Actu-tendance n° 629

Jurisprudence – Relations individuelles

Rappel : La clause de mobilité est la stipulation d’un contrat par laquelle un salarié accepte à l’avance que son lieu de travail puisse être modifié.
La mutation d’un salarié en application d’une clause de mobilité est en principe un simple changement des conditions de travail qui ne nécessite pas l’accord du salarié pour être mise en œuvre (Cass. Soc., 10 décembre 2014, n° 13-23.790) sous réserve que la clause soit licite et mise en œuvre de manière loyale.
Abuse de son droit l’employeur qui ne respecte pas un délai de prévenance suffisant avant de mettre en œuvre la clause de mobilité (Cass. Soc., 3 juin 1997, n° 94-43.476).
Un délai de prévenance de 2 jours entre l’information du salarié et l’affectation sur un nouveau lieu de travail en application d’une clause de mobilité est-il suffisant ?

Cass. Soc., 9 mars 2022, n° 19-13.361

Le 4 décembre 2012, un employeur informe une salariée de son changement de lieu de travail prévu le 6 décembre 2012 en application de la clause de mobilité prévue dans son contrat de travail.

Celle-ci ayant refusé le changement de son lieu de travail, l’employeur la licencie pour faute grave, ce que la Cour d’appel valide.

La Haute juridiction a, quant à elle, censuré l’arrêt d’appel, en considérant que les juges auraient dû rechercher si l’absence de bonne foi de l’employeur dans la mise en œuvre de la clause de mobilité ne résultait pas du fait qu’il n’avait pas respecté un délai de prévenance suffisant, en informant la salariée le 4 décembre qu’elle devait se présenter le 6 décembre suivant sur son nouveau site d’affectation, sans tenir compte de ses difficultés de transport dont il avait été informé.

Note : Il s’agit d’une confirmation de jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. Soc., 1er décembre 2004, n° 03-40.306).

La Cour de cassation a déjà jugé que le refus par le salarié du changement de son lieu de travail en application d’une clause de mobilité est considéré comme légitime lorsque l’employeur a agi précipitamment :

  • en notifiant la mutation sans respecter le délai contractuel de réflexion de 8 jours, ou un délai de prévenance suffisant (Cass. Soc., 18 septembre 2002, n° 99-46.136);
  • en imposant brutalement une mutation au salarié le 11 mai pour le 17 mai suivant (Cass. Soc., 2 mars 2005, n° 02-47.546) ;
  • en annonçant à une salariée, mère de 4 jeunes enfants de sa mutation 3 semaines avant son retour de congé parental, alors que le poste était libre depuis 2 mois (Cass. Soc., 14 oct. 2008, n° 07-43.071).

Concernant le second argument avancé par la salariée pour justifier de son refus (qui invoquait une difficulté d’accès aux transports), la Cour a déjà jugé que la mise en œuvre par l’employeur de la clause de mobilité était également abusive lorsque :

  • le nouveau lieu de travail ne lui permet pas de s’y rendre en transports en commun (Cass. Soc., 10 janvier 2001, n° 98-46.226) ;
  • le salarié avise son employeur du coût et de la durée des trajets entre son domicile et son nouveau lieu de travail, ainsi que de l’absence de transports en commun à la fin de la journée de travail (Cass. Soc., 30 mai 2013, n° 12-13.608).

La qualification de délai de prévenance suffisant relève de l’appréciation des juges du fond qui prendront en compte des éléments tels que la situation personnelle et familiale du salarié, la distance entre les deux lieux de travail, les difficultés éventuelles de transport.

Rappel : La clause de non-concurrence est la stipulation par laquelle le salarié s’engage à ne pas exercer une activité concurrente à celle de son employeur, après la rupture de son contrat de travail.
Pour être licite, la clause de non-concurrence doit remplir 5 critères cumulatifs (Cass. Soc., 10 juillet 2002, n° 99-43.334) :
  • être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise ;
  • être limitée dans le temps ;
  • être limitée dans l’espace ;
  • tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié ;
  • comporter pour l’employeur l’obligation de verser au salarié une contrepartie financière.
Le juge peut requalifier une clause du contrat en clause de non-concurrence, même si les parties l’ont dénommée autrement, ce qui entraîne l’application à cette clause du régime juridique correspondant.
La clause qui fait interdiction au salarié, au cours de ses missions, de solliciter ou de répondre à un client en vue de négocier une éventuelle embauche constitue-t-elle une clause de non-concurrence ?

Cass. Soc., 30 mars 2022, n° 20-19.899

Le contrat de travail d’un ingénieur prévoit une clause de loyauté stipulant que dans le cadre de son activité salariée au sein de la société, le salarié s’engage à toujours agir de manière loyale et de bonne foi dans l’exécution de son contrat de travail.

La clause prévoit également « qu’au cours des missions qui lui sont confiées auprès des différents clients du groupe, il s’engage à ne pas solliciter ou/et à ne pas répondre à un client, en vue de négocier son éventuelle embauche ».

Saisis du litige, les juges condamnent l’employeur à verser au salarié des dommages et intérêts estimant que cette clause s’analyse en une clause de non-concurrence déguisée.

