Actu-tendance n° 597

Jurisprudence – Relations collectives

Rappel : Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins 10 salariés dans une même période de 30 jours, l’employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre.
Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement sur le territoire national des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité (art. L.1233-61 du Code du travail).
Le PSE prévoit des mesures telles que des actions en vue du reclassement interne des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d’emplois ou équivalents à ceux qu’ils occupent ou, sous réserve de l’accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure (art. L.1233-62 du même code).
Dans le plan de reclassement, l’employeur doit identifier « l’ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l’entreprise ». Lorsque l’entreprise appartient à un groupe, « l’employeur doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe » (CE, 22 juillet 2015, n° 383481).
Le plan de reclassement doit identifier l’ensemble des postes disponibles au sein des entreprises du groupe et ce, quelle que soit la durée des contrats. A défaut, la décision de la Direccte (devenue la DREETS depuis le 1er avril 2021) ayant homologué le document unilatéral contenant le PSE peut-elle être annulée pour ce motif ?

CE., 22 juillet 2021, n°434362

Dans cette affaire, la Direccte a homologué le document unilatéral fixant le contenu du PSE en vue de la cessation totale de l’activité de l’employeur.

Plusieurs salariés ont saisi le Tribunal administratif d’une demande d’annulation contre cette décision d’homologation, reprochant à leur employeur d’avoir identifié au sein du plan de reclassement uniquement les postes disponibles d’une durée d’au moins 3 mois.

La Cour d’appel a fait droit à leur demande estimant que le document unilatéral fixant le PSE était entaché d’une irrégularité.

Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’Etat censure cette décision en rappelant qu’il revient à l’Administration « de s’assurer que le plan de reclassement intégré au PSE est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité ».

L’Administration doit vérifier que l’employeur a « identifié dans le plan l’ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l’entreprise ». Pour l’ensemble de ces postes, l’employeur doit avoir indiqué « leur nombre, leur nature et leur localisation ».

Lorsque l’entreprise appartient à un groupe, l’Administration vérifie que l’employeur a « procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement sur le territoire national dans les autres entreprises du groupe ».

Le Conseil d’Etat apporte une précision. La recherche de reclassement doit concerner l’ensemble des postes disponibles « quelle que soit la durée des contrats susceptibles d’être proposés pour pourvoir à ces postes ».

En l’espèce, le Conseil d’Etat a considéré que la limitation de l’identification des postes de reclassement aux besoins en personnel d’une durée d’au moins 3 mois n’était pas de nature à entacher d’insuffisance le plan.

Pour les Hauts magistrats, les autres mesures contenues dans le plan pour favoriser le reclassement des salariés étaient suffisantes.

En l’espèce, le plan de reclassement prévoyait : la mise en place d’une antenne emploi, les aides financières individuelles à la formation, les aides financières à la recherche d’emploi et à la mobilité géographique ainsi que les aides à la création d’entreprise.

La Cour considère que « prises dans leur ensemble, les mesures prévues par le plan sont propres à satisfaire les objectifs de maintien dans l’emploi et de reclassement des salariés » compte tenu des moyens dont disposaient l’entreprise et le groupe auquel elle appartient.

Autrement dit, le plan de reclassement doit identifier l’ensemble des postes disponibles dans l’entreprise, quelle que soit la durée des contrats. Toutefois, si l’employeur en limite l’identification dans le plan, la décision d’homologation du document unilatéral n’est pas pour autant annulée si les autres mesures du plan ont vocation à satisfaire aux objectifs de maintien dans l’emploi et de reclassement.  

Note : Cette solution est conforme à la position retenue par la Cour de cassation (Cass. Soc., 29 janvier 2002, n° 00-41.885). Dans cette affaire, la cour a jugé que l’employeur était tenu de proposer au salarié visé par un licenciement pour motif économique les postes en CDI mais également ceux en CDD.

Il est donc préconisé de lister dans le PSE l’ensemble des postes disponibles au reclassement quelle que soit leur nature (CDI ou CDD).

