Actu-tendance n° 624
Jurisprudence – Relations individuelles
Rappel : A défaut de stipulation dans la convention ou l’accord conclu en application de l’article L. 3141-15 du Code du travail, l’employeur définit, après avis du CSE, la période de prise des congés payés et l’ordre des départs en tenant compte de certains critères.
Il ne peut, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, modifier l’ordre et les dates de départ moins d’un mois avant la date de départ prévue (art. L. 3141-16 du Code du travail).
Le délai de prévenance d’un mois est-il applicable à la cinquième semaine de congés payés et aux congés conventionnels ? La grève peut-elle constituer une circonstance exceptionnelle permettant à l’employeur de ne pas respecter ce délai ?
Cass. Soc., 2 mars 2022, n° 20-22.261
Confronté à un mouvement de grève du 3 décembre 2017 au 18 janvier 2018 paralysant l’ensemble de l’entreprise, l’employeur décide le 1er janvier 2018 d’imposer aux salariés non-grévistes la prise de congés pendant les 2 premières semaines de janvier.
Le délai de prévenance d’un mois prévu à l’article L. 3141-16 du Code du travail n’ayant pas été respecté, un syndicat saisit le Tribunal de Grande Instance (devenu Tribunal judiciaire) d’une demande tendant à la reconnaissance de l’illicéité de cette mesure.
Pour sa défense, l’employeur estime que l’article L. 3141-16 du Code du travail n’est pas applicable pour fixer la prise de la cinquième semaine de congés payés et les congés conventionnels (JRTT notamment).
La Cour d’appel n’a pas suivi ce raisonnement et a jugé illicite la fixation par l’employeur des congés imposés sans respecter le délai de prévenance d’un mois.
La Cour de cassation approuve la décision des juges du fond et rappelle qu’il résulte de l’article L. 3141-16 du Code du travail « qu’aucune distinction n’est faite entre les quatre premières semaines et la cinquième semaine de congés ».
La Haute juridiction ajoute que « sauf disposition contraire, la même règle s’applique aux congés d’origine conventionnelle ».
Autrement dit, à défaut de délai de prévenance conventionnel, l’employeur est tenu de respecter le délai légal de prévenance d’un mois avant de fixer ou modifier la prise de congés qu’ils soient légaux ou conventionnels.
Si l’article L. 3141-16 du Code du travail admet la possibilité pour l’employeur de s’exonérer du respect du délai de prévenance d’un mois en cas de circonstances exceptionnelles, la Cour d’appel n’a pas considéré en l’espèce que la grève constituait une circonstance de nature exceptionnelle.
Note : Cet arrêt s’inscrit dans la tendance actuelle de la Cour de cassation qui tend à harmoniser les règles relatives aux congés légaux et conventionnels.
La solution a une portée générale. Le respect du délai de prévenance d’un mois prévu à l’article L. 3141-16 du Code du travail pour imposer la prise de congés s’applique à l’ensemble des congés payés et conventionnels (JRTT, jours d’ancienneté, jours de repos supplémentaires pour les salariés en forfait annuel en jours, etc.).
L’employeur ne peut s’en exonérer qu’en justifiant de circonstances exceptionnelles ou en cas de délai conventionnel de prévenance inférieur.
En dehors de cette règle, il est rappelé que la cinquième semaine de congés payés est soumise à un régime juridique distinct du congé principal constitué des 4 premières semaines de congés payés (fractionnement, compte-épargne temps, don de jours).
Rappel : Pendant un arrêt de travail, le contrat de travail est suspendu. Toutefois, le salarié reste tenu par une obligation de loyauté envers l’entreprise qui l’emploie.
Le salarié peut être licencié en cas de manquement à son obligation de loyauté.
L’exercice d’une activité pendant un arrêt maladie ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté (Cass. Soc., 4 juin 2002, n° 00-40.894). Pour constituer un tel manquement et justifier un licenciement, cette activité doit avoir causé un préjudice à l’employeur ou à l’entreprise (Cass. Soc., 12 octobre 2011, n° 10-16.649) qui ne peut résulter du seul versement par l’employeur d’un complément de salaire durant l’arrêt maladie (Cass. Soc., 26 février 2020, n° 18-10.017).
Un livreur de colis pour une société de transport qui travaille durant son arrêt maladie en tant que coursier pour un laboratoire cause-t-il un préjudice à son entreprise justifiant son licenciement pour non-respect de son obligation de loyauté ?