Pour les juges du fond, cette clause a vocation à s’appliquer après la rupture du contrat de travail et a pour effet de limiter la liberté du salarié de travailler chez un concurrent, de sorte qu’en l’absence de toute contrepartie financière et de limitation dans l’espace, ladite clause est nulle. 

Ce n’est pas la position retenue par la Cour de cassation, laquelle se réfère à la formulation de la clause et en conclut que ladite clause s’applique « uniquement au cours de la relation de travail ».

Par conséquent, elle ne peut être qualifiée de clause de non-concurrence.

Note : La clause insérée dans le contrat du salarié constitue une clause de loyauté dans la mesure où son application est limitée à la durée d’exécution de la relation de travail.

Toutefois, si la clause de loyauté perdure postérieurement à la rupture du contrat de travail, un risque existe que le salarié obtienne sa requalification en clause de non-concurrence illicite en l’absence de contrepartie financière prévue dans le contrat de travail (Cass. Soc., 15 mars 2017, n° 15-28.142). Le salarié pourra en demander la nullité et des dommages et intérêts si l’illicéité de la clause lui cause un préjudice (Cass. Soc., 25 mai 2016, n° 14-20.578).

Jurisprudence – Relations collectives

Rappel : En l’absence de définition légale de la grève, c’est la jurisprudence qui a progressivement défini les conditions d’exercice du droit de grève.
La grève est définie comme une cessation collective totale et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles (Cass. Soc., 2 février 2006, n° 04-12.336).
L’exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié. Tout licenciement prononcé en l’absence de faute lourde est nul de plein droit (art. L. 2511-1 du Code du travail).
Les licenciements prononcés contre des salariés ayant cessé de travailler pour protester contre le licenciement pour faute grave d’un collègue sans formuler de revendications professionnelles sont-ils nuls ?

Cass. Soc., 6 avril 2022, n° 20-21.586

A la suite du licenciement pour faute grave d’un salarié intervenu le 25 octobre 2014, plusieurs collègues, dont deux responsables d’équipes et un agent de service, ont cessé de travailler du 27 au 31 octobre 2014 inclus.

Ils sont à leur tour licenciés pour faute grave le 20 novembre 2014 en raison notamment de leur absence injustifiée pendant tout ou partie de la période.

Les salariés grévistes saisissent le CPH pour solliciter l’annulation de leur licenciement. Les juges d’appel les déboutent de leur demande estimant que la grève était illicite en l’absence de revendications professionnelles.

Pour leur défense, les salariés soutiennent au contraire que ce mouvement, déclenché par le licenciement d’un salarié, était justifié par des revendications professionnelles. Ils dénonçaient en effet les méthodes répressives de l’employeur.

La Cour de cassation ne partage pas cet avis et confirme l’arrêt d’appel en se référant à la lettre transmise par les salariés à l’employeur pour l’informer du mouvement. 

Cette lettre a pour seul objet la contestation de la décision de licenciement du salarié que les salariés estimaient abusive et déloyale. Les salariés considèrent que les adjoints ayant contrôlé le salarié le 18 septembre ont accompli un rôle « d’espionnage » et leurs méthodes sont qualifiées de « répressives ». Ils se contentent de contester point par point les fautes imputées à ce salarié et la décision de l’employeur de le licencier, sans formuler aucune revendication professionnelle, de sorte que l’arrêt de travail ne constituait pas une grève.

Il en résulte que les licenciements prononcés sont justifiés.

Note : En revanche, la Cour de cassation a jugé licite un arrêt du travail pour protester contre la menace de licenciement d’un membre du CSE à la suite de revendications qu’il avait présentées (Cass. Soc., 30 juin 1976 n° 75-40.401).

Rappel : Pour chaque collège électoral, les listes de candidats qui comportent plusieurs candidats aux élections professionnelles doivent respecter le principe de représentation équilibrée des femmes et des hommes (appelé également principe de parité) (art. L2314-30 et L2314-32 du Code du travail).​
A ce titre, les listes doivent être composées :​
  • d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale ; ​
  • alternativement d’un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes.​
Ce principe de parité s’applique aux listes syndicales pour les deux tours du scrutin (Cass. Soc., 25 novembre 2020, n° 19-60.222).
Lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir, les organisations syndicales sont tenues de présenter une liste conforme à l’article L.2314-30 du Code du travail, c’est à dire respectant la proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré et devant comporter au moins un candidat au titre du sexe sous-représenté (Cass. Soc., 11 décembre 2019, n° 18-23.513). ​
Après l’élection, le juge peut annuler l’élection des élus du sexe surreprésenté en cas de non-respect par une liste du principe de parité (art. L. 2314-32 du Code du travail). Le Code du travail admet une action en contestation a postériori.
La Cour de cassation autorise également une action a priori. En effet, le juge peut être saisi, avant l’élection, d’une contestation relative à la composition des listes de candidats en application de l’article L. 2314-30 du même code et déclarer la liste de candidats irrégulière au regard de ce texte, dès lors qu’il statue avant l’élection, en reportant le cas échéant la date de l’élection pour en permettre la régularisation (Cass. Soc., 11 décembre 2019, n° 18-26.568).
Un syndicat peut-il saisir le juge avant les élections d’une demande d’annulation d’une candidature pour non-respect du principe de parité puis après les élections d’une demande d’annulation de l’élection d’un candidat sur le même motif ?

Cass. Soc., 6 avril 2022, n° 20-18.198

Dans le cadre des élections professionnelles du CSE au sein du 3ème collège, un syndicat présente une liste avec une seule candidate.

Quelques jours avant le premier tour des élections, un autre syndicat saisit le tribunal d’instance (devenu tribunal judiciaire) pour solliciter l’annulation de cette liste ainsi que de la candidature en invoquant le non-respect du principe de parité.

La candidate est élue au second tour, et quelques jours plus tard, le tribunal rejette les deux demandes.

Le syndicat saisit à nouveau le tribunal en sollicitant cette fois-ci l’annulation de l’élection de la candidate sur le même motif, le non-respect du principe de parité.

Le tribunal déclare cette demande irrecevable au regard de l’autorité de la chose jugée.

Selon les juges, la demande du syndicat visant à obtenir l’annulation de l’élection de la candidate est irrecevable car « les moyens soulevés au soutien de cette annulation sont identiques à ceux présentés dans le dossier relatif à l’annulation de la candidature de la salariée ayant donné lieu au jugement » précédent et « aucun moyen nouveau tiré de l’irrégularité des opérations de vote n’est avancé ».

Par conséquent, « il ne peut qu’être considéré que l’objet de l’instance en annulation est identique à celui de l’instance précédente, et que l’autorité de chose jugée assortissant le jugement » précédent « interdit qu’une nouvelle décision soit rendue ».

La Cour de cassation ne retient pas ce raisonnement et censure la décision du tribunal sur le fondement de l’article 1355 du Code civil relatif à l’autorité de la chose jugée.

La Haute juridiction considère que « l’instance tendant à l’annulation des opérations électorales, une fois celles-ci intervenues, n’a pas le même objet que celle visant à vider préventivement le litige relatif aux candidatures. Il en résulte que la décision prise en matière de contentieux préélectoral n’a pas autorité de chose jugée dans le litige tendant à l’annulation des élections professionnelles ».

Autrement dit, le contentieux préélectoral et le contentieux électoral sont bien distincts même s’ils sont fondés sur le même motif.

Il en résulte que la demande du syndicat en annulation de l’élection de la candidate était bien recevable.

Note : Il s’agit à notre connaissance de la première décision rendue en ce sens.

Le contentieux préélectoral et le contentieux électoral n’ayant pas le même objet (annulation de la liste électorale ou de la candidature pour le premier et annulation des élections pour le second), ils peuvent se succéder même s’ils reposent sur le même motif.

L’employeur qui constate une irrégularité dans l’établissement d’une liste électorale peut saisir le juge à titre préventif avant les élections. Cette action ne rendra pas, pour autant, irrecevable une action ultérieure en annulation des élections.

Législation et réglementation

Tout contrôle Urssaf est précédé de l’envoi d’un avis de contrôle (sauf recherche de travail dissimulé). Cet avis doit mentionner qu’il existe une « charte du cotisant contrôlé ».

Cette charte a pour objet de présenter au cotisant la procédure de contrôle et les droits dont il dispose pendant son déroulement. Elle est opposable à l’URSSAF.

La charte est établie par les Urssaf et approuvée par arrêté ministériel. Elle s’appuie sur les textes applicables à la date d’entrée en vigueur dudit arrêté, sans préjudice des textes qui lui seraient postérieurs.

Un arrêté du 31 mars actualise la charte du cotisant contrôlé, applicable depuis le 1er janvier 2022.

La mise à jour porte notamment sur :

  • les nouvelles règles en matière de contrôle sur support dématérialisé ;
  • la réduction à un mois du délai dont disposent les organismes de recouvrement pour effectuer un remboursement en cas de notification de crédit faisant suite au contrôle (mesure applicable à compter du 1er juillet 2022) ;
  • l’aménagement des délais d’émission des actes de recouvrement et de prescription pris dans le cadre de la crise sanitaire.

Les élections des représentants des travailleurs des plateformes de la mobilité (VTC et livraison de marchandises) se dérouleront du 9 au 16 mai 2022.

L’ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 a fixé les modalités de représentation des travailleurs des plateformes via l’organisation d’un scrutin national.

Restait encore à déterminer les modalités de représentation des plateformes au niveau de chacun des secteurs d’activité ainsi que les conditions de conclusion des accords collectifs de secteur. Tel est l’objet de l’ordonnance du 6 avril 2022.

Cette ordonnance fixe les critères de représentativité (critères classiques ainsi qu’une audience d’au moins 8% dans le secteur d’activité), les règles de négociation ainsi que  les thèmes de négociation obligatoire.

La liste des organisations de plateformes représentatives sera arrêtée au plus tard le 31 octobre 2022, le Gouvernement ayant pour objectif que le dialogue social puisse s’engager à l’automne prochain.