Actu-tendance n° 623

Jurisprudence – Relations individuelles

Rappel : La faute grave est celle qui rend impossible le maintien de l’intéressé dans l’entreprise pendant la durée du préavis.
La procédure de licenciement pour faute grave doit être mise en œuvre dans un délai restreint (Cass. soc., 28 mai 2015, n° 14-12.797).
En cas d’absence du salarié, l’employeur peut-il laisser s’écouler un délai important entre la connaissance des faits fautifs et un licenciement pour faute grave ? 

Cass. soc., 9 mars 2022, n° 20-20.872

Dans cette affaire, un employeur a acquis une exacte connaissance des faits reprochés à la salariée le 17 octobre 2014.

Compte tenu de la suspension du contrat de travail de l’intéressée depuis le 31 mai 2013, l’employeur convoque le 14 novembre suivant, soit 4 semaines plus tard, la salariée à un entretien préalable au licenciement pour faute grave.

La salariée licenciée pour faute grave conteste son licenciement, la mise en œuvre de la procédure de licenciement n’étant pas intervenue dans un délai restreint.

La Cour d’appel saisie du litige confirme la décision du Conseil de prud’hommes ayant débouté la salariée de l’ensemble de ses demandes.

La Cour de cassation approuve la décision des juges du fond et considère que le contrat de travail était suspendu, la salariée étant absente de l’entreprise, le temps écoulé entre la connaissance des faits et l’engagement de la procédure ne pouvait avoir pour effet de retirer sa gravité à la faute.

Note : Ce faisant, la Cour de cassation atténue le principe selon lequel l’employeur doit agir dans un délai restreint, s’il entend licencier pour faute grave.

Rappel : L’employeur ne peut pas modifier le contrat de travail d’un salarié sans son accord, y compris à titre de sanction. Il en est ainsi pour la rétrogradation disciplinaire (Cass. soc. 28 avril, 2011 n° 09-70.619).
Si le salarié refuse la rétrogradation, l’employeur peut prononcer une autre sanction en lieu et place de celle refusée (Cass. soc. 10 juillet 2007, n° 05-45.610) ou encore peut aussi renoncer à toute sanction.
Un employeur peut-il licencier un salarié pour insuffisance professionnelle après une rétrogradation disciplinaire refusée ?

Cass. soc., 9 mars 2022, n° 20-17.005

Un salarié engagé en qualité de directeur d’exploitation régionale est convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire.

Après cet entretien, il s’est vu proposer un poste de directeur d’exploitation sectorielle avec une rémunération mensuelle réduite, ce qu’il a refusé.

Par la suite, l’employeur l’a de nouveau convoqué à un nouvel entretien préalable puis a été licencié pour insuffisance professionnelle. Le salarié a saisi la juridiction prud’homale pour contester cette rupture et obtenir paiement de diverses sommes.

La Cour d’appel condamne l’employeur considérant que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors qu’antérieurement à la lettre de licenciement invoquant l’insuffisance professionnelle du salarié, l’employeur avait engagé une procédure de rétrogradation disciplinaire.

La Cour de cassation censure la Cour d’appel et considère que l’employeur a la faculté de fonder un licenciement sur une insuffisance professionnelle même après avoir proposé au salarié concerné une rétrogradation disciplinaire qu’il a refusée.

Note : Cette solution fait preuve d’un certain pragmatisme en reconnaissant qu’un comportement fautif peut s’insérer dans un contexte plus large d’insuffisance professionnelle.

Rappel : En application de l’article 1217 du Code civil, l’une ou l’autre des parties à un contrat synallagmatique peut en demander la résiliation judiciaire en cas de torts suffisamment graves rendant impossible la poursuite du contrat.
La nullité d’une convention de forfait en jours est-elle de nature à justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié ?

Cass. soc., 2 mars 2022, n° 20-11.092

Un salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de nullité de sa convention de forfait en jours et d’une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail.

La Cour d’appel saisie du litige a déclaré la convention de forfait nulle mais a refusé la résiliation judiciaire du contrat de travail, faute de torts suffisamment graves.