CE., 4 février 2022, n° 438412
Dans cette affaire, un chauffeur-livreur titulaire d’un mandat de délégué syndical d’une société de transport est licencié pour faute après autorisation de l’inspecteur du travail.
Son employeur lui reproche d’avoir manqué à son obligation de loyauté en travaillant comme coursier auprès d’un autre employeur (un laboratoire) durant des périodes de suspension de son contrat de travail, notamment dans le cadre d’un arrêt de travail consécutif à un accident du travail.
L’entreprise fait valoir que cette activité lui cause un préjudice en termes d’image. Elle invoque également le fait que le salarié aurait transmis des informations confidentielles à son nouvel employeur.
Les juges du fond annulent la décision d’autorisation de licenciement prise par l’inspecteur du travail. Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’État confirme la décision rendue en appel après avoir relevé que :
- la mission du salarié comme coursier auprès du laboratoire consiste à « procéder au transport médical urgent par route de produits sanguins labiles et de produits d’origine humaine vers des professionnels de santé», ce qui est différent de l’activité accomplie au profit de la société de transport (Chronopost) ;
- les activités des deux sociétés ne se recouvrent pas et ne sont pas concurrentes ;
- la faute alléguée par l’employeur, à savoir la transmission d’informations confidentielles, n’est pas établie.
La Haute juridiction en conclut qu’il n’est pas établi que l’activité professionnelle exercée par le salarié auprès d’un autre employeur pendant son arrêt maladie a porté préjudice à son premier employeur. En conséquence, cette activité n’est pas de nature à caractériser un manquement à l’obligation de loyauté à laquelle est tenu le salarié.
La décision de l’inspecteur du travail autorisant le licenciement est donc annulée.
Note : Par cette décision, le Conseil d’Etat rejoint la position de la Cour de cassation pour des salariés non protégés (Cass. Soc., 5 juillet 2017, n°16-15.623).
Ainsi, le seul fait que le salarié exerce pendant une période de suspension de son contrat de travail, une activité, même identique, dans une autre entreprise que celle de son employeur, ne suffit pas à caractériser une faute permettant de le licencier. Le manquement à l’obligation de loyauté justifiant un licenciement implique de causer un préjudice à son entreprise. Tel est le cas d’un salarié, mécanicien, qui durant un arrêt maladie, a entrepris la réparation d’un véhicule pour son compte en faisant appel à un autre mécanicien de la société (Cass. Soc., 21 octobre 2003, n° 01-43.943).
Il est donc recommandé d’analyser l’activité exercée par le salarié pendant son arrêt maladie afin de déterminer si le comportement du salarié peut justifier le déclenchement d’une procédure de licenciement.
Rappel : Le licenciement économique peut être prononcé si l’employeur justifie d’un motif économique (difficultés économiques, mutation technologique, réorganisation, cessation d’activité, etc.) entraînant notamment une suppression d’emploi (art. L. 1233-3 du Code du travail).
La lettre de licenciement doit mentionner les raisons économiques et leur incidence sur l’emploi (art. L. 1233-16 du Code du travail).
La suppression d’emploi peut résulter d’un recours à la sous-traitance. La Cour de cassation a déjà admis que le licenciement d’un salarié affecté à une activité que l’employeur a décidé de confier à une entreprise extérieure a un motif économique (Cass. Soc., 26 septembre 1990, n° 87-40.518 ; Cass. Soc., 17 décembre 2008, n° 07-43.974).
L’employeur doit-il mentionner dans la lettre de licenciement l’externalisation du poste du salarié pour justifier le licenciement économique ?
Cass. Soc., 16 février 2022, n° 20-20.796
En 2015, une salariée occupant un poste de professeur est licenciée pour motif économique.
Sa lettre de licenciement évoque des difficultés économiques ainsi que la réorganisation de l’entreprise en vue de la sauvegarde de sa compétitivité entrainant la suppression de son poste de travail.
La salariée conteste en justice la rupture de son contrat de travail estimant que la lettre de licenciement n’était pas suffisamment motivée.
La Cour d’appel fait droit à sa demande et déclare le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les juges reprochent à l’employeur de ne pas avoir mentionné dans la lettre de licenciement l’externalisation de l’activité d’enseignement par le recours à la sous-traitance, en l’espèce à des anciens salariés travaillant désormais sous le statut d’auto-entrepreneur.
Selon les juges, l’employeur ne rapporte pas la preuve de la suppression effective du poste occupé par la salariée.
