Comment intégrer l’indemnisation des congés dans la rémunération variable ?

Faut-il rédiger une clause spécifique dans le contrat de travail ?
Comment rédiger une telle clause ?
Quelles sont les conditions de fond et de forme à remplir pour intégrer la rémunération des congés payés dans une rémunération variable ?
Un arrêt du 13 octobre 2021 de la Cour de cassation donne à Sébastien LEROY l’occasion de répondre à ces questions. L’intégration de l’indemnisation des congés dans la rémunération variable peut résulter d’une clause particulière ou être tacite.

L’intégration par une clause expresse du contrat de travail

Des conditions issues du droit communautaire

Selon l’article 7 de la directive communautaire 2003/88/CE du 4 novembre 2003 tous travailleurs bénéficient de 4 semaines de congés payés.

La prise effective de cette période de repos ne peut, dès lors, être remplacée par une indemnisation financière, sauf en cas de rupture du contrat (Article 7 alinéa 2 de la Directive).

La CJUE veille à l’effectivité de ce droit au repos dans l’objectif de protéger la santé et la sécurité des travailleurs. Elle considère même qu’il s’agit « d’un principe du droit social communautaire revêtant une importance particulière ».

Elle permet, par exception, l’intégration dans la rémunération de l’indemnité de congés payés si des conditions très strictes sont respectées (CJCE 16 mars 2006 aff. 31/04, « Robinson-Steele c/ Retail Services Ltd »).

La Cour de cassation reprend dans cet arrêt ces conditions en interprétant les articles du Code du travail à la lumière de l’article 7 de la directive communautaire 2003/88/CE.

Des conditions strictes de fond et de forme

Un ingénieur commercial conclu un contrat de travail prévoyant une rémunération variable particulièrement élevée. A objectif atteint à 100%, cette dernière peut, en effet, être égale à un montant de 50 000 €, soit 2/3 du montant du salaire fixe (75 000 €).

La clause stipule que la rémunération variable s’entend congés payés inclus, sans autres précisions.

Licencié, l’ingénieur saisi le Conseil de Prud’hommes de demandes relatives au caractère infondé de son licenciement, de rappels de salaire et de diverses indemnités.

Il réclame, en particulier, des rappels d’indemnité de congés payés sur les rémunérations variables perçues au motif que la clause de son contrat n’était pas correctement rédigée.

L’employeur s’oppose à cette demande au motif que le contrat de travail prévoyait bien que la rémunération variable s’entendait congés payés inclus.

La Cour d’appel et la Cour de cassation retiennent l’argumentation du salarié et soulignent les conditions de forme et de fond devant être remplies pour une telle intégration :

  • Condition de fond : des circonstances particulières doivent justifier l’intégration, par exemple la nature de l’emploi concerné (son caractère temporaire) ou de la rémunération en cause (rémunération variable, commissions),
  • Condition de forme : la clause doit être transparente et compréhensible, ce qui implique que :
    • soit clairement distinguée la part de rémunération qui correspond au travail, de celle qui correspond aux congés.

Très concrètement, dans l’affaire jugée par la Cour la rémunération variable aurait dû être d’un montant de l’ordre de  45 455 € à objectifs atteints à 100 %, somme à laquelle s’ajoute 10 % de congés payés.

    • soit précisée l’imputation de ces sommes sur un congé déterminé, devant être effectivement pris.

A ce titre, les parties auraient pu indiquer, par exemple, que la somme versée au titre de l’indemnité de congés, en même temps que la rémunération variable, rémunère le congé principal qui sera pris au cours de la période de congés immédiatement postérieure à la date de paiement de la rémunération variable.

Il est à noter que cet arrêt confirme une décision rendue le 12 mai 2019 (Cass. soc. 12 mai 2019 n°17-31.517).

L’intégration tacite liée à la période couverte par la rémunération variable

Une catégorie spécifique de rémunérations n’intègre pas la base de calcul de l’indemnité de congés payés.

Il s’agit des primes, bonus ou encore d’un 13ème mois qui ont la particularité de couvrir à la fois les périodes de présence effective et de congés payés et dont le montant n’est pas affecté par le départ du salarié en congé.

Ces éléments de rémunération doivent, dès lors, être exclus de l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés dans la mesure où leur intégration conduirait, de fait, à payer deux fois l’indemnité de congés.

A contrario, un 13ème mois n’est pas exclu de l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés si son montant rémunère les seules périodes travaillées (Cass. soc. 26 septembre 2018 n°17-18.453).

De même, la rémunération variable annuelle déterminée en fonction d’objectifs personnels est liée à l’activité du salarié pendant les mois travaillés. Elle doit, dès lors, être incluse dans l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés (Cass. soc. 7 décembre 2011 n°10-23.687).

En application de ces solutions jurisprudentielles, une rémunération variable annuelle basée sur les seuls résultats d’une équipe ou d’un service, les membres de l’équipe ou du service étant amenés à se remplacer mutuellement pendant les périodes de congés, devrait pouvoir être exclue de l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés.

Bien entendu, s’il s’agit d’une rémunération variable contractuelle, les objectifs à atteindre devront être compréhensibles et l’employeur devra faire preuve de transparence sur les données servant de base au calcul de cette rémunération (Cass. soc. 18 juin 2008 n°07-41.910).

Une exigence de transparence et de bonne compréhension s’étendant à tous les autres éléments de paie

Selon la directive communautaire 2019/1152 du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles, l’employeur doit informer le travailleur des éléments essentiels de la relation de travail, et notamment de sa rémunération.

Cette information doit porter sur :

  • le salaire de base,
  • tous les autres éléments constitutifs de la rémunération, le cas échéant, indiqués séparément,
  • la périodicité et la méthode de versement.

Lorsqu’elles n’ont pas été communiquées préalablement, ces informations doivent être fournies, individuellement, sous la forme d’un ou de plusieurs documents, entre le 1er jour de travail et le 7ème jour calendaire, au plus tard ajoute la Directive.

Les États membres de l’UE doivent transposer cette directive avant le 1er août 2022.

La rédaction de clauses transparentes et compréhensibles, notamment en matière de rémunération contractuelle, s’imposera ainsi avec encore plus de force.

Sébastien Leroy
Avocat associé | +33 (0)144 94 96 00 | societe@actanceavocats.com | + posts

Sébastien est titulaire d’un Master II Droit et Pratique des Relations de travail de l’Université Panthéon Assas. Il a collaboré au sein du Cabinet Barthélémy & Associés pendant 2 années avant de rejoindre le Cabinet Actance en janvier 2007. Sébastien exerce une activité de conseil au quotidien ou dans le cadre de projets de réorganisation auprès d’une clientèle composée de PME ou de groupes côtés ou non. Il assure la défense de ces mêmes clients devant les différentes juridictions compétentes en droit social, notamment, à l’occasion de contentieux impliquant les instances représentatives du personnel. Sébastien a développé des compétences spécifiques en matière de restructuration, aménagement du temps de travail et épargne salariale.