Contestation de l’avis du médecin du travail devant le Conseil de prud’hommes : premières précisions de la Cour de cassation Contestation de l’avis du médecin du travail devant le Conseil de prud’hommes : premières précisions de la Cour de cassation

Éliane Chateauvieux et Thomas Lesvenan reviennent sur l’avis de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 17 mars 2021 (Avis n°15002) à l’occasion duquel celle-ci délimite le périmètre des contestations des avis rendus par le médecin du travail

Rappel des modalités de contestation des avis du médecin du travail

Quelle est la procédure ?

L’article L4624-7 du Code du travail prévoit que le recours contre les avis rendus par le médecin du travail sont exercés devant le Conseil de prud’hommes (CPH) selon la procédure accélérée au fond.

La procédure se déroule en 2 étapes :

  • Une première audience qui rappelle l’objet du litige et à l’issue de laquelle le CPH va ordonner une mesure d’instruction. En pratique, la mesure d’instruction est généralement confiée au médecin-inspecteur du travail, le CPH n’ayant pas l’expertise nécessaire en matière médicale (L 4624-7 CT).
  • Une seconde audience après le dépôt du rapport d’expertise, statuant sur le litige au fond, étant précisé que la décision du CPH se substitue à l’avis médical initial (L4624-7 CT).

Le médecin du travail dont l’avis est contesté n’est pas partie au litige.

Dans quel délai agir ?

La contestation de l’avis peut être exercée par le salarié ou l’employeur dans un délai de 15 jours à compter de sa notification (R4624-45 CT).

Passé le délai de 15 jours, la contestation est irrecevable.

Quel est l’objet de la contestation ?

La contestation porte sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale (L 4624-7 CT).

Ainsi, le salarié ou l’employeur peut contester :

  • L’avis d’aptitude (L 4624-2 CT) ;
  • les aménagements de poste ou de temps de travail recommandés par le médecin du travail (L4624-3 CT) ;
  • l’avis d’inaptitude (L4624-4 CT).

C’est sur l’objet de la contestation que l’avis de la Cour de cassation a été demandé par le Conseil de prud’hommes de Cayenne.

Les précisions apportées par la Cour de cassation sur l’objet de la contestation de l’avis du médecin du travail

Sur les 3 questions qui lui étaient posées, la Cour de cassation a répondu à une seule d’entre elles, dont le contenu était le suivant:

« Le conseil de prud’hommes statuant selon la procédure prévue à l’article L4624-7 du code du travail dans sa dernière rédaction, est-il compétent pour connaître de l’irrespect, par le médecin du travail, des procédures et diligences prescrites par la loi et le règlement, notamment celles issues des articles L. 4624-4 et R. 4624-42 du même code ? »

La Cour de cassation énonce aux termes de son avis ce qu’il est possible de faire et ce qu’il n’est pas possible de faire.

Ce qu’il est possible de faire

La contestation doit porter sur l’avis du médecin du travail.

Dans cadre, le CPH peut examiner les éléments de toute nature sur lesquels le médecin s’est fondé pour rendre son avis. Les juges peuvent examiner les éléments de nature médicale mais aussi l’étude de poste ou l’étude des conditions de travail.

Ce qu’il n’est pas possible de faire

L’avis du médecin du travail ne peut être contesté au titre d’un non-respect des formalités de la procédure qu’aurait dû suivre le médecin du travail :

  • étude de poste après avoir échangé avec le salarié et l’employeur ;
  • étude des conditions de travail dans l’établissement ;
  • indication de la date à laquelle la fiche d’entreprise a été actualisée ;
  • 2nd  examen éventuel pour rassembler les éléments permettant de motiver sa décision, réalisé dans un délai qui n’excède pas 15  jours après le premier examen.

Enfin, le CPH ne peut déclarer inopposable à une partie l’avis rendu par le médecin du travail.

Cet avis de la Cour de cassation confirme les premières décisions de Cours d’appel  et le Q/R sur le « recours contre un avis d’inaptitude » diffusé par le Ministère du travail. Selon la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, la contestation ne doit porter que sur l’état de santé et sa compatibilité au poste de travail tels qu’ils se trouvaient au temps de l’avis médical contesté (CA Aix-en-Provence, 30 octobre 2020, n°18/09999).

L’administration indique de son côté que sont exclues du champ d’application des contestations des avis du médecin du travail :

  • le déroulé de la procédure d’aptitude/ou inaptitude (vices de procédure) ;
  • celles qui sont sans lien avec l’état de santé du salarié (impossibilité matérielle d’aménagement du poste ou coût économique invoqué par l’employeur pour chercher à éviter à l’aménagement de poste, etc.) ;
  • l’origine professionnelle de l’inaptitude ;
  • le non-respect par l’employeur des préconisations du médecin du travail.

Ces dernières contestations relèvent du bureau de jugement du CPH.

Question non tranchée par l’avis de la Cour de cassation

La Cour de cassation n’a pas répondu à la question portant sur la compétence du CPH, selon la procédure de droit commun au fond, pour se prononcer sur la nullité de l’avis du médecin du travail pour non-respect de la procédure.

L’administration du travail indiquant quant à elle que les contestations portant sur le déroulé de la procédure relèvent du bureau du jugement, il peut à notre sens être envisagé par l’employeur ou le salarié de demander la nullité de l’avis du médecin du travail dans le cadre d’une procédure prud’homale au fond. Cette possibilité devra néanmoins être confirmée par la jurisprudence en l’absence de décision actuellement.

Éliane Chateauvieux
Avocate associée | +33 (0)144 94 96 00 | societe@actanceavocats.com | + posts

Eliane est co-fondateur du cabinet actance en 2005, à la suite d’une expérience riche de neuf années passées au sein du Cabinet Barthélémy & Associés. Titulaire d’un DEA de Droit Social de l’Institut d’Etudes du Travail (Lyon II) et Spécialiste de droit du travail, elle accompagne avec son équipe de grandes entreprises et groupes dans la conception, la réalisation et le déploiement de multiples formes de restructuration, au plus près de leurs équipes et en proposant une approche formée sur l’écoute et l’ingéniosité. Elle intervient également en matière de négociation collective, de gestion des relations avec les représentants du personnel et plus largement de relations collectives et individuelles du travail. Eliane est également très présente dans le domaine de la formation, sollicitée par de nombreux groupes pour concevoir et co-animer des programmes de formation destinés à leur réseau français en charge des Ressources Humaines.

Thomas Lesvenan
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Master II Droit du Travail et de la Protection Sociale Université Rennes I