Actu-tendance n° 588
Jurisprudence – Relations individuelles
Rappel : Lorsque l’employeur entend prononcer la mutation ou la rétrogradation d’un salarié en application de son règlement intérieur, il doit recueillir l’accord du salarié dont le contrat se trouve modifié ; ces sanctions ne peuvent être imposées par l’employeur (Cass. Soc., 17 juin 2009, n° 07-44.570).
La notification de la proposition de modification de contrat de travail pour motif disciplinaire interrompt le délai de prescription des faits fautifs de 2 mois.
En cas de refus, le délai est de nouveau interrompu et l’employeur peut, dans l’exercice de son pouvoir disciplinaire, prononcer une autre sanction, qui peut être plus légère ou plus lourde pouvant aller jusqu’au licenciement (Cass. Soc., 10 février 2021, n° 19-20.918).
La convocation du salarié à un entretien préalable en vue d’une autre sanction disciplinaire, obligatoire si la sanction envisagée est un licenciement, doit alors de nouveau intervenir dans les 2 mois de ce refus (Cass. soc. 27 mars 2007 n° 05-41.921 ; Cass. Soc., 15 janvier 2013, n° 11-28.109).
Cet arrêt du 27 mai 2021 apporte une nouvelle précision sur le point de départ de ce délai de deux mois, qui court à compter de l’expiration du délai fixé par l’employeur pour répondre à la proposition de modification, et non à la date de réponse expresse du salarié (lorsque celle-ci est postérieure).
Cass. Soc., 27 mai 2021, n° 19-17.587
Dans cette affaire, un salarié s’est vu notifier le 2 mai 2013 une mutation disciplinaire. Son employeur lui avait donné jusqu’au 10 mai suivant pour donner sa position quant à la modification de son contrat de travail, lui précisant que l’absence de réponse dans ce délai vaudrait refus.
Le salarié a exprimé son refus le 18 mai 2013, soit après le délai prévu.
Le salarié a été convoqué le 16 juillet 2013 à un nouvel entretien préalable en vue d’une nouvelle sanction. Le 23 juillet 2013, son employeur lui a notifié une rétrogradation, qu’il a acceptée.
Le salarié a saisi le CPH pour solliciter l’annulation de cette sanction au motif que le délai de 2 mois avait expiré lors de la convocation à l’entretien préalable, de sorte que l’employeur ne pouvait plus prononcer de sanction sur la base des mêmes faits.
Pour sa défense, l’employeur soutenait que le délai de 2 mois avait commencé à courir à compter du refus exprimé par le salarié, peu importe que celui-ci était postérieur au délai qui lui a été imparti pour se prononcer.
La Cour d’appel a cependant fait droit à la demande du salarié en fixant le point de départ du délai de 2 mois au 10 mai 2013 (date laissée au salarié pour rendre sa réponse).
Pour les juges, en l’absence de réponse du salarié, le délai de 2 mois courait à partir de cette date, peu important le refus exprès du salarié postérieur.
Dès lors, la seconde convocation à un entretien préalable, le 16 juillet 2013, était intervenue après l’expiration du délai de prescription.
Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation confirme cette décision en rappelant que « la notification par l’employeur, après l’engagement de la procédure disciplinaire, d’une proposition de modification de contrat de travail soumise au salarié, interrompt le délai de prescription de deux mois prévu par l’article L. 1332-4 du code du travail qui court depuis la convocation à l’entretien préalable. Le refus de cette proposition par le salarié interrompt à nouveau ce délai. Il s’ensuit que la convocation du salarié par l’employeur à un entretien préalable en vue d’une autre sanction disciplinaire doit intervenir dans les deux mois de ce refus ».
Il en résulte que la sanction a été annulée.
Autrement dit, le délai de prescription court à partir de la date fixée par l’employeur au salarié pour accepter ou refuser la sanction prévue modifiant le contrat de travail.
Note : Il est recommandé à l’employeur d’agir rapidement dès qu’il a connaissance des faits fautifs commis par un salarié pour engager la procédure disciplinaire et convoquer le salarié à un entretien préalable si la sanction est lourde (mise à pied disciplinaire ou licenciement) ou notifier la sanction au salarié si elle est mineure.