La Cour de cassation confirme cette solution. Elle estime que la seule signature d’une convention de forfait jours nulle n’est pas suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat, dès lors que le salarié n’invoque pas les conséquences de cette nullité sur la poursuite de la relation de travail.

Note : Cette solution n’exclue pas, par principe, la résiliation judiciaire en cas de convention de forfait annuelle en jours nulle. Il appartient cependant au salarié de montrer en quoi les conséquences de cette nullité font obstacle à la poursuite du contrat.

Rappel : Si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, il a le droit à une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est fixé en fonction du « barème Macron » (C. trav., art. L. 1235-3).
Par ailleurs, en cas d’annulation de la décision de validation ou d’homologation d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), le salarié a droit à une indemnité au moins égale à six mois de salaire (C. trav., art. L. 1235-16).
Les salariés peuvent-ils cumuler l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec l’indemnité minimale de six mois due en cas d’annulation de la décision administrative validant ou homologuant le PSE ?

Cass. soc., 16 février 2022, n° 19-21.140

Un document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi a été homologué par décision de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (la Direccte devenue la DREETS).

Plusieurs salariés sont ainsi licenciés pour motif économique.

L’homologation du document unilatéral a par la suite été annulée par un jugement du Tribunal administratif en raison d’un défaut de motivation de la décision d’homologation, confirmé par un arrêt de la Cour administrative d’appel.

Saisie par plusieurs salariés, la Cour d’appel condamne l’employeur à payer à chaque salarié licencié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à défaut de menace sur la compétitivité de l’entreprise et une indemnité sur le fondement de l’article L 1235-16 du Code du travail en raison de l’annulation, devenue définitive, de la décision d’homologation du PSE.

La Cour de cassation censure les juges du fond et considère pour sa part que « l’indemnité minimale de 6 mois de salaire due au salarié en cas d’annulation de la décision administrative ayant validé ou homologué le PSE ne se cumule pas avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ».

Jurisprudence – Relations collectives

Rappel : Le CSE d’établissement peut faire appel à un expert lorsqu’il est compétent conformément aux dispositions du Code du travail (C. trav., art. L.2316-21).
Depuis l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, le niveau auquel les trois consultations récurrentes (orientations stratégiques, situations économique et financière et politique sociale) doivent être menées est fixé de manière supplétive dans le Code du travail, en l’absence d’accord d’entreprise organisant autrement ces consultations (C. trav., art. L. 2312-19 et L. 2312-22).
En présence d’un accord réservant les consultations récurrentes au CSE central, un CSE d’établissement pourrait-il désigner un expert dans le cadre de l’une de ces consultations ?

Cass. soc., 9 mars 2022, n° 20-19.974

Une entreprise signe le 28 novembre 2018 un accord portant sur le fonctionnement des CSE, au terme duquel :

  • le CSE central est seul consulté sur les projets et consultations récurrentes décidés au niveau de l’entreprise lorsque leurs éventuelles mesures de mise en œuvre qui feront ultérieurement l’objet d’une consultation spécifique au niveau approprié ne sont pas encore définies ;
  • les CSE d’établissement ont les mêmes attributions que le CSE central dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement ;
  • les procédures d’information et consultation récurrentes relèvent exclusivement de la compétence du CSE central.

Aucune disposition de l’accord ne porte sur la désignation des experts, et notamment sur la faculté ou non pour le CSE d’établissement d’en désigner un.

Dans ces circonstances, un CSE d’établissement vote le recours à un expert dans le cadre de la consultation sur la politique sociale dans le périmètre de l’établissement.

L’employeur conteste cette expertise devant le Tribunal judiciaire, lequel refuse d’annuler la délibération du CSE d’établissement car l’accord ne prévoit rien à cet égard.

La Cour de cassation censure le raisonnement du Tribunal judiciaire et estime « qu’en application de l’accord collectif du 28 novembre 2018, les consultations récurrentes ressortaient au seul comité social et économique central de la société de sorte que le comité social et économique de l’établissement ne pouvait procéder à la désignation d’un expert à cet égard ».