Rappel : En l’absence d’accord collectif, l’Administration homologue le document élaboré par l’employeur après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l’article L.1233-24-2 dont le nombre de suppressions d’emploi et les catégories professionnelles concernées.
Les catégories professionnelles regroupent « en tenant compte des acquis de l’expérience professionnelle qui excèdent l’obligation d’adaptation qui incombe à l’employeur, l’ensemble des salariés qui exercent, au sein de l’entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ».
L’homologation du document unilatéral fixant le PSE doit être refusée :
  • « s’il apparaît que les catégories professionnelles concernées par le licenciement ont été déterminées par l’employeur en se fondant sur des considérations, telles que l’organisation de l’entreprise ou l’ancienneté des intéressés, qui sont étrangères à celles qui permettent de regrouper, compte tenu des acquis de l’expérience professionnelle, les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune,
  • ou s’il apparaît qu’une ou plusieurs catégories ont été définies dans le but de permettre le licenciement de certains salariés pour un motif inhérent à leur personne ou en raison de leur affectation sur un emploi ou dans un service dont la suppression est recherchée » (CE, 7 février 2018, n° 399838, n° 403001, n° 407718).

TA de Cergy Pontoise, 26 juillet 2021, n° 2106423

Une entreprise a engagé une procédure de réorganisation impliquant la suppression de 80 postes et la création de 13 postes.

Elle a établi un document unilatéral fixant le PSE, qui a été homologué initialement par la Direccte puis par la Drieets lors de l’ajout d’une phase préalable de départ volontaire externe pour les catégories professionnelles impactées par des suppressions de postes.

Le Tribunal a annulé ces décisions d’homologation en raison du découpage trop fin des catégories professionnelles fixées par l’employeur.

En effet, le Tribunal a constaté que :

  • Sur les 281 catégories professionnelles, 168, soit 60 % d’entre elles, ne comportent qu’un seul salarié ;
  • S’agissant des 46 catégories professionnelles impactées par les licenciements, 22 d’entre elles sont unipersonnelles soit près de la moitié d’entre elles.

Selon les juges, ce découpage emportait une neutralisation des critères d’ordre de licenciement.

Dès lors, en l’absence d’explications probantes apportées par l’employeur, ce dernier   « doit être regardé comme s’étant principalement fondé, pour définir les catégories professionnelles visées par les licenciements, sur des considérations qui, tenant seulement à l’organisation de l’entreprise, ne sont pas propres à regrouper les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ».

Note : Il est recommandé, dans le cadre de l’élaboration d’un PSE, d’être particulièrement vigilant au sujet de la détermination des catégories professionnelles qui ne doivent pas être trop restrictives.

Législation et réglementation

La loi de finances rectificative pour 2021 a reconduit en 2021 la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) dite également prime Macron.

Une instruction interministérielle du 19 août 2021, publiée au BOSS le 31 août, précise les conditions d’attribution et de versement de cette prime.

Cette instruction reprend et met à jour, sous forme de Questions-réponses, l’instruction interministérielle n° DSS/5B/2020/59 du 16 avril 2020 sur la PEPA de 2020.

Pour mémoire, la PEPA de 2021 peut être versée entre le 1er juin 2021 et le 31 mars 2022. Elle est exonérée d’impôt et de cotisations sociales dans la limite de 1 000€ par salarié ou 2000€ dans les cas suivants :

  • Une entreprise de moins de 50 salariés sans condition ;
  • Une association ou une fondation reconnue d’utilité publique ou d’intérêt général ;
  • L’entreprise met en œuvre un accord d’intéressement à la date de versement de la prime ou a conclu, avant cette date, un accord d’intéressement prenant effet avant le 31 mars 2022 ;
  • L’employeur est engagé dans une démarche de valorisation des « métiers de 2ème ligne ».

Dans l’actu-tendance de cette semaine, nous ne détaillerons que les nouveautés.

La prime ne peut plus être modulée en fonction des conditions de travail

Contrairement à la PEPA de 2020, le montant de la prime 2021 ne peut plus être modulé en fonction des conditions de travail liées à l’épidémie de Covid-19.

La prime ne peut donc être augmentée pour les seuls salariés ayant continué leur activité durant la période d’urgence sanitaire, ou ayant exercé leur activité dans des conditions spécifiques de travail liées à l’activité de l’entreprise.

