Actu-tendance n° 649

Jurisprudence – Relations individuelles

Rappel : Est considéré comme salarié à temps partiel le salarié dont la durée du travail est inférieure (art. L. 3123-1 du Code du travail) :
  • 1° A la durée légale du travail ou, lorsque cette durée est inférieure à la durée légale, à la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l’entreprise ou à la durée du travail applicable dans l’établissement ;
  • 2° A la durée mensuelle résultant de l’application, durant cette période, de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, de la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l’entreprise ou de la durée du travail applicable dans l’établissement ;
  • 3° A la durée de travail annuelle résultant de l’application durant cette période de la durée légale du travail, soit 1 607 heures, ou, si elle est inférieure, de la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l’entreprise ou de la durée du travail applicable dans l’établissement.
Chacune des heures complémentaires accomplies par un salarié à temps partiel donne lieu à une majoration de salaire (art. L. 3123-8 du Code du travail).
Les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnellement (art. L. 3123-9 du même code). Si tel est le cas, le contrat de travail à temps partiel peut être requalifié à temps complet (Cass. soc., 5 avr. 2006, n° 04-43.180).
Une convention ou un accord de branche étendu peut prévoir la possibilité, par un avenant au contrat de travail, d’augmenter temporairement la durée de travail prévue par le contrat. Dans ce cas, seules les heures complémentaires effectuées au-delà de la durée déterminée par l’avenant donnent lieu à majoration (art. L. 3123-22 du même code).
L’avenant au contrat de travail peut-il porter temporairement la durée du travail du salarié à temps partiel au niveau d’un temps plein ?

Cass. soc., 21 septembre 2022, n° 20-10.701

En juin 2013, une salariée, agent de service, a été embauchée en CDI à temps partiel. Sa durée du travail était de 86.67 heures mensuelles.

Elle a signé le 22 décembre 2014, un avenant de complément d’heures, en application de la CCN des entreprises de propreté et services associés, portant la durée mensuelle de son travail à 152 heures pour la période du 1er janvier au 6 novembre 2015.

La salariée a saisi le CPH afin d’obtenir la requalification de son contrat à temps partiel en contrat de travail à temps complet à compter du 1er janvier 2015. Elle soutenait que la conclusion de son avenant de complément d’heures ne pouvait avoir pour effet de porter sa durée du travail à un niveau égal ou supérieur à la durée légale.

La Cour d’appel a rejeté sa demande estimant que l’avenant au contrat de travail était conforme aux dispositions de l’article L. 3123-25 du Code du travail (devenu L. 3123-22 du même code) et de la CCN.

La Cour de cassation n’est pas de cet avis et censure la décision d’appel, considérant que « la conclusion d’un avenant de complément d’heures à un contrat de travail à temps partiel, sur le fondement de l’article L. 3123-25 du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, ne peut avoir pour effet de porter la durée du travail convenue à un niveau égal à la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement ».

Autrement dit, l’avenant au contrat de travail qui prévoit temporairement d’augmenter la durée de travail d’un salarié à temps partiel ne peut porter cette durée du travail au niveau d’un temps plein.

En l’espèce, l’avenant avait porté la durée du travail à 152h par mois, ce qui correspond à une durée supérieure à un temps plein qui est de 151.67h par mois.

Il en résulte que la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet de la salariée était justifiée.

Note : Autrement dit, l’employeur ne peut ni recourir aux heures complémentaires ni à un complément d’heures signé par un avenant en application d’un accord de branche étendu pour porter la durée du travail du salarié à temps partiel au niveau d’un temps complet. A défaut, en cas de litige, le contrat de travail à temps partiel sera requalifié à temps plein.

Cette décision s’inscrit dans la position constante de la Cour de cassation (Cass. Soc., 23 janvier 2019, 17-19.393).

Rappel : Lorsque l’employeur envisage la modification d’un élément essentiel du contrat de travail pour l’un des motifs économiques énoncés à l’article L. 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception.
La lettre de notification informe le salarié qu’il dispose d’un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. Le délai est de 15 jours si l’entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire.
A défaut de réponse dans le délai, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée (art. L. 1222-6 du Code du travail).
L’employeur peut-il imposer un changement de lieu de travail alors que le salarié avait au préalable refusé ce même changement dans le cadre d’une proposition de  modification de son contrat de travail pour motif économique, en application de l’article L. 1222-6 précité ?