La Cour de cassation ne partage pas cet avis et censure l’arrêt d’appel considérant que « le recours à des prestataires extérieurs, pour exercer les fonctions de la salariée, constitue une suppression de poste ».
Dès lors, la lettre de licenciement mentionnant la suppression du poste de travail de la salariée et les difficultés économiques est suffisamment motivée. Selon la Cour de cassation, l’employeur n’avait pas à préciser dans la lettre la nécessité d’externaliser l’activité d’enseignement.
Note : Cet arrêt s’inscrit dans la droite ligne de la position de la Cour de cassation.
Il est à rappeler que la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement (art. L. 1235-2 du Code du travail).
L’employeur doit donc être très vigilant lors de la rédaction de cette lettre en précisant dans le cadre d’un licenciement pour motif économique à la fois la raison économique (difficultés économiques, mutation technologique, réorganisation, cessation d’activité, etc.) et son incidence sur l’emploi (suppression ou transformation d’emploi, modification d’un élément essentiel du contrat refusée par le salarié).
Par ailleurs, depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, l’insuffisance de motivation de la lettre de licenciement (économique ou non) n’est plus nécessairement de nature à priver automatiquement le licenciement de cause réelle et sérieuse.
L’article L. 1235-2 du Code du travail permet de préciser postérieurement la lettre de licenciement à l’initiative de l’employeur ou du salarié. Si le salarié ne sollicite pas ces précisions, l’insuffisance de motivation ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire.
Jurisprudence – Relations collectives
Rappel : Dès lors qu’ils ont plusieurs adhérents dans l’entreprise ou dans l’établissement, chaque syndicat qui y est représentatif, chaque syndicat affilié à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel ou chaque organisation syndicale qui satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance et est légalement constituée depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l’entreprise concernée, peut constituer au sein de l’entreprise ou de l’établissement une section syndicale qui assure la représentation des intérêts matériels et moraux de ses membres conformément à l’article L. 2131-1 du Code du travail (art. L. 2142-1 du Code du travail).
Pour créer une section syndicale, le syndicat doit avoir plusieurs adhérents dans l’entreprise ou l’établissement, c’est-à-dire au moins 2 (Cass. Soc., 8 juillet 2009, n° 09-60.011).
Chaque syndicat qui constitue une section syndicale au sein de l’entreprise ou de l’établissement d’au moins 50 salariés peut, s’il n’est pas représentatif dans l’entreprise ou l’établissement, désigner un représentant de la section (RSS) pour le représenter au sein de l’entreprise ou de l’établissement (art. L. 2142-1-1 du Code du travail).
Quels éléments doit présenter un syndicat pour justifier de l’adhésion de salariés ? Un salarié qui adhère à plusieurs syndicats peut-il être RSS pour l’un d’entre eux ?
Cass. Soc., 9 mars 2022, n° 20-60.288
Dans cette affaire, des syndicats contestent la création d’une section syndicale au sein de l’entreprise et la désignation d’un RSS. Le Tribunal judiciaire a rejeté leur demande.
Les syndicats font valoir que :
- d’une part, le salarié ne peut pas être désigné RSS par le syndicat du transport, dans la mesure où il est toujours adhérent auprès d’un autre syndicat et qu’il ne justifie pas de son adhésion au syndicat du transport par le règlement de sa cotisation ;
- d’autre part, le syndicat du transport ne justifie pas de l’adhésion d’au moins deux salariés à jour de leurs cotisations.
La Cour de cassation rejette ces arguments.
Concernant la création de la section syndicale : la Cour de cassation rappelle, sur le fondement de l’article L. 2142-1 du Code du travail (précité), les conditions pour créer une section syndicale.
En l’espèce, c’est le nombre d’adhérents du syndicat du transport qui est contesté. Or, les juges constatent que le syndicat justifie de la remise de chèques de 3 adhérents, dont le salarié désigné RSS, le salarié et le syndicat produisant un bordereau de remise de chèque visant notamment les numéros des 3 chèques et ayant été effectués antérieurement à la constitution de la section syndicale au sein de l’entreprise. Le syndicat justifie donc bien, d’une part, de l’adhésion d’au moins 2 adhérents, et, d’autre part, de l’adhésion du salarié désigné comme RSS. Les conditions permettant de constituer une section syndicale au sein de l’entreprise sont donc bien remplies.
Concernant la désignation du RSS : la Cour de cassation rappelle, sur le fondement de l’article L. 2142-1-1 du Code du travail (précité), les conditions permettant de désigner un RSS.
