L’employeur peut-il modifier par accord collectif la structure de la rémunération des salariés ? L’employeur peut-il modifier par accord collectif la structure de la rémunération des salariés ?
Lorsqu’une entreprise souhaite modifier sa politique salariale, la question se pose de savoir si les évolutions envisagées sont de nature à constituer ou non une modification des contrats de travail de ses collaborateurs.
Dans sa décision du 15 septembre 2021 (Cass soc, 15 septembre 2021, n°19-15.732), la Cour de cassation revient sur cette question ainsi que sur la question de l’articulation des dispositions d’un accord collectif et de celles figurant dans les contrats de travail.
Pour la Cour de cassation, un accord collectif ne permet pas à l’employeur de modifier la structure de la rémunération du salarié sans son accord
Dans cette affaire, le salarié contestait la modification de la structure de sa rémunération qui lui avait été imposée par son employeur en application d’un accord collectif d’entreprise et sollicitait ainsi notamment de la juridiction prud’homale le paiement de rappels de salaires.
Le contexte :
- Le contrat de travail (et ses avenants) du salarié mentionnait le montant annuel brut de sa rémunération ;
- L’accord collectif d’entreprise signé le 28 mai 2013 prévoyait notamment la scission de la rémunération en, d’une part, un salaire de base et, d’autre part, une prime d’ancienneté (la rémunération de base du salarié était, de fait, réduite du montant de la prime d’ancienneté).
La Cour d’appel constate, à la lecture du contrat de travail et des bulletins de salaires, que la rémunération du salarié était fixée de façon forfaitaire hors de toutes primes ou indemnités. Elle en conclue que l’application de l’accord collectif entrainait une modification du mode de rémunération du salarié nécessitant alors son accord.
Dans le cadre de son pourvoi en cassation, l’employeur arguait du fait que la structure de la rémunération du salarié n’avait pas été contractualisée (seul son montant l’étant) et qu’en conséquence, il était en mesure, en application d’un accord collectif, de la modifier. L’employeur considérait que, puisque le montant de rémunération globale du salarié demeurait identique, le fait qu’il intègre désormais une prime d’ancienneté ne pouvait être considéré comme une modification du contrat de travail du salarié.
La Cour de cassation rejette cette argumentation et pose le principe selon lequel « sauf disposition légale contraire, un accord collectif ne peut permettre à un employeur de procéder à la modification du contrat de travail sans recueillir l’accord exprès du salarié ».
Ainsi, la Cour de cassation retient que la scission de la rémunération du salarié en un salaire de base (dont le taux était diminué) et une prime d’ancienneté constituait une modification du mode de rémunération du salarié. En conséquence, l’employeur devait recueillir l’accord exprès du salarié.
Ce principe vaut y compris lorsque le changement n’a aucun impact sur le montant global de la rémunération du salarié. Il y a lieu de souligner que, dans le cas présent, le salaire du salarié avait été diminué de 25,52 euros afin d’y ajouter une prime d’ancienneté d’un montant a minima équivalent.
Cette décision s’inscrit dans la droite ligne des précédentes décisions rendues. En effet, la Cour de cassation rappelle régulièrement que « la rémunération contractuelle d’un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié ni dans son montant ni dans sa structure sans son accord, peu important que l’employeur prétende que le nouveau mode de rémunération est sans effet sur le montant global de la rémunération du salarié » (Cass soc, 18 mai 2011, n°09-69.175 – Autre décision statuant dans le même sens : Cass soc, 25 janvier 2017, n°15-21.352).
Il y a lieu de souligner que, dans cette affaire, l’employeur a été condamné à verser au salarié des rappels de primes d’ancienneté en application des dispositions de l’accord collectif conclu. Il appartient donc à l’employeur d’être particulièrement vigilant lorsqu’il envisage de modifier la structure ou les éléments de rémunération des salariés.
Exception : l’existence d’une disposition légale qui l’autorise
Pour la Cour de cassation, seule l’application d’une disposition légale permet d’imposer aux salariés une modification de la structure de leur rémunération.
A ce titre, l’article L. 2254-2 du Code du travail prévoit qu’« afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l’emploi, un accord de performance collective peut : (…) aménager la rémunération au sens de l’article L. 3221-3 dans le respect des salaires minima hiérarchiques mentionnés au 1° du I de l’article L. 2253-1 (…) ».
Ainsi, à ce jour, seule la conclusion d’un accord de performance collective offre la possibilité de modifier la structure de la rémunération du salarié. En effet, les clauses de cet accord se substituent de plein droit, et dans certaines conditions, aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris lorsqu’elles sont moins favorables pour le salarié.
Emeric Sorel
Emeric SOREL a pratiqué 4 années au sein du cabinet Barthélémy & Associés et a participé en juin 2005 à la création du cabinet Actance. Il est associé au sein du cabinet actance depuis 2010. Il est Docteur en droit et titulaire d’un master II en droit social. Il accompagne les groupes de dimension nationale et internationale sur toutes les problématiques liées aux relations collectives et individuelles du travail et, notamment, en matière de négociation collective et de gestion des relations avec les représentants du personnel. Emeric accompagne très fréquemment les groupes dans leur phase de restructuration. Il dispose également d’une grande expérience dans la gestion des pré-contentieux et des contentieux à risque.
Caroline Carmier-Jouy
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