Cass. Soc., 28 septembre 2022, n° 21-13.058

Invoquant des difficultés économiques, une entreprise a proposé, le 2 mars 2016, à une salariée une modification de son contrat de travail visant à supprimer une prime annuelle contractuelle et à changer son lieu de travail.

La salariée a refusé cette proposition le 25 mars 2016. L’entreprise a décidé de renoncer à la suppression de la prime mais a maintenu la mutation, estimant qu’il s’agissait d’un simple changement des conditions de travail.

Ayant refusé de rejoindre son nouveau lieu de travail, la salariée a saisi le CPH pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l’employeur. Elle reprochait à ce dernier de lui avoir imposé unilatéralement la modification de son contrat.

La Cour d’appel l’a déboutée de sa demande estimant qu’il n’y avait pas eu de modification du contrat de travail, dans la mesure où :

  • d’une part, l’entreprise avait renoncé le 27 avril 2016 à supprimer la prime ;
  • d’autre part, la mutation intervenait dans le même secteur géographique, ce qui constituait un changement des conditions de travail s’imposant à la salariée.

Pour les juges, l’argument tenant au fait que le changement de lieu de travail avait été dicté par la mise en œuvre d’une réorganisation ayant conduit à proposer une modification du contrat de travail pour motif économique était inopérant puisque cette réorganisation n’avait pas été menée à son terme.

Dès lors que l’affectation sur un nouveau lieu de travail constituait un changement des conditions de travail, l’entreprise n’avait pas pour obligation de recueillir l’accord préalable de la salariée. Le refus de la salariée de se rendre sur son nouveau lieu de travail n’était donc pas légitime.

La salariée s’est pourvue en cassation, soutenant notamment que l’employeur n’avait « en rien modifié ou mis un terme à son projet de réorganisation pour motif économique puisqu’il avait imposé notamment un changement de lieu de travail, au départ justifié par des raisons économiques ».

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel sur le fondement de l’article L. 1222-6 précité et juge que lorsque l’employeur notifie une proposition de modification du contrat de travail pour motif économique en application de cet article, « l’employeur reconnait qu’elle a pour objet de modifier le contrat de travail ». 

En l’espèce, la Cour d’appel ne pouvait dénier l’existence de la modification du contrat de travail dès lors qu’elle avait constaté que l’employeur avait proposé la mutation de la salariée en application de l’article L. 1222-6 du Code du travail.

Note : L’employeur est donc lié par sa décision de soumettre au salarié une proposition de modification de contrat.

Il convient d’être vigilant dans la définition d’un projet de réorganisation et de ses impacts, en identifiant dès le départ ce qui relève nécessairement de la modification du contrat de travail et ce qui peut constituer un simple changement des conditions de travail.

A noter également, certaines entreprises ont pris l’habitude d’acter par avenant au contrat de travail certaines évolutions (de fonctions par exemple), qui constitue un simple changement des conditions de travail. Une telle pratique est, selon nous, à éviter dès lors qu’une fois la modification de contrat proposée, l’employeur ne peut plus imposer sa décision, en cas de refus du salarié d’accepter la modification de son contrat de travail.

Rappel : Lorsque la juridiction répressive sanctionne un salarié par une décision définitive au fond, pour les mêmes faits que ceux reprochés dans la lettre de licenciement, ces faits sont également considérés comme fautifs par le juge prud’homal, par l’effet de l’autorité de la chose jugée au pénal (Cass. Soc., 13 juin 2001, n° 99-41.102).
Au pénal, la preuve fournie par les parties est valable même si elle a été obtenue de façon illicite ou déloyale (Cass. Crim., 6 avril 1994, n° 93-82.717).
En matière prud’homale, la preuve est libre. Mais les parties sont tenues par une exigence de loyauté.​ A titre d’exemple, le juge prud’homal ne peut se fonder sur les enregistrements effectués par l’employeur au moyen d’une caméra dissimulée pour justifier un licenciement (Cass. Soc., 20 septembre 2018, n° 16-26.482).​
Un enregistrement pris à l’insu d’un salarié ayant conduit à sa condamnation au pénal est-il recevable devant le juge prud’homal ?

Cass. Soc., 21 septembre 2022, n° 20-16.841

Dans cette affaire, un conducteur routier est licencié pour faute grave à la suite d’une altercation l’ayant opposé à un salarié d’une autre entreprise.

Sa lettre de licenciement s’appuyait sur un enregistrement pris par le salarié de l’autre entreprise avec son téléphone à son insu.

Le Tribunal de police a déclaré les 2 salariés coupables de violences volontaires.