Jurisprudence – Relations collectives
Rappel : Un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) est obligatoire lorsqu’un projet de licenciement pour motif économique concerne au moins 10 salariés sur une même période de 30 jours (art. L. 1233-61 du Code du travail).
Le PSE peut être établi par un accord collectif majoritaire ou par un document unilatéral (art. L. 1233-24-4 du même code) et est soumis à l’approbation de l’administration (art. L. 1233-57-1 du Code du travail).
Dans ce cadre, la répartition des compétences entre le juge administratif et le juge judiciaire est la suivante :
L’ordre administratif est le juge exclusif du PSE : sa procédure, son contenu, les décisions administratives afférentes (art. L. 1235-7-1 du Code du travail),
L’ordre judiciaire a une compétence résiduelle pour les litiges individuels (motif économique, respect de l’obligation de reclassement, mise en œuvre des critères d’ordre de licenciement…).
Lorsque la décision de validation/homologation est annulée par le juge administratif, cette décision permet-elle à un salarié licencié de saisir le juge judiciaire pour écarter l’application du PSE ?
Cass. Soc., 27 mai 2021, n° 18-26.744
Dans cette affaire, une salariée a été licenciée pour motif économique dans le cadre d’un PSE contenu dans un accord collectif du 20 novembre 2013, validé par la DIRECCTE (devenue la DREETS depuis le 1er avril 2021) le 2 janvier 2014.
Le 22 octobre 2014, la Cour administrative d’appel a annulé cette décision de validation. Le 22 juillet 2015, le Conseil d’Etat a rejeté les pourvois formés contre cet arrêt.
A la suite de ces décisions, une salariée a saisi la juridiction prud’homale pour contester son licenciement en vue d’obtenir notamment le paiement d’une somme à titre de rappel de salaires sur congé de reclassement.
La Cour d’appel a fait droit à sa demande estimant que l’accord collectif prévoyant le PSE avait été annulé par le juge administratif, les dispositions du PSE ne pouvaient plus recevoir application.
L’entreprise s’est pourvue en cassation en faisant valoir :
- D’une part, que la Cour administrative d’appel qui avait annulé la décision de la Direccte de validation de l’accord collectif n’avait pas annulé l’accord collectif en lui-même, ni le PSE qu’il contenait ;
- D’autre part, que l’annulation, par le juge administratif, de la décision de validation de l’accord fixant le PSE en raison du caractère minoritaire n’emportait pas l’annulation de l’accord collectif contenant le PSE, ni du plan lui-même.
Telle n’est pas l’analyse de la Cour de cassation, qui rejette ces arguments et confirme l’arrêt d’appel.
La Haute juridiction rappelle que le contentieux de la procédure d’élaboration du PSE relève du juge administratif et ne peut faire l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d’homologation du PSE.
La Cour ajoute que le juge judiciaire demeure ainsi compétent pour statuer sur les litiges relatifs à l’application des mesures comprises dans un PSE mais « ne peut, dans cet office, méconnaître l’autorité de la chose décidée par l’autorité administrative ayant validé l’accord collectif ou homologué le document élaboré par l’employeur par lequel a été fixé le contenu du PSE, ni l’autorité de la chose jugée par le juge administratif saisi en application de l’article L. 1235-7-1 du code du travail ».
Un salarié peut donc, au soutien de demandes salariales ou indemnitaires formées contre l’employeur, « se prévaloir du défaut de validité de l’accord collectif déterminant le contenu du [PSE], qui résulte des motifs de la décision du juge administratif annulant la décision de validation de cet accord ».
Note : Cet arrêt marque une nouvelle étape dans le développement de la jurisprudence articulant les compétences des juges judiciaire et administratif depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2013 réformant la procédure d’adoption des PSE.
Pour mémoire, en janvier dernier, la Cour de cassation avait jugé que l’annulation par la juridiction administrative d’une décision de validation du PSE n’entraîne pas la nullité de la procédure de licenciement collectif pour motif économique mais donne lieu à la réintégration du salarié ou à défaut, à une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois (Cass. Soc., 13 janvier 2021, n° 19-12.522).
Rappel : Le CSE est consulté sur la situation économique et financière de l’entreprise selon la périodicité fixée dans l’accord (art. L. 2312-17 et L. 2312-19 du Code du travail).
