Actu-tendance n° 644

Jurisprudence – Relations individuelles

Rappel : L’employeur ne peut licencier un salarié en raison de son état de santé (art. L. 1132-1 du Code du travail).
En revanche, le licenciement peut être motivé, non par l’état de santé du salarié, mais par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par son absence prolongée ou ses absences répétées, rendant nécessaire son remplacement définitif (Cass. Soc., 13 mars 2001, n° 99-40.110)
La lettre de licenciement qui mentionne la désorganisation du service auquel appartient le salarié est-elle suffisamment motivée pour justifier son licenciement ?

Cass. Soc., 6 juillet 2022, n° 21-10.261

Dans cette affaire, un salarié a été licencié en raison de ses absences ayant perturbé le fonctionnement du service auquel il appartenait.

Il a saisi le CPH d’une demande tendant à voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse. La Cour d’appel a rejeté sa demande au motif que « l’employeur a dû pallier l’absence du salarié par une organisation interne, et qu’il justifie du remplacement définitif de celui-ci ».

Le salarié se pourvoit en cassation, reprochant notamment à la Cour d’appel d’avoir pris cette décision « sans caractériser que les absences du salarié avaient perturbé le fonctionnement de la société ».

La Cour de cassation suit cet argument et censure l’arrêt d’appel sur le fondement de l’article L.1132-1 du Code du Travail. Ce texte « qui fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, ne s’oppose pas au licenciement motivé, non par l’état de santé du salarié, mais par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l’absence prolongée ou les absences répétées du salarié ».

Il en résulte que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse dans la mesure où la lettre de licenciement « visait la désorganisation, non de l’entreprise, mais du service auquel appartenait le salarié ».

En d’autres termes, l’employeur est tenu de mentionner dans la lettre de licenciement, et de caractériser la désorganisation de l’entreprise, et pas seulement du service auquel appartient le salarié.

Note : Il s’agit d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation. Le licenciement est justifié, si la désorganisation concerne l’entreprise toute entière et non le seul service auquel il est affecté (Cass. Soc., 1er février 2017, n° 15-17.101).

La Cour de cassation a admis un tempérament. Si la lettre de licenciement mentionne uniquement la perturbation d’un service, l’employeur doit démontrer que le service en question a un caractère « essentiel » désorganisant l’ensemble de l’entreprise (Cass. Soc., 17 novembre 2021, n° 20-14.848). En l’espèce, le caractère essentiel du service n’avait pas été invoqué.

Rappel : Un mode de management de l’entreprise peut caractériser du harcèlement.
La Cour de cassation a admis que les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique peuvent caractériser un harcèlement moral dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (Cass. Soc., 21 mai 2014, n° 13.16.341).
Le salarié ayant commis des agissements de harcèlement moral est passible d’une sanction disciplinaire (art. L. 1152-5 du Code du travail), pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave.
Un directeur peut-il être licencié pour faute grave en raison de ses méthodes managériales, alors que ces dernières étaient connues et approuvées par l’employeur ?

Cass. Soc., 12 juillet 2022, n° 20-22.857

Un directeur des systèmes d’information est licencié pour faute grave en raison de ses méthodes managériales caractérisant un harcèlement moral à l’égard d’une salariée.

Son employeur lui reprochait dans la lettre de licenciement d’avoir instauré un climat de tension et de peur avec une volonté affichée d’éliminer l’ancienne équipe au profit de collaborateurs embauchés par lui-même.

La lettre de licenciement relevait également :

  • le comportement irrespectueux du salarié à l’égard de nombreux collaborateurs ;
  • son attitude envers les femmes mêlant ambiguïté sexuelle et tyrannie.

Le directeur a saisi la juridiction prud’homale pour contester son licenciement, estimant que son employeur ne pouvait rompre son contrat de travail sur le fondement de  pratiques managériales qu’il connaissait et avait approuvées.

Les juges du fond, puis la Cour de cassation, donnent raison au salarié et considèrent que les faits ne constituent ni une faute grave ni même une cause réelle et sérieuse de licenciement dans la mesure où  les méthodes managériales du directeur n’étaient « ni inconnues, ni réprouvées par sa hiérarchie ».

La Cour relève en effet que le directeur avait régulièrement partagé avec sa hiérarchie ses constats relatifs à l’insuffisance de sa collègue et avait conduit, en lien étroit avec sa hiérarchie, un processus de changement et de réorganisation au sein de la direction dont il avait la charge.

Le directeur avait ainsi agi en concertation avec son supérieur hiérarchique et le DRH. Par ailleurs, l’employeur avait défendu les décisions qu’il avait prises.

La Cour d’appel a pu en déduire que le comportement du salarié, « qui était le résultat d’une position managériale partagée et encouragée par l’ensemble de ses supérieurs hiérarchiques, ne rendait pas impossible son maintien dans l’entreprise ».