L’instruction précise également que l’employeur ne peut exclure du bénéfice de la PEPA les salariés en télétravail.

Le montant de la prime 2021 peut être modulé uniquement en fonction des critères fixés par la loi (la rémunération, le niveau de classification, la durée de présence effective pendant l’année écoulée ou de la durée de travail prévue par le contrat de travail).

Comment s’apprécie le seuil de 50 salariés ?

La PEPA est exonérée d’impôt et de cotisations sociales dans la limite de 2000€ pour les entreprises de moins de 50 salariés.

L’instruction précise que le seuil de 50 salariés s’apprécie au niveau de l’entreprise, tous établissements confondus. Ce seuil correspond à la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l’année civile précédente.

Dans le cas d’une entreprise étrangère, il faut prendre en compte l’ensemble des établissements situés en France et à l’étranger.

Quelle forme doit prendre l’engagement en faveur des métiers de la 2ème ligne ?

La PEPA est exonérée d’impôt et de cotisations sociales dans la limite de 2000€ pour les entreprises d’au moins 50 salariés engagées dans des actions de revalorisation des travailleurs de la 2ème ligne.

L’instruction précise qu’il s’agit des salariés « exerçant les métiers dans les activités de commerce ou de service qui en raison de la nature de leurs tâches, sont en contact plus important avec les risques présentés par l’épidémie de Covid-19, et dont l’activité s’est exercée uniquement ou majoritairement sur site en 2020 ou 2021 ».

Cette condition est notamment remplie lorsque l’entreprise ou la branche dont elle relève s’engage à ouvrir une revalorisation de ces métiers.

L’instruction précise que cet engagement prend la forme d’un accord-cadre au niveau de la branche ou de l’entreprise. Cet accord doit identifier les salariés concernés et fixer le calendrier des négociations (qui devront s’ouvrir dans un délai maximum de 2 mois à compter de la signature de l’accord), ainsi que les modalités de suivi des négociations et les thèmes traités lors de la négociation.

L’employeur peut verser la PEPA même si l’accord n’est pas signé, dès lors qu’il justifie de l’ouverture de la négociation figurant sur le procès-verbal de la réunion de négociation.

La loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, transposant l’ANI sur la santé au travail du 9 décembre 2020, contient diverses mesures en matière de droit social, qui entreront en vigueur le 31 mars 2022, parmi lesquelles :

Consultation du CSE sur le DUERP

La loi prévoit, à compter du 31 mars 2022, la consultation obligatoire du CSE sur l’établissement du DUERP (document unique d’évaluation des risques professionnels) et ses mises à jour (art. L.4121-3 du Code du travail à venir).

Actuellement, le Code du travail ne prévoit pas la consultation du CSE sur le DUERP. Mais, il est vivement recommandé d’associer le CSE à son élaboration ou sa mise à jour.

En pratique, l’employeur a la responsabilité de l’élaboration et de la mise à jour du DUERP. Le CSE peut être amené à faire des propositions de mise à jour (Cass. Soc., 12 mai 2021, n° 20-17,288 à propos du CHSCT de l’entreprise La poste).

DUERP

La loi prévoit que les versions successives du DUERP devront, à compter de mars 2022, être conservées par l’employeur pendant une durée, qui ne peut être inférieure à 40 ans, qui sera fixée par décret (à paraître).

 Ces documents devront être tenus à la disposition des travailleurs actuels et anciens ainsi que de toute personne ou instance pouvant justifier d’un intérêt à y avoir accès.

Le DUERP et ses mises à jour seront déposés sur un portail numérique déployé par les organismes gérés par les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel :

  • à compter du 1er juillet 2023 pour les entreprises d’au moins 150 salariés,
  • et au plus tard au 1er juillet 2024 pour les autres entreprises.

Les entreprises d’au moins 50 salariés sont tenues d’établir un programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail qui dresse la liste des mesures à mettre en œuvre, en précisant notamment les conditions d’exécution, les indicateurs et le coût. A compter du 31 mars 2022, ce programme devra prévoir les ressources mobilisables et le calendrier de déploiement.