Le syndicat du transport pouvant légitimement constituer une section syndicale au sein de l’entreprise, il est en droit de désigner un RSS pour le représenter, peu important que le salarié soit adhérent à plusieurs organisations syndicales.
La Cour rappelle que le principe de liberté syndicale autorise le salarié à adhérer à une ou plusieurs organisations syndicales de son choix. A ce titre, la Cour affirme qu’un salarié peut à la fois adhérer à plusieurs syndicats et être désigné RSS uniquement pour l’un d’entre eux.
Rappel : L’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (art. L.4121-1 du Code du travail).
A ce titre, il peut décider de limiter, voire d’interdire totalement, la consommation d’alcool sur le lieu de travail.
L’article R. 4228-20 du Code du travail prévoit que :
aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n’est autorisée sur le lieu de travail.
lorsque la consommation de boissons alcoolisées, dans les conditions fixées au premier alinéa, est susceptible de porter atteinte à la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur, en application de l’article L. 4121-1 du Code du travail, prévoit dans le règlement intérieur ou, à défaut, par note de service, les mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tout risque d’accident. Ces mesures, qui peuvent notamment prendre la forme d’une limitation voire d’une interdiction de cette consommation, doivent être proportionnées au but recherché.
L’employeur peut, en cas de danger particulièrement élevé pour les salariés ou pour les tiers, interdire dans le règlement intérieur toute imprégnation alcoolique des salariés concernés (CE., 8 juillet 2019, n° 420434). Il doit alors être en mesure d’établir que cette mesure est justifiée par la nature des tâches à accomplir et proportionnée au but recherché.
Cette interdiction doit s’appuyer sur des éléments caractérisant l’existence d’une situation particulière de danger ou de risque, et ne peut reposer sur des considérations d’ordre général (CE.,12 novembre 2012, n° 349365).
L’employeur qui souhaite interdire de manière générale l’alcool sur le lieu de travail doit-il faire état de risques déjà réalisés dans ce domaine au sein de l’entreprise ?
CE., 14 mars 2022, n° 434343
Dans cette affaire, une société Automobile a introduit dans son règlement intérieur un article prévoyant qu’« Il est (…) interdit d’introduire, de distribuer ou de consommer des boissons alcoolisées ».
A la suite d’une demande de modification de cet article par la DIRECCTE (désormais la Dreets), l’Administration considérant que l’interdiction d’alcool était disproportionnée, la société a saisi la juridiction administrative pour faire annuler cette décision.
Les juges du fond déboutent la société de sa demande au motif notamment qu’elle ne caractérise pas l’existence « d’une situation particulière de danger faute d’éléments chiffrés sur le nombre d’accidents du travail ou de sanctions préalables liées à l’alcool sur ce site ».
Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’Etat censure cette décision en rappelant que s’il incombe à l’employeur qui estime devoir limiter voire interdire la consommation d’alcool sur le lieu de travail, d’établir que cette restriction est justifiée et proportionnée, cette exigence n’implique pas que l’employeur soit « en mesure de faire état de risques qui se seraient déjà réalisés ».
Pour établir le caractère justifié et proportionné de l’interdiction, les Hauts magistrats se réfèrent aux pièces produites en justice par l’employeur et notamment aux activités de l’entreprise. Ils relèvent en l’espèce que sur 2 262 salariés :
- 1 500 utilisent des machines et outils de carrosserie-montage et utilisent ou manipulent des produits chimiques dans le cadre d’activités d’emboutissage, de tôlerie, de peinture, de montage et de contrôle de la qualité par la réalisation de tests,
- 167 sont employés à la maintenance des équipements industriels et d’exploitation,
- 189 à la logistique,
- 140 à l’assistance technique,
- moins de 10 % des salariés occupent des fonctions tertiaires,
- l’ensemble des salariés sont appelés à se déplacer régulièrement sur l’ensemble du site et à partager les mêmes locaux.
Le Conseil d’État en conclut que l’interdiction par le règlement intérieur d’y introduire, distribuer ou consommer des boissons alcoolisées, est justifiée par la nature des tâches à accomplir et proportionnée au but recherché, compte tenu :
- des risques de sécurité auxquels sont exposés l’ensemble des salariés du site en raison des activités qui y sont exercées ;
- et de l’obligation pesant sur l’employeur de mettre en œuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 du Code du travail au titre de son obligation de sécurité sur le fondement des principes généraux de prévention fixés à l’article L. 4121-2 de ce même code.
