Actu-tendance n° 590

Jurisprudence – Relations individuelles

Rappel : Dès que le temps de travail quotidien atteint 6 heures, le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de 20 minutes consécutives (art. L. 3121-16 du Code du travail).
Le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses ne sont en principe pas considérés comme du temps de travail effectif, sauf lorsque les critères définis à l’article L. 3121-1 sont réunis (art. L. 3121-2 du code du travail).
Le temps de travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles (art. L. 3121-1 du Code du travail).
Le temps de pause n’est pas en principe rémunéré, sauf dispositions conventionnelles contraires (art. L. 3121-6 du Code du travail ; Cass. Soc., 9 avril 2015 n° 12-24.772).
Le temps de pause pendant lequel un salarié doit conserver avec lui son téléphone professionnel pour éventuellement intervenir en cas de besoin constitue-t-il du temps de travail effectif ?

Cass. Soc., 2 juin 2021, n° 19-15.468 ; n° 19-15.469 et n° 19-15.473

Plusieurs salariées, exerçant des fonctions d’agent d’encadrement qualité, statut non-cadre, ont saisi la juridiction prud’homale pour solliciter la requalification de leur temps de pause en temps de travail effectif afin d’en obtenir le paiement.

Les salariées faisaient valoir que la direction leur imposait de conserver leur téléphone portable professionnel pendant leur pause.

La Cour d’appel a fait droit à leur demande après avoir relevé que l’employeur exigeait « qu’elles conservent leur téléphone mobile professionnel dans tous leurs déplacements internes sur le site afin d’être joignable à tout moment, y compris en cas de sortie de poste, pour pouvoir répondre à une information urgente à transmettre au transporteur pour les livraisons ».

Les juges en ont déduit que « les salariées devaient rester constamment à la disposition de leur employeur et se conformer à ses directives, qu’elles ne pouvaient donc vaquer librement à leurs occupations personnelles y compris pendant leurs pauses, de sorte que celles-ci, même lorsqu’elles étaient badgées, constituaient un temps de travail effectif ».

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation censure cette décision en rappelant que « pour que des temps de pauses puissent être considérés comme du temps de travail effectif, il faut que le salarié soit à la disposition de l’employeur et qu’il doive se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles ».

Or, la Haute juridiction reproche aux juges d’appel de ne pas avoir « caractérisé en quoi les salariées étaient, durant les temps de pause, à la disposition de leur employeur et devaient se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ».

Autrement dit, le seul fait de devoir conserver son téléphone portable professionnel durant sa pause ne suffit pas à caractériser un temps de travail effectif.

Il revient aux salariés de démontrer en quoi ils étaient, durant les temps de pause, à la disposition de leur employeur et devaient se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

Note : Le temps de pause n’est pas incompatible avec des interventions éventuelles et exceptionnelles en cas de nécessité notamment pour des motifs de sécurité.

En effet, la Cour de cassation a déjà jugé qu’une pause de 30 minutes accordée après 6 heures de travail ne perd pas sa qualification au motif d’interventions éventuelles, pour des salariés en travail posté. La Cour relève qu’en cas d’intervention, cette période doit être décomptée et rémunérée comme travail effectif (Cass. Soc., 1er avril 2003, n° 01-01.395).

Rappel : La faute grave est la faute qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise (Cass. Soc., 27 septembre 2007, n° 06-43.867). Il s’agit donc d’une faute d’une particulière gravité.
Le salarié qui agresse verbalement son supérieur hiérarchique qui est à l’origine de son harcèlement moral commet-il une faute grave justifiant son licenciement ?

Cass. Soc., 12 mai 2021, n° 20-10.512

Dans cette affaire, un salarié a été licencié pour faute grave après 23 ans d’ancienneté dans l’entreprise.

Son employeur lui reprochait notamment son comportement violent à l’égard de son supérieur hiérarchique se manifestant par une agression verbale et une tentative d’agression physique empêchée par l’intervention d’un tiers.

Contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud’homale estimant que son comportement était justifié par son état de santé dégradé causé par le harcèlement moral qu’il subissait par son supérieur.