Définition du harcèlement sexuel dans le Code du travail mise à jour

La définition du harcèlement sexuel a été modifiée dans le Code pénal par la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 en y intégrant :

  • Les propos ou comportements à connotation sexiste ;
  • La commission de l’infraction par plusieurs personnes.

Dans le Code du travail, ces apports n’avaient pas été intégrés. Ce sera chose faite en mars 2022 à l’article L.1153-1 du Code du travail.

Nouveau thème au sein de la négociation annuelle relative à l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail

A défaut d’accord, la négociation sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail doit avoir lieu tous les ans (art. L.2242-13 du Code du travail). Le contenu de la négociation est fixé à l’article L.2242-17 et porte sur 8 thèmes.

A compter du 31 mars 2022, la négociation portera sur les conditions de travail.

La loi adapte le nom de cette négociation qui s’intitulera « négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie et des conditions de travail ».

La loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 a introduit une visite médicale de fin de carrière pour certains salariés (art. L.4624-2-1 du Code du travail).

Mais cette disposition était inapplicable, faute de parution du décret d’application. C’est chose faite. Le décret a été publié le 9 août 2021. Il détaille les modalités de cette visite médicale applicable aux salariés dont le départ à la retraite ou la mise à la retraite intervient à compter du 1er octobre 2021.

Salariés concernés

Bénéficient de cette visite, les salariés (art. R.4624-28-1 du Code du travail) :

  • bénéficiant ou ayant bénéficié d’un suivi individuel renforcé de leur état de santé ;
  • ayant bénéficié d’un suivi médical spécifique du fait de leur exposition à un ou plusieurs des risques mentionnés au I de l’article R.4624-23 (amiante, plomb, agents cancérogènes etc.) antérieurement à la mise en œuvre du dispositif de suivi individuel renforcé.

Organisation de la visite

L’employeur doit informer son service de santé au travail (SST) dès qu’il a connaissance du départ ou de la mise à la retraite de l’un de ses salariés. Il en avise sans délai le salarié (art. R.4624-28-2 du Code du travail).

Si le salarié est éligible à cette visite, le SST l’organise.

Etat des lieux des expositions

Le médecin du travail établit un état des lieux des expositions du travailleur aux facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L.4161-1 du Code du travail.

Cet état des lieux est établi notamment sur la base des informations contenues dans le dossier médical en santé au travail du salarié, les déclarations du travailleur et celles de ses employeurs successifs.

À l’issue de la visite, il remet le document dressant l’état des lieux au salarié. Lorsque le document fait état de l’exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels ou que l’examen a fait apparaître d’autres risques professionnels, le médecin du travail préconise, le cas échéant, la surveillance post-professionnelle. À cette fin, il transmet, s’il le juge nécessaire et avec l’accord du travailleur, le document et, le cas échéant, les informations complémentaires au médecin traitant.

Note : Cette visite médicale s’appliquera dans ces conditions jusqu’au 30 mars 2022.

La loi nº 2021-1018 du 2 août 2022 précitée modifie cette visite médicale à compter du 31 mars 2022. Si les salariés concernés restent les mêmes, la visite devra avoir lieu dans les meilleurs délais après la cessation de l’exposition à des risques particuliers pour la santé ou la sécurité du salarié ou, le cas échéant, avant son départ à la retraite. Cette visite ne se déroulera donc plus forcément à la fin de la carrière.

Le médecin du travail qui constate lors de la visite médicale une exposition du salarié à certains risques dangereux devra obligatoirement mettre en place une surveillance post-professionnelle, ce qui n’est qu’une faculté actuellement. Un décret doit paraitre pour en préciser les modalités.

Dans un communiqué de presse du 24 août 2021, le Gouvernement a annoncé que les dispositions dérogatoires relatives au titres-restaurant resteront inchangées jusqu’au 28 février 2022.

Le plafond d’utilisation des tickets restaurant resterait fixé à 38 €, au lieu de 19 €. Les titres-restaurant pourraient toujours être utilisés les week-ends et les jours fériés dans les restaurants.

Cette mesure devait prendre fin le 31 août 2021.

Un décret devrait être publié prochainement pour confirmer ces annonces.