Il en résulte que les faits reprochés au directeur ne constituaient pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Note : L’employeur est tenu à une obligation de santé et de sécurité qui lui impose de mettre fin à toutes formes de harcèlement moral au sein de l’entreprise et notamment les modes de management caractérisant un harcèlement.

Si des faits de harcèlement managérial sont rapportés à l’employeur, ce dernier doit agir au plus vite pour sanctionner, le cas échéant, son auteur. L’employeur ne doit pas  fermer les yeux sur ce type de pratique et encore moins les encourager. A défaut, il ne pourrait plus licencier le manager pour ce motif.

Rappel : L’employeur prend en charge, dans une proportion et des conditions déterminées par voie réglementaire, le prix des titres d’abonnements souscrits par ses salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail accomplis au moyen de transports publics de personnes ou de services publics de location de vélos (art. L. 3261-2 du Code du travail).
La prise en charge par l’employeur des titres d’abonnement est égale à 50 % du coût de ces titres pour le salarié (art. R.3161-1 du même code).
Le remboursement des frais de transport par l’employeur peut-il être conditionné à un critère d’éloignement géographique du domicile par rapport au lieu de travail du salarié ?

TJ Paris., 5 juillet 2022, n° RG 22/04735

Face à l’augmentation du nombre de salariés qui ont fixé leur résidence principale en Province, les sociétés d’une UES ont mis à jour les modalités de remboursement des frais de transport.

La prise en charge par l’employeur des frais de transport à hauteur de 60% (usage au sein des sociétés en question) était conditionnée au fait que les trajets Paris-Province (hors transport en commun de la gare d’arrivée au lieu de travail) soient inférieurs à 4h par jour aller-retour.

Certains salariés se sont donc vus refuser la prise en charge de leurs frais de transport.

Le CSE et un syndicat ont contesté ce refus estimant qu’aucun texte ne conditionnait le remboursement des frais de transport à un critère d’éloignement géographique. Pour eux, une telle mesure portait une atteinte injustifiée à la liberté du salarié d’établir son domicile au lieu de son choix.

Pour sa défense, l’employeur soutenait que :

  • le refus du remboursement des frais de transport en raison de la domiciliation ne s’appliquait qu’en raison de convenances personnelles ;
  • les salariés de l’entreprise ne se trouveraient pas dans une situation identique eu égard à l’avantage de frais de transport au motif de la disparité du coût de la vie entre l’Ile-de-France et la Province.

Le Tribunal judiciaire de Paris ne suit pas les arguments de l’employeur et donne raison au syndicat et au CSE sur le fondement des articles L. 3261-2 et R. 3261-1 du Code du travail précités.

Les juges ont considéré qu’en instaurant un critère d’éloignement géographique entre la résidence habituelle et le lieu de travail des salariés pour refuser le remboursement des frais de transport en commun des salariés, l’employeur a ajouté une condition qui n’est prévue ni par la loi ou le règlement, ni par les conventions applicables au sein de l’entreprise.

Les juges enjoignent aux sociétés de l’UES de respecter l’obligation de remboursement des frais de transport et de régulariser les droits des salariés en leur remboursant (avec régularisation des arriérés à compter de l’assignation en justice délivrée le 14 avril 2022) le prix des titres d’abonnement de transports publics souscrits pour les trajets résidence habituelle/lieu de travail.

Autrement dit, l’employeur doit procéder au remboursement des frais de transport en commun, sans distinction en raison de l’éloignement géographique de la résidence habituelle des salariés.

Note : La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de statuer sur cette question. Elle a jugé que l’article L. 3261-2 du Code du travail « impose aux employeurs la prise en charge partielle du prix des titres d’abonnements souscrits par leurs salariés pour leurs déplacements accomplis au moyen de transports publics entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail, sans distinguer selon la situation géographique de cette résidence » (Cass. Soc., 12 décembre 2012, n° 11-25.089).

Législation et réglementation

Le dispositif des arrêts de travail dérogatoires permet au salarié de percevoir des indemnités journalières de la sécurité sociale (IJSS) et le complément légal employeur sans remplir les conditions d’ouverture de droits et sans délai de carence.

L’objectif est d’éviter que des salariés malades ou à risque ne se rendent au travail malgré le risque de contamination.

Sont concernés par les arrêts de travail dérogatoires, les salariés dans l’impossibilité de télétravailler : testés positifs à la Covid-19, qui présentent les symptômes de la Covid-19, faisant l’objet d’une mesure d’isolement, parents d’un enfant de moins de 16 ans ou en situation de handicap positifs à la Covid-19.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a prolongé le versement des IJSS pour les arrêts de travail dérogatoires jusqu’au 31 décembre 2022.

L’indemnisation complémentaire légale due par l’employeur avait pris fin le 31 juillet 2022. Pour harmoniser les dispositifs, l’ordonnance du 31 août 2022 a prolongé cette indemnisation jusqu’à une date fixée par décret, et au plus tard le 31 décembre 2022.

Ces dispositions sont applicables rétroactivement aux arrêts de travail qui ont débuté depuis le 1er août 2022.