Le salarié a contesté son licenciement devant la juridiction prud’homale.

La Cour d’appel a déclaré que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse mais a écarté la faute grave.

Le chauffeur s’est pourvu en cassation, estimant que :

  • l’enregistrement à son insu constituait un procédé déloyal et illicite qui rendait ce mode de preuve irrecevable devant le juge civil, quelle qu’en soit l’appréciation portée par le juge pénal devant lequel l’enregistrement est recevable ;
  • la cour aurait dû rechercher qui était à l’origine des coups échangés ou ordonner une expertise technique.

La Cour de cassation confirme la décision d’appel en refusant d’écarter la vidéo en tant que mode de preuve.

La Cour de cassation rappelle en effet que « les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l’action publique ont au civil autorité absolue en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l’existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l’innocence de ceux auxquels le fait est imputé ».

La Cour ajoute que « l’autorité de la chose jugée au pénal s’étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef de dispositif prononçant la décision ».

En l’espèce, la Cour d’appel a constaté que le licenciement était motivé par les faits de violences volontaires, pour lesquels le salarié avait été condamné par le tribunal de police, de sorte que « l’autorité absolue de la chose jugée au pénal s’opposait à ce que le salarié soit admis à soutenir, devant le juge prud’homal, l’illicéité du mode de preuve jugé probant par le juge pénal ».

Il en résulte que la vidéo prise à l’insu du salarié constituait un mode de preuve valable devant la juridiction prud’homale.

Sur la question de la faute grave, les juges ont retenu que dans la mesure où il n’était pas précisé lequel des deux protagonistes était à l’origine de l’altercation, les faits ne rendaient pas impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Note : En matière prud’homale, si par principe la preuve doit être loyale, la Cour de cassation a déjà  admis la possibilité pour l’employeur de se prévaloir, dans certains cas, de la recevabilité d’images obtenues grâce à un dispositif qui serait illicite (Cass. Soc., 10 novembre 2021, n° 20-12.263).

La Cour juge en effet que « l’illicéité d’un moyen de preuve (…) n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ».

Les juges du fond doivent ainsi se livrer à un contrôle de proportionnalité lorsqu’une preuve est jugée illicite, sauf lorsqu’elle est admise au pénal, comme vient de le préciser cet arrêt.

Rappel : Les salariés jouissent, dans l’entreprise et hors de celle-ci, de leur liberté d’expression, sous réserve de l’abus (Cass. Soc., 14 décembre 1999, n° 97-41.995).
Ils bénéficient également d’un droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail (art. L. 2281-1 du Code du travail).
Ce droit a pour objet de définir les actions à mettre en œuvre pour améliorer leurs conditions de travail, l’organisation de l’activité et la qualité de la production dans l’unité de travail à laquelle ils appartiennent et dans l’entreprise (art. L. 2281-2 du même code).
Les opinions que les salariés, quelle que soit leur place dans la hiérarchie professionnelle, émettent dans l’exercice du droit d’expression ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement (art. L. 2281-3 du même code).
Le fait pour un salarié, au cours d’une réunion, de remettre en cause les méthodes de travail de son supérieur hiérarchique constitue-t-il un abus de son droit d’expression ?

Cass. soc., 21 septembre 2022, n° 21-13.045

Au cours d’une réunion, un salarié s’est exprimé sur l’organisation de son travail. Il estimait faire l’objet d’une surcharge de travail.

En l’espèce, le salarié reprochait à sa supérieure hiérarchique sa façon de lui demander d’effectuer son travail « qui allait à l’encontre du bon sens et surtout lui faisait perdre beaucoup de temps et d’énergie, ce qui entraînait un retard dans ses autres tâches, et celles du service comptabilité fournisseurs pour le règlement des factures ».

Estimant que ces propos dépassaient le cadre de son droit d’expression, l’employeur lui a notifié son licenciement pour faute.

Pour sa défense, le salarié invoquait son droit d’expression directe et collective. Il estimait avoir tenu des propos mesurés et appropriés.

Les juges du fond ont déclaré que le licenciement du salarié était justifié, estimant que lors de la réunion d’expression collective, le salarié avait, « en présence de la direction et de plusieurs salariés de l’entreprise, remis en cause les directives qui lui étaient données par sa supérieure hiérarchique, tentant d’imposer au directeur général un désaveu public de cette dernière ».