Le CSE peut décider de recourir à un expert-comptable dans le cadre de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise (art. L. 2315-88 du Code du travail). Dans ce cas, en l’absence d’accord, le CSE dispose d’un délai de 2 mois pour rendre son avis. Passé ce délai, il est réputé avoir rendu un avis négatif (art. R. 2312-6 du Code du travail).
Pour rendre son avis, le CSE doit disposer d’informations précises et écrites remises par l’employeur, qui doit également fournir à l’expert les informations nécessaires à l’exercice de sa mission.
Le CSE peut, s’il estime ne pas disposer d’éléments suffisants, saisir le président du Tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, pour qu’il ordonne la communication par l’employeur des éléments manquants. Cette saisine n’a pas pour effet de prolonger le délai dont dispose le CSE pour rendre son avis. Toutefois, en cas de difficultés particulières d’accès aux informations, le juge peut décider la prolongation du délai (art. L. 2312-15 du Code du travail).
Dans ce cadre, le juge ne peut que prolonger le délai laissé au CSE pour rendre son avis. En revanche, si le délai est déjà expiré, il ne peut pas accorder un nouveau délai (Cass. soc., 21 septembre. 2016, nº 15-19.003). Il ne peut pas suspendre la mise en œuvre du projet et la procédure d’information-consultation si le délai est expiré au jour où il rend sa décision, même si le comité a bien saisi le juge à l’intérieur du délai (Cass. soc., 21 septembre 2016, nº 15-13.363). A fortiori, le juge ne peut suspendre la procédure s’il est saisi après l’expiration du délai (Cass. soc., 3 novembre 2016, nº 15-16.082P).
Ces règles s’appliquent-t-elles à l’expert qui saisit le Tribunal judiciaire d’une demande de documents ?
Cass. Soc., 14 avril 2021, n° 19-11.753
Le 9 octobre 2017, un comité d’entreprise (CE) a désigné un expert pour l’assister en vue de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise.
Le CE et l’expert ont saisi le juge des référés, le 27 novembre 2017, afin d’obtenir la communication par l’entreprise de certains documents.
La demande du CE a été jugée irrecevable, mais la Cour d’appel a estimé que la demande de l’expert était recevable, ce dernier disposant, selon la Cour d’appel, « d’un droit propre aux fins d’obtenir la communication des documents manquants lui permettant d’exécuter la mission qui lui a été confiée » (arrêt d’appel).
Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation censure cette décision en rappelant que le CE lorsqu’il se fait assister d’un expert-comptable en vue de la consultation sur la situation économique et financière, est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l’expiration d’un délai de 2 mois.
La Cour en déduit que « ne sont plus recevables les demandes de communication par l’employeur de documents, formées en référé par l’expert pour l’exercice de sa mission, lorsque, à la date où le premier juge statue, le délai imparti au comité d’entreprise pour donner son avis a expiré ».
Il en résulte que la demande du CE et celle de l’expert étaient irrecevables, le délai de consultation du CE pour rendre son avis ayant expiré au jour où le juge statue.
Note : Rendue à l’égard d’un Comité d’entreprise et de son expert, cette solution est selon nous transposable au CSE.
Rappel : Lorsque l’employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l’absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements dans le cadre d’un document unilatéral, après consultation du CSE.
Ces critères prennent notamment en compte :
Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;
L’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise ;
La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;
Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.
L’employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l’ensemble des autres critères (art. L. 1233-5 du Code du travail).
Le Conseil d’Etat a jugé que l’employeur ne peut omettre l’un des critères légaux ou neutraliser l’un d’eux en lui attribuant la même valeur pour tous les salariés, sauf à démontrer être dans l’impossibilité matérielle de pondérer ce critère (CE., 1er février 2017, n° 387886).
Le critère de mobilité géographique ou fonctionnelle peut-il être pris en compte pour apprécier les qualités professionnelles des salariés ?
TA de Cergy Pontoise (référé), 31 mai 2021, n° 2106031
Dans cette affaire, une entreprise a élaboré un projet de réorganisation prévoyant un PSE comportant la suppression de 219 postes.
La Direccte a homologué le document unilatéral contenant le PSE.
Saisi en référé par le CSE et plusieurs salariés, le Tribunal administratif de Cergy Pontoise a suspendu la décision de la Direccte.