La Cour d’appel a fait droit à la demande du salarié et qualifié le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les juges ont retenu que l’agression verbale commise par le salarié résultait de son état pathologique, conséquence du harcèlement moral dont il était victime.

En l’espèce, cet état pathologique avait été établi par :

  • un psychiatre, lequel a attesté de signes « en faveur d’un syndrome post-traumatique avec la présence de stress, de pression morale, de conflits professionnels et de céphalées survenus dans ce contexte »;
  • des attestations de salariés confirmant la dégradation de l’état de santé du salarié, ses angoisses et son mal-être.

La Cour en a déduit que ce comportement ne constituait pas une faute grave du salarié rendant impossible son maintien dans l’entreprise.

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation a confirmé cette décision.

Note : Les juges du fond s’attachent aux circonstances entourant la faute du salarié qui sont susceptibles d’exclure la qualification de faute grave.

En effet, la Cour a déjà jugé que ne justifiait pas un licenciement pour faute grave, le fait pour une caissière d’avoir giflé une cliente. La salariée seule en caisse face à une cliente agressive et menaçante avait pourtant appelé au secours sa supérieure hiérarchique qui n’était pas intervenue (Cass. Soc., 22 septembre 2010, n° 08-43.717).

Rappel : La juridiction commerciale est compétente, en l’absence de décision du CPH sur la validité et la violation d’une clause de non-concurrence, pour se prononcer sur un litige entre 2 employeurs successifs lorsque le premier recherche la responsabilité de l’autre pour complicité de violation de cette clause par son ancien salarié (Cass. Civ., chambre commerciale, 14 mai 2013, n° 12-19.351).
A contrario, le juge commercial est incompétent lorsque le CPH a rendu une décision en la matière. Cette règle est-elle valable également lorsque le premier employeur a saisi le juge des référés de la juridiction commerciale ?

Cass. Soc., 9 juin 2021, n° 19-14.485

Dans cette affaire, un employeur reprochait à son ancien salarié d’avoir méconnu sa clause de non-concurrence en acceptant d’être embauché par un concurrent.

Il a assigné cette entreprise concurrente devant le juge des référés commercial aux fins d’obtenir, sous astreinte, qu’il lui soit ordonné de cesser toute relation de travail avec son salarié, et qu’il soit condamné à lui payer une provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice.

Pour sa défense, l’entreprise concurrente demandait aux juges de surseoir à statuer au motif que le salarié avait saisi la juridiction prud’homale pour solliciter l’annulation de sa clause de non-concurrence.

La Cour d’appel a fait droit à la demande de l’ancien employeur et a refusé de surseoir à statuer constatant l’existence d’un trouble manifestement illicite.

Les juges ont estimé qu’il appartenait « au juge commercial, statuant en référé, saisi d’une demande visant à voir juger que la violation d’une clause de non-concurrence constitue un trouble manifestement illicite, d’apprécier avec l’évidence requise en référé si cette clause peut recevoir application ».

L’entreprise concurrente a formé un pourvoi en cassation faisant valoir que l’action de l’ancien employeur supposait au préalable « que soit tranchée la question préalable de la violation de la clause de non-concurrence par le salarié, laquelle relève de la compétence exclusive de la juridiction prud’homale lorsque cette dernière a été régulièrement saisie ».

La Cour de cassation réunie en chambre commerciale écarte cet argument rappelant que « la juridiction commerciale, qui a compétence, dans le cadre d’un litige opposant deux sociétés commerciales, pour statuer sur la validité et sur la violation de la clause de non-concurrence souscrite par le salarié de l’une d’elles qui recherche la responsabilité de l’autre pour complicité de la violation de cette clause, doit surseoir à statuer lorsque la juridiction des prud’hommes a été saisie de cette question ».

Toutefois, la Haute juridiction pose une exception : « il n’en va pas de même du juge des référés commercial, dont la décision présente un caractère provisoire et ne tranche pas le fond du litige ».

Il en résulte que le pourvoi devait être rejeté.

Autrement dit, si la juridiction commerciale doit surseoir à statuer en cas de saisine du CPH d’une demande d’annulation de la clause de non-concurrence, tel n’est pas le cas du juge des référés commercial, qui peut ordonner au nouvel employeur de faire cesser cette violation.