Ils ont ajouté que « le médecin du travail a constaté, deux jours plus tard, l’altération de l’état de santé de la supérieure hiérarchique ». Les juges en ont déduit que « ce comportement s’analyse en un acte d’insubordination, une attitude de dénigrement ».

La Cour de cassation censure cette décision au visa des articles L. 2281-1 et L. 2281-3 précités en rappelant que « les salariés bénéficient d’un droit d’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail. Sauf abus, les opinions que le salarié émet dans l’exercice de ce droit, ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement ».

La Haute juridiction reproche à la Cour d’avoir fondé sa décision sur des motifs impropres à caractériser l’abus par le salarié dans l’exercice de son droit d’expression.

En effet, en l’espèce, les propos tenus par le salarié dans le cadre de la réunion n’étaient ni diffamatoires, ni injurieux ou excessifs. L’abus ne pouvait donc être caractérisé.

Note : A l’inverse, il a été jugé que le comportement d’un salarié qui émet des critiques excessives et malveillantes à l’égard de son employeur et de sa gestion excède le droit d’expression et caractérise une faute grave justifiant son licenciement (Cass. soc., 20 janvier 1993, n° 91-43.652).

Législation et réglementation

L’Assemblée nationale a adopté en première lecture le 11 octobre 2022  le projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi dit « projet de loi Marché du travail ».

Pour rappel, les principales mesures du projet de loi ont été détaillées dans l’actu tendance n° 645.

Nous revenons dans cette actu-tendance sur les nouvelles mesures prévues par le projet de loi à l’issue de son examen par les députés, étant précisé que ces mesures peuvent encore évoluer jusqu’à la publication de la loi au JO.

Le texte devrait être examiné en séance publique au Sénat à partir du 25 octobre 2022.

Mise en place d’une présomption de démission en cas d’abandon de poste

Le projet de loi instaure une présomption de démission en cas d’abandon de poste du salarié (art. 1 bis du projet de loi).

L’objectif est de limiter le recours des salariés « à la pratique de l’abandon de poste lorsqu’ils souhaitent que leur relation de travail cesse, tout en étant indemnisé par l’assurance chômage ».

A cet effet, le projet de loi ajoute un nouvel article L. 1237-1-1 du Code du travail, rédigé comme suit :  « Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure à cette fin, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, est présumé démissionnaire. Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le conseil de prud’hommes.

L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.

Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’exécution du présent article. »

Dispositions relatives à la validation des acquis de l’expérience (VAE)

Les dispositions relatives à la VAE ont été complétées par les députés.

  1. Service public de la VAE

Le Gouvernement a fait adopter un amendement visant à créer le service public de la VAE, chargé d’orienter et d’accompagner toute personne demandant une VAE.

Les missions du service public de la VAE seraient confiées à un groupement d’intérêt public (GIP).

  1. Autres mesures relatives à la VAE

Le projet de loi envisage de réformer en profondeur le dispositif de la VAE (art. 4 du projet de loi).

Il prévoit notamment :

  • de supprimer la durée d’expérience minimale d’un an actuellement requise pour être éligible à une VAE ;
  • de valider les expériences acquises par les proches aidants et les aidants familiaux (mesures déjà prévues dans la version initiale du projet) et par les personnes chargées de famille élevant ou ayant élevé un ou plusieurs enfants ;
  • de permettre aux candidats à la VAE de viser un bloc de compétences composant une certification enregistrée au RNCP ;
  • l’augmentation du congé VAE de 24h à 48h.

La réactivation de l’expérimentation des CDD « multiremplacements »

Le projet de loi a ajouté un nouvel article 2bis. Cet article prévoit à titre expérimental, que dans les secteurs définis par décret, les entreprises pourraient conclure, jusqu’au 31 décembre 2024, un seul CDD ou un seul contrat de mission pour remplacer plusieurs salariés absents.

Cette mesure ne pourrait avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Le Gouvernement devrait remettre au Parlement un rapport d’évaluation de cette expérimentation avant le 1er juin 2025. 

Cette mesure a déjà été mise en place par la loi du 5 septembre 2018 dans 11 secteurs définis par le décret n°2018-771 du 18 décembre 2019, parmi lesquels le secteur sanitaire, social et médico-social, les services à la personne ou encore les industries alimentaires.

Toutefois, selon l’exposé de l’amendement, il n’a pas été possible à l’issue de cette expérimentation d’analyser pleinement ses effets. Il est donc proposé de réactiver cette expérimentation.

Le plafond de la sécurité sociale devrait être revalorisé de 6,9 % en 2023.