Le juge considère notamment qu’il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision quant aux critères d’ordre des licenciements retenus, en particulier en ce que l’appréciation des qualités professionnelles, en l’absence d’évaluation, est prise en compte de manière inadéquate par la mise en place d’un critère de mobilité géographique et de mobilité fonctionnelle.
Le Tribunal administratif a donc décidé de suspendre l’exécution de la décision de la Direccte, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur sa légalité.
Note : La Cour de cassation a déjà jugé que lorsque l’entreprise est dépourvue d’un système d’évaluation des salariés, le critère des qualités professionnelles peut être pondéré par un indicateur lié à la prime d’assiduité, corrigé de façon à ne pas pénaliser les salariés absents (CE., 22 mai 2019, n° 418090).
Toutefois, il ne peut être pris en compte la seule ancienneté des salariés pour apprécier les qualités professionnelles, lorsque d’autres éléments auraient pu être utilisés, tels que les « compétences techniques » (CE., 27 janvier 2020, n° 426230).
Il résulte de cette décision de référé que la mobilité géographique et professionnelle ne devrait, sous réserve de la décision à venir des juges du fond, être retenu comme critère d’ordre.
Législation et réglementation
Le Ministère du Travail a mis à jour le 8 juin 2021 son questions-réponses consacré à l’APLD (l’activité partielle de longue durée).
Les principales nouveautés touchent :
- le taux d’allocation: Le Ministère rappelle que le taux horaire de l’allocation versée à l’employeur est égal pour chaque salarié à 60 % de la rémunération horaire brute, limitée à 60 % de 4,5 fois le taux horaire du SMIC.
Ce taux horaire ne peut être inférieur à 8,11€, au lieu de 7.30€. Ce montant a été modifié par le décret n° 2021-674 du 28 mai 2021. Ce minimum n’est pas applicable pour les salariés en contrat d’apprentissage ou en contrat de professionnalisation.
A ce stade, les entreprises dites protégées et les entreprises dites surprotégées bénéficient toujours d’un taux d’allocation plus favorable (70%), qui est aligné sur celui de l’activité partielle lié à la pandémie de Covid-19.
- La neutralisation du second confinement. La période du confinement d’automne peut être exclue de l’appréciation de la réduction maximale de l’horaire de travail et de la durée du bénéfice du dispositif de l’APLD.
Pour rappel, la période de neutralisation prend fin au 30 juin 2021.
Le Ministère précise que cette neutralisation s’applique de plein droit aux accords validés et aux documents homologués à compter du 16 décembre 2020. Dans ce cas, l’entreprise n’a pas à déposer une demande d’activité partielle liée à la pandémie de Covid-19 pendant la neutralisation : elle reste dans le dispositif d’APLD.
Pour les accords ou documents unilatéraux validés ou homologués avant le 16 décembre 2020, 2 cas de figure se présentent :
- si l’activité principale de l’employeur implique l’accueil du public et que celle-ci est interrompue sur décision administrative dans le cadre de la lutte contre la propagation de l’épidémie, la conclusion d’un avenant à l’accord ou la modification du document unilatéral n’est pas nécessaire. La mesure s’applique de facto ;
- dans les autres cas de figure, un avenant à l’accord de branche, d’entreprise ou d’établissement doit être conclu, et, le cas échéant, le document unilatéral doit être modifié. L’avenant à l’accord ou le document modifié doit être soumis à validation ou homologation.
- L’individualisation de recours à l’APLD. Le Ministère du travail rappelle que la loi du 17 juin 2020 a exclu la possibilité de recourir de manière individualisée à l’APLD. En revanche, il est possible de prévoir, comme pour le dispositif d’activité partielle, que les salariés sont placés en APLD individuellement et alternativement, selon un système de roulement, au sein d’une même unité de travail (unité de production, atelier, services, etc.). La notion d’unité de travail peut être « finement subdivisée », à condition de rester « objectivement identifiable » dans l’organisation interne.
Le décret du 3 juin 2021 a étendu jusqu’au mois d’avril 2021 l’application des dispositifs d’exonération et d’aide au paiement des cotisations et contributions sociales, prévus par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, pour les employeurs relevant des secteurs dont l’activité est particulièrement affectée par la crise.
Il prolonge le décret du 12 avril dernier qui avait déjà prolongé les dispositifs jusqu’au 28 février 2021.