié a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er juillet 2019, soit en cours d’instance.

La Cour d’appel a octroyé au salarié une indemnité pour violation du statut protecteur, mais a refusé d’ouvrir droit à des congés payés, conformément à la jurisprudence alors applicable.

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation sanctionne toutefois cette décision dans le prolongement du revirement opéré le 1er décembre 2021.

La Haute juridiction considère que « lorsque le salarié protégé, dont le licenciement est nul en l’absence d’autorisation administrative de licenciement et qui a demandé sa réintégration, a fait valoir, ultérieurement, ses droits à la retraite, rendant ainsi impossible sa réintégration dans l’entreprise, l’indemnité due au titre de la violation du statut protecteur ouvre droit au paiement, au titre des congés payés afférents, d’une indemnité compensatrice de congés payés ».

Elle ajoute que « Dans l’hypothèse où le salarié a occupé un autre emploi au cours de la période comprise entre la date du licenciement illégal et celle de son départ à la retraite, il ne saurait toutefois prétendre, à l’égard de son premier employeur, aux droits au congé annuel correspondant à la période pendant laquelle il a occupé un autre emploi ».

La Cour de cassation applique aux salariés protégés la jurisprudence retenue en 2021.

Autrement dit, lorsque le salarié protégé licencié demande, à la suite de l’annulation de son licenciement, sa réintégration dans l’entreprise, l’indemnité d’éviction dont il bénéficie ouvre droit à des congés payés.

Note : En revanche, cette jurisprudence ne s’applique pas pour les salariés licenciés de manière illégale qui ne demandent pas leur réintégration. Dans ce cas, le contrat de travail est rompu par le licenciement illicite et l’indemnité versée qui correspond alors à la rémunération que ce salarié aurait perçue jusqu’à la fin de la période de protection en cours a une nature « forfaitaire », qui n’a pas vocation à réparer le « préjudice réellement subi » et n’ouvre pas droit au paiement des congés payés afférents, selon la jurisprudence (Cass. soc., 30 juin 2016, nº 15-12.984).

Rappel : La classification des emplois est déterminée par la convention collective de branche applicable à l’entreprise.
En cas de contestation, pour déterminer la classification d’un salarié, les juges vont s’attacher aux fonctions réellement exercées par celui-ci (Cass. soc., 18 janvier 2000, n° 97-42.429).
Quel salaire verser à un salarié qui a obtenu en justice une reclassification sur un coefficient hiérarchique supérieur ?

Cass. soc., 28 septembre 2022, n° 21-14.194

Une salariée a été embauchée en qualité d’attachée de développement commercial, classification groupe 4 B de la convention collective Syntec. Elle a exercé par la suite les fonctions d’assistante spécialisée service de communication, avec un statut ETAM (position 2.1 coefficient 275).

Dans le cadre d’un contentieux portant sur la rupture de son contrat de travail, la salariée a sollicité et obtenu sa reclassification sur un coefficient cadre.

La salariée sollicitait également, du fait de cette reclassification, le salaire perçu par une collègue, embauchée après elle, à laquelle elle se comparait.

Pour s’opposer à cette revalorisation, l’employeur soutenait « que lorsque les juges font droit à une demande de requalification conventionnelle formée par un salarié, ce dernier ne peut prétendre qu’au paiement d’un salaire correspondant au salaire minimum conventionnel afférent à la qualification obtenue, sauf à ce qu’il rapporte la preuve qu’il est dans une situation identique à celle d’un autre salarié percevant un salaire supérieur, et qu’il peut ainsi prétendre au même salaire ».

Or, l’employeur faisait valoir que la rémunération de la salariée était d’ores et déjà supérieure à la rémunération mensuelle minimale conventionnellement garantie pour un cadre responsable de service.

La Cour d’appel n’a pas suivi l’argumentation de l’employeur, et a estimé que la salariée avait droit à un rappel de salaire. En effet, selon elle, le fait que le salaire perçu par la salariée en qualité d’ETAM ait été supérieur aux minima conventionnels applicables aux cadres était indifférente, ces minima pouvant être dépassés.

Toutefois, les juges n’ont pas retenu le salaire de la salariée à laquelle se comparait la salariée, estimant que cette dernière ne démontrait pas qu’elle se trouvait dans une situation objectivement identique.

En revanche, la cour a fixé à 3 333,33€ le montant brut du salaire mensuel auquel avait droit la salariée après sa reclassification. Pour ce faire, les juges se sont référés au salaire proposé par l’employeur dans le cadre d’une offre de recrutement de responsable du service marketing et communication.

La Cour de cassation censure cette décision sur le fondement des articles 1134, devenu 1103, du Code civil et l’article L. 2254-1 du Code du travail et considère que « dans l’hypothèse de l’attribution à un salarié d’un coefficient hiérarchique supérieur, l’employeur n’est tenu qu’au paiement d’un salaire correspondant au salaire minimum conventionnel afférent à ce coefficient ».

Dès lors dans cette affaire, la cour d’appel, en accordant un salaire de 3 333,33€ à la salariée sans rechercher si le salaire réellement versé n’était pas supérieur au minimum conventionnel applicable, a privé sa décision de base légale.

Législation et réglementation

Actuellement, plusieurs projets de loi sont en cours d’examen au Parlement.

Pour plus de visibilité, le tableau ci-dessous précise le contenu et l’état d’avancement de chaque loi, sachant que ces mesures peuvent encore évoluer.

 

Le décret n° 2021-428 du 12 avril 2021 a prévu, en application de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2020, de nouvelles règles de calcul des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS), notamment en cas de période de référence incomplète, c’est-à-dire lorsque le salarié n’a pas perçu de revenus d’activité pendant tout ou partie de la période.

Ce calcul doit permettre de prendre en compte le plus fidèlement possible le revenu que le salarié aurait perçu s’il avait normalement exercé son activité. Le décret prévoit donc la prise en compte de l’ensemble des revenus de la période de référence divisé par le nombre de jours de la période travaillée afin de neutraliser les interruptions de travail involontaires.

Ces dispositions devaient s’appliquer aux arrêts de travail prescrits à compter du 1er  octobre 2022. Cette entrée en vigueur a été reportée au 1er  juin 2024 par le décret du 14 octobre 2022 précité.

Le décret de 2021 prévoyait des mesures transitoires pour les arrêts de travail prescrits à compter du 15 avril 2021 et jusqu’au 30 septembre 2022. Ces mesures continuent de s’appliquer jusqu’au 31 mai 2024.

Un arrêté du 29 septembre 2022 a mis à jour la liste des entreprises adaptées (EA) pouvant recourir au CDD tremplin.

Pour mémoire, le CDD tremplin permet à des personnes en situation de handicap de bénéficier d’un parcours de remise à l’emploi, de qualification et de construction d’un parcours l’amenant à retrouver un emploi dans une entreprise autre qu’une EA.

Cette expérimentation a vocation à prendre fin le 31 décembre 2022. Toutefois, le projet de loi de finances pour 2023 prévoit d’ores et déjà de prolonger d’un an la durée de l’expérimentation.