Pour rappel, les entreprises d’au moins 50 salariés doivent mesurer et publier chaque année les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.

Au plus tard avant le 1er mars, les entreprises doivent publier la note globale de l’index et le résultat de chaque indicateur (4 ou 5 indicateurs selon l’effectif de l’entreprise) sur le site internet de l’entreprise.

Ces résultats doivent également être transmis au service du ministère du Travail.

L’entreprise dont la note globale est inférieure à :

  • 75 points doit fixer et publier des mesures de correction et, le cas échéant, des mesures de rattrapage ;
  • 85 points doit fixer et publier les objectifs de progression pour chaque indicateur pour lequel la date maximale n’a pas été atteinte.

Exceptionnellement pour l’année 2022, les entreprises avaient jusqu’au 1er septembre 2022 pour publier ces informations.

L’arrêté du 17 août 2022, publié le 30 août, fixe les nouveaux éléments à communiquer à l’administration. Cet arrêté abroge et remplace l’arrêté du 31 janvier 2019.

Les informations différent selon l’effectif de l’entreprise (plus ou moins 250 salariés) et qu’il s’agisse d’une UES ou non.

Il s’agit notamment :

  • Du périmètre retenu pour le calcul et la publication des indicateurs ;
  • De la période de référence pour le calcul des indicateurs ;
  • Du nombre de salariés pris en compte pour le calcul des indicateurs ;
  • Des modalités de publication des résultats obtenus pour chaque indicateur et du niveau de résultat ;
  • Des mesures de correction ;
  • Des objectifs de progression.

Ces informations sont à renseigner sur le site internet du ministère du Travail suivant :

https://travail-emploi.gouv.fr/demarches-ressources-documentaires/formulaires-et-teledeclarations/entreprises/ 

L’arrêté du 18 août définit les taux de séparation médian des secteurs concernés par le dispositif de bonus-malus, à savoir les 7 secteurs recourant le plus aux contrats courts (arrêté du 28 juin 2021).

Pour rappel, le montant du bonus ou du malus est calculé en fonction de la comparaison entre le taux de séparation des entreprises concernées et le taux de séparation médian de leur secteur d’activité.

Le taux le séparation correspond au nombre de fins de contrats de travail ou missions donnant lieu à inscription à Pôle emploi (à l’exception notamment des démissions).

Pour la période du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022, les taux de séparation médian sont les suivants :

  • fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac 240,58 % ;
  • production et distribution d’eau-assainissement, gestion des déchets et dépollution 74,99 % ;
  • autres activités spécialisées, scientifiques et techniques 10,52 % ;
  • hébergement et restauration 45,73 % ;
  • transports et entreposage 82,45 % ;
  • fabrication de produits en caoutchouc et en plastique ainsi que d’autres produits minéraux non métalliques 134,30 % ;
  • travail du bois, industries du papier et imprimerie 151,47 %.

En pratique, chaque entreprise concernée se verra notifier son taux de contribution modulé au plus tard le 15 septembre 2022, applicable depuis le 1er septembre 2022.

Ce taux variera entre 3% et 5.05%. Il était jusqu’à maintenant de 4.05% pour toutes les entreprises.

Note : Les règles relatives à l’assurance chômage ont été fixées en 2019 par un décret.

Ces règles prennent fin le 1er  novembre 2022. Le Gouvernement va prolonger les règles actuelles jusqu’à une date fixée par décret, au plus tard jusqu’au 31 décembre 2023 (article 1 du projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché en vue du plein emploi)

Le texte permet également au Gouvernement de prolonger le dispositif de bonus-malus jusqu’au 31 août 2024 (article 2 du projet de loi).

La loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 avait élargi le champ des bénéficiaires du congé de proche aidant en supprimant la condition légale de « particulière gravité » de l’état de la personne aidée.

Le décret du 22 juillet 2022 est venu fixer la date d’application de cette nouvelle disposition et préciser les critères permettant de déterminer les personnes aidées ouvrant droit au dispositif, par le biais des attestations à fournir.

Cet élargissement est ainsi entré en vigueur le 1er  juillet 2022.

Pour autant, la volonté du législateur n’est pas d’étendre le congé proche aidant à tous les salariés aidant une personne handicapée ou en perte d’autonomie. Peuvent bénéficier du congé de proche aidant, les salariés qui présentent à leur employeur les attestations énumérées à l’article D. 3142-8 du Code du travail.

Le salarié qui souhaite bénéficier d’un congé de proche aidant doit effectuer une demande auprès de son employeur.

Ce congé n’est pas rémunéré par l’employeur, sauf dispositions conventionnelles plus favorables. Mais le salarié peut bénéficier de l’allocation journalière de proche aidant (Ajpa).

Note : La loi a également supprimé la notion de « particulière gravité » pour le don de jours au bénéfice du salarié qui vient en aide à une personne atteinte d’une perte d’autonomie ou présentant un handicap (art. L. 3142-25-1 du Code du travail.