En d’autres termes, lorsqu’en vertu d’un accord d’entreprise, les consultations récurrentes ressortent au seul CSE central, le CSE d’établissement ne peut procéder à la désignation d’un expert à cet égard.

Note : La chambre sociale confirme ainsi que le niveau de désignation de l’expert est strictement lié au niveau auquel la consultation est menée.

Rappel : Le temps passé en heures de délégation par un représentant du personnel est de plein droit considéré comme temps de travail et payé à l’échéance normale (C. trav. art. L 2142-1-3, al. 1, L 2143-17, al. 1 et L 2315-10, al. 1).
Ces heures sont ainsi présumées avoir été utilisées conformément à leur objet, l’employeur peut toutefois en contester la bonne utilisation, mais seulement après avoir procédé à leur paiement (Cass. soc., 19 mai 2016, n° 14-26.967).
Un employeur peut-il solliciter le remboursement des heures de délégations payées au salarié ne justifiant pas de la bonne utilisation de ces heures ?

Cass. soc., 9 mars 2022, n° 20-19.194

Dans cette affaire, un employeur invite à plusieurs reprises par lettres recommandées un salarié exerçant divers mandats de représentant du personnel et de représentant syndical à lui fournir des précisions sur l’utilisation de ses heures de délégations.

Le salarié s’étant contenté de transmettre ses bons de délégation, sans apporter davantage d’explication, l’employeur sollicite le remboursement d’heures de délégation payées depuis mars 2013 au salarié.

La Cour d’appel fait droit à la demande de l’employeur et condamne le salarié à rembourser les sommes payées au titre des heures de délégation.

La Cour de cassation approuve la décision de la Cour d’appel estimant que les dispositions du Code du travail « ne dispensent pas les bénéficiaires de ce versement d’indiquer sur la demande de l’employeur, au besoin formée par voie judiciaire, des précisions sur les activités exercées pendant lesdites heures ».

Autrement dit, le représentant du personnel qui, après avoir été payé de ses heures de délégation, est interrogé sur leur utilisation par son employeur, ne peut se contenter de lui transmettre ses bons de délégation. A défaut de réponse plus précise, il peut être condamné à rembourser ces heures.

Note : il s’agit d’une confirmation de jurisprudence (Cass. soc., 30 novembre 2004, n° 03-40.434).

Rappel : Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, lorsque le projet de licenciement économique concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l’employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi (C. trav., L. 1233-61).
Un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi (C. trav., L. 1233-21-1).
Un accord majoritaire portant plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) peut-il être négocié au niveau d’une unité économique sociale ? Si oui, qui a qualité pour représenter l’UES et signer un tel accord ?

CE, 2 mars 2022, n° 438136

Un accord majoritaire portant plan de sauvegarde de l’emploi au sein d’une unité économique et sociale (UES) est signé par des organisations syndicales représentatives au niveau de l’UES, ainsi que par l’UES représentée par la directrice générale adjointe en charge des ressources humaines d’une des sociétés constituant l’UES.

Cet accord validé par la DREETS est par la suite contesté par plusieurs salariés devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux.

Selon les salariés, la DRH ne disposait pas d’un mandat exprès donné par les entreprises de l’UES pour signer un tel accord au niveau de l’UES.

Le juge administratif saisi du litige annule l’accord en raison du défaut de qualité du représentant de l’UES.

Le Conseil d’Etat estime tout d’abord que l’accord majoritaire déterminant le contenu du PSE peut être conclu au niveau de l’UES.

Il considère ensuite que dans la mesure où l’UES n’est pas dotée de la personnalité morale, l’accord collectif doit être conclu :

  • par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives au niveau de l’UES ;
  • et soit par chacune des entreprises constituant l’UES, soit par l’une d’entre elles, sur mandat exprès préalable des entreprises membres de l’UES.

Au cas d’espèce, le Conseil d’Etat constate que l’intéressée ne disposait pas d’un / de mandats exprès donnés par la ou les personnes habilitées à représenter les sociétés composant l’UES pour signer un tel accord et ne pouvait donc pas valablement la / les représenter.

