Actu-tendance n° 608
Jurisprudence – Relations individuelles
Rappel : Lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel il appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel (C. trav. art. L. 1226-2, al. 1).
Lorsque, à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail (C. trav. art. L. 1226-4, al. 1).
En cas de refus des postes de reclassement proposés au salarié inapte, l’employeur peut-il maintenir ce salarié en inactivité tout en continuant à le rémunérer ?
Cass. Soc., 4 novembre 2021, n° 19-18.908
Le médecin du travail déclare un salarié « inapte à son poste, inapte à tout autre poste dans l’entreprise, apte à un poste assimilé dans un environnement compatible avec sa santé ». L’employeur présente au salarié plusieurs propositions de reclassement que celui-ci refuse. A la suite de ces refus, l’employeur continue à rémunérer le salarié sans faire de nouvelles recherches de reclassement et sans procéder non plus au licenciement du salarié. Ce dernier saisit la juridiction prud’homale pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur.
La cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, fait droit à la demande du salarié. Elle juge « qu’en cas de refus du poste de reclassement proposé au salarié déclaré inapte, il appartient à l’employeur de tirer les conséquences du refus du salarié, soit en formulant de nouvelles propositions de reclassement, soit en procédant au licenciement de l’intéressé aux motifs de l’impossibilité de reclassement, la reprise par l’employeur du paiement des salaires, à laquelle il est tenu, ne le dispensant pas de l’obligation de proposer un poste de reclassement ».
Or, la cour d’appel constate, en l’espèce, que « l’employeur s’était abstenu, postérieurement à sa dernière proposition de reclassement, d’effectuer de nouvelles recherches de reclassement ou de procéder au licenciement de l’intéressé aux motifs de l’impossibilité de reclassement ». Elle retient donc que « l’employeur avait maintenu délibérément le salarié dans une situation d’inactivité forcée au sein de l’entreprise sans aucune évolution possible ». Elle considère que « ce comportement consistant à suspendre abusivement le contrat de travail constituait un manquement suffisamment grave justifiant que la résiliation judiciaire du contrat de travail fût prononcée aux torts de l’employeur ».
Note : Dans un cas d’inaptitude où le salarié concerné refuse les propositions de reclassement, l’employeur ne peut donc pas laisser la situation en suspens en se contentant de continuer à rémunérer le salarié sans prendre aucune autre mesure.
En pratique, il faut donc, soit proposer de nouvelles possibilités de reclassement, soit procéder au licenciement pour impossibilité de reclassement.
Rappel : Le médecin du travail peut proposer des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge ou à l’état de santé physique et mental du travailleur (C. trav. art. L. 4624-3).
L’employeur est tenu de prendre en considération ces propositions. En cas de refus, l’employeur doit faire connaître par écrit au travailleur et au médecin du travail les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite (C. trav. art. L. 4624-6).
Le salarié ou l’employeur peut contester les avis, propositions, conclusions ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale (C. trav. art. L. 4624-7, I).
Si un salarié conteste la compatibilité de son poste avec les recommandations du médecin du travail, l’employeur doit-il solliciter à nouveau l’avis de celui-ci ?
Cass. Soc., 4 novembre 2021, n° 20-17.316
Lors d’une visite médicale de reprise à la suite d’une longue absence, une salariée est déclarée « apte avec aménagement de poste, reprise à temps partiel thérapeutique, à revoir au moment de la reprise à temps plein, protection individuelle obligatoire EPI ». La salariée conteste, auprès de son employeur, la compatibilité du poste auquel elle est affectée avec les recommandations du médecin du travail. Près de 5 mois plus tard, elle est licenciée pour faute grave en raison d’absences injustifiées. La salariée conteste son licenciement.
La cour d’appel déboute la salariée de sa demande. Les juges du fond retiennent que l’employeur a correctement appliqué les restrictions médicales posées à l’égard de la salariée et que celle-ci n’avait ni sollicité un nouveau rendez-vous avec la médecine de prévention ni formé un recours contre l’avis d’aptitude.