Il en résulte que les dispositions du règlement intérieur prévoyant au sein de l’usine automobile l’interdiction générale de l’alcool sont valables.
Note : Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle que l’employeur est tenu de préserver la santé et la sécurité des salariés en agissant notamment à titre préventif en prenant des mesures justifiées et proportionnées lorsque les salariés sont exposés à des risques en raison de leurs activités professionnelles, sans que l’entreprise n’ait à faire état au préalable d’accidents survenus.
La possibilité d’interdire totalement l’alcool sur le lieu de travail dépendra de la situation de l’entreprise, des activités exercées et des conditions de travail des salariés.
Législation et réglementation
La loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 sur la prévention en santé au travail a modifié en profondeur notamment les dispositions du Code du travail relatives à la mise à jour, la conservation et la mise à disposition du Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels (DUERP).
Ces dispositions entrent en vigueur le 31 mars prochain. Un décret du 18 mars précise ces nouvelles règles.
- Mise à jour du DUERP
Actuellement, toutes les entreprises, quel que soit leur effectif, sont tenues de mettre à jour une fois par an leur DUERP.
A compter du 31 mars 2022, les entreprises de moins 11 salariés (TPE) ne seront plus tenues à cette obligation annuelle, sauf en cas :
- d’information supplémentaire intéressant l’évaluation des risques portée à la connaissance de l’employeur ;
- de décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (art. R. 4121-2 du Code du travail).
Le décret ajoute que la mise à jour du programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail (dans les entreprises d’au moins 50 salariés) ou de la liste des actions de prévention et de protection mentionnées au III de l’article L. 4121-3-1 du Code du travail (dans les autres entreprises) est effectuée à chaque mise à jour du DUERP, si nécessaire.
- Durée de conservation
A partir du 31 mars 2022, le DUERP et ses versions successives devront être conservés par l’employeur pendant une durée de 40 ans à compter de leur élaboration (art. R. 4121-2 du Code du travail).
Pour rappel, les entreprises seront tenues de déposer les versions successives de leur DUERP sur un portail numérique dédié à partir du :
- 1er juillet 2023 pour les entreprises d’au moins 150 salariés ;
- 1er janvier 2024 au plus tard pour les autres entreprises.
D’ici là, les employeurs doivent conserver les versions successives du DUERP sous la forme d’un document papier ou dématérialisé.
- Mise à disposition
L’article R. 4121-4 du Code du travail fixe la liste des personnes ayant accès au DUERP. Il y a notamment les travailleurs et les anciens travailleurs.
Le décret précise que l’employeur n’aura à mettre à disposition des travailleurs et des anciens travailleurs que les versions en vigueur durant la période d’activité au sein de l’entreprise.
La communication des versions du DUERP antérieures à celle en vigueur à la date de la demande pourra être limitée aux seuls éléments afférents à l’activité du demandeur.
Par ailleurs, l’accès au DUERP n’est plus limité au médecin du travail ou professionnels de santé. Il est étendu à l’ensemble du service de prévention et de santé au travail.
- Elaboration du rapport annuel SSCT
Dans les établissements dotés d’un CSE, le DUERP restera utilisé pour l’établissement du rapport annuel faisant le bilan de la situation générale de la santé, de la sécurité et des conditions de travail dans l’entreprise et des actions menées au cours de l’année écoulée dans ces domaines (art. R. 4121-3 du Code du travail).
Le Ministère du travail a confirmé dans un questions-réponses (QR) publié le 16 mars dernier que les entreprises contraintes de réduire ou d’interrompre leur activité du fait des conséquences économiques du conflit en Ukraine peuvent bénéficier des dispositifs d’activité partielle de droit commun ou d’Activité Partielle de Longue Durée (APLD).
Dans la foulée, des projets de décret et d’ordonnance ont été transmis aux partenaires sociaux.
- Activité partielle de droit commun
Eligibilité : les entreprises qui verraient leurs activités ralenties ou arrêtées du fait des conséquences économiques du conflit en Ukraine peuvent être éligibles au bénéfice de l’activité partielle et pour le motif « toutes autres circonstances exceptionnelles » prévu au 5° de l’article R. 5122-1 du Code du travail.
Taux de prise en charge de droit commun : indemnité versée aux salariés de 60% de la rémunération brute dans la limite de 60% de 4.5 SMIC (plancher de 8.37€) et allocation perçue par l’employeur de 36 % de la rémunération brute dans la limite de 36% de 4.5 SMIC (plancher de 7.53€). Il n’y a pas de majoration de cette indemnisation de prévue à l’heure actuelle.