Législation et réglementation

Depuis lundi 14 mars 2022, le Gouvernement a décidé au niveau national de supprimer le protocole sanitaire en entreprise et de lever à compter de cette même date l’obligation de porter un masque au sein des entreprises.

Pour accompagner les salariés et les employeurs, un guide repère sur les mesures de prévention des risques de contamination au Covid-19 est disponible.

Ce document de 2 pages (contre 25 pour la dernière version du protocole) se limite, comme son nom l’indique, à rappeler les grands principes de prévention et renvoie au recommandations sanitaires générales du ministère de la Santé.

Le respect de mesures d’hygiène y reste préconisé : le lavage régulier des mains, éternuer dans son coude, etc., les règles d’aération des locaux et la prévention des risques de contamination manu-portée.

Le Guide indique notamment que les règles de gestion des cas contact et des cas positifs figurent sur le site ameli.fr et rappelle également les règles spécifiques pour les salariés vulnérables qui peuvent bénéficier de l’activité partielle.

S’agissant de la vaccination, cette dernière reste toujours fortement recommandée et peut être réalisée notamment par les services de santé au travail.

Le Guide maintient le référent covid-19 et précise enfin que les salariés le souhaitant pourront continuer de porter un masque.

L’indemnité inflation est une mesure exceptionnelle inscrite dans la deuxième loi de finances rectificative pour 2021 (L. fin. rect. 2021 n° 2021-1549, 1er déc. 2021-1549, 1er déc. 2021, art. 13 : JO, 2 déc.).

Cette indemnité devait être versée à tout salarié éligible par son employeur en principe, avec la paie de décembre 2021, et au plus tard le 28 février 2022.

Le réseau des Urssaf a mis à jour début mars sa foire aux questions sur l’indemnité inflation de 100 €, pour intégrer la question du régime social des indemnités inflation versées par l’employeur après le 28 février 2022.

Dans la dernière version de son « Questions-réponses », le réseau des Urssaf indique ainsi que le versement des indemnités « inflation » effectué après le 28 février ne leur fait pas perdre le bénéfice des exonérations sociales attachées au dispositif.

Ces indemnités versées après le 28 février 2022 bénéficient du même traitement social que les indemnités versées avant cette date, c’est-à-dire une exonération de cotisations et de contributions sociales, dans la limite de 100 €.

S’agissant d’une simple tolérance de la part de l’Urssaf, il est recommandé de verser cette somme au plus tard avec la paie du mois de mars.

Le réseau des Urssaf indique également que les employeurs seront remboursés selon les mêmes modalités (à savoir, par le biais d’une déduction du montant des cotisations et contributions dues aux Urssaf en utilisant le CTP 390).

La convention du 26 janvier 2015 relative au contrat de sécurisation professionnelle (CSP) a été prorogée jusqu’au 31 décembre 2022 par un avenant du 2021.

Une circulaire Unedic n° 2022-04 du 28 février 2022 vient rappeler les principaux paramètres de cet avenant :

  • la condition d’affiliation minimale reste fixée à 88 jours travaillés ou 610 heures travaillées (4 mois) ;
  • au cours des 24 mois qui précèdent la fin du contrat de travail pour les salariés âgés de moins de 53 ans à la date de la fin de leur contrat de travail (ou au cours des 36 mois pour les salariés âgés de 53 ans et plus) ;
  • le salaire de référence est établi sur la base des rémunérations issues du seul contrat de travail ayant donné lieu à l’adhésion au CSP ;
  • le salaire journalier de référence correspond au quotient du salaire de référence par le nombre de jours couverts par le seul contrat de travail ayant donné lieu à l’adhésion au CSP ; la durée d’indemnisation reste fixée à 12 mois pour les bénéficiaires justifiant d’au moins 1 an d’ancienneté.
  • trois nouveaux événements sont à prendre en compte dans les possibilités d’allongement de la durée du CSP fixée initialement à 12 mois : le congé de paternité, le congé d’adoption et le congé de proche aidant.

Ce texte remplace la circulaire Unédic n° 2016-09 du 27 janvier 2016.