La Cour de cassation censure le raisonnement des juges du fond. Selon elle, « dans l’hypothèse où le salarié conteste la compatibilité du poste auquel il est affecté avec les recommandations du médecin du travail, il appartient à l’employeur de solliciter à nouveau l’avis de ce dernier ». Or, en l’espèce, l’employeur n’avait pas fait le nécessaire concernant la contestation qu’il avait reçue de la part de la salariée.
Note : Il s’agit d’une confirmation de jurisprudence (Cass. Soc., 6 février 2008, n° 06-44.413).
Ainsi, si à la suite d’une visite médicale, un salarié conteste la compatibilité de son poste avec les recommandations du médecin du travail, l’employeur doit veiller à solliciter un nouvel avis auprès de ce médecin.
Rappel : Le contrat de travail peut prévoir que la rémunération variable dépend d’objectifs fixés annuellement par l’employeur et le salarié d’un commun accord. En l’absence d’accord sur les objectifs, il appartient au juge de fixer le montant de cette rémunération en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes et, à défaut, des données de la cause (Cass. Soc., 9 mai 2007, n° 05-45.613).
Si l’employeur a manqué à son obligation contractuelle d’engager une concertation en vue de fixer les objectifs dont dépend la partie variable de la rémunération, le juge peut-il décider que la rémunération variable sera versée en intégralité ?
Cass. Soc., 4 novembre 2021, n° 19-21.005
Le contrat de travail d’un salarié prévoit une rémunération variable (prime de résultat) en fonction de l’atteinte d’objectifs de vente qui doivent être fixés annuellement en concertation entre le salarié et l’employeur. A la suite de la rupture de son contrat de travail, le salarié réclame le paiement intégral de cette prime de résultat au motif que les objectifs annuels n’ont jamais été fixés.
La Cour de cassation approuve la cour d’appel qui, ayant constaté que l’employeur avait manqué à son obligation contractuelle d’engager chaque année une concertation avec le salarié en vue de fixer les objectifs dont dépendait la partie variable de la rémunération, a décidé que la rémunération variable contractuellement prévue devait être versée intégralement pour chaque exercice.
Note : Cette décision s’inscrit dans la lignée jurisprudentielle de la Cour de cassation qui a déjà adopté la même position dans un cas où l’employeur s’était abstenu de préciser les objectifs qu’il devait fixer unilatéralement (Cass. Soc., 24 octobre 2012, n° 11-23.843 ; Cass. Soc., 10 juillet 2013 n° 12-17.921 ; Cass. Soc., 25 novembre 2020, n° 19-17.246).
Ainsi, en l’absence d’objectifs, rien n’empêche le juge, qui doit fixer le montant de la rémunération variable, de décider que le salarié est fondé à prétendre au paiement de l’intégralité de cette rémunération. En pratique, lorsque la part variable de la rémunération dépend d’objectifs, il est recommandé de veiller à définir ces objectifs.
Jurisprudence – Relations collectives
Rappel : Sont électeurs les salariés des deux sexes, âgés de 16 ans révolus, travaillant depuis 3 mois au moins dans l’entreprise et n’ayant fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relatives à leurs droits civiques (C. trav. art. L. 2314-18).
Sur le fondement de ces dispositions, la Cour de cassation juge, selon une jurisprudence constante, que les salariés qui, soit disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise, soit représentent effectivement l’employeur devant les institutions représentatives du personnel, ne peuvent pas être électeurs.
L’article L. 2314-18 du Code du travail tel qu’interprété par la Cour de cassation, en privant certains salariés de la qualité d’électeur, est-il contraire à la Constitution ?
Cons. Const., 19 novembre 2021, n° 2021-947 QPC
A l’occasion d’un contentieux électoral porté devant la Cour de cassation, un syndicat soulève une question prioritaire de constitutionnalité qui est transmise au Conseil constitutionnel.