Jurisprudence – Relations collectives

Rappel : La crise sanitaire liée à l’épidémie de la Covid-19 a conduit les employeurs à mettre régulièrement à jour leur document unique d’évaluation des risques (DUER) pour y intégrer les nouveaux risques liés à la Covid-19 en fonction de l’évolution de la situation sanitaire.
Le DUER est tenu à la disposition des membres de la délégation du personnel du CSE (art. R. 4121-4 du Code du travail ; anciennement des membres du CHSCT).
Le CHSCT doit-il être consulté préalablement à la mise à jour du DUER ?

Cass. Soc., 12 mai 2021, n° 20-17.288

A l’issue du premier confinement, l’entreprise (la Poste) a informé et consulté les CHSCT des plateformes de préparation et distribution du courrier de deux sites sur le projet de reprise de son activité.

Invoquant l’irrégularité de la procédure de consultation des CHSCT et l’insuffisance des informations communiquées par l’employeur, les CHSCT et l’expert désigné ont saisi le Tribunal judiciaire en référé afin d’obtenir des informations complémentaires et la suspension du projet de reprise dans l’attente d’une consultation régulière des CHSCT.

Les membres du CHSCT estimaient devoir être consultés sur le projet de mise à jour du DUER.

La Cour d’appel a rejeté leur demande estimant « qu’il n’existe aucune obligation légale ou réglementaire pour l’employeur de consulter le CHSCT sur le document unique en tant que tel ».

En l’espèce, la Poste avait joint les DUER datés des 29 mai et 3 juin 2020 au dossier de présentation du projet d’organisation transmis aux deux CHSCT en vue des réunions. Les CHSCT en ont fait la critique « sans toutefois préciser les risques épidémiques et professionnels en lien avec l’épidémie et le projet d’organisation du travail qui n’auraient pas été identifiés ou évalués, ni les sites ou services qui auraient pu être oubliés ».

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation a confirmé cette décision en rappelant sur le fondement des anciennes dispositions des articles R. 4121-1 et R. 4121-4 du Code du travail, que « l’employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède. Ce document est mis à disposition des membres du CHSCT ».

Il en résulte « que l’employeur a la responsabilité de l’élaboration et de la mise à jour du document unique d’évaluation des risques professionnels simplement tenu à disposition du CHSCT, lequel peut être amené, dans le cadre de ses prérogatives, à faire des propositions de mise à jour ».

Dès lors, la Cour d’appel a pu en déduire l’absence de trouble manifestement illicite tiré d’une violation par l’employeur de ses obligations en matière d’évaluation des risques.

Note : L’affaire en l’espèce concerne la Poste qui a conservé ses CHSCT (art. L. 4612-12 ancien du Code du travail).

L’ensemble des missions du CHSCT a été transféré au CSE. Cette solution est donc, selon nous, transposable au CSE.

La position de la Jurisprudence est conforme à la position retenue par le Ministère du travail dans le cadre de son Questions-réponses relatif à la crise sanitaire de la Covid-19 (mis à jour le 17 juin 2021), lequel indique que la démarche d’actualisation du DUER « est conduite selon une procédure faisant intervenir les instances représentatives du personnel (CSE) ».

De même, plusieurs jugements, rendus dans le cadre de la crise sanitaire, ont souligné l’importance de l’association en amont du CSE à la mise à jour du DUER (TJ Lyon, 11 mai 2020, n° 20/00593 ; TJ Lille, 24 avril 2020, n° 20/00395 ; TJ Le Havre, 7 mai 2020, n° 20/00143 ; TJ Lille, 5 mai 2020, n° 20/00399), sans pour autant rendre la consultation du CSE obligatoire (TJ Aix-en-Provence, 30 avril 2020, n° 20/00364 ; TJ Lyon, 22 juin 2020, n° 20/00701).

Législation et réglementation

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 a instauré une exonération de cotisations et contributions sociales lorsque l’employeur participe au développement des activités sportives en entreprise.

Un décret du 28 mai 2021 en a précisé les conditions. Dans une note du 8 juin dernier, l’Urssaf apporte des précisions.

Elle rappelle notamment que l’exonération de cotisations et contributions sociales est possible même lorsque l’entreprise est dotée d’un CSE.