Selon un communiqué du Boss du 10 octobre 2022, le plafond devrait atteindre le montant :

  • mensuel de 3 666 € ;
  • annuel de 43 992 €.

Ces montants sont très légèrement différents de ceux indiqués dans les prévisions de la Commission des comptes de la sécurité sociale qui prévoyaient un plafond annuel de 43 986€ et un plafond mensuel de 3 665,50€.

Ces montants doivent être confirmés par arrêté.

Le Bulletin officiel de la sécurité sociale a publié le 10 octobre une instruction relative aux conditions d’exonération de la prime de partage de la valeur (PPV).

Pour rappel, la PPV est issue de l’article 1 de la loi n° 2022-1158 du16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

Cette prime, qui s’est substituée à la Prime Exceptionnelle de Pouvoir d’Achat (appelée également « Prime Macron »), a été détaillée dans l’actu-tendance n° 643.

Dans le cadre de cette actu-tendance, nous présenterons les nouveautés apportées par l’instruction.

Cette instruction, qui prend la forme d’un questions-réponses (QR) divisé en 8 parties, apporte des précisions notamment sur :

  • La durée de l’accord ou de la décision unilatérale de l’employeur (DUE): cette durée peut être supérieure à un an ou un à un exercice ;
  • L’absence de dépôt de la DUE: contrairement à l’accord, il n’y a pas d’obligation légale pour l’employeur de déposer sa DUE auprès de la DDETS.
  • La consultation du CSE en cas de DUE : Le CSE est consulté selon les règles de droit commun (art. L. 2312-14 à L. 2312-16 du Code du travail) ;
  • Les salariés éligibles: les apprentis liés par un contrat de travail à la date retenue par l’accord ou la DUE doivent bénéficier de la prime dans les mêmes conditions que les autres salariés.

De même, les mandataires sociaux titulaires d’un contrat de travail bénéficient de la PPV dans les mêmes conditions que les salariés de l’entreprise.

  • L’exclusion de certains salariés: l’employeur peut choisir de ne verser la prime qu’aux salariés dont la rémunération est inférieure à un certain niveau. Il ne peut cependant ni réserver la prime aux salariés dont la rémunération est supérieure à un certain niveau ni exclure certains salariés sur la base d’un autre critère.

Les stagiaires, même s’ils reçoivent une gratification, ne peuvent bénéficier d’une PPV.

  • La condition de présence dans l’entreprise: Selon le QR, le versement de la PPV ne peut être conditionné à la présence du salarié dans l’entreprise à une date différente de celle prévue par la loi :
    • soit de versement de la prime (cette date étant entendue comme la date de mise en paiement des salaires qui figure sur le bulletin de paie (date déclarée dans la rubrique S21 G00.50.001 de la DSN)) ,
    • soit de dépôt de l’accord collectif auprès de l’autorité compétente ;
    • soit de la signature de la décision unilatérale.

L’accord ou la DUE doit préciser la date d’appréciation de la présence des salariés qui est retenue parmi ces options.

  • Les différences entre les établissements: un accord ou une DUE peut attribuer des montants de prime différents selon les établissements et même réserver la prime aux seuls salariés d’un établissement.
  • Le fractionnement de la prime: La prime peut être versée en plusieurs fois, dans la limite d’une fois par trimestre, au cours de l’année civile. Dans ce cas :
    • les critères d’attribution de la PPV ne peuvent être définis différemment pour chacune des échéances ;
    • un salarié embauché postérieurement à la date de présence retenue n’a pas droit aux versements effectués après son arrivée ;
    • un salarié éligible quittant l’entreprise avant le(s) dernier(s) versement(s) prévu(s) par l’accord bénéficie de l’intégralité de la PPV.
  • Conditions de l’exonération : Le plafond d’exonération de 3 000 € est porté à 6 000€ pour les entreprises dotées d’un accord d’intéressement lorsqu’elles sont soumises à l’obligation de mettre en place un accord de participation, et d’un accord d’intéressement ou de participation volontaire dans le cas contraire.

Pour bénéficier de l’exonération, « l’accord d’intéressement ou de participation volontaire doit produire ses effets au titre du même exercice que celui du versement de la prime, donc avoir été conclu avant le versement de la PPV ». « Le dépôt de cet accord, qui doit intervenir dans les délais prévus par le Code du travail, peut quant à lui être réalisé postérieurement au versement de la prime ».

L’instruction précise également qu’il n’est pas non plus nécessaire qu’une prime d’intéressement ou de participation volontaire ait été versée aux salariés.