Le syndicat reproche aux dispositions de l’article L. 2314-18 du Code du travail, telles qu’interprétées par la Cour de cassation, de méconnaître le principe constitutionnel de participation des travailleurs. En effet, selon lui, elles privent les salariés susceptibles d’être assimilés à l’employeur de la qualité d’électeur aux élections professionnelles, et donc de toute représentation au comité social et économique (CSE).
Le Conseil constitutionnel donne raison au syndicat et déclare l’article L. 2314-18 du Code du travail contraire à la Constitution.
Les Sages rappellent que, sur le fondement de l’article L. 2314-18 du Code du travail, la Cour de cassation exclut systématiquement du corps électoral les salariés assimilés à l’employeur. Ils considèrent que ces dispositions privent les salariés concernés de toute possibilité de participer en qualité d’électeur à l’élection du CSE, au seul motif qu’ils disposent d’une délégation ou d’un pouvoir de représentation, ce qui porte une atteinte manifestement disproportionnée au principe de participation des travailleurs.
Note : Le Conseil constitutionnel considère que l’abrogation immédiate de l’article L. 2314-18 du Code du travail aurait pour effet de supprimer toute condition pour être électeur et entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives. Par conséquent, il reporte l’abrogation au 31 octobre 2022.
Les Sages précisent que les mesures prises avant cette date en application des dispositions déclarées inconstitutionnelles ne peuvent pas être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.
Législation et réglementation
Le 16 novembre dernier, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi de finances pour 2022.
Le texte prévoit notamment de prolonger ou de pérenniser certaines mesures en matière d’activité partielle.
Seraient ainsi inscrites dans la loi :
- la prise en compte des heures supplémentaires dites « structurelles » dans le calcul de l’indemnité et de l’allocation d’activité partielle ;
- l’appréciation de la réduction de l’horaire de travail pour les salariés soumis à des conventions de forfait en heures ;
- l’intégration au régime d’activité partielle des salariés n’ayant pas de durée du travail décomptée en heures et/ou non soumis aux dispositions légales ou conventionnelles relatives à la durée de travail;
- la possibilité d’ouvrir l’activité partielle aux cadres dirigeants dans les cas de fermeture temporaire de leur établissement ou partie d’établissement ;
- le maintien, pour les salariés en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation rémunérés en deçà du SMIC, d’une indemnité d’activité partielle d’un montant égal au niveau de leur rémunération antérieure avec un reste à charge nul pour l’employeur. Pour les salariés en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation rémunérés au-dessus du SMIC, il serait prévu que le taux horaire de l’indemnité d’activité partielle soit au moins égal au taux horaire du SMIC.
L’éligibilité à l’activité partielle de certains employeurs et salariés ayant des statuts spécifiques serait prolongée jusqu’au 31 décembre 2022 (salariés de droit privé de certains employeurs de droit public exerçant une activité industrielle et commerciale ; entreprises étrangères ne comportant pas d’établissement en France et employant au moins un salarié sur le territoire français ; salariés des remontées mécaniques, pistes de ski et cures thermales).
Le Gouvernement serait habilité, jusqu’au 31 juillet 2022, à prendre, par ordonnance, des mesures d’adaptation du dispositif d’activité partielle de longue durée compte tenu de l’évolution de la situation sanitaire.
Le projet de loi de finances pour 2022 adopté par l’Assemblée nationale prévoit également :
- une exonération de cotisations et contributions sociales pour les pourboires remis au cours des années 2022 et 2023 aux salariés dont la rémunération (hors pourboires) n’excède pas 1,6 Smic ;
- une modification de la période de référence pour le calcul de l’effectif d’assujettissement à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés: par dérogation à l’article L. 130-1 du Code de la sécurité sociale qui prévoit que l’année de référence est l’année précédente, la période à retenir pour apprécier le nombre de salariés serait l’année au titre de laquelle la contribution OETH serait due ;
- des dispositions aménageant le système de financement de la formation professionnelle et de l’alternance, notamment, un régime transitoire permettant de garantir le versement en 2022 par toutes les entreprises du solde de la taxe d’apprentissage au titre de la masse salariale 2021.