Deux types d’avantages ouvrent droit à cette exonération : la mise à disposition d’équipements à usage collectif et le financement de prestations d’activités physiques et sportives. En pratique, sont donc concernés :

  • la mise à disposition d’une salle de sport appartenant ou louée par l’entreprise ;
  • la mise à disposition de vestiaires et de douches ;
  • la mise à disposition d’un matériel sportif ;
  • le financement de cours collectifs d’activités physiques et sportives ;
  • le financement d’événements ou compétitions de nature sportive.

En revanche, cette exonération ne s’applique ni aux abonnements ni aux inscriptions individuelles à des cours.

Conditions : Les équipements doivent être dédiés à la pratique sportive. Ils doivent être accessibles, sans discrimination, à l’ensemble des salariés de l’entreprise quelles que soient la nature et la durée de leur contrat de travail. Quant aux prestations d’activités physiques, elles doivent être organisées par l’employeur, qui informe l’ensemble des salariés de l’entreprise des conditions d’organisation de ces prestations (présentation des cours proposés, lieux, horaires, modalités d’inscription…).

Plafond d’exonération : La mise à disposition d’équipements dédiés à la pratique sportive est exonérée sans limite de montant.

En revanche, le montant de l’avantage constitué par le financement par l’employeur de prestations d’activités physiques et sportives est, quant à lui, exonéré, dans la limite annuelle de 5% de la valeur mensuelle du plafond de la sécurité sociale multipliée par l’effectif de l’entreprise.

Face à l’épidémie de la Covid-19 et ses conséquences sur l’emploi, l’entrée en vigueur de la réforme de l’Assurance chômage a été repoussée à plusieurs reprises.

Un décret n° 2021-346 du 30 mars 2021 a reporté son entrée en vigueur au 1er juillet prochain (Cf. actu-tendance n°579).

A partir du 1er juillet 2021, le salaire journalier de référence (SJR), qui sert de base de calcul de l’allocation chômage, sera calculé sur un revenu moyen mensuel prenant en compte les jours travaillés et les périodes d’inactivité.

A ce titre, les périodes non rémunérées ou anormalement rémunérées (ex : maladie, maternité, paternité, adoption, activité partielle mi-temps thérapeutique, congé de reclassement…) font l’objet d’une neutralisation dans le calcul du SJR.

Ainsi, il n’est pas tenu compte des rémunérations perçues pendant ces périodes, tandis que les jours calendaires correspondant sont pris en compte.

Cette règle pose un « problème ». Pour y remédier, le décret du 8 juin 2021 apporte un correctif aux nouvelles modalités de calcul du SJR.

Le texte final a évolué par rapport au projet de décret diffusé le 12 mai dernier (actu-tendance n°586).

Au principe de neutralisation de ces périodes, le décret substitue un mécanisme de « reconstitution d’un salaire fictif ».

Ainsi, en cas de périodes de suspension du contrat de travail comprises dans la période de référence, la rémunération prise en compte au titre de cette période pour le calcul du salaire de référence correspond au produit du SJM (salaire journalier moyen) perçu au titre du contrat de travail considéré et du nombre de jours calendaires de cette période.

En cas de périodes ayant donné lieu à un salaire moindre comprises dans la période de référence (notamment mi-temps thérapeutique, congé parental d’éducation, congé de reclassement, congé de proche aidant), les mêmes dispositions sont prévues, sous réserve de transmission préalable des pièces justificatives par l’allocataire.

Note : Dans une ordonnance du 22 juin 2021, le Conseil d’Etat suspend l’application des nouvelles règles de calcul des allocations-chômage qui devaient s’appliquer à compter du 1er juillet 2021.

Le juge des référés considère que « la situation économique est trop incertaine pour une application immédiate de la réforme ».

Les recours au fond des syndicats contre le décret seront jugés par le Conseil d’État d’ici quelques mois.

Le Ministère du Travail devra publier d’ici quelques jours un nouveau décret pour que les demandeurs d’emploi continuent à être indemnisés après le 1er juillet 2021. Il est fort probable que ce décret maintienne les dispositions sur la durée et le montant de l’indemnisation chômage de la convention d’assurance chômage du 14 avril 2017.