Par ailleurs, la remise en cause a posteriori de l’accord d’intéressement ou de participation volontaire par les autorités n’a pas d’impact sur l’exonération de la PPV.

  • La neutralisation de la PPV: Si l’accord d’intéressement ne prévoit pas initialement la neutralisation du versement de la prime, l’employeur ne peut ajouter unilatéralement cet élément de neutralisation.

Les accords ou les avenants d’intéressement conclus à partir de 2022 peuvent prévoir une neutralisation de la PPV dans le calcul de l’intéressement.

En revanche, les accords ou avenants aux accords de participation, qu’ils soient à titre volontaire ou non, qu’ils reposent sur une formule de calcul de droit commun ou dérogatoire, ne peuvent en aucun cas neutraliser le versement de la prime.

  • Le régime d’exonération applicable jusqu’au 31 décembre 2023 : Pour bénéficier, outre l’exonération de cotisations sociales, d’une exonération de CSG, CRDS et d’impôts sur le revenu, les PPV versées doivent l’être aux salariés ayant une rémunération brute inférieure à 3 Smic au cours des 12 mois précédant le versement.

Le Smic servant au calcul de ce plafond correspond au Smic applicable sur ces 12 mois. En cas de variation de celui-ci, « le seuil est obtenu en multipliant par trois la moyenne pondérée des différentes valeurs du Smic applicables au cours de cette période ».

Autres précisions apportées par l’instruction :

    • la rémunération du salarié à prendre en compte correspond à l’assiette des cotisations et contributions sociales définie à l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale ;
    • si la période de référence de 12 mois porte sur 2 années civiles, il convient de prendre en compte la rémunération perçue au cours de chacune des deux années, à due proportion ;
    • le plafond de rémunération ne peut faire l’objet d’aucune majoration à aucun titre que ce soit ;
    • en cas de fractionnement du versement, la limite de 3 Smic s’apprécie à la date du premier versement ;
    • lorsque le franchissement du plafond de rémunération de 3 Smic résulte du versement, postérieur à la décision d’attribution de la PPV, d’éléments de rémunération dont le montant ne pouvait être pris en compte lors de cette décision d’attribution, le plafond sera considéré comme respecté.

Par ailleurs, la date limite du 31 décembre 2023 est impérative. Pour qu’elle soit éligible à l’exonération complète, l’intégralité de la prime devra avoir été versée au 31 décembre 2023.

Cette date s’impose également aux employeurs « ayant pour pratique habituelle de verser la rémunération au cours du mois suivant celui de la période d’activité au titre de laquelle la rémunération est due ».

  • Non prise en compte dans le calcul des autres exonérations sociales: La PPV n’entre en compte dans le calcul d’aucune autre exonération de cotisations sociales. Elle n’entre pas en compte, notamment, dans le calcul du bénéfice des exonérations dégressives comme la réduction générale de cotisations sociales. Elle n’ouvre pas droit à d’autres exemptions ou exonérations. La prime n’est pas non plus prise en compte dans le calcul des exonérations applicables aux indemnités de rupture du contrat.
  • Non prise en compte dans le calcul des éléments de rémunération : Elle n’est pas davantage incluse dans la rémunération servant à déterminer l’indemnité de fin de contrat ou de fin de mission, ou dans le calcul des indemnités de rupture du contrat de travail. Par exception, si la PPV est versée de manière récurrente et régulière (ex : tous les ans), elle doit être intégrée à l’assiette de rémunération servant à calculer l’indemnité de licenciement.
  • Les conséquences du non-respect des conditions d’attribution de la prime: Le bénéfice des exonérations liées à la PPV est conditionné au respect de l’ensemble des conditions d’attribution.

En cas de contrôle donnant lieu au constat de l’absence de respect de l’une ou de plusieurs de ces conditions, les employeurs seront invités dans un premier temps à régulariser la situation.

A défaut, en pratique, le redressement sera réduit à hauteur des cotisations et contributions sociales dues sur les seules sommes faisant défaut ou excédant les conditions et limites prévues par la loi.

Pour les entreprises ayant versé une prime de plus de 3 000 € sans remplir l’une des conditions légales permettant de dépasser ce plafond, seule la part de la prime excédant ce montant sera réintégrée dans l’assiette des cotisations et des contributions sociales et, le cas échéant, à l’assiette de l’impôt sur le revenu.

Note : L’instruction apporte également de nombreuses précisions au sujet des salariés mis à disposition.