Le projet de loi de finances pour 2022 devait être examiné par le Sénat en première lecture entre le 18 novembre et le 7 décembre. Toutefois, le 23 novembre, les sénateurs n’ont pas adopté la première partie du projet ce qui a entraîné mécaniquement le rejet de l’ensemble du texte. Une commission mixte paritaire a été convoquée le 24 novembre.
Nous reviendrons sur le texte lors de son adoption définitive et de sa publication au JO pour vous faire part de ses éventuelles évolutions.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 tel qu’adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 26 octobre dernier prévoit notamment :
- la possibilité pour les employeurs éligibles à l’aide au paiement des cotisations et contributions sociales d’imputer le solde du montant de cette aide sur les cotisations et contributions sociales dues au titre de l’année 2022;
- la prolongation jusqu’à la fin de l’année 2022 du régime social simplifié des indemnités d’activité partielle;
- la prolongation jusqu’au 31 décembre 2022 des mesures relatives à l’indemnisation des arrêts de travail dérogatoires ;
- l’amélioration de la protection sociale et de la couverture en cas d’accident du travail et de maladie professionnelle des travailleurs des plateformes;
- l’extension du dispositif de retraite progressive aux salariés en forfait jours ou heures et aux mandataires sociaux.
Le texte a été adopté en première lecture par le Sénat le 16 novembre dernier avec des amendements concernant la complémentaire santé solidaire, le cumul entre pension d’invalidité et revenus professionnels, le statut de conjoint collaborateur et les régimes de retraite.
La commission mixte paritaire qui s’est réunie le 17 novembre n’est pas parvenue à un accord. Le texte a été adopté en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale le 22 novembre. Les députés ont rétabli leur version du texte en écartant notamment l’amendement du Sénat relatif aux régimes de retraite. Le 25 novembre, le texte a de nouveau été examiné par le Sénat qui l’a rejeté. Il est désormais en lecture définitive à l’Assemblée nationale.
Nous reviendrons sur le texte lors de son adoption définitive et de sa publication au JO pour vous faire part de ses éventuelles évolutions.
Le projet de la seconde loi de finances rectificative pour 2021 a été définitivement adopté par l’Assemblée nationale le 24 novembre dernier.
Les députés ont rétabli l’indemnité inflation qui avait été supprimée par le Sénat en première lecture pour être remplacée par une majoration exceptionnelle de 150 € de la prime d’activité, une allocation exceptionnelle de 150 € pour les bénéficiaires des minima sociaux et de prestations sociales ainsi qu’une dotation supplémentaire pour renforcer les aides à la mobilité versées aux demandeurs d’emploi et aux jeunes en parcours d’insertion.
A l’heure de la rédaction de la présente actualité, nous ne disposons pas du texte définitif. Nous reviendrons donc dessus lors de sa publication au JO pour vous faire part de ses éventuelles évolutions.
La proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte donne une définition des lanceurs d’alerte et prévoit notamment :
- d’étendre la protection des lanceurs d’alerte aux facilitateurs, personnes physiques ou morales ;
- la possibilité pour le lanceur d’alerte de choisir entre le canal interne et le canal externe;
- de renforcer la protection des lanceurs d’alerte en les protégeant mieux contre les représailles et les procédures de bâillon.
La proposition de loi visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte clarifierait le rôle du Défenseur des droits vis‑à‑vis des lanceurs d’alerte et des signalements qui lui parviennent et préciserait les actions qu’il pourrait engager pour en assurer le suivi.
Ces deux propositions de loi ont été adoptées en première lecture à l’Assemblée nationale le 17 novembre dernier. Elles doivent désormais être examinées par le Sénat.