Demande : l’employeur concerné peut se rendre sur le site internet « Apart » : activitepartielle.emploi.gouv.fr et suivre la procédure de droit commun en cochant le nouveau motif : « conséquences du conflit en Ukraine ».
Le Ministère du travail rappelle dans le QR qu’en cas de circonstances exceptionnelles, l’employeur n’a pas à effectuer de demande d’autorisation au préalable. Il dispose d’un délai de 30 jours à compter du placement des salariés en activité partielle pour adresser sa demande à l’Administration.
Justificatifs : la demande d’autorisation doit être accompagnée de tout document démontrant qu’il existe un lien, direct ou indirect, entre les conséquences de la guerre en Ukraine et la baisse d’activité de l’entreprise (ex : hausse du prix du gaz ou du pétrole). La DDETS pourra refuser le placement en activité partielle si la demande d’activité partielle de l’entreprise n’est pas suffisamment motivée.
Cas des fermetures volontaires : il est rappelé qu’il n’est pas possible de bénéficier du dispositif d’activité partielle pour ce motif si l’employeur procède à une fermeture volontaire de son établissement.
- APLD
Eligibilité : les entreprises qui verraient leurs activités ralenties ou temporairement arrêtées du fait des conséquences économiques du conflit en Ukraine sont éligibles au bénéfice de l’APLD, y compris en cas de fermeture volontaire.
Durée prolongée de 12 mois : le projet de décret transmis aux partenaires sociaux prévoit de prolonger de 12 mois la durée du bénéfice du dispositif d’APLD.
Les entreprises pourraient ainsi solliciter le bénéfice du dispositif dans la limite de 36 mois (au lieu de 24 mois actuellement), consécutifs ou non, sur une période de référence de 48 mois consécutifs (au lieu de 36 mois).
Le projet d’ordonnance transmis le 17 mars aux partenaires sociaux prévoit :
- la possibilité de négocier des accords APLD ou d’établir des documents unilatéraux jusqu’au 31 décembre 2022 au lieu du 30 juin 2022 ;
- la possibilité d’adapter les termes d’un accord ou d’un document unilatéral APLD pendant toute sa durée afin de prendre en compte l’évolution de la situation économique de l’entreprise pendant la crise.
- Cas des salariés employés par des entreprises russes, biélorusses ou ukrainiennes
Les salariés disposant d’un contrat de travail de droit français et employés par des entreprises russes, biélorusses ou ukrainiennes implantées en France et dont l’activité est réduite en raison des conséquences de la guerre en Ukraine sont également éligibles au dispositif d’activité partielle de droit commun et à l’APLD.
- Cas des salariés détachés et expatriés en Ukraine
Avant de recourir à l’activité partielle, le Ministère du travail recommande aux entreprises françaises installées en Ukraine et en Russie de privilégier le rapatriement de leurs salariés expatriés ou détachés.
S’il n’est pas possible de rapatrier les salariés dont le contrat de travail est régi par le droit français sur d’autres sites en France en raison de la situation géopolitique, l’employeur peut être éligible au bénéfice de l’activité partielle pour ces salariés et à l’APLD.
Le Ministère précise que le bénéfice de l’activité partielle ne peut pas être demandé pour les salariés rapatriés qui ne sont pas reclassés immédiatement.
En revanche, si le salarié est reclassé dans une unité de travail dans laquelle les salariés sont d’ores et déjà placés en activité partielle, le salarié rapatrié et reclassé peut, à l’instar des autres salariés, être placé en activité partielle, dans le respect de l’interdiction de toute individualisation du placement en activité partielle.
Adoptée définitivement le 16 février 2022 et validée pour l’essentiel par décision du Conseil constitutionnel en date du 17 mars 2022, la loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte a été promulguée le 21 mars 2022.
Ce texte entrera en vigueur le premier jour du sixième mois suivant sa promulgation, soit le 1er septembre 2022.
Pour rappel, cette loi prévoit en matière de dénonciation des faits de harcèlement :
- une nouvelle définition du lanceur d’alerte (nouveaux art. L. 1152-2 et L. 1153-2 du Code du travail) ;
- l’extension de la protection du lanceur d’alerte notamment contre les mesures de représailles prises par l’employeur (suspension, mise à pied, rétrogradation etc.) et l’absence d’engagement de la responsabilité civile pour les dommages causés du fait du signalement des faits de harcèlement etc. (cf. actu-